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Question écrite concernant l'impact environnemental d'une Région roulant exclusivement à l'énergie électrique.

de
Viviane Teitelbaum
à
Alain Maron, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de la Transition climatique, de l'Environnement, de l'Énergie et de la Démocratie participative (question n°190)

 
Date de réception: 23/01/2020 Date de publication: 30/04/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 30/04/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
13/03/2020 Renvoi commission environnement et énergie p.m.
13/03/2020 Recevable Bureau élargi du Parlement
 
Question    Suite à la publication du Plan pour le Climat nous avons pris bonne note de votre intention d’introduire des mesures drastiques dans le secteur du transport qui est responsable en partie du réchauffement climatique mais aussi de la mauvaise qualité de l’air dans notre Région. Le plan est donc la sortie du diesel en 2030, puis de l’essence et du LPG en 2035. La fiscalité automobile sera elle aussi revue en fonction du type de carburant, du poids et de la puissance réelle du véhicule. A l’horizon 2025, une nouvelle immatriculation sur cinq (une sur deux en 2030) sera «zéro émission» et 100% des flottes publiques et captives (taxis, autopartage…)

Dans ce cadre, ne serait-il pas opportun de faire une analyse du coût environnemental des mesures proposées en particulier concernant les véhicules électriques.

Aujourd’hui en Europe et chez nous, avons vu émerger toutes sortes de nouvelles mesures fiscales attractives : déductibilité à 120% puis 100% de l’acquisition de véhicules hybrides et full électriques
 
Pourtant il reste des écueils. Et en fait que sait-on vraiment du moteur électrique?

1. On sait que les batteries – toutes les batteries – ne supportent pas le froid. Quid des conséquences par exemple d’un embouteillage consécutif à un accident sur le ring de Bruxelles en plein hiver ? Par grand froid, les batteries perdent un énorme pourcentage de leur capacité et pour ceux et celles qui ont la chance d’en avoir conservé au moins 50% en fin de journée, le chauffage, le dégivrage, les phares, les essuie-glaces indispensables en ces circonstances auront aussi tôt vidé les réserves préservées. Les véhicules s’immobiliseront rapidement. Inertes, ils pourraient même contrarier l’intervention de services d’aide.

2. On sait aussi que les batteries coûtent très cher tant d’un point de vue financier, que d’un point de vue environnemental et humain. Les batteries nécessitent des composants extrêmement rares et difficiles à extraire. Pour la fabrication des batteries électriques, on utilise le lithium ou le cobalt, dont l’extraction pose question au niveau écologique et de respect des droits humains ( des populations entières, en Afrique par exemple, se tuent littéralement au travail d’extraction dans des mines à ciel ouvert - des trous - pour arracher quelques grammes par jour. Et puis, une fois produites, l’élimination ou le recyclage des batteries n’a pas encore été réellement évoquée.  

3. Ensuite la question de l’approvisionnement pose question. Serait-il raisonnable d’ajouter la consommation de tant de véhicules à la consommation de nos foyers? Et ensuite comment ? Par ailleurs, outre le manque d'infrastructures de recharge (ma collègue A. Czekalski est très active sur la question des bornes je ne vais donc pas détailler cet aspect), la question de la capacité du réseau de répondre à une surcharge de la demande en électricité reste pertinente à poser (des centaines de milliers de Bruxellois.es rechargeront leur véhicule au même moment). Certes Sibelga estime que son réseau est capable d'absorber  la demande mais moyennant un nécessaire changement d'habitudes des conduct-eurs.rices dans leur façon de ré-alimenter leur véhicule en énergie.  Il n'en reste pas moins qu'en l'état, la recharge se fera pour la majorité en soirée... Comment changer les habitudes? Comment répondre à un surplus de demande sur un créneau horaire? Les compteurs intelligents est l'outil qui doit permettre à Sibelga de mieux réguler le réseau en fonction de l'offre et de la demande. Qu'en est-il du déploiement de ces compteurs? Quelles sont les avancées en la matière?

4. Par ailleurs, a-t-on réfléchi au coût environnemental, bien réel, d’une surproduction d’électricité ? En admettant d’ailleurs qu’elle soit envisageable en cette période de mise à l’arrêt de centrales nucléaires devenues obsolètes et potentiellement dangereuses ?
 
Notre groupe est en faveur des nouvelles technologies et accentue d’ailleurs la nécessité de recherche et développement et de l’innovation technologique mais craint également les conséquences de miser sur une seule technologie.

Il faut fixer des normes et les faire respecter plutôt de que condamner certaines technologies qui peuvent évoluer positivement. Plusieurs nouvelles études démontrent d’ailleurs que les nouveaux véhicules Diesel sont actuellement presque aussi propres que des voitures électriques. Ce sont donc bien les normes qui doivent prévaloir.

Au mois d’octobre dernier, l’association de consommateur Test achat a d’ailleurs également mené une enquête et il s’est avéré que certaines voitures Diesel obtiennent un 10/10 en matière d’émissions polluantes, ce qui équivaut au niveau d’une voiture électrique.

Enfin, soyons attentifs au remplacement de véhicules ‘essence’ ou ‘diesel’ en bon état marche pour des véhicules plus ‘propres’ qui débouche sur un commerce qui se développe en parallèle. Nos voitures ‘polluantes’ remplissent aujourd’hui les cargos à destination de l’Afrique. La planète, notre planète, sera-t-elle moins polluée par le fait que ces autos roulent à plusieurs milliers de kilomètres de chez nous ?

Monsieur le Ministre, voici mes questions:

- Votre décision d’instaurer la fin du moteur thermique d’ici 2030 remplacé par l’électrique a-t-elle fait l’objet d’études? Quels étaient les acteurs impliqués? Quand ces concertations ont-elles eu lieu? Quelles sont ces études? Pouvez-vous nous présenter leurs conclusions?

- Avez-vous estimé le nombre de Bruxellois.es qui passeront à la voiture électrique dès l’interdiction de l’essence ou du diesel? Quelles aides seront proposées pour pouvoir soutenir ce coût plus élevé?

- Quel est l’impact environnemental d’une telle augmentation ?

- Quelles mesures sont prises pour préparer la Région à ce changement? Comment allez-vous alimenter la Région pour obtenir suffisamment d’électricité ? Avez-vous d’ores et déjà entamé des négociations pour la fourniture en énergie électrique avec vos homologues au fédéral, dans les entités fédérées ou avec d’autres pays? Pouvez-vous nous donner un agenda de vos travaux? A combien est estimé cet investissement ? Comment la Région va-t-elle le financer et l’alimenter?

- Quels sont les projets de recherches actuellement financés par la Région bruxelloise en matière de carburants?

Encore une fois, Monsieur le Ministre, notre groupe n’est pas opposé au principe de la fin de moteurs thermiques mais considère que les moyens proposés ne sont pas encore suffisants pour pouvoir être imposés de manière crédible aux Bruxellois.es. Et souhaitons donc comprendre comment vous prévoyez ces développements.
 
 
Réponse    1) Pour rappel, la fin de l’utilisation des moteurs thermiques est dans l’air depuis de nombreuses années et a été confirmée par la Déclaration de Politique Régionale du Gouvernement actuel. Fin 2018, une vaste consultation a été organisée, avec environ 150 parties prenants venant de tous horizons : secteur privé (dont le secteur automobile et celui des carburants et de l’énergie), services publics, monde académique, secteur social et de la santé, organisations non gouvernementales, syndicats, etc. Cette consultation, menée entre octobre 2018 et avril 2019, a été double : d’abord une phase écrite sous la forme d’un questionnaire puis une phase de tables rondes thématiques. Je vous invite à lire les conclusions de cette consultation et la liste des organisations qui y ont participé sur le site de Bruxelles Environnement, celles-ci devraient répondre de façon détaillée aux nombreuses questions que vous vous poser. Sur base des remarques soulevées par les parties prenantes, des questions résiduelles ont pu être identifiées et sont actuellement étudiées par Bruxelles Environnement à ma demande. Ainsi, une étude d’impact sur la qualité de l’air et sur le climat, une étude d’impact budgétaire sur les flottes des pouvoirs publics, une étude d’impact sur la santé et une dernière étude d’impact sur l’énergie, l’environnement, les aspects économiques et sociaux et la mobilité ont démarré au début de cette année. Cette dernière étude produira également une roadmap de mise en œuvre de la décision de sortie du thermique, qui informera les discussions du gouvernement. Ces études étant encore en cours, il est malheureusement trop tôt pour pouvoir vous en communiquer les conclusions.


2) Le nombre de Bruxellois qui passeront à la voiture électrique dans les années à venir dépend des hypothèses de transition de la motorisation thermique à la motorisation électrique et fait bien entendu partie de ce qui sera examiné par les études que je viens de citer. Ces hypothèses tiendront compte évidemment des tendances lourdes au niveau macro : augmentation de la population en RBC, planification urbaine favorisant la mixité des fonctions, ainsi que des objectifs de mobilité de la Région : politique de développement du transport public et de renforcement de l’attractivité des modes actifs, objectifs de réduction de la possession et de l’usage de voitures particulières, développement de la micro-mobilité et de la mobilité partagée, etc. Il sera aussi bien entendu tenu compte des évolutions technologiques attendues.

La question des aides qui devront être proposées fait également partie du champ de l’étude d’impact précitée qui n’a pas encore livré ses résultats. Notons tout de même que vous parlez de coût élevé de la transition mais que plusieurs études internationales d’institutions réputées ainsi que de nombreux membres de l’industrie elle-même, remettent en doute cette affirmation. En raison de la baisse du coût des batteries (qui est le facteur principal du surcoût des véhicules électriques) et de l’augmentation du coût de la dépollution des moteurs thermiques (pour satisfaire des seuils d’émissions toujours plus stricts) ainsi que les limites d’émissions moyenne de CO
2 par constructeur, la parité de prix entre la technologie thermique et électrique est attendue entre 2023 et 2025.


3) L’impact environnemental de la transition fait évidemment partie du champ de l’étude précitée et je vous invite donc à patienter encore quelques mois pour en connaître les résultats. En tout état de cause, il ne fait pas de doute que l’électrification du transport ne permettra pas de résoudre tous les problèmes auxquels la mobilité est confrontée dans notre Région : la LEZ n’est après tout qu’un des multiples leviers dont nous disposons pour les résoudre. L’abandon des moteurs thermiques devra donc cadrer dans la politique générale de mobilité de la Région qui vise à promouvoir les modes actifs (marche et vélo), le transport public et partagé et à promouvoir l’usage rationnel de la voiture individuelle qui devra aussi être plus légère et sans émission directe.


4) La question de savoir comment la Région se prépare pour générer suffisamment d’électricité n’est pas de mon ressort : la sécurité d’approvisionnement en électricité est une compétence strictement fédérale. C’est donc bien l’Etat Fédéral et le Ministre Fédéral de l’énergie qui doivent correctement anticiper l’évolution de la demande en électricité pour garantir la sécurité d’approvisionnement. La CREG a analysé en septembre 2017 l’impact de l’arrivée des véhicules électriques sur la sécurité d’approvisionnement. La conclusion étant que l’on pourrait grimper à 2 millions de véhicules électriques dès aujourd’hui, ce qui se traduirait par une hausse de la consommation d’électricité de 4%, sans mettre à mal l’approvisionnement pour autant que ces véhicules se rechargent pendant les heures creuses, au moment où la consommation d’électricité est réduite. Toujours selon la CREG, les voitures électriques pourraient devenir une source d’approvisionnement si leurs batteries sont utilisées comme capacité de stockage puisque leurs batteries permettraient une augmentation des capacités de stockage. La CREG estime que la Belgique atteindrait un seuil critique à partir de 5 millions de véhicules électriques, il y a donc une marge de progression avant d’anticiper des problèmes d’approvisionnement, et de nombreuses solutions pourront être développées d’ici là pour flexibiliser cette utilisation du réseau.


5) Voici quelques projets de recherche en matière de carburant financés par la Région bruxelloise les 4 dernières années :

1

CARBATT

Advanced solutions for the European electric CAR BATTery towards decarbonization of transport (VUB)

2

ASSURED

fAst and Smart charging solutions for full size Urban hEavy Duty applications (VUB)

3

ASSUZB

Automated Shuttle Service for Universitair Ziekenhuis Brussel (VUB, ULB)

4

ELEVATE

Electrified L-category Vehicles in urbAn Transport

5

e-VOLVE

Integrated, brand-independent architecture, components and systems for next generation electrified vehicles optimized for the infrastructure (VUB)

6

Green approaches towards Full Solid-State Batteries for Electric Vehicles

Green approaches towards Full Solid-State Batteries for Electric Vehicles (UCL, ULB, VUB)

7

RESERVE

Renewable Energy StoragE in Robust and Versatile systEms (VUB)

8

Synthèse et évaluation d’électrolytes solides hybrides polymères/inorganiques pour des batteries lithium métal (UCL)

Synthese en evaluatie van polymere/anorganische hybride vaste elektrolyten voor lithiummetaalbatterijen (UCL)

9

Synthèse et évaluation de matériaux cathodiques hybrides inorganiques/organiques pour des batteries Li-ion à (dé)charge ultra-rapide (UCL)

Synthese en evaluatie van anorganische/organische hybride kathodematerialen voor ultrasnel (de)opladen van Li-ionbatterijen (UCL)

10

HECTOR - Hydrogen Waste Collection Vehicles in North West Europe

Déploiement et test de camions poubelles à pile à combustible dans 7 villes (dont Bruxelles)

Inzetten en testen van vuilniswagens met brandstofcellen in 7 steden (waaronder Brussel)

11

Hydropack

Système de stockage d'Hydrogène embarqué pour mobilité à faible impact environnemental (Plastic Omnium)

Waterstofopslagsysteem aan boord voor een mobiliteit met een lage milieu-impact (Plastic Omnium)