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Question écrite concernant les étages vides au-dessus des commerces.

de
Bertin Mampaka Mankamba
à
Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement et de l'Égalité des Chances (question n°328)

 
Date de réception: 22/06/2020 Date de publication: 16/12/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 20/10/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
01/10/2020 Recevable p.m.
20/10/2020 Annexe à la réponse p.m. Annexe
 
Question    L’abandon ou l’inoccupation des étages des surfaces commerciales ne date pas d’hier et n’est d’ailleurs pas propre à Bruxelles, puisque cela fait plus de quarante ans que de nombreux centres urbains en Europe sont touchés par la même problématique. En 2015, le journal « The Guardian » qui avait patiemment collecté les données relatives à la vacance commerciale et résidentielle de chacun des Etats membres titrait “scandale européen : 11 millions de logements vides “. Bien que ces logements ne soient, évidemment, pas tous habitables en l’état, leur nombre était certainement suffisant pour accueillir les 4,1 millions de sans-logis recensés au sein de l’Union européenne, la même année.

L’enjeu est double, créer de nouveaux logements abordables sur un marché où l’offre est sous pression et revitaliser les noyaux commerciaux.

Diverses initiatives ont été impulsées en la matière pour lutter contre ce type de vacance.

D’une part, des outils financiers ont été mis à dispositions des acteurs concernés à savoir, les communes, les CPAS, les propriétaires et les locataires pour occuper les étages vacants.

D’autre part, il existe une série de dispositions légales permettant aux communes et à la Région, de contraindre les propriétaires à intervenir pour réhabiliter ces étages.

Concernant les outils financiers, ceux-ci visent principalement à lever les contraintes premières de ce type de vacance : l’absence d’accès séparé, la morphologie du bâti, etc.

Votre prédécesseur, Céline Fremault, avait initié une nouvelle étude-action en 2016 pour identifier les immeubles les plus facilement reconvertibles. Cette étude a mené à la rédaction d’une trentaine de fiches décrivant des situations variées (localisation du bien, opérations à prévoir, difficultés techniques et juridiques, le nombre de logements produits, etc.). Une sorte de guide à l’attention des porteurs de projets concernés par un appel à projets de « réhabilitation des étages » ouvert à tout acteur public ou privé s’associant à une AIS pour la mise en location des étages, d’une durée minimum de 9 ans. La prime permettait donc de couvrir des frais de consultance pour la réalisation du projet et des frais d’aménagement.

Cet appel à projets répondait notamment au besoin de créer ou recréer un accès indépendant du commerce pour permettre aux éventuels locataires d’accéder aux étages, sans devoir passer par le magasin situé au rez-de-chaussée. Ce manque d’accès, constituant une des principales contraintes pour réhabiliter lesdits étages. En 2014, Bruxelles Logement annonçait que près des deux tiers des immeubles ne disposaient pas d’accès séparé pour les étages situés au-dessus de surface à vocation commerciale. Six solutions techniques sont envisagées et recensées par Bruxelles Logement, mais ne semblent pourtant pas suffire à inciter les acteurs à agir en la matière.

Mes questions sont donc les suivantes :

- A ce jour, combien d’étages vides situés au-dessus d’un commerce occupé sont recensés à Bruxelles ? Parmi ces étages vides combien d’entre eux sont inoccupés et combien d’entre eux sont abandonnés ?

- Quelle est la tendance d’évolution du nombre d’étages vides sur ces 10 dernières années ? Les dernières politiques menées ont-elles pu contribuer à faire diminuer ce chiffre. Dans l’affirmative, qu’avez-vous prévu pour soutenir cette tendance ? Dans la négative, comment appréhendez-vous cette problématique et quelles actions sont menées par le Gouvernement pour réhabiliter ces étages vides ?

- Est-ce que les communes qui sont tenues de transmettre à la Région un inventaire annuel des logements vides recensés sur leur territoire, y compris les commerces, se conforment elles à leurs obligations ? Dans la négative, quelles communes font-elles défaut ? Quelle est la répartition sur les différentes communes, des étages vides recensés au-dessus d’un commerce ?

- La Ville de Bruxelles a développé une compétence fine en matière de suivi et d’identification des étages vides et logements vides en général. Premièrement, par un recensement dynamique subventionné dans le cadre des appels à projets « observatoires communaux » qui étaient destinés à aider les communes à assumer les frais d’identification des logements abandonnés ou inoccupés. Deuxièmement, par le développement d’une application permettant aux différents services concernés (urbanisme, population, finance et juridique) de partager l’information et d’assurer un meilleur suivi. A ce titre, l’appel à projet « observatoire communaux », sera-t-il renouvelé ? Dans l’affirmative, dans quels délais ? Dans la négative est-ce qu’une aide structurelle et pérenne sera octroyée au bénéfice de la Région ou des communes pour améliorer le recensement tant au niveau quantitatif (nombre) que qualitatif (cause, solutions etc.) ?

- On observe qu’actuellement chaque commune fonctionne différemment en matière d’identification et de suivi/sanction des propriétaires qui maintiennent illégalement leurs logements inoccupés. Certaines communes, mène une action d’identification très dynamique, mais laisse le soin à la cellule régionale de sanctionner les propriétaires, tandis que d’autres, telle la VDB font également un suivi au niveau des sanctions. Est-ce qu’il est prévu d’uniformiser les pratiques en la matière pour renforcer une tutelle de la Région sur la sanction systématique et soulager les communes, surtout les petites, qui n’ont pas les moyens financiers pour embaucher du personnel en suffisance pour faire ce suivi ? Aussi, cela permettrait d’avoir un meilleur monitoring de la situation de tous les logements vacants et des procédures de prise en gestion ou en cessation qui aboutissent.

- Est-ce qu’il est déjà prévu que l’appel à projets de réhabilitation des étages porté par votre prédécesseur soit renouvelé ? Si oui, dans quels délais ?

- Au niveau communal, certaines communes ont créé des « primes à la création d’accès séparés », telle que la Ville de Bruxelles. Pouvez-vous m’indiquer à ce jour quelles sont les communes qui prévoient ce type de prime ? Qu’est-ce que le Gouvernement a entrepris comme actions afin d’inciter toutes les communes de la Région à lancer un appel à projets ou un outil similaire pour favoriser la réhabilitation des étages vides ?

- Est-ce que pour les étages vides qui ne sont pas affectés au logement, un bail d’occupation temporaire spécifique ne peut-il pas être promu par la Région, à destination de collectifs d’artistes ou diverses associations qui auraient besoin d’espaces inoccupés sur un temps défini ?

- Enfin, certaines villes en Flandres, telles Malines, Louvain, Saint-Nicolas, Tierlemont, Bruges ou Hal proposent des primes pour habiter au-dessus des magasins. Est-ce que vous avez pris connaissance de ce type de prime ? Savez-vous si elles sont fortement sollicitées ? Dans quel cas, est-ce que le Gouvernement va s’inspirer de ce mécanisme pour renforcer l’attractivité de ce type de logements dans des quartiers souvent désertés en début de soirée, susceptibles de se transformer en coupe-gorges ?
 
 
Réponse    Concernant le recensement des étages vides, à la demande du Ministre Doulkeridis, un travail d’identification précis avait été mené dans les noyaux commerciaux bruxellois et a révélé un potentiel de 208.000 m² à 306.000m² de surfaces récupérables correspondant à un nombre de 3.400 à 5.200 logements à réaffecter.

Des repérages, quartier par quartier, effectués par le Centre d’études et de recherches urbaines (ERU) ont mené à l’identification de certaines grandes enseignes présentes dans plusieurs noyaux. Ce constat a permis d’affiner les résultats :
- 493 immeubles ont été relevés au total ;
- 130 immeubles ont été estimés « intéressants » ;
- 12 chaînes commerciales, exploitant de 2 à 5 immeubles classés « sous-habités » en Région bruxelloise, ont été identifiées. Ils sont situés dans les quartiers suivants : Alsemberg, Louise, Tongres, Porte de Namur, Pentagone.

À l’époque l’ERU a également été chargé de prendre contact avec les propriétaires de ces étages inoccupés afin de les inciter à participer à un appel à projet. Les propriétaires volontaires se voyaient octroyer une aide à la rénovation de ces logements, en contrepartie ceux-ci s’engageaient à confier la gestion de ces logements à une AIS.

En 2017, seuls 8 projets ont été approuvés, ils visaient à remettre sur le marché 24 logements pour un peu plus de 658.000€ de subside.

À l’heure actuelle, 6 logements ont été remis sur le marché via cet appel à projet.

Le faible nombre de projets déposés s’explique notamment par le fait que les propriétaires trouvaient trop “contraignant” de devoir confier la gestion aux AIS de logements rénovés grâce à un subside public.

Or le montant conséquent de cette aide à savoir :
- 300€ par m
2 habitable ;
- et un supplément de 25.000€ pour la seule création d’un accès indépendant aux logements,

justifiait une forme de participation à l’intérêt général en contrepartie des deniers publics investis dans ces biens privés.

Cet appel à projet a demandé une charge de travail importante pour un résultat limité.

Concernant son potentiel renouvellement, une réflexion est en cours au sein de mon équipe guidée par la volonté de ne pas multiplier et fractionner l’action publique en matière de logements inoccupés.

D’autres dispositifs - comme l’axe 1 Politique de la ville qui offre un subside régional de 85% pour l’acquisition par les communes de biens inoccupés ou insalubres - rejoint davantage l’objectif de confier aux communes la remise sur le marché des logements inoccupés, qu’ils soient ou pas au-dessus d’un commerce.

Concernant les primes développées par certaines communes en région flamande, nous en avons effectivement connaissance.

Cette aide financière de près de 5.000 euros vise à créer un accès indépendant aux logements au-dessus du commerce. Malheureusement cette aide est attribuée sans contrepartie en matière de loyer appliqué. Dans un contexte de crise non seulement du logement mais également des loyers en région bruxelloise, nous pensons qu’il est nécessaire de conditionner ce type d’aide à l’application d’un loyer raisonnable par le bailleur.

Concernant l’évolution ces 10 dernières années du nombre de logements inoccupés aux étages des commerces, aucune nouvelle étude n’a été menée sur le sujet lors du mandat précédent.

Cependant sachez que, dès ma prise de fonction, j‘ai chargé Bruxelles Logement de mettre en place un screening global de tous les logements inoccupés sur le territoire régional. Un marché public a donc été lancé et attribué cet été à une équipe universitaire pluridisciplinaire de l’ULB-VUB.

Comme il a été déjà expliqué en commission, il est assez évident que la lutte contre les logements inoccupés pâtit de l’absence de méthode d’identification claire, efficace et uniformisée et ce depuis de nombreuses années. Les communes sont actuellement chargées de cette identification, cependant force est de constater que si certaines communes ont développé une certaine expertise, d’autres en sont encore à l'expérimentation.

Pour éclairer ce propos, l’annexe 1 reprend 2 listes: celle des inventaires envoyés par les communes à la Région et celle des communes ayant répondu à l’appel à projet “Observatoire communaux des inoccupés” lancé par ma prédécesseure.

Vous constaterez par vous-même que les inventaires sont loin d’être systématiquement transmis par les communes, et lorsque c’est le cas, ces inventaires ne sont pas exhaustifs malheureusement.

C’est pour corriger ce dysfonctionnement qu’il a été décidé de commander la mission d’identification régionale systématique des logements inoccupés, quels qu’ils soient. Sur base des résultats de cette étude menée par l’ULB et la VUB, attendus l’été prochain, elle mènera diverses actions en collaboration avec les communes afin que ces logements soient remis sur le marché.

En attendant les résultats de cette étude, l’appel à projet “observatoire communaux” est renouvelé. Cependant l’appel de 2020, qui sera envoyé comme d’habitude avant la fin de l’année, informera de l’évolution de celui-ci à compter de 2021.

En effet, vu que l’identification des logements inoccupés se fera au niveau régional, les communes pourront se consacrer entièrement à la remise sur le marché des logements inoccupés.

À cette fin, je souhaite que la Région bruxelloise soutienne cette mission dans le cadre des contrats logements qui seront mis en place entre la Région et les Communes. Je vais proposer au gouvernement qu’un ETP subsidié dans chaque commune se charge de la prise de contact avec les propriétaires des biens inoccupés afin de remettre ces biens sur le marchés grâces aux outils existants ou à créer.