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Question écrite concernant les discours de haine en ligne et la violence dans l’espace public.

de
Lotte Stoops
à
Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement et de l'Égalité des Chances (question n°316)

 
Date de réception: 10/09/2020 Date de publication: 18/11/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 16/11/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
28/09/2020 Recevable p.m.
 
Question    Nous avons déjà parlé des discours de haine en ligne dans cette commission. Mais l’actualité attire à nouveau notre attention sur ce sujet.

Cet été, un groupe de discussion sur Telegram et la page Instagram de « Criminal System » ont fait surface. Le groupe de discussion encourageait activement à commettre des actes de violence graves pour des motifs homophobes. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, des appels à la haine voire à la violence contre les cyclistes sont aussi lancés dans des groupes fermés.

Ces discours de haine en ligne ont des conséquences visibles dans la rue. En quelques jours seulement, les médias ont rapporté début septembre plusieurs cas d’agressions physiques et verbales à l’encontre de LGBTQI+, de cyclistes et surtout de femmes. Car pour ceux qui en doutaient encore, la haine en ligne a de vraies conséquences dans la vie réelle.

L’impunité, la sape de l’empathie et l’anonymat qu’on observe qu’on observe sur les canaux numériques se traduisent maintenant par une violence brutale dans l’espace public souvent non moins anonyme de notre métropole. Une violence qui vise souvent les plus vulnérables.

Tout comme la discrimination aux carrefours, il nous faut également accorder une attention particulière à l’agressivité aux carrefours. Un cycliste est vulnérable face à un véhicule lourd motorisé, on est vulnérable seul sur la route, on est vulnérable en tant que femme ou en tant que personne ne correspondant pas à l’image de ceux qui ou de ce qui est censé se trouver à tel endroit. Affligeant. Jadis, c’était une tache sur votre machisme si vous vous attaquiez à un plus faible. À présent, les hommes giflent une femme parce qu’elle prend leur place dans la ville…

Il est indéniable que le sentiment d’impunité, tant en ligne que physique, doit être combattu. En outre, nous devons également réformer sérieusement l’espace public lui-même, en concertation avec les groupes vulnérables pour savoir ce dont ils ont besoin pour s’y sentir en sécurité et à l’aise. L’espace partagé dans la ville booste le contrôle social, la compréhension et le vivre-ensemble.

Le porte-parole de la zone de police de Bruxelles-Capitale – Ixelles indique qu’il y a un très grand nombre inconnu dans les déclarations d’agressions routières. Et selon la Maison Arc-en-Ciel, les déclarations des violences homophobes ou transphobes restent très largement inférieures à la réalité. Beaucoup de gens n’osent pas se rendre à la police, ils craignent que la situation n’empire ou qu’on ne les aidera de toute façon pas.

En outre, on constate que l’aide à autrui n’est pas considérée comme allant de soi. C’est psychologiquement compréhensible, car la peur elle-même, ou le fait d’être témoin, parmi de nombreuses autres personnes, d’une agression ou d’une discrimination, fait que ces personnes développent une sorte de responsabilité de groupe où personne n’agit. On sait pourtant, grâce à la prise en charge des victimes, qu’être et se sentir soutenu lors d’une agression aussi brutale contre votre corps et votre intégrité personnelle favorise le rétablissement.

Je voudrais dès lors vous poser les questions suivantes :

- Selon l’accord de gouvernement, le gouvernement lancera une action de communication et de sensibilisation visant à encourager les victimes de discrimination à porter plainte ou à signaler les cas. Cette campagne de communication aura également pour objectif de déconstruire le discours de haine dans une logique d’éducation permanente. Pouvez-vous déjà en dire plus à ce sujet ? Quand cette campagne commencera-t-elle ? Y voyez-vous une place pour la discrimination et l’agressivité aux carrefours ? Cette campagne vise-t-elle les discours de haine tant physiques que numériques ?

- En outre, l’accord de gouvernement promet que le gouvernement soutiendra le secteur associatif accompagnant les victimes de racisme et de discrimination sur son territoire. Pourriez-vous être plus concret ? De quel type de soutien s’agit-il, et combien d’associations peuvent-elles y prétendre ?

- En outre, selon l’accord de gouvernement, le gouvernement lancera des appels à projets afin de mettre en place et évaluer des mesures, actions et outils innovants permettant de lutter contre les discriminations, ciblés sur certains phénomènes particuliers : notamment le harcèlement en rue et la violence ciblée contre les publics LGBTQI+. Pourriez-vous en dire plus sur le calendrier de ces appels à projets, notamment ceux concernant la lutte contre la violence dans l’espace public à l’encontre de certains groupes ?

- Où voyez-vous la place d’une campagne concernant l’aide aux personnes vulnérables dans l’espace public ? Je vous renvoie à la campagne très médiagénique et actuelle d’Amsterdam KOM OP GRIJP IN (
https://www.amsterdam.nl/kom-op-amsterdam/), qui met l’accent sur la responsabilité collective de notre société.

- Quelles autres initiatives prenez-vous afin de lutter contre les conséquences des discours de haine en ligne et de la violence dans l’espace public à l’encontre certains groupes ?
 
 
Réponse    Outre le fait que depuis le début de la législature, nous avons mis l’accent sur les violences entre partenaires et les violences sexuelles, la lutte contre les crimes et la violence de haine dans l’espace public sont également importants à mes yeux.

Nous menons cette lutte dans différents domaines.

En ce qui concerne la campagne de communication et de sensibilisation mentionnée dans l’Accord du Gouvernement et visant à inciter les victimes de discrimination à déposer plainte ou signaler des cas :

La codification de la législation existante autour de la discrimination est actuellement en cours. Des informations se dégageront et celles-ci permettront d’alimenter de futures campagnes. En effet, cette simplification de la législation permettra d’avoir une meilleure vue sur les dépôts de plaintes et de se faire une meilleure idée des protections mobilisées.

Une campagne autour des violences envers les femmes, dont l’objectif est de promouvoir les lignes d’écoute, va être lancée. Cet aspect sera également mis en exergue lors de futures campagnes thématiques autour du racisme et de la discrimination envers des personnes LGBTQI+.

En ce qui concerne l’aide que le Gouvernement proposera aux associations qui accompagnent les victimes de racisme et de discrimination sur son territoire:

Deux appels à projets spécifiques ont été lancés durant ces derniers mois Le premier s’inscrit autour de l’impact de la crise COVID19 sur l’égalité entre femmes et hommes, et le second tourne autour du plan régional contre les violences envers les femmes. L’aide aux associations qui accompagnent les victimes est compris dans cet appel, en particulier à travers cette mesure qui a été mise en avant dans l’appel à projets, à savoir:

(41): Victimes de violence sexiste et sexuelle
prodiguer une information claire, accessible et ciblée aux victimes concernant leurs droits et les possibilité et manières pour les signalements et les plaintes.

Au total, equal.brussels a reçu plus de 40 demandes pour cet appel à projets, qui sont actuellement en cours d’analyse et de traitement.

En ce qui concerne l’appel à projets pour la lutte contre la violence dans l’espace public fin 2019, equal.brussels a déjà lancé un appel à projets autour de l’appropriation de l’espace public, avec comme objectif de ‘contribuer au questionnement de l’usage, l’appropriation et l’aménagement de l’espace public ou la formulation de possibles solutions pour les rendre plus inclusives sur le plan de la diversité (féminisation, genre, handicap, culturel, etc.).’

Cet appel a permis d’aider une vingtaine de projets qui avaient, de manière multiple, un impact sur l’appropriation de l’espace public, avec par exemple:
- le projet ‘equal street names’, autour de la représentativité des noms de rues bruxelloises ;
- le projet ‘Bike the City’, autour de la promotion des femmes à vélo ;
- le projet ‘J 500’ : un échange international autour de la sécurité liée au genre dans un contexte urbain.

En ce qui concerne les campagnes portant sur l’assistance des personnes vulnérables dans l’espace public comme la campagne à Amsterdam intitulée ‘Kom op Grijp In’ : une telle campagne n’est pas encore prévue pour le moment.

En ce qui concerne d’autres initiatives autour du discours de haine en ligne et dans l’espace public:
- le discours de haine en ligne peut être signalé via un dispositif de signalement pour les violences homophobe et transphobe. C’est un projet qu’ equal.brussels a mis sur pied en collaboration avec Rainbowhouse et Bruxelles Prévention et Sécurité ;
- equal.brussels travaille actuellement sur l’évaluation du précédent plan OSIG (Orientation sexuelle et Identité de Genre), et sur la phase préparatoire d’un nouveau plan LGBTQI+ 2021-2024. La cyber-haine fera certainement partie de ce nouveau plan stratégique ;
- dans le plan régional contre les violences faites aux femmes, celles qui se déroulent dans l’espace public  sont évoquées de la manière suivante:
a) en luttant contre l’intimidation sexuelle dans les transports en commun (acteurs : STIB et Bruxelles Mobilité);
b) par l’organisation d’un module de formation "intimidation sexuelle dans l'espace public" pour les acteurs de prévention et de sécurité ;
c) en y accordant de l’attention dans le guide Security By Design ;
d) via les différentes mesures visant à prévenir l’intimidation sexuelle et les sentiments d’insécurité, via les plans urbanistiques, de rénovation urbaine et les contrats de quartiers.
- le thème « discours de haine en ligne » est également repris dans le plan régional contre les violences envers les femmes, via la mise en place d’un module de formation autour du cybersexisme pour les services de police.