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Question écrite concernant l'application d'une tarification linéaire de l'eau et les conséquences en termes d'augmentation du prix.

de
Alexia Bertrand
à
Alain Maron, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de la Transition climatique, de l'Environnement, de l'Énergie et de la Démocratie participative (question n°221)

 
Date de réception: 04/03/2020 Date de publication: 19/05/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 15/05/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
13/03/2020 Recevable Bureau élargi du Parlement
 
Question    Alors que la Fondation Roi Baudouin (FRB) a encore rappelé dans son rapport sur la précarité hydrique que disposer d’une eau de qualité en quantité suffisante est une condition essentielle à la dignité humaine et qu’elle pointe entre autres le fait que la précarité hydrique touche un ménage bruxellois sur quatre, on apprend que Vivaqua a, depuis le 1er janvier 2020, décidé d’appliquer un tarif linéaire pour les ménages disposant d’un compteur collectif.

Ce tarif linéaire concerne près de la moitié des ménages bruxellois et impactera de fait la population la plus fragile habitant dans les immeubles à appartements sans compteurs individuels.

Alors que le système de tarification progressive et solidaire de l’eau ne permet pas de remplir les objectifs fixés initialement et apparaît discriminatoire à plusieurs titres, la décision de Vivaqua d’appliquer un tarif linéaire amplifie ce phénomène. Cette différence de traitement entre Bruxellois est inacceptable.

Diriez-vous, comme nous, qu’une telle politique est inacceptable dans le cadre d’une politique qui veut lutter contre la précarité hydrique ?

Dans l’affirmative, quelles marges de manœuvre avez-vous pour contrer cette décision de Vivaqua ? Qu’avez-vous prévu de mettre en place pour éviter cette dérive ? Une modification de l’ordonnance est-elle à l’ordre du jour ? A-t-elle déjà été discutée avec vos collègues au sein du gouvernement ?

Avez-vous pu dialoguer avec l’entreprise ? Quelles ont été les conclusions des discussions ?

Alors qu’eux-mêmes, lors d’une visite parlementaire récente, nous avaient assuré avoir à cœur la lutte contre la précarité hydrique, ont-ils pu expliquer les raisons d’avoir privilégié un tarif linéaire plus élevé que le tarif progressif moyen ?
 
 
Réponse    Je suis effectivement convaincu qu’une telle politique qui entraîne une augmentation tarifaire sans l’accompagner de mesures sociales adéquates pour protéger les plus précarisés et ainsi lutter contre la précarité hydrique est inacceptable. Je rappelle qu’elle découle directement de l’ordonnance adoptée en mai 2019, sur proposition de ma prédécesseure. Vivaqua en a fait une application légale, mais administrative.

C’est pourquoi l’application de ces nouvelles modalités a été directement suspendue par Vivaqua, après concertation avec moi.

Une modification de l’ordonnance est en effet prévue, entre autres, pour suspendre légalement les nouvelles modalités d’application des tarifs dues à la modification de l’ordonnance du 24 juin 2019. Une note est passée au gouvernement du 26 mars dernier à cet effet, nos collègues du gouvernement sont donc tout à fait au courant de l’évolution du dossier.

Concernant Vivaqua, j’ai demandé à rencontrer la Direction dès le mardi 3 mars. La Direction m’a informé qu’elle proposerait à son Conseil d’Administration qui se réunissait le lendemain, mercredi 4 mars, de suspendre la mise en œuvre, dans la facturation, de la disposition en question et ce, dans l’attente d’un accord global sur l’évolution tarifaire, en ce compris sur les aspects sociaux et notamment le tarif social. La Direction m’a aussi demandé de réviser l’ordonnance, ce que j’ai accepté dans l’intérêt des Bruxellois.

Enfin, le Conseil d’Administration de VIVAQUA a chargé la Direction d’annuler les factures émises, en application de cet article, depuis le 1er janvier 2020 et d’adresser aux abonnés concernés une facture sur base du tarif progressif et, le cas échéant, de rembourser, dans les meilleurs délais, les éventuels montants excédentaires. En date du 27 mars dernier, 90% des rectifications des quelque 10.500 factures concernées avaient été envoyées ; dans les 10% restants il s’agit de factures à traiter manuellement : l’opération est en cours et tout devrait être régularisé avant fin avril.

A propos des explications données par Vivaqua, la disposition en question a pour effet de faire basculer des abonnés du tarif progressif vers le tarif linéaire. Il s’agit d’abonnés habitant dans un immeuble à logements multiples et muni d’un seul compteur collectif.

Cette disposition vise à répondre, par l’application du tarif linéaire, à des situations qui se présentent lorsque dans le même immeuble cohabitent des personnes qui y sont domiciliées et des personnes qui y résident sans y être domiciliées : la législation impose à Vivaqua de ne tenir compte que des personnes domiciliées dans ces immeubles pour établir la consommation moyenne par personne, permettant l’application des tranches du tarif progressif ; cela peut se traduire par des variations sensibles, à la baisse comme à la hausse, de facture d’une année à l’autre en fonction non pas de la consommation d’un ménage, mais bien du simple fait que d’autres occupants de l’immeuble y soient domiciliés ou non (cf. des étudiants-koteurs restant domiciliés chez leur parents en province, des travailleurs étrangers s’installant temporairement en RBC, des professions libérales ou indépendants occupant un appartement à titre professionnel, …).

Par ailleurs, la mutualisation des consommations de l’ensemble des occupants de l’immeuble a pour effet de faire contribuer des ménages faibles consommateurs pour d’autres ménages gros consommateurs (dès lors que c’est la consommation moyenne par personne domiciliée dans l’immeuble qui sert de base à la tarification).

La modification de l’Ordonnance visait donc à corriger les situations de ce type : par l’application du tarif linéaire, les ménages (qu’ils soient domiciliés ou non) résidant dans un immeuble muni d’un compteur unique pour plusieurs logements ne verraient plus leur quote-part de charges d’eau varier en fonction de la nature des autres occupants de l’immeuble (domiciliés ou non ; professionnels ou résidants) et de leurs habitudes de consommation.

Ce basculement d’un tarif à l’autre, au 1er janvier 2020, a dans certains cas amené à une facture globale pour l’immeuble inférieure et dans d’autres cas supérieure à ce qu’elle aurait été sur base du tarif progressif.