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Question écrite concernant l'étude portant sur la pollution engendrée par les trottinettes électriques partagées.

de
Jonathan de Patoul
à
Alain Maron, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de la Transition climatique, de l'Environnement, de l'Énergie et de la Démocratie participative (question n°184)

 
Date de réception: 11/03/2020 Date de publication: 28/04/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 27/04/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
13/03/2020 Renvoi en séance plénière p.m.
16/03/2020 Recevable p.m.
 
Question    La presse nous apprenait ce mardi 10 mars que « les trottinettes partagées sont plus polluantes que les modes de transport qu’elles remplacent. En cause : leur durée de vie insuffisante. »

J’ai donc parcouru cette étude dont les conclusions, il faut bien le dire, ont un peu mis mes batteries à plat. Les trottinettes électriques partagées à Bruxelles engendrent aujourd’hui des émissions de 131 g de CO
2 équivalent par km, alors que, pour un « cycle de vie » équivalent, les autres modes de transport émettent actuellement (et comparativement) moins de CO2 ; la durée de vie trop courte de ces trottinettes (environ 7 mois et demi) n’entraîne pas de diminution de la pollution, et gagnerait à être allongée à 9 mois et demi au minimum.

Cette étude soulève également des questions importantes :

● Le choix de matériaux de qualité parfois médiocre et le processus de construction pèsent très lourd sur l’environnement et le réchauffement global.
● La construction puis le transport de trottinettes électriques depuis la Chine, cet « atelier du monde » dont les compagnies de free-floating ont fait leur fournisseur, jusqu’à Bruxelles via les Pays-Bas.
● L’amélioration de la qualité des revêtements bruxellois et le respect du matériel roulant par une série d’usagers.

Je souhaite votre interroger sur les points suivants :

- Quelle(s)
première(s) conclusion(s) tirez-vous de cette étude ?
- Votre administration a-t-elle déjà pu
discuter de cette étude avec les représentants des opérateurs actifs dans la Région bruxelloise ?
- Cette étude ne serait-elle pas l’occasion de créer une coopération entre les pouvoirs publics et les opérateurs privés afin de
permettre, à terme, d’offrir à celles et ceux qui le souhaitent de circuler en trottinette de manière durable et responsable ?
- Une
analyse sociologique des comportements de vandalisme à Bruxelles est recommandée par cette étude. Des réflexions sont-elles en cours pour réaliser cette analyse (éventuellement cofinancée par la Région et les opérateurs qui y travaillent) ?
 
 
Réponse    1) Quelle(s) première(s) conclusion(s) tirez-vous de cette étude ?

Les études scientifiques sur l’empreinte écologique des trottinettes partagées sont encore peu nombreuses. Il est donc particulièrement intéressant de pouvoir disposer d’une étude spécifiquement menée en fonction de la situation bruxelloise par l’Université Libre de Bruxelles.

L’étude récemment publiée par l’ULB indique qu’en l’état de leur fabrication, de leur mise à disposition, de leur usage et de leur fin de vie, les trottinettes partagées utilisées en Région de Bruxelles-Capitale ont une empreinte écologique supérieure aux modes de transports qu’elles remplacent, et ne constituent donc pas à ce stade une solution réellement soutenable.

Pour en évaluer la soutenabilité, l’empreinte écologique d’un produit ou d’un service doit être calculée selon la méthode d’analyse de cycle de vie, afin de tenir compte des impacts en amont (tels que l’extraction des matières premières) et en aval (tels que la gestion des déchets en fin de vie, en passant par les impacts causés par la phase d’usage comme la consommation d’énergie).

Cette étude est un exemple frappant parmi d’autres que l’empreinte écologique de la production, du transport et du traitement en fin de vie de nombreux produits et services est souvent plus élevée que l’empreinte liée à leur usage.

De manière générale selon l’étude, trois éléments sont déterminants pour calculer l’empreinte écologique des trottinettes partagées : leur durée de vie, l’énergie et les matériaux utilisés pendant la phase de fabrication (en particulier la batterie, qui est l’élément qui pèse le plus sur l’impact environnemental) et enfin l’énergie et les matériaux utilisés durant la recharge et l’entretien (le type d’électricité qui est utilisée, la manière dont ces trottinettes sont acheminées sur le lieu de rechargement et la façon dont elles sont entretenues).

L’étude bruxelloise rejoint les conclusions d’au moins une autre étude internationale sur l’empreinte écologique des trottinettes partagées, qui soulignent que les principaux impacts de ces trottinettes ne sont pas liés à la consommation d’énergie pour la recharge des batteries durant leur phase d’usage, mais plutôt à leur phase de fabrication et au mode de transport utilisé par les sociétés de location pour récolter et déplacer les trottinettes.

Il se pourrait d’ailleurs aussi que, comme c’est souvent le cas dans les études d’analyse de cycle de vie, l’empreinte écologique de la phase de fin de vie de ces trottinettes soit sous-estimée. Obtenir des informations sur le recyclage et la composition de leur batterie est, aujourd’hui encore, compliqué.

Ces études indiquent également qu’améliorer la qualité de fabrication des trottinettes afin d’augmenter leur durée de vie, qu’utiliser un mode de transport à faible impact pour la collecte et le déplacement des trottinettes, et qu’assurer un recyclage ou un réemploi des composants pourrait diminuer nettement cette empreinte, afin de la rendre compétitive d’un point de vue écologique et donc économique.

A côté de cette étude, rappelons également l’importance de distinguer les trottinettes électriques partagées, qui font l’objet de cette étude, des trottinettes électriques particulières. Dans ce dernier cas, l’empreinte écologique est largement moindre car leur propriétaire peut investir dans un modèle plus durable, mieux l’entretenir, ne pas le vandaliser et n’a pas besoin d’un autre véhicule pour aller la récupérer.

Enfin, rappelons également une dernière évidence, à l’heure où une certaine confusion règne parfois : la marche, la trottinette et le vélo non électriques obtiennent par définition de bien meilleures performances environnementales que la trottinette électrique particulière ou partagée, car ces modes de transport utilisent uniquement l’énergie humaine et que leur fabrication n’implique pas la production polluante de batteries.

Des efforts pourraient donc être entrepris par la Région pour suivre les recommandations des études scientifiques et rendre la trottinette électrique partagée réellement soutenable. La trottinette électrique particulière quant à elle, peut certainement se révéler intéressante au niveau écologique si elle remplace un véhicule individuel plus lourd électrique ou thermique.


2) Votre administration a-t-elle déjà pu discuter de cette étude avec les représentants des opérateurs actifs dans la Région bruxelloise ?

Bruxelles Environnement n’a pas encore pris contact avec les opérateurs de trottinettes partagées en libre-service à ce sujet. Bruxelles Mobilité est par contre en contact régulier avec les chercheurs qui ont rédigé cette étude, afin d’informer sa politique en la matière.


3) Cette étude ne serait-elle pas l’occasion de créer une coopération entre les pouvoirs publics et les opérateurs privés afin de permettre, à terme, d’offrir à celles et ceux qui le souhaitent de circuler en trottinette de manière durable et responsable ?

L’empreinte écologique est un sujet déjà abordé avec les opérateurs. Pour rappel, la réglementation qui s’applique aux opérateurs de cyclopartage en flotte libre leur impose d’informer les pouvoirs publics sur les méthodes de recyclage, de collecte et de déploiement de leurs véhicules, ainsi que sur le chargement des batteries des véhicules, qui doit obligatoirement se faire avec de l’électricité verte.

Dans le cadre de futures révisions de la réglementation, il sera possible de favoriser les méthodes qui permettront de réduire l’empreinte carbone de ce mode de déplacement, en s’inspirant d’études scientifiques de ce type.

De nombreux opérateurs affirment par ailleurs développer de nouveaux modèles de trottinettes beaucoup plus robustes que les précédentes générations. Les nouveaux modèles auraient des durées de vie plus longues (annoncées supérieures à un an), avec un système de batteries amovibles les rendant plus facile à recharger et à réparer. Ils affirment également tendre à électrifier leurs flottes de véhicules nécessaires à la logistique (ce qui sera rendu progressivement obligatoire dans le cadre du renforcement de la LEZ), et collectent et redistribuent de plus en plus leurs batteries à l’aide de vélos cargos. Bien qu’il faille évidemment évaluer les affirmations du secteur à la lumière d’études scientifiques indépendantes, ces évolutions semblent aller dans le bon sens.

Enfin, il est important de se rappeler que ce mode de transport n’est positif pour l’environnement, la santé et le système de transport que s’il s’inscrit dans une politique globale de mobilité. En effet, la question est, comme toujours, de savoir quel est le mode remplacé. Si la trottinette électrique se substitue à la marche, à la trottinette ou au vélo non électrique, le bilan sera négatif. Si elle permet par contre de remplacer un déplacement en voiture électrique ou thermique, en permettant de faire le premier ou le dernier kilomètre vers ou depuis un arrêt de transport public, la mobilité globale de la Région s’en trouvera améliorée.


4) Une analyse sociologique des comportements de vandalisme à Bruxelles est recommandée par cette étude. Des réflexions sont-elles en cours pour réaliser cette analyse (éventuellement cofinancée par la Région et les opérateurs qui y travaillent) ?

Le sujet du vandalisme a été abordé lors de la réunion du groupe de travail mobilité partagée du 17 octobre 2019 qui rassemblait Bruxelles Mobilité, tous les opérateurs de cyclopartage, 16 des 19 communes ainsi qu’un représentant de la police.

Le sujet étant délicat pour les opérateurs, peu de chiffres ont été partagés. Il s’agit clairement d’une problématique importante mais elle semble varier fortement d’un opérateur à l’autre et d’une période de l’année à l’autre.

Des solutions ont été évoquées lors de cette réunion et des canaux de communication plus efficaces ont été proposés entre les différents acteurs présents. Cela étant, aucune analyse sociologique de vandalisme à Bruxelles n’a été menée à l’heure actuelle en ce qui concerne spécifiquement la thématique des trottinettes ou de la mobilité partagée en général.