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Question écrite concernant les initiatives, projets et réflexions intégrant la logique intersectionnelle

de
Emin Özkara
à
Elke Van den Brandt, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargée de la Mobilité, des Travaux publics et de la Sécurité routière (question n°1565)

 
Date de réception: 25/03/2023 Date de publication: 23/05/2023
Législature: 19/24 Session: 22/23 Date de réponse: 10/05/2023
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
28/03/2023 Recevable
 
Question    En matière de lutte contre les discriminations et les violences, il est important de développer et utiliser une logique intersectionnelle dans l’analyse et le traitement des discriminations et des violences, certains publics subissant en effet le croisement ou l’accumulation de facteurs discriminatoires et/ou de violences spécifiques.

En ce qui concerne le champ de vos compétences,

  1. en 2022, quels ont été 'les initiatives et/ou projets intégrant une logique intersectionnelle' mis en œuvre par votre cabinet ?

  2. quelles sont 'les réflexions intégrant une logique intersectionnelle' en cours au sein de votre cabinet ?

 
 
Réponse    Plus de la moitié des Bruxellois sont Bruxelloises. Pourtant depuis toujours, l'espace public est conçu par des hommes et pour les hommes. Les noms de rue, les statues et les places portent le nom d'hommes. Les femmes sont souvent invisibilisées - et lorsqu'elles sont vues, parfois, c’est pour être harcelée.
Dans une ville comme la nôtre, de nombreuses identités se rejoignent, chacune avec ses besoins et ses angles morts. Avec une vue intersectionnelle, nous pouvons voir l’ensemble des problèmes avec une plus grande clarté, sous toutes sortes d’angles. Surtout voir plus de solutions !
Par exemple, si nous changeons les noms de rue, nous pouvons profiter de la féminisation pour aussi décoloniser. Comme cela a été le cas pour le tunnel Leopold II !
Autre exemple : en améliorant les trottoirs, les arrêts de bus et en aménageant des ascenseurs dans les stations de la STIB, pour faciliter les passages pour personnes à mobilité réduite (PMR), ce sera aussi évidemment, au bénéfice de tous ceux d’entre nous – et souvent des celles d’entre nous - qui poussent une poussette, qui portent des courses, …
A cette fin la STIB dispose d’une politique très large en matière de diversité. Les questions liées à la diversité et/ou les discriminations sont toutes traitées de manière centrale, avec quelques acteurs identifiés (manager de la diversité, service prévention et cohésion sociale, ressources humaines, etc.). La STIB est bien consciente que certaines problématiques liées à la diversité peuvent être liées entre elles et y est attentive.
La STIB organise ses campagnes de sensibilisation autour de sujets spécifiques plutôt qu’autour de certains groupes cibles. En voici quelques exemples :
- Sexisme : la campagne lancée en interne par la STIB abordait les cas de sexisme rencontrés par les femmes, mais aussi par les hommes sur leur lieu de travail ;
- Contact client : la STIB prépare une formation à destination des agents en contact avec le client, dans laquelle elle abordera de manière plus approfondie l’accueil de victimes femmes, mais aussi issues des autres groupes plus vulnérables, tels que les personnes LGBTQIA+ ;
- Neutralité : la campagne au sujet de la neutralité qui sera organisée cette année portera principalement sur les convictions politiques et religieuses, mais abordera également la discrimination par exemple sur la base de l’origine, du genre, de l’orientation sexuelle ainsi que le prosélytisme.
Outre ces campagnes, lors de la rénovation ou construction de ses infrastructures, la STIB, le cas échéant en collaboration avec d’autres intervenants comme Bruxelles Mobilité ou les gestionnaires de voirie, veille à tenir compte des différents publics cibles en matière d’accessibilité (handicap temporaire ou permanent, âge, poussettes, bagages…) et de sécurité (par exemple pour la sécurité des femmes ou personnes LGBTQIA+, mais ces aménagements bénéficient à tout le monde).
Le projet de féminisation de l’espace public se veut également intersectionnelle. On retrouve dans les nouveaux noms d’arrêts honorant la mémoire de grandes dames, Rosa Parks. Ce qui est à l’intersection d’'une volonté de féminisation ainsi qu’un soutien à la lutte antiraciste.
En ce qui concerne Bruxelles Mobilité :
Dans le champ de compétences propres de Bruxelles Mobilité, les programmes de mise en accessibilité de l’espace public et des transports en commun constituent le principal outil de lutte contre les discriminations.
Or, les initiatives de mise en accessibilité supposent par définition une approche transversale qui couvre de façon large la chaîne de déplacement, et ce, depuis le lieu de départ au lieu de destination, ceux-ci y compris. Il convient dès lors de travailler à l’accessibilité de l’espace public, des transports en commun et des offres de mobilité spécialisées parallèlement à celle des logements, des commerces et, plus généralement, de tout lieu accueillant du public. Dans cette perspective, Bruxelles Mobilité entretient des contacts avec Urban et HUB, et ce, notamment dans le cadre des sections de la Commission régionale de Mobilité (Modes actifs et PMR).
Parallèlement, nous attachons de plus en plus d’attention à la problématique du genre dans l’aménagement des espaces publics et dans l’organisation des transports publics, notamment via la participation Equal.brussels à la Commission régionale de mobilité.
On peut citer les récentes dénominations du tunnel Annie Cordy (féminisation de l’espace public et décolonisation), du pont Suzan Daniel (LGBTQ+) et des passerelles Loredana Marchi (droit des femmes) et Fatima Mernissi (liberté des femmes).
Bruxelles Mobilité et la STIB ont confié récemment un nouveau projet de création artistique à une femme artiste, Anthea Missy, à la station de métro Bockstael. Par ailleurs, 13 noms d’arrêts STIB ont été féminisés durant les années 2021 et 2022. Des actions de sensibilisation à la mobilité à destination de certains publics cibles sont également menées.
A titre d’exemple, on peut citer l’octroi d’une subvention à l’asbl Molembike pour le projet « Les Hirond’Elles – Le Maritime à vélo », une initiation au vélo dédiée aux femmes du quartier Maritime, de Molenbeek-Saint-Jean et de la Région de Bruxelles-Capitale (cours et initiations hebdomadaires adressés aux cyclistes débutantes et avancées dans un but de mise en selle et de prise de confiance dans la circulation routière, accompagnement des participantes pour l’entretien de leur vélo dans un objectif d’autonomisation et organisation de sorties dans le but d’augmenter la confiance en soi lors des déplacements à vélo).
Pour encourager les personnes à faibles revenus, en particulier les femmes, à utiliser le vélo comme mode de transport, le projet « Vélo Solidaire » met des vélos de seconde main gratuitement à disposition de personnes qui souhaitent découvrir le vélo comme moyen de transport. Ce sont 400 vélos remis chaque année depuis 2021 dans le but de rendre la pratique du vélo accessible à toutes et tous et particulièrement aux personnes plus précarisées qui, pour des questions financières, culturelles ou sociales, n’auraient pas les moyens d’y accéder. Les deux tiers des bénéficiaires sont des femmes. Le projet Vélo Solidaire a un budget de 500.000 € pour l’année 2023. Les vélos sont mis à disposition des participant.e.s durant une année complète à l’issue de laquelle il sera proposé à chacun.e de racheter le vélo à un prix accessible ou bien de rendre le vélo au projet, si il/elle ne l’utilise pas. Actuellement, près de 75% de vélos mis à disposition sont rachetés par les participant.e.s, les 25% restants sont redistribués à d’autres personnes.. En parallèle, une flotte de vélo est à disposition des associations de terrain pour leurs activités de mise en selle. Aujourd’hui nous travaillons avec pas moins de 40 associations actives dans des domaines aussi divers que l’alphabétisation, la santé, la cohésion sociale, la culture, la réinsertion socio-professionnelle, l’aide à la jeunesse ou l’émancipation. La collaboration avec ces acteurs culturels et sociaux est un aspect essentiel du projet. Par ailleurs le pilotage du projet est effectué au sein de l’asbl CyCLO qui peut faire les liens nécessaires avec les 19 bourses vélos organisées à Bruxelles cette année et avec les 21 ateliers vélos associatifs disséminés sur notre région. Ces derniers vendent souvent à bas prix des vélos remis en état par leurs soins. Le projet Vélo Solidaire inclut un large programme de formations, depuis les premiers tours de roue jusqu’à être à l’aise dans le trafic et savoir également entretenir son vélo. Les associations participantes sont encouragées à organiser des sorties à vélo avec leurs membres et les travailleurs sociaux reçoivent également des formations pour devenir autonomes dans l’accompagnement de leur groupe et à l’avenir pouvoir donner les formations de mise en selle eux-mêmes.
Par ailleurs, la formation brevet du cycliste dans les écoles participe également à l’apprentissage du vélo dans toutes les couches sociales de la population.
Enfin, le programme Bike Expérience est accessible à tous sans distinction du profil socio-économique des participants même s’il est plus axé sur les déplacements domicile-travail.
Bruxelles Mobilité mène actuellement une étude relative au besoin automobile et à l’impact des différentes mesures de régulation de l’usage et de la possession automobile en Région bruxelloise. Dans ce cadre, la question de l’intersectionnalité apparaît de façon évidente : la pauvreté pécuniaire s’ajoute souvent à des situations familiales spécifiques (monoparentalité, par exemple) ou à la présence d’un handicap. De même, la précarité pécuniaire est aussi souvent liée à des contraintes de mobilité spécifiques (emploi à horaires décalés, dans des lieux peu accessibles en transport en commun, etc.) qui maintiennent les ménages dans une dépendance vis-à-vis de la voiture alors que les coûts consentis pour ce faire sont importants. Dans le cadre de cette étude, nous tâchons, d’une part, de décrire et, dans la mesure du possible, d’objectiver ces enjeux croisés et, d’autre part, d’estimer l’impact cumulé des mesures de régulation automobile (LEZ, évolution de la tarification du stationnement, etc.). Les premiers résultats de cette étude (état de la littérature, analyse croisant des données liées aux véhicules avec des variables socio-démographiques de leur propriétaire) pourront être communiqués à partir de juin prochain. L’enquête grand public, pour sa part, aura lieu en septembre. La publication de cette partie du projet est attendue pour le premier quadrimestre 2024