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Question écrite concernant Le nombre croissant de procédures Nixon enclenchées et d’admissions forcées en psychiatrie

de
Bianca Debaets
à
Elke Van den Brandt et Alain Maron, membres du Collège réuni en charge de l'action sociale et de la santé (question n°26)

 
Date de réception: 25/11/2019 Date de publication: 06/01/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 20/12/2019
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
27/11/2019 Recevable p.m.
 
Question    Si une personne représente un danger grave et urgent pour elle-même ou son entourage, la police peut enclencher une « procédure Nixon » en vue d’une admission forcée en psychiatrie. Cette procédure ne peut être enclenchée que si la personne en question souffre de troubles mentaux et après que la police a pris contact avec le magistrat de garde. Il ressort maintenant de chiffres de la zone de police Bruxelles-Capitale - Ixelles que le nombre de procédures Nixon enclenchées va croissant ces dernières années.

Entre 2010 et 2018, le nombre de procédures Nixon enclenchées a plus que doublé. En effet, le nombre total de cas est passé de 329 à 687 au cours de cette période. Les chiffres de 2019 montrent qu’au 30 septembre, Bruxelles-Capitale – Ixelles atteignait déjà le nombre total de procédures Nixon de l’année 2015 (489).

C’est le psychiatre de garde qui détermine si la procédure Nixon débouche effectivement sur une admission forcée en psychiatrie. D’après Bruxelles-Capitale – Ixelles, environ 10 % des procédures Nixon enclenchées iraient en observation, les 90 % restant n’allant pas en observation et n’étant donc pas enfermés en institution psychiatrique. La zone de police confirme également qu’une partie de ces personnes sont responsables d’une grande partie des nuisances sur les boulevards du centre et aux abords de la Bourse, mais que les faits ne sont pas graves au point que le parquet y donne suite.

Comme vous l’avez suggéré vous-même en commission des affaires sociales du jeudi 14 novembre dernier, je dépose également cette question par écrit afin d’obtenir les chiffres précis.

Je voudrais dès lors vous poser les questions suivantes :

- Comment les chiffres afférents à la procédure Nixon évoluent-ils dans les autres zones de police bruxelloises ? Y note-t-on également une tendance à la hausse ? Comment les procédures Nixon enclenchées se répartissent-elles entre les différentes zones de police ? Comment évaluez-vous ces chiffres ?
- Combien des procédures Nixon enclenchées débouchent-elles effectivement sur une admission forcée en psychiatrie ? Combien de temps dure une admission ou observation forcée en moyenne ? Pouvez-vous ventiler ces chiffres par zone de police ? Comment évaluez-vous ces chiffres ?
 
 
Réponse    Les mises en observation sont un sujet sensible qui apparaît régulièrement dans la presse. La liberté et la sécurité font partie des droits humains fondamentaux et l’imposition d’une privation de liberté peut sembler entrer en contradiction avec ces droits fondamentaux.
L’application de la Loi du 26 juin 1990 prévoit toutefois pour le patient souffrant d’une maladie mentale et qui présente un danger pour lui-même ou pour autrui et à défaut d’une solution alternative une protection dont il ou elle aura besoin. Les prestataires médicaux compétents en santé mentale assurent les accompagnements appropriés et prodiguent les traitements adaptés en garantissant au maximum le respect et l’autonomie du patient.

Il nous semble important de rappeler que dans le contexte institutionnel belge, c’est l’autorité fédérale qui fixe le cadre législatif ainsi que le cadre financier et que l’autorité bruxelloise (CCC) est compétente pour les agréments et le contrôle des normes hospitalières. La Justice (au travers du Procureur du Roi et du Juge de Paix) est compétente pour les procédures et les prises de décision individuelles.

Le cadre légal pour les mises en observation à Bruxelles est établi par la Loi fédérale du 26 juin 1990 relative à la protection des personnes des malades mentaux. Cette Loi détermine que la mise en observation contrainte se limite aux malades mentaux lorsque leur situation le requiert et qu’aucune autre alternative ne se présente. Cela signifie qu’un trouble mental doit être établi. La personne constitue une sérieuse menace ou un danger pour elle-même et/ou pour autrui et ne peut être admise sous la contrainte que si aucune autre alternative ne se présente.


Une procédure de mise en observation contrainte peut être lancée soit via le Juge de Paix soit via le Procureur du Roi.
Ce dernier est sollicité lorsqu’une mise en observation urgente est requise. Depuis octobre 2016 le juge de la jeunesse est également compétent en la matière.

Pour rappel, la Région de Bruxelles-Capitale compte 6 zones de police (Loi du 7 décembre 1998).  Chacune de ces zones de police dispose de ses propres règlements de police. Ces procédures ne relèvent pas de la compétence de la Commission communautaire commune. Les Services du Collège réuni n’ont pas de vue sur les procédures d’admission des patients dans les institutions de soins qu’elle agrée.


Le nombre d’hôpitaux bruxellois agréés par la Commission communautaire commune pour admettre des patients mis en observation est limité à quatre établissements hospitaliers : le centre Hospitalier Jean Titeca, le CHU Brugmann, La clinique FOND’ROY et l’Hôpital Erasme. Une collaboration étroite existe également avec l’Hôpital Psychiatrique Sint Alexius à Grimbergen agréé par l’autorité flamande pour les mises en observation.

La Plateforme bruxelloise de concertation en santé mentale dispose d’un groupe de travail spécique dédicacé aux « mises en observation » et où se rassemblent, à fréquence régulière, les représentants de la Police, de la Justice et des institutions psychiatriques pour échanger sur cette problématique.

La procédure NIXON n’existe en tant que tel qu’à Bruxelles. Compte tenu du nombre limité de places réservées pour les mises en observation, il a été décidé par le passé de mettre en place une ligne téléphonique spécifique au CHU Saint Pierre. C’est au départ de cette ligne que les services de police sont orientés pour la procédure d’urgence vers les 4 centres d’expertise bruxellois (CU Saint Luc, Erasme, CHU Brugmann et CHU Saint Pierre). En cas d’expertise positive une mise en observation pourra être confirmée par décision judiciaire.

Il nous semble important de situer les mises en observation dans un cadre plus large, en l’occurrence celui des urgences psychiatriques. Bruxelles ne compte que 4 services d’urgences psychiatriques (CU Saint Luc, l’Hôpital Erasme, le CHU Brugmann et le CHU Saint Pierre) accessible 7 jours sur 7 et 24h sur 24. Nous recensons 11.500 admissions par an aux urgences psychiatriques (CHU Brugmann: 3.500/an – CU Saint Luc : 4.000/an – CHU Saint Pieter : 2.500/an – Erasme : 1.500/an).
Pour l’année 2016, 1.535 expertises ont été faites dans le cadre de la procédure NIXON (CHU Brugmann: 505 – CU Saint Luc : 507 – CHU Saint Pieter : 343 – Erasme : 180).
56% des expertises urgentes conduisent à une mise en observation. Seules 10% des mises en observation sont non-urgentes.
Selon les informations obtenues auprès des hôpitaux bruxellois, les admissions contraintes à Bruxelles se répartissent comme suit : Fond’Roy : 380 Brugmann : 415 CH Jean Titeca : 350 en Erasme : 115 (Chiffres 2015).

Les hôpitaux concernés confirment la croissance du nombre de mises en observation. Sur base des chiffres plus récents obtenus auprès des hôpitaux, les taux d’augmentation des mises en observation sur deux ans (2018-2019) varient de 3% à 9% pour certains établissements. Le nombre de lits hospitaliers dédicacé à ces admissions reste par contre identique voire même en légère diminution. L’un des hôpitaux fait remarquer que le nombre de mises en observation imposé par la Justice a presque doublé sur une période de 3 ans. Ceci est révélateur de la difficulté à trouver des places hospitalières pour les mises en observation.

A noter que les patients admis souffrent de pathologies psychiatriques lourdes et complexes (psychose, schizophrénie, bipolarité, troubles liés à la consommation de drogues). Bien souvent le patient se trouve en situation de fragilité financière, de logement sans réel réseau social.

Il est également important pour ce type de patient de prendre en compte des infrastructures sécurisées nécessaires.

Déjà sous la législature précédente il a été mis en avant que Bruxelles disposait d’un nombre insuffisant de lits pour apporter une réponse à la demande sans cesse croissante de la Justice pour les admissions contraintes. Les autorités fédérales n’ont jamais libéré des moyens complémentaires pour revoir la programmation et l’encadrement des lits psychiatriques à Bruxelles. Les admissions contraintes requièrent plus de moyens financiers de la part de l’autorité fédérale. Les hôpitaux qui admettent actuellement ces patients le font sur base volontaire. Les normes d’encadrement actuelles sont insuffisantes pour garantir un accompagnement qualitatif et sécurisé.
Durant cette législature nous mettrons à nouveau ce point à l’agenda de la Conférence Interministérielle Santé.