Présidence : M. David Weytsman, troisième vice-président.

Demande d'explications jointe de M. Tristan Roberti

concernant la préparation de la fin de la concession à Villo.

M. Tristan Roberti (Ecolo).- M. Verstraete a parfaitement posé le cadre de nos demandes d’explications. Vous vous souviendrez probablement qu’au début de cette législature, nous avions eu plusieurs échanges concernant la concession Villo. Ils faisaient suite à la réaction de certaines communes, qui s’étaient montrées peu enthousiastes quant au placement de panneaux publicitaires numériques en lieu et place des panneaux classiques.

Aujourd’hui, nous constatons que le système Villo semble en fin de parcours, étant donné que d’autres offres de vélos et de trottinettes en libre-service sont désormais disponibles dans notre Région, ce qui n’était pas le cas en 2011 et 2012, lorsque Villo a été mis en place.

Nous avons également pu constater que le passage au Villo électrique n’avait pas été un grand succès puisque, d’une part, le principe de la batterie amovible n’est pas très confortable pour les usagers, et d’autre part, des difficultés techniques ont rendu le service indisponible pendant un certain temps.

En 2026, la concession viendra à échéance. Cela représente une opportunité pour la Région d’anticiper, de réfléchir à des solutions alternatives et de se montrer proactive. Une simple prolongation de la concession existante ne nous paraît pas souhaitable, puisque le service proposé actuellement ne semble plus répondre réellement à la demande des usagers.

Un autre sujet qui nous tient à cœur est la pression publicitaire. En effet, l'arrivée de Villo a entraîné le placement de plusieurs centaines d'espaces publicitaires, répartis dans notre Région. La fin de la concession offre une opportunité de limiter cette pression publicitaire dans l'espace public.

Qu'est-il prévu en fin de concession ? Comment continuer à assurer une offre de vélos - et éventuellement de trottinettes - en libre-service à un prix accessible, en assurant une répartition géographique qui bénéficie à l'ensemble des quartiers de notre Région ? Ce dernier élément n'est pas toujours garanti par les offres assurées par les exploitants privés.

Fin février, Bruzz a publié un article concernant Villo, faisant référence à une étude récemment lancée par la Région. Le système de vélos en libre-service actuellement exploité par la société JCDecaux prendra fin en 2026. D'après les informations contenues dans cet article, Bruxelles Mobilité aurait lancé une étude auprès du bureau d'études Transport & Mobility Leuven, pour examiner les différentes options de système de vélos en libre-service, en remplacement de Villo.

Cette étude est une bonne chose, puisqu'elle démontre que la Région se montre proactive et analyse les scénarios possibles d'ici à 2026. Quel est son objet précis ? Quelles sont les différentes pistes étudiées ? Quelles sont les étapes de l'étude ? Quand ses conclusions seront-elles remises ? Seront-elles rendues publiques ?

Quand le gouvernement devra-t-il se positionner sur les options qui seront proposées dans l'étude ?

L'étude examine-t-elle également la question de la pression publicitaire liée au système Villo et les possibilités de la diminuer après 2026 ?

M. Emmanuel De Bock (DéFI).- Avec M. De Beukelaer, notamment, nous avons déjà eu l'occasion d'intervenir sur la convention avec Villo. Je me joins aux questions posées par M. Roberti. Un débat public s'impose en effet, sur l'évaluation de ce contrat prolongé dans des circonstances particulières sous les législatives précédentes, notamment pour ce qui concerne les vélos électriques.

La mobilité a changé depuis le début de la concession. Une série d'opérateurs sont apparus sur le territoire, en même temps qu'un autre problème : le dépôt des trottinettes et vélos électriques. Plusieurs députés plaident pour que nous aidions ces fournisseurs plutôt que Villo. J'ai défendu une autre option, à savoir procéder à l'évaluation de la recette financière générée par les panneaux d'affichage que JCDecaux a reçus en concession en échange du service Villo qu'il offre à la Région bruxelloise. Cet argent pourrait être investi de manière intelligente pour mettre un vélo à la disposition de chaque Bruxellois. Il s'agirait de proposer des vélos en libre-service et des vélos aux 200.000 Bruxellois qui le souhaitent, en échange des dizaines d'années de recettes publicitaires offertes à JCDecaux.

Nous avons l'occasion de repenser les choses. Si une étude a été réalisée, organisons-en la présentation au sein de cette assemblée. Certaines pistes sont intéressantes. Par exemple, les communes proposent des primes aux citoyens qui achètent un vélo. Je suis en faveur d'une politique volontariste en la matière : plutôt que d'offrir des primes de 200 ou 300 euros à l'achat d'un vélo, électrique ou non, j'irais jusqu'à proposer le remboursement de 80 ou 90 % du prix d'achat de ce dernier, grâce aux recettes publicitaires du modèle utilisé précédemment.

Il n'y a pas de tabou et il convient de ne pas opter, dans la précipitation, pour un modèle éculé qui n'offre peut-être plus la plus-value qu'il avait il y a une dizaine d'années.

Mme Anne-Charlotte d’Ursel (MR).- La convention avec JCDecaux, qui prend fin en 2026, nous impose de réfléchir au sort à réserver aux vélos Villo, aux stations où ils sont arrimés, ainsi qu'aux clients fidélisés en raisons de l'avantageuse formule tarifaire proposée, notamment grâce au partenariat public-privé d'origine. Aujourd'hui, Villo compterait 22.000 usagers annuels, ce qui représenterait un million de trajets par an. Au début du moins d'octobre 2021, le réseau était composé de 4.059 vélos répartis dans 349 stations.

Une étude a été diligentée auprès de Transport & Mobility Leuven (TML) en vue de développer un système capable de prendre la relève. Je m'inscris dans le cadre des questions posées à ce sujet par mes collègues. Quelles solutions alternatives sont étudiées ? Quel est le calendrier des études et de la prise de décisions du gouvernement sur le sujet ? Quels seraient les critères de tarification et d'électrification ?

Il est important d'anticiper au mieux cette décision pour éviter les erreurs commises avec Villo et mieux préparer une éventuelle nouvelle collaboration avec le secteur privé. En effet, le système a connu de sérieux dysfonctionnements : manque de places dans les stations en raison d'un personnel insuffisant pour déplacer les vélos, vélos trop lourds, roues parfois tordues, bugs de l'application mobile, systèmes de batteries portatives peu aisés à manipuler pour les utilisateurs et service clientèle parfois difficilement joignable.

On ajoutera encore le rappel, en juin 2021, des batteries portatives introduites en 2019, en raison d'un problème technique de sécurité. On peut d'ailleurs parler d'année noire, car, en novembre, la moitié des vélos était indisponible à la suite d'une panne de logiciel. Il est dès lors peu étonnant que l'on ait constaté au fil des années une diminution de 38 % des abonnés Villo et de 46 % des abonnés eVillo, entre octobre 2020 et fin mai 2021.

En 2022, combien Villo comptait-elle de vélos normaux et électriques, de stations et d'abonnements ? La baisse du nombre d'abonnés s'est-elle confirmée ? Quel est le taux de rotations par jour ?

En dehors de la comparaison des solutions proposées, TML réalisera-t-il également une analyse de ce que désirent les Bruxellois en matière de libre-service intégral notamment, grâce aux transferts entre Villo et les autres opérateurs ?

Parmi les critères, comment avez-vous renforcé celui de la qualité de service rendu à l'utilisateur, qui fait cruellement défaut ? Parmi les critères étudiés, avez-vous envisagé ceux du passage au 100 % électrique ou au 100 % libre-service intégral, ou encore à des stations uniquement « one way » ? Avez-vous entamé une négociation avec vos homologues flamand et wallon afin d'aboutir à un accord de coopération permettant d'étendre le réseau à la proche périphérie ?

Des dédommagements ont-ils été obtenus par la Région bruxelloise de la part de JCDecaux en raison des multiples dysfonctionnements qu'a connus le service ?

Mme Elke Van den Brandt, ministre.- Le but du projet est d'encourager l’utilisation du vélo, y compris des vélos partagés. Il est important d’offrir aux Bruxellois et Bruxelloises une large palette de choix pour se déplacer - à pied, à vélo, en transports en commun, en taxi, en voiture individuelle, etc. - et les vélos partagés sont un élément essentiel et incontournable de l’offre de mobilité. Ce service doit, par ailleurs, être de qualité, performant et accessible au plus grand nombre. Nous préparons donc avec sérieux les perspectives à développer à la suite de l’actuelle concession Villo avec JCDecaux.

Se pose également la question du modèle, les vélos partagés étant actuellement financés par la publicité. Le but du projet est, certes, de mettre à disposition des vélos, mais la discussion sur le financement par la publicité est un débat politique intéressant. Mon opinion personnelle est qu'il faut remettre en question la place de la publicité dans l'espace public, surtout quand elle apparaît animée sur des écrans.

Bruxelles Mobilité a lancé une étude pour disposer des outils et informations nécessaires à la préparation de la transition vers le futur service qui sera proposé par la Région à la fin de la concession avec JCDecaux.

L’étude a pour objet de comparer les réseaux de vélos en libre-service mis en place par les autorités dans les autres villes européennes. Elle devra fournir à la Région les informations nécessaires pour préparer la procédure de sélection du prochain opérateur.

Néanmoins, il est demandé aux consultants d’évaluer également l’opportunité d’un système de vélos en libre-service public, par opposition à un recours à des opérateurs privés de micromobilité partagée. En effet, si nous travaillons actuellement avec un opérateur privé, une collaboration avec un opérateur public - la STIB, par exemple - mérite tout autant d'être envisagée. Les consultants ont aussi pour mission d’explorer des pistes visant à promouvoir le vélo comme un quatrième pilier du mode de transport public, dans le but de renforcer l’interopérabilité avec les autres modes de transport que sont le métro, le tram et le bus.

L'étude portera également sur d'éventuelles formules de location de longue durée de vélos publics, telles qu'elles existent à Paris. À Bruxelles, les abonnements actuels prévoient une location par demi-heure.

S'agissant du type de vélo, nous analyserons l’opportunité de proposer des vélos électriques, mais aussi des vélos-cargos ou des vélos longtail.

Quant à la gestion, nous étudierons tant les options en libre-service intégral qu’en stations, ou encore un éventuel système hybride. Différentes options visant l’intégration des vélos partagés dans l'offre existante de transports en commun seront étudiées de manière approfondie. À cet effet, d es représentants de la STIB ont été adjoints au comité d’accompagnement de l’étude.

La question du territoire qui doit être couvert par l’offre de vélos partagés sera analysée, ainsi que celle de l’accessibilité de certains publics cibles.

(poursuivant en français)

L’étude examinera, par ailleurs, les différentes options de financement. La préparation de cette étude nous a montré que les réseaux de vélos partagés financés par la publicité sont devenus plutôt minoritaires, ces dernières années. Les villes font de plus en plus le choix de scinder le débat entre la publicité et les revenus qu'elle génère, et les systèmes financés.

Au niveau du calendrier, je rappelle que la concession de Villo arrivera à échéance en 2026, date à laquelle nous devrons être prêts. D'ici là, nous envisageons de présenter les résultats de l’étude au gouvernement vers la première moitié de 2024. Des concertations intermédiaires avec les différentes parties prenantes sont également prévues. Il faudra ensuite rédiger et publier le cahier des charges, puis sélectionner un candidat. Nous veillerons à ce que le calendrier de l’étude et de la sélection du candidat permette une transition fluide entre la fin de la concession de Villo et le lancement du nouveau service.

Concernant les stations Villo, JCDecaux reste propriétaire des installations. L’article 60 du contrat de concession conclu avec cette société précise qu'à son échéance, JCDecaux arrête immédiatement l’exploitation du système de location de vélos et des dispositifs publicitaires correspondants. La société sera tenue d’enlever les infrastructures installées et de remettre le domaine public dans son état original. Le contrat prévoit le démontage dans les sept mois suivant la fin de la concession.

Vous avez posé de nombreuses questions quant au nombre de véhicules Villo disponibles, électriques ou non. Je n’ai pas les chiffres sous les yeux, mais j’ai déjà eu l’occasion de répondre à des questions écrites à ce sujet. Les informations sont donc disponibles.

M. Tristan Roberti (Ecolo).- Je vous remercie pour vos réponses très complètes. Je suis curieux de prendre connaissance des conclusions et des recommandations de l'étude, au premier semestre 2024. Le débat pourra alors reprendre.

Vous évoquez la piste d'un opérateur public. Cette option paraît intéressante pour les raisons que vous et M. Verstraete avez évoquées, à savoir la complémentarité avec les transports en commun et la possibilité de faire évoluer l'offre dans le temps.

Ensuite, il est vrai que la publicité constitue un débat politique. La concession actuelle en est trop dépendante. Les stations ont parfois même été placées en fonction de l'intérêt qu'avait la publicité pour l'opérateur plutôt qu'en fonction de l'intérêt de la station dans le maillage de la mobilité. Nous sommes convaincus qu'à l'échéance de la concession, ce point pourra être amélioré afin de diminuer la dépendance aux revenus de la publicité.

Par ailleurs, le jour où les stations Villo seront démontées, ces espaces pourraient devenir des zones de dépôt. Il est positif que la Région anticipe la situation. Nous pourrons reprendre ce débat au premier semestre 2024 ; notre commission est en effet très intéressée par le sujet.

M. Emmanuel De Bock (DéFI).- Pour alimenter le débat, je pense que nous devrions objectiver ces fameuses recettes publicitaires pour bien comprendre ce que l'on abandonne ou ce que l'on maintient, et quantifier l'éventuelle valeur ajoutée. En raison de la confidentialité des contrats, nous ne pouvons pas savoir à l'euro près ce que cela représente, mais nous avons tous accès aux concessions actuelles pour Clear Channel ou les autres opérateurs dans la Ville de Bruxelles et les communes. Nous pouvons donc estimer assez finement les recettes qui pourraient financer le nouveau système.

Vous parlez d'un opérateur public, mais la Région bruxelloise n'a pas vocation à louer des espaces publicitaires. Certes, JCDecaux ne louait pas de vélos, avant, mais l'entreprise s'est appuyée sur divers sous-traitants pour offrir ce service. Envisager de prendre la place d'un opérateur privé me semble risqué, car on aboutit toujours à un service plus coûteux. Je demande dès lors une objectivation. Il ne doit pas nécessairement s'agir d'un opérateur public. S'il est privé, il faut définir les conditions attendues du service. Je pense notamment au fait de disposer à chaque arrêt d'une zone de dépôt pour des vélos ou des modes complémentaires aux transports publics. Un opérateur privé peut déjà s'en charger aujourd'hui, c'est une question de politique.

Enfin, j'ai suggéré d'augmenter les primes d'acquisition d'un vélo. Nous pourrions envisager un abonnement gratuit ou semi-gratuit pour tous les Bruxellois. Ce serait un réel atout pour les jeunes d'aujourd'hui de disposer d'un mode d'abonnement qui permette d'aller et venir partout à Bruxelles, à vélo ou en transports publics. Si des centaines de millions d'euros sont générés grâce à ces concessions publicitaires, ce serait une bonne chose de les réinjecter dans un politique de mobilité moderne, y compris pour financer l'acquisition d'un vélo à travers une prime.

Mme Anne-Charlotte d’Ursel (MR).- Vous avez beaucoup parlé de ce qu'il se passera au-delà de 2026, mais je voudrais vous poser quelques questions complémentaires sur la situation actuelle.

Il semble que cette situation et la faible efficacité du service proposé aujourd'hui soient acceptées sans broncher. S'il est vrai que nous sommes pieds et poings liés par la convention, nous devrions tout de même trouver une solution pour améliorer la situation, étant donné qu'elle est encore valable trois ans. La fin en est encore loin.

N'y aurait-il pas moyen de faire pression sur JCDecaux pour améliorer le service dès aujourd'hui ? Le gouvernement a-t-il formulé des demandes précises dans ce sens ? Des dédommagements sont-ils prévus concernant la problématique des eVillo et les engagements qui n'ont pas été respectés par JCDecaux ?

Nous sommes tous demandeurs d'un développement de l'usage du vélo. Cependant, certaines populations sont très éloignées du vélo. Elles ne disposent pas de vélo individuel ni nécessairement d'un emplacement de stationnement pour un vélo. Il faudrait leur offrir un système qui leur permettrait d'utiliser un vélo de temps à autre et qui pourrait être financé par la publicité.

Enfin, quelle sera la participation citoyenne concernant le choix du futur modèle ? Il faudrait connaître les aspirations des Bruxellois par rapport au libre-service intégral et aux vélos électriques. L'avenir de la mobilité partagée doit être le fruit d'une concertation menée avec les Bruxellois, et non le résultat d'une décision prise à leur place.

Mme Elke Van den Brandt, ministre.- Beaucoup de propositions sont sur la table et elles feront l'objet de choix politiques. Nous recueillons tous les éléments pour alimenter notre réflexion.

Le projet de vélo solidaire s'adresse à des publics précarisés pour lesquels le prix d'achat d'un vélo constitue un réel obstacle. Ils bénéficient d'un vélo en prêt sans frais ou d'un leasing social, ainsi que d'une formation à l'entretien, aux petites réparations et à la conduite en milieu urbain. Citons également le projet Fietsbieb, qui a le même objectif.

Nous sommes en négociation avec JCDecaux sur la convention Villo. Nous ne pouvons pas accepter les problèmes liés aux batteries électriques, qui font d'ailleurs l'objet d'une procédure devant les tribunaux. Un problème se pose également s'agissant des permis d'urbanisme accordés pour les panneaux d'affichage. Nous tentons d'améliorer le système. Le contrat contient des critères d'évaluation comme le remplissage des stations, le taux de rotation, etc.

On constate que les critères qui figurent dans le contrat ne sont pas toujours optimaux pour faire face aux défis qui se posent aujourd'hui. Des contrats moins longs et plus flexibles devraient nous permettre de nous adapter à l'évolution de la situation.

Mme Anne-Charlotte d’Ursel (MR).- J'aimerais connaître les améliorations attendues de la part de Villo jusqu'en 2026.

- Les incidents sont clos.