Logo Parlement Buxellois

Question écrite concernant le problème d’alcoolisme des seniors au sein des maisons de repos

de
Dominique Dufourny
à
Elke Van den Brandt et Alain Maron, membres du Collège réuni en charge de l'action sociale et de la santé (question n°566)

 
Date de réception: 24/03/2022 Date de publication: 16/05/2022
Législature: 19/24 Session: 21/22 Date de réponse: 06/05/2022
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
04/04/2022 Recevable Bureau élargi de l'Assemblée réunie
 
Question   

Chez les seniors, l’usage de l’alcool excessif peut avoir commencé tôt dans leur parcours de vie mais d’autres y trouvent refuge face à la solitude et l’ennui, au décès d’un proche mais aussi lors de l’arrêt brutal de la vie active.

La méconnaissance des maisons de repos dans les comportements addictifs des seniors, tel que l’alcool, peut entrainer des situations complexes dans le sevrage de ceux-ci. Notamment, car elles ne sont pas spécialisées, ni formées à la gestion des conduites addictives au sein d’une structure qui accueille largement tous les seniors (avec et sans problème d’addiction à l’alcool).

Je souhaiterais aborder avec vous les éléments suivants :

1.- Quelle est la situation à ce propos en Région bruxelloise ?

2.- Existe-t-il des structures, des unités adaptées pour les seniors avec des addictions au sein des maisons de repos ? Dans l’affirmative, quel est le nombre ?

3.- Quelles sont les statistiques et/ou les études relatives à ce problème au sein des maisons de repos ? Quelles en sont les conclusions ?

4.- Est-ce-que des tables rondes relative à cette problématique ont été organisées afin de sensibiliser les maisons de repos ? Dans la négative, quelles en sont les raisons ?

 

 

 
 
Réponse    Merci pour votre question.

Les derniers chiffres sur la situation de dépendance à l'alcool des seniors en Région bruxelloise proviennent des études santé de 2013 et 2018. Combinées, les études montrent une plus grande surconsommation d'alcool (femmes plus de 14 verres, hommes plus de 21 verres par semaine) chez les plus de 65 ans (8,3%) que chez les moins de 65 ans (2,8%). Malheureusement, nous ne disposons pas de chiffres fiables sur la prévalence des problèmes d'alcool en maison de repos (et de soins) en raison du faible nombre de répondants à ces enquêtes.

La règlementation ne prévoit pas la création d'unités adaptées pour les seniors avec des addictions au sein des maisons de repos.


La problématique de la dépendance à l'alcool des seniors en général et dans les maisons de repos (et de soins) en particulier, a fait jusqu'à présent l'objet de peu de recherches.

Selon l'étude de 2020 de l'observatoire socio-épidémiologique alcool-drogues en Wallonie et à Bruxelles (Eurotox) "ALCOOL Bonnes pratiques de prévention et de réduction des risques" le sujet relève du tabou. Pour les professionnels de la santé, aborder les questions d'usage de l'alcool peut être considéré comme une intrusion dans la vie des seniors. Pour l'entourage, les attitudes de déni complique l'identification de problèmes d'alcoolisme.

L'étude dresse néanmoins plusieurs constats :
- Les taux rapportés de dépendance à l'alcool chez les seniors varient de 2 à 10 % dans la population générale, à 20 à 25 % en institution.
- L’âge influe sur la tolérance à l’alcool : les changements métaboliques causés par le vieillissement induisent une moindre résistance aux effets de l’alcool. À quantités égales d’alcool consommées, les seniors présentent un taux d’alcoolémie plus élevé que celui des jeunes. Il existe donc un risque accru d’ivresse pour des consommations moindres.
- L’alcool perturbe les capacités motrices et augmente le risque de chute.
- L’alcool peut avoir une incidence sur l’action ou l’élimination de certains médicaments. Ces derniers peuvent également amplifier les effets de l’alcool. Ainsi, les seniors risquent davantage de subir des conséquences négatives de cette polyconsommation par rapport à d'autres tranches de la population.
- Chez les seniors, les effets de l’alcool peuvent être accentués en raison de la coexistence de troubles cognitifs, tel que la maladie d’Alzheimer.

L'étude Suisse sur "La consommation d'alcool chez les seniors" de 2018 de Savary J.F. et al indique qu'en Suisse :
- 7,5 % des personnes de plus de 65 ans ont une consommation problématique d'alcool.
- Chez 2/3 d'entre eux, cette consommation problématique était déjà présente, chez 1/3 d'entre eux, elle s'est développée après l'âge de la retraite.
- La fréquence de consommation augmente avec l'âge.

Cette étude identifie les facteurs de risques suivants :
- Le passage à le retraite ;
- Le deuil ;
- Les troubles du sommeil ;
- L'isolement social, la solitude et le sentiment d'inutilité ;
- Le genre : l'isolement social et la précarité financière touche d'avantage les femmes âgées et très âgées. Entre 85 ans et 89 ans, 87% des femmes et seulement 42% des hommes vivent seuls. La consommation d'alcool est une forme d'automédication répandue mais peu visible en raison de l'isolement social.

Une étude de 2017 réalisée par la
Vlaams expertisecentrum Alcohol en andere Drugs sur les maisons de repos (et de soins) en Flandre montre que :
- 65% des membres du personnel interrogés dans les maisons de repos (et de soins) signalent une consommation problématique d'alcool chez 10% des résidents.
- L'alcool est une nuisance et le personnel ne sait pas comment accompagner les résidents qui boivent excessivement.
- 3 maisons de repos (et de soins) sur 4 passent des accords sur la consommation d'alcool avec les résidents et 65% des institutions interrogées questionnent les nouveaux résidents sur la consommation d'alcool.
- 38% des maisons de repos (et de soins) informent leurs résidents sur le problème de l'alcool. Ils rencontrent néanmoins plusieurs difficultés pour aborder ces problématiques, comme le manque de temps, la résistance du personnel à aborder ce sujet avec les résidents et la difficulté d'établir un lien avec les résidents.
- 62% des maisons de repos (et de soins) indiquent que le personnel estime ne pas avoir les compétences suffisantes pour s'occuper des résidents qui ont une consommation problématique d'alcool. 40% déclarent également que le personnel n'est pas suffisamment sensibilisé aux risques de la consommation d'alcool chez les seniors. Seuls 4,4% des maisons de repos (et de soins) s'efforcent de soutenir le développement de l'expertise des membres du personnel en matière de consommation d'alcool. (Pour les produits psychopharmaceutiques, ce chiffre est de 34 %)
- Environ la moitié des maisons de repos (et de soins) orientent les résidents vers des organisations spécialisées en cas de consommation problématique d'alcool ou de produits psychopharmaceutiques. Les maisons de repos (et de soins) qui n'orientent pas les résidents vers ces structures adaptées donnent les explications suivantes à ce sujet :
o Il n'y a pas assez de place dans ces organisations spécialisées.
o Il n'y a pas de connaissance suffisante sur l'offre disponible.
o Le problème est géré par des membres du personnel (par exemple, un psychologue).

Des tables rondes relatives à cette problématique n'ont pas encore été organisées par Iriscare. En effet, depuis 2019, les acteurs du secteur ont été fortement mobilisés autour de la crise du Covid-19 et la réforme des normes d'agrément des maisons de repos et maisons de repos et de soins. Iriscare n'a donc pas encore eu le temps d'aborder cette problématique. Néanmoins, un réflexion est en cours concernant le développement des canaux de communication et des contenus à l'intention des professionnels du secteur. Des actions de sensibilisation à destination des professionnels du secteur pourront donc être menées dans le futur.


https://eurotox.org/wp/wp-content/uploads/Eurotox-Livret6-Alcool_2.pdf
https://www.grea.ch/sites/default/files/revue_litterature.alcool_et_seniors_15.02.18_v.def__0.pdf
https://www.vad.be/artikels/detail/gebruik-van-alcohol-en-psychofarmaca-in-woonzorgcentra
https://eurotox.org/wp/wp-content/uploads/Eurotox-Livret6-Alcool_2.pdf
https://www.grea.ch/sites/default/files/revue_litterature.alcool_et_seniors_15.02.18_v.def__0.pdf
https://www.vad.be/artikels/detail/gebruik-van-alcohol-en-psychofarmaca-in-woonzorgcentra