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Question écrite concernant la hausse des cas de burnout en milieu hospitalier.

de
Françoise Schepmans
à
Elke Van den Brandt et Alain Maron, membres du Collège réuni en charge de l'action sociale et de la santé (question n°546)

 
Date de réception: 13/12/2021 Date de publication: 22/02/2022
Législature: 19/24 Session: 21/22 Date de réponse: 22/02/2022
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
08/02/2022 Recevable p.m.
 
Question    Après plus de 2 ans de pandémie, le personnel soignant est fatigué. Ils sont nombreux à être à bout de souffle. Déjà avant la crise du covid, la charge de travail était extrêmement élevée mais aujourd’hui la fatigue est plus que présente. Le risque de burn-out a doublé suite à la pandémie. Selon une étude de 2020 de la société des infirmiers de soins intensifs de Belgique, menée par deux chercheurs doctorants, Pierre Smith et Arnaud Bruyneel, : « Il y avait, avant la crise Covid, une prévalence de risque du burn-out qui était aux alentours de 36%. En avril 2020, cette prévalence est passée à 70% ». 

Ce qui résultait de cette étude était plutôt alarmant : parmi les répondants, 20% ont un score élevé de perte d’accomplissement personnel, 33% ont un score élevé de déshumanisation et 46% ont un score élevé d’épuisement professionnel.

Depuis lors, avec les vagues successives de la covid, la situation ne s’est malheureusement pas améliorée. Alors que la pandémie s’inscrit dans la durée, il est impératif que les hôpitaux rendent l’environnement de travail plus attrayant et sûr pour leur personnel infirmier. Ces mesures permettront de diminuer le risque de burn-out et de rendre la profession plus attrayante, avec l’espoir d’attirer de nouvelles recrues.

Dès lors, Monsieur le Ministre, dans le cadre de vos compétences :

  • Avez-vous pris connaissance de cette problématique ? Quel retour avez-vous eu du terrain ?
  • La Cocom a-t-elle entrepris des actions plus concrètes en ce qui concerne le burnout en milieu hospitalier en général ?
  • De nouvelles initiatives ont-elles été mises en place, plus particulièrement depuis la crise du covid, pour accompagner les soignants psychologiquement ? Des mesures existent-elles pour tenter de prévenir au maximum le burn-out en milieu hospitalier ?
 
 
Réponse    J’ai en effet une assez bonne connaissance de ce sujet, mon cabinet ayant justement reçu au mois de mai 2021 les auteurs de l’étude que vous citez pour les interroger sur la compréhension de ce phénomène croissant mais surtout pour voire avec eux, comme scientifiques, ce qu’ils préconisaient. Ils étaient d’ailleurs accompagnés de 2 autres collègues ayant répété l’étude auprès des étudiants infirmiers de dernière année et montrant un problème assez similaire. Ce qui est tout aussi inquiétant car cela veut dire que certains jeunes diplômés infirmiers sont déjà en souffrance psychologique en commençant à peine leur carrière.
Mon cabinet a ensuite reçu une délégation syndicale le mois suivant pour également discuter de cette problématique et entrevoir des solutions.

La difficulté principale avec les propositions qui nous sont faites par les scientifiques et les représentants des travailleurs pour mieux prévenir cette souffrance est qu’elles relèvent d’une part de la législation sur le bien-être au travail et d’autre part sur le financement des normes hospitalières, toutes deux des compétences fédérales.

Heureusement le fédéral a commencé à travailler il y 2 ans sur ce sujet et ces actions, via Fedris, l’Agence fédérale des risques professionnels, commencent à être visibles.

Depuis le 17 janvier 2019, Fedris mène un projet pilote de prévention secondaire du burn-out pour les secteurs hospitalier… et bancaire, une volonté à l’époque de Maggie De Block semble-t-il. Il s’agissait dès le départ d’offrir un accompagnement personnalisé aux professionnels de ces 2 secteurs dépistés comme à risque de burnout par la médecine du travail ou leur hiérarchie. Suivant la crise sanitaire et les répercussions de celle-ci sur le risque d’épuisement professionnel de ces secteurs, Fedris a élargi son champ d'action aux secteurs tels que les activités hospitalières ou de l’hébergement médicalisé, les activités des médecins généralistes/spécialistes, les activités extrahospitalières des praticiens de l'art infirmier, les activités de soins résidentiels pour personnes avec un handicap mental, un problème psychiatrique ou toxicodépendantes, les activités de soins résidentiels pour personnes âgées ou avec un handicap moteur, etc.
Le nombre d’accompagnements personnalisés dans le cadre de la prévention du burn-out piloté par Fedris touchera au moins 2.500 travailleurs avant la fin de l’année.


Par ailleurs, nous avons décidé dès le début de la crise de financer des actions spécifiques à l’égard de ce public cible dans le cadre d’un appel a projet. Depuis Juillet 2020, quatre Services de Santé Mentale agréés COCOF : le SSM ULB, Chapelle aux Champs, le SSM du Service Social Juif et le Centre de Guidance d’Ixelles offrent des consultations sur site hospitalier ou non, individuelles ou collectives (en fonction des besoins) auprès des professionnels de santé. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de décrire ces projets en commission, ils s’inscrivent dans des démarches proactives en allant vers les structures afin de faire tiers entre le travailleurs et son institution et le plus souvent compléter une offre d’aide en interne qui peut avoir ses limites.



Nous avons l’ambition d’ailleurs de mettre en commun l’expertise acquise par ces 4 opérateurs en région bruxelloise, au travers d’un projet unique et mieux visible, afin qu’ils s‘échangent leurs bonnes pratiques mais également de mieux les faire connaître auprès de ce public cible. Plusieurs réunion ont déjà eu lieu avec mon cabinet et les porteurs de projets, l’ambition est donc de renouveler les initiatives mais sous un projet unique et intégré.

Cela s’ajoute donc bien entendu aux nombreuses initiatives individuelles prises par les institutions de soins elles-mêmes afin de répondre à leurs obligation de prévention des risques pour leurs travailleurs. Quasi chaque mois durant cette pandémie je visite un hôpital, et à chaque fois on me parle de ce type d’initiative.

Cependant il faut être réaliste, et agir tant que faire se peut aussi sur les déterminants de cette souffrance. La pression liée aux patients COVID supplémentaires à l’activité habituelle, qui elle-même s’est rajoutée à une pression préexistante liée à la faiblesse historique des normes infirmières dans les institutions doit être réévaluée. Sur ce dernier point le fédéral est également dans une phase d’amélioration, mais il faut 4 ans pour former des infirmiers, c’est au minimum le temps qu’il faudra pour redresser la barre. Je suis donc particulièrement admiratif de la résilience encore quotidienne d’une majorité de ces travailleurs.