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Question écrite concernant le nombre de cas de violences conjugales mortelles dans la Région de Bruxelles-Capitale.

de
Bianca Debaets
à
Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement et de l'Égalité des Chances (question n°279)

 
Date de réception: 05/09/2020 Date de publication: 09/10/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 08/10/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
10/09/2020 Recevable p.m.
 
Question    Les violences conjugales ne constituent pas un problème marginal, mais elles se produisent dans toutes les couches de la population, dans tous les groupes d’âge et dans toutes les cultures. Cette violence est présente dans une relation sur sept. Tant les femmes (1 sur 7) que les hommes (1 sur 10) y ont été confrontés à un moment ou à un autre de leur vie.

Les violences conjugales ont des conséquences extrêmes. L’an dernier, 150 cas de violences conjugales (potentiellement) mortelles, parmi lesquels au moins 20 personnes ont effectivement perdu la vie, ont été signalés dans notre pays. En outre, il existe un groupe beaucoup plus nombreux de victimes qui n’osent pas porter plainte (le fameux « nombre caché »).

C’est pourquoi je voudrais vous poser les questions suivantes :

- Connaissez-vous, par zone de police, le nombre de cas de violences conjugales potentiellement mortelles pour l’année 2019 à Bruxelles ? Disposez-vous déjà des chiffres pour la première partie de 2020 ?

- Combien de personnes sont-elles effectivement décédées des suites de violences conjugales pendant ces périodes ? Combien de « tentatives » y a-t-il eu au total ? Quelle est la ventilation des victimes en fonction de leur sexe ?

- Quel est l’âge moyen des victimes ?

- Combien d’appels les services de police ont-ils enregistrés ?

- Quelle évolution notez-vous dans ces différentes données par rapport aux années précédentes ?

- Disposez-vous d’une comparaison avec d’autres villes belges et internationales ? Dans l’affirmative, quelles différences note-t-on ?

- Quel a été l’effet de la crise du coronavirus et de la période de confinement sur cette problématique en 2020 ?

- Comment les zones de police bruxelloises suivent-elles les couples qui ont eu à cet égard des problèmes antérieurs (pour lesquels une plainte a été déposée à la police) ? L’action préventive de la zone de police Bruxelles-Nord a-t-elle eu un effet sur cette problématique ?

- Quelle politique spécifique menez-vous afin de résoudre ce problème ? Des campagnes de sensibilisation ont-elles été menées ou sont-elles prévues ? Quel est le budget prévu à cet effet ?

- Une initiative législative est-elle prévue afin d’endiguer ce problème ?

- Avec quelles associations ou organisations concernées se concerte-t-on ou collabore-t-on sur cette problématique ? Pouvez-vous dresser une liste de toutes les associations ou organisations concernées, en précisant leur fonctionnement spécifique et le budget dont elles disposent ?

- Quel est le rôle de Bruxelles Prévention et sécurité dans la gestion de cette problématique ?

- Dans quelle mesure se concerte-t-on et collabore-t-on avec le niveau fédéral et la justice dans le cadre de cette problématique ?

- Pouvez-vous faire le point sur le plan d’action bruxellois contre les violences conjugales ?
 
 
Réponse    En ce qui concerne les chiffres relatifs aux violences entre partenaires potentiellement mortelles en 2019 et 2020 (www.stat.policefederale.be ) :

Il n'existe pas de statistiques officielles concernant le nombre de décès suite aux violences entre partenaires. Toutefois, voici quelques chiffres issus des statistiques relatives à la criminalité de la police de la Région de Bruxelles-Capitale. Celles de 2020 n'étant pas encore disponibles, il ressort des statistiques pour 2019 que :

Concernant la violence intrafamiliale au sein du couple en RBC, on recense pour:
- Violences physiques : 2.371 enregistrements ;
- Violences sexuelles : 16 enregistrements ;
- Violences psychiques : 1.159 enregistrements ;
- Violences économiques : 83 enregistrements.

Nous ne disposons pas de données sur le nombre d'appels reçus par la police, ni d'une ventilation par sexe ou de l'âge moyen des victimes.

Sachez en outre que la plate-forme « Stop féminicide »
http://stopfeminicide.blogspot.com/. qui est une initiative privée, répertorie quant à elle, les féminicides commis en Belgique connus par le biais de la presse. En 2019, 24 féminicides ont été répertoriés et 14 sont actuellement recensés pour l’année 2020.


En ce qui concerne la comparaison avec d'autres villes belges et internationales :

Il est actuellement difficile de faire des parallèles. Cependant, dans l'étude sur les violences faites aux femmes en RBC d'equal.brussels, les chercheuses ont mentionné que les villes notent de manière
générale, des chiffres relatifs à la criminalité plus élevés que les villages de campagne (FRA,
2014), cela vaut également pour Bruxelles (
https://equal.brussels/wp-content/uploads/2020/03/FR-Rapport-final.pdf).

Sachez que cette année, la Région de Bruxelles-Capitale cofinancera une étude à grande échelle sur les violences liées au genre au niveau européen. Le cahier des charges de cette grande étude est en cours de rédaction.

A l'issue de cette étude, nous aurons une meilleure vue sur la prévalence des violences au niveau international.


Concernant l'évolution des violences entre partenaires :

Dans les statistiques relatives à la criminalité, on n'observe aucune augmentation ou diminution significative du nombre d'enregistrements de violences entre partenaires au cours des 10 dernières années, sauf en ce qui concerne la violence sexuelle (voir ci-après), qui passe de 6 à 16 enregistrements.

Il va de soi qu'il est difficile d'en tirer des conclusions. En effet :
- davantage d'enregistrements signifient-ils davantage de cas de violences entre partenaires ou simplement davantage de signalements ?
- Ou cela signifie-t-il qu'on rédige davantage de p.-v. ?
- Ou que le tabou qui entoure la violence entre partenaires a diminué ?

Il est donc déconseillé de tirer des conclusions sur l’ampleur de la violence entre partenaires en se basant sur ces chiffres bruts.


En ce qui concerne l'influence du Covid-19 et du confinement sur la violence entre partenaires :

Bruxelles Prévention et Sécurité a réalisé une analyse à ce sujet, qui peut être consultée sur leur site internet
https://bps-bpv.brussels/nl/nieuwe-publicatie-intrafamiliaal-geweld-het-brussels-hoofdstedelijk-gewest-tijdens-de.

En ce qui concerne le nombre de p.-v. et de faits enregistrés, on constate une diminution à partir de la période de confinement, tandis que le nombre d'appels reçus par les lignes d'écoute, telles que le 1712 ou "écoute violences conjugales", a énormément progressé, jusqu'à trois fois par rapport à d'habitude.

Il convient de noter ici que la diminution du nombre de p.-v. ne signifie pas que le nombre de cas de violences entre partenaires a diminué. Les experts indiquent que dans cette situation, les victimes ont encore plus de difficultés à franchir le pas pour demander de l'aide ou pour faire une déclaration à la police.

De même, une multiplication par trois du nombre d'appels reçus par les lignes d'assistance ne signifie pas forcément que le nombre de cas a triplé : la campagne de communication lancée par la Task Force violences entre partenaires pendant la crise du Covid-19, a par exemple certainement joué un rôle dans la prise de conscience et la volonté d'agir des victimes et de leur environnement.


En ce qui concerne la politique des zones de police bruxelloises :
il revient aux instances compétentes de répondre à cette question.


En ce qui concerne la politique en matière de violences entre partenaires :

En juillet dernier, la Région de Bruxelles-Capitale a présenté pour la première fois un plan bruxellois global et transversal de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce plan contient des actions qui dépassent la sensibilisation ou les campagnes de communication : le plan exprime une vision holistique impliquant tous les ministres et secrétaires d'État de ce Gouvernement.


En ce qui concerne la sensibilisation :

Une des 56 actions de ce plan porte effectivement sur la sensibilisation :

18. Sensibilisation du public bruxellois par des campagnes :
- coordonnées entre les différentes institutions ;
- après consultation des associations de terrain ;
- sensibles à la diversité de la violence et des publics cibles ;
- qui s’adressent également aux auteurs ;
- qui portent une attention aux groupes particulièrement vulnérables tels que les migrants, les femmes handicapées,les femmes lesbiennes, les personnes âgées, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes qui se prostituent, les femmes enceintes ;
- qui s’adressent également au jeune public ;
- basées sur des recherches empiriques.


En ce qui concerne les associations ou organisations concernées :

Un des piliers de la politique de l'égalité des chances, est l'implication de la société civile, notamment pour ce qui est des actions de lutte contre les violences faites aux femmes.

Dans le plan, nous impliquons les associations qui travaillent sur le thème :
- D'une part, en demandant leur avis et en les consultant : elles ont dès lors joué un rôle important dans l'élaboration de ces actions ;
- D'autre part, en les impliquant dans la mise en œuvre : pour un grand nombre d'actions, ces associations sont des acteurs concernés.

Par ailleurs, les subventions sont évidemment toujours d'une importance capitale pour soutenir la société civile. Ainsi, en août dernier, un appel à projets spécifique concernant la violence faite aux femmes a été lancé. Il permet aux associations bruxelloises de s'engager à mener des projets en lien avec les priorités du Plan régional de lutte contre les violences faites aux femmes. Les demandes reçues dans le cadre de cet appel à projets sont en phase d'analyse. Ensuite, il s’agira de voir combien de projets pourront être financés et pour quel montant total.


En ce qui concerne Bruxelles Prévention et Sécurité : il revient au ministre compétent de répondre à cette question.


En ce qui concerne la concertation avec le niveau fédéral :

C’est sous ma présidence, en tant que Secrétaire d’État bruxelloise à l’Égalité des chances, que la Conférence Interministérielle droits des femmes s’organise en 2020 autour du thème prioritaire «  la violence faites aux femmes ».

Au programme des 12 ministres membres de la CIM : mener un travail de manière approfondie sur les violences faites aux femmes et instaurer une collaboration structurelle entre les différents niveaux de pouvoir.

L’objectif est de proposer les mesures les plus concrètes possibles et de focaliser les travaux de la CIM sur les thématiques qui nécessitent une coordination importante entre les différentes entités.

Au vu de la densité du travail, les ministres ont convenu de lancer quatre groupes de travail.
Chacun de ces groupes abordera un des quatre axes de la Convention d’Istanbul afin d’appréhender les mesures dans le cadre d’une approche systémique, à savoir :
- L’axe Politiques intégrées/Recherche ;
- L’axe Prévention-sensibilisation ;
- L’axe Protection-soutien ;
- L’axe Poursuites.

Pour l'élaboration du Plan bruxellois de lutte contre les violences faites aux femmes, un groupe de travail "interinstitutionnel" a été mis sur pied, dont fait notamment partie l'Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes. Ainsi, la collaboration a pris forme pendant la préparation du Plan, et les échanges continueront entre l'IEFH et equal.brussels pendant la mise en œuvre de celui-ci ; tout comme au niveau politique via la Conférence interministérielle des Droits des Femmes.

Au niveau national, on travaille actuellement à un nouveau Plan d'action de lutte contre la
violence basée sur le genre. Dans ce cadre, l'IEFH assure la coordination entre les différents niveaux de pouvoir.


En ce qui concerne le plan d'action bruxellois contre les violences entre partenaires :

Le plan d'action ne porte pas sur la violence entre partenaires, mais sur les violences faites aux femmes : il va donc plus loin que la violence entre partenaires. Ce plan a été présenté en juillet dernier lors d'une conférence de presse, et peut être consulté sur le site internet d'equal.brussels.

Les acteurs responsables des différentes actions entament donc maintenant la mise en œuvre de leurs actions et projets, en vue d'une première évaluation en 2022.