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Question écrite concernant les formations données par Bruxelles Formation au sein des prisons bruxelloises

de
Aurélie Czekalski
à
Bernard Clerfayt, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de l'Emploi et de la Formation professionnelle, de la Transition numérique, des Pouvoirs locaux et du Bien-Être animal (question n°842)

 
Date de réception: 10/11/2021 Date de publication: 27/12/2021
Législature: 19/24 Session: 21/22 Date de réponse: 10/12/2021
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
18/11/2021 Recevable p.m.
 
Question   

On le sait relancer Bruxelles après la pandémie de COVID-19, cela ne sera possible qu’avec une politique de développement économique, de formation et l’emploi.  Il faut mettre un focus sur l’enseignement et la formation des jeunes demandeurs d’emploi, en les orientant vers les métiers en pénurie. Plus que jamais, nous devons nous focaliser sur l’emploi, le développement de l’esprit d’entreprise. Bruxelles ne peut pas rater le train de l’économie collaborative, de la digitalisation et des smart cities. Mais cela passe aussi par la formation dans les prisons bruxelloises.

La situation du marché de l’emploi à Bruxelles est paradoxale. Premier bassin d’emploi du pays, Bruxelles draine naturellement un grand nombre d’entreprises, essentiellement issues du secteur tertiaire, qui participent à la vitalité économique de la Région. Elle est pourtant aussi le bassin d’emploi au sein duquel le chômage est le plus élevé. Au-delà des problèmes de mobilité qui pèsent gravement sur son attractivité économique actuelle et à venir, Bruxelles pêche également par un manque drastique de main d’œuvre locale formée et compétente.

En 2018, un rapport du Groupe « du Vendredi », think tank indépendant, établissait qu’un détenu sur quatre récidive dans les deux ans qui suivent sa sortie. La même année, la CAAP (concertation des associations actives en prison) estimait que « 75% de la population était peu instruite ou qualifiée ». Ces chiffres inquiétants laissaient peu de doute quant aux chances de réinsertion de la majorité des détenus.

Il est important de veiller a? ce que chaque détenu suive une formation ou exerce un travail en prison. Il importe également de fournir une offre suffisante de formation et de travail pour que chaque journée passée en prison permette au détenu de préparer sa réinsertion.

Monsieur le Ministre, permettez-moi de vous poser les questions suivantes :

  • Quelles formations sont offertes par Bruxelles Formation dans les prisons bruxelloises ?

    • Les formations proposées par Bruxelles Formation orientent-elles les détenus vers les métiers en pénurie ?

    • Une formation pour apprendre à lire, écrire, calculer (compétences de base) est-elle donnée ?

    • Des formations linguistiques sont-elles dispensées ?

    • Quel est le bilan de ces formations ?

    • Combien de prisonniers les suivent ?

    • Quel suivi est fait par rapport à ces formations ?

    • Une collaboration est-elle effective entre Bruxelles formation et la CAPP dans l’objectif de proposer des formations aux détenus bruxellois ?

    • Les mesures sanitaires actuelles réduisent-elles le nombre de formations proposées aux détenus ?

    • Tous les détenus peuvent-ils bénéficier des formations proposées par Bruxelles formation ? Quels sont les critères de sélection ? Les détenus peuvent-ils suivre autant de formations qu’ils le souhaitent ?

    • La situation de surpopulation carcérale à Bruxelles crée-t-elle des inégalités dans l'accès à la formation pour les détenus ?

  • Combien de prisonniers trouvent un emploi en sortant de prison grâce à ces formations ?

    • Combien de temps, en moyenne, les anciens prisonniers gardent-ils cet emploi ?

    • Quel est le suivi effectué par Bruxelles formation une fois que le détenu est engagé suite à ces formations ?

 
 
Réponse   

Les centres de formation de Bruxelles Formation n’interviennent pas directement intra-muros dans les prisons bruxelloises. Des formations dans les prisons sont néanmoins organisées en partenariat avec plusieurs organismes conventionnés (Organismes d’Insertion Socio-Professionnels et établissements d’enseignement de Promotion Sociale, notamment). Le partenariat avec l’asbl ADEPPI permet ainsi d’offrir aux détenus des formations en alphabétisation, en français langue étrangère, en français débutant, en néerlandais et en anglais ainsi que des formations de base en informatique et en « management gestion pratique de l’entreprise ». Une collaboration avec l’Enseignement de Promotion Sociale permet quant à elle de proposer aux détenus certains modules des formations « Aide polyvalent en cuisine de collectivité » et « Connaissance en gestion de base » à la prison de Forest ainsi qu’un module de « coiffure » à la prison de Berkendael, auquel contribue également l’asbl SLAJ-V BXL (Service Laïque d’Aide aux Justiciables et aux Victimes). Notons que le métier de « cuisinier » figure sur la liste des métiers en pénurie.

 

A ce titre, Bruxelles Formation travaille actuellement en étroite collaboration avec l’Enseignement de Promotion Sociale afin de développer l’offre de formations en lien avec les métiers en pénurie, dans le cadre de l’élaboration du nouveau Plan Prison bruxellois (voir ci-dessous). Grâce aux possibilités offertes par ses infrastructures, la nouvelle prison de Haren a d’ores et déjà été identifiée comme un levier important permettant de proposer aux personnes détenues davantage de formations qualifiantes débouchant sur une certification, notamment dans les domaines liés aux métiers en pénurie.

 

De son côté, BF espaces numériques, centre de formation dédié à la formation en ligne, a lancé en 2019 un projet-pilote d’e-learning intitulé « Cell-Learning » avec des partenaires tels que la Direction de l’enseignement à distance de la Fédération Wallonie-Bruxelles (EAD), la Direction régionale Sud des établissements pénitentiaires (DG EPI) et les asbl ADEPPI et APRÈS. L’objectif principal de ce projet, déployé notamment à la prison de Forest, est de permettre aux détenus d’avoir accès à un système d’e-learning adapté, dispensé via des canaux numériques interactifs, individualisé et préparant à leur future insertion socioprofessionnelle compte tenu du niveau et des besoins de chacun. Outre l’offre de Bruxelles Formation (Excel, calcul, Word et français), une part du catalogue de l’EAD et quelques modules du Forem sont également mis à disposition.

 

 

Nombre de stagiaires distincts formés par les partenaires de Bruxelles Formation dans les prisons bruxelloises

Aantal afzonderlijke stagiairs opgeleid door de partners van Bruxelles Formation in de Brusselse gevangenissen

2014

2016

2017

2018

2019

2020

509

299

552

484

439

179

 

 

Suite à la mise en place du Plan Prison qui a notamment promu une augmentation des actions de formation ainsi qu’un renforcement de la collaboration des différents acteurs de terrain, une augmentation de 84% du nombre de stagiaires formés a pu être observée entre 2016 et 2017[1]. Sans surprise, cet indicateur a connu une nette diminution en 2020. La crise sanitaire a eu des conséquences drastiques dans le milieu carcéral bruxellois. Les activités collectives ont été mises à l’arrêt étant donné la, mise en quarantaine et la limitation des mouvements, le manque de produits de nettoyage, la petite taille et mauvaise aération des locaux..., ceci s’ajoutant aux difficultés préexistantes (manque d’infrastructures et de matériel, grèves successives, etc.). 179 stagiaires distincts ont tout de même pu être formés intra-muros dans les prisons bruxelloises pour un total de 15.030 heures de formation dispensées par l’asbl ADEPPI et l’Enseignement de promotion sociale dans le cadre du projet REINSERT.

 

Les formations les plus suivies sont les formations de base en français débutant, suite office et néerlandais, avec 124 stagiaires formés en 2020. Ce constat est valable depuis 2018.

 

Sur le plan de la certification, 9 attestations de réussite ont été délivrées pour les formations « technique de coiffure » et « connaissance en gestion de base » en 2020. L’année précédente, les modules de formation dispensés par l’Enseignement de Promotion Sociale dans le cadre du projet REINSERT (connaissance en gestion de base, aide polyvalent en cuisine de collectivité et technique de coiffure) ont permis de délivrer 24 de ces attestations. Ces dernières sont valorisables sur le marché du travail ou lors la poursuite du parcours de formation en dehors de la prison.

 

Le dispositif Cell-Learning a quant à lui permis à 14 détenus de suivre une formation en ligne pour un volume global de 1.239 heures d’apprentissage en 2020. Au cours du deuxième semestre 2019, ce dispositif avait déjà permis de former 29 détenus pour un volume global de 867 heures d’apprentissage à la prison de Forest.

 

 

Le Plan Prison étant arrivé à son terme en décembre 2020 en même temps que le Plan Formation 2020 dont il constituait une des mesures (mesure 5), un nouveau Plan Prison est actuellement en cours d’élaboration, sous la coordination d’un nouveau chargé de mission recruté à la fin du premier trimestre 2021. L’objectif est d’effectuer une évaluation complète du dispositif actuel et des possibilités de développement des ressources à mobiliser en milieu carcéral afin de proposer, en collaboration avec l’Enseignement de Promotion et les Maisons de Justice, un nouveau Plan Prison bruxellois qui tire les enseignements du passé et qui se tourne vers les évolutions potentielles qu’offre la perspective de la nouvelle prison de Haren.

 

Sauf indication contraire de l’Administration pénitentiaire, tous les détenus qui le souhaitent peuvent avoir accès aux formations organisées intra-muros.

 

Des critères de sélection peuvent toutefois exister en fonction des formations proposées, comme par exemple un certain niveau en français pour pouvoir accéder au dispositif du Cell-learning ou encore certaines compétences en calcul pour accéder à une formation en gestion. Cette sélection est opérée par l’asbl ADEPPI qui remet une liste des candidats sélectionnés à la direction de la prison, qui est chargée de la valider.

 

Les détenus peuvent suivre autant de formations qu’ils le souhaitent. Il faut néanmoins prendre en considération les freins auxquels le secteur de la formation peut être confronté en milieu carcéral : concurrence formation/travail, horaires, nombre de places limité, manque d’infrastructures adéquates, etc. Des réflexions sur les processus de sélection et d’identification des besoins et du projet du détenu sont en cours dans le cadre de l’élaboration du nouveau Plan prison.

 

Les absl ADEPPI, APRES et SLAJ-V BXL, dont la collaboration avec Bruxelles Formation a été décrite plus haut, sont toutes trois membres de la Concertation des Associations Actives en Prison (CAAP).

 

Les possibilités de déployer des formations en prison ont effectivement été restreintes en 2020 suite à la crise sanitaire, ce qu’ont illustré les données présentées plus haut. L’ensemble des activités collectives ont ainsi été mises à l’arrêt lors du premier confinement. La reprise fut très lente par la suite et s’est heurtée à la difficulté de mettre en œuvre les mesures sanitaires de prévention (taille des locaux insuffisante, mauvaise aération, création de « bulles » en fonction des ailes, …).

De manière générale, la problématique de la surpopulation engendre un contexte carcéral difficile qui peut avoir des répercussions sur l’organisation pratique des formations, à l’image des grèves des agents pénitentiaires par exemple.

 

Les modules de formation organisés en prison n’entrent pas dans le champ des indicateurs de transition entre la formation et l’emploi[2] élaborés conjointement par Actiris et Bruxelles Formation et produits annuellement par view.brussels. Ces données ne sont donc pas disponibles.

 

Plusieurs remarques méritent néanmoins d’être formulées.

 

Tout d’abord, le public des ex-détenus est généralement très éloigné de l’emploi en raison des nombreuses problématiques qu’il rencontre. En effet, ces personnes ont souvent d’autres problèmes prioritaires à régler : assuétudes, difficultés pour trouver un logement, …

 

 

De plus, il faut prendre en considération le fait que les modules de formation organisés en prison font partie de programme plus large. L’objectif est donc que les détenus puissent poursuivre ces formations à l’extérieur une fois sortis de prison. Remarquons en outre que les formations auxquelles s’inscrivent les ex-détenus à la sortie ne sont pas toujours régies par Bruxelles Formation. Dans ces cas-là, Bruxelles Formation ne dispose donc pas d’informations sur la suite du parcours.

 

Notons enfin que dans le cadre de l’appel à projet « Accompagnement de publics spécifiques » (APS) visant à permettre l’insertion sur le marché du travail de chercheurs d’emploi qui sont confrontés à une problématique spécifique, Actiris a développé des partenariats avec 5 associations travaillant à la réinsertion des ex-détenus. Ces partenaires conseillent les détenus qui le veulent sur un parcours d’ accompagnement.  Ils réalisent avec eux un bilan, élaborent un projet professionnel le plus concret possible et recherchent une offre de formation, un programme de stage ou une offre d’emploi qui répond à leurs besoins et leurs compétences. Une telle offre concrète fait partie du Plan de reclassement présenté au ‘Tribunal de l’application des peines’, qui décide par exemple de la libération sous condition.

 

 

[1] Les années 2015 et 2016 ayant par ailleurs connu de nombreux conflits sociaux et de grèves successives des agents pénitentiaires.

In 2015 en 2016 waren er overigens talrijke sociale conflicten en opeenvolgende stakingen van de cipiers.

[2] Parmi lesquels le taux de sortie vers l’emploi, la durabilité dans l’emploi et le délai d’entrée dans l’emploi.

Waaronder het percentage uitstroom naar werk, de jobduur en de termijn van de indiensttreding.