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Question écrite concernant les violences conjugales et intrafamiliales durant la crise du COVID-19

de
Pierre Kompany
à
Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement et de l'Égalité des Chances (question n°181)

 
Date de réception: 02/04/2020 Date de publication: 05/05/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 05/05/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
10/04/2020 Recevable p.m.
 
Question    Le confinement que nous vivons actuellement met en lumière toute la difficulté des femmes victimes de la violence de leur conjoint.
Les associations ont toutes adapté leur travail afin de continuer à soutenir ces femmes malgré le contexte particulier actuel. Néanmoins, la possibilité d’un prolongement du confinement au-delà de la fin des vacances de Pâques risque de mettre la sécurité de ces femmes encore davantage en péril.

C’est dans ce cadre que je vous soumets, Monsieur le Ministre-Président, ce 6 avril avril 2020, les questions suivantes :

- En France, depuis le début du confinement, les violences conjugales ont augmenté d’un tiers.
En Région bruxelloise, les services d’écoute et d’aide concernés ont-ils enregistré une hausse significative des appels et de cas de violences depuis le 13 mars dernier ?
Dans l’affirmative êtes-vous en mesure de me donner le chiffre précis de cette hausse ?

- Sachant qu’un certain nombre de personnes fragilisées n’ont pas connaissance de ces services d’écoute et d’aide, qu’est-ce qui peut être mis urgemment en place pour les informer desdits services ?
  
- Quel est le nombre d’interventions pour violences enregistrées depuis le début du confinement par les 6 zones de polices de la Région ?
La tolérance zéro est-elle appliquée en cas de violences constatées ?
Quelles sont les consignes données aux policiers lorsqu’ils sont appelés pour violences depuis le début du confinement ?

- Le Ministre français de l’Intérieur Christophe Castaner a annoncé, le jeudi 26 mars, la mise en place d'un nouveau dispositif d'alerte. Les femmes victimes de violences peuvent dorénavant se rendre en pharmacie et bénéficier de la protection immédiate de la police ou de la gendarmerie. 
Un dispositif similaire pourrait-il être mis en place en Région bruxelloise ?

- Quel est le nombre de lits disponibles dans les centres d’accueil ? Combien de chambres d’hôtels sont désormais occupées ?
Quelles pistes sont d’ores et déjà à l’étude pour augmenter le nombre de chambres disponibles si le confinement venait à se prolonger ?
Mon groupe, lors de la commission du 1
er avril dernier, avait suggéré l’idée de baux de courte durée via les AIS. Cette piste est-elle à l’étude ?

- Mon groupe tient à saluer l’initiative de la zone de police Bruxelles-Nord qui a identifié un groupe de victimes des trois derniers mois et qui a demandé au service d’aide aux victimes de reprendre contact avec elles pour savoir comment la situation se passait pour elles.
Un tel dispositif pourrait-il être étendu à l’ensemble des zones de police de la Région ?

- Enfin, quelles ont été les premières actions de la task force « violences conjugales et intrafamiliales » conjointe entre la COCOF, la Wallonie et la FWB lancée le 27 mars dernier ?
 
 
Réponse    En ce qui concerne les services d’écoute et d‘aide, comme vous le savez, une Task Force sur ce thème a été mise en place au-delà des frontières politiques et territoriales, avec des acteurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles, des Régions wallonne et de Bruxelles-Capitale et de la COCOF. Mon cabinet y assure la représentation de la Région bruxelloise.

Au sein de cette Task Force, nous nous concertons chaque semaine avec les services de la ligne d’écoute 0800/30.030, les services publics concernés, les services d’hébergement d’urgence, l’ONE ainsi que les quatre cabinets ministériels.

La ligne d’écoute téléphonique “écoute violences conjugales” nous y a récemment fait part des observations suivantes:

- Le nombre d'appels a progressivement augmenté, triplant par rapport à la période précédant l'apparition du virus COVID19.
A ce jour, en moyenne, la ligne d'assistance reçoit environ 60 appels par jour, mais pas seulement des victimes ; le surplus de ces appels est réparti entre trois publics :les victimes, les professionnels et l’entourage des victimes;

- La nature des appels diffère également de ce qu'elle était auparavant: il y a davantage d'appels urgents et d'appels liées à des situations dangereuses;

- Pour répondre à ces constatations, la ligne 0800/30.030 a activé une troisième ligne afin d’augmenter la capacité de réponse et a largement étendu les horaires de son chat, disponible à présent de 9h à 19h du lundi au vendredi.

Parallèlement à la Conférence interministérielle droits des femmes qui réunit 12 ministres de tout le pays et à la task force précitée, il est rapidement apparu que des problématiques spécifiques à la Région bruxelloise, nécessitaient une instance circonscrite au territoire de la Région.

Dès lors, une Task Force intrabruxelloise « Violences intrafamiliales et conjugales» a été récemment créée et pilotée par mon cabinet afin de coordonner l’action en région bruxelloise et répondre au mieux aux demandes spécifiques du terrain bruxellois en les relayant, si nécessaire auprès des deux autres instances.

Cette Task Force intrabruxelloise a pour ambition de réunir tant le niveau institutionnel que les acteurs de première ligne et de terrain.

Ainsi aux côtés de mon cabinet, du cabinet de la Ministre-Présidente de la COCOF Barbara Trachte, de la VGC, de la Fédération des CPAS bruxellois, des administrations bruxelloises Bruxelles Prévention Sécurité et Equal.brussels, et du service d'aide aux victimes Tam Bruxelles, les acteurs de terrain suivants sont présents: le CAW (Centrum Algemeen Welzijnswerk), l'ASBL Praxis, le Centre de prévention des violences conjugales et familiale, l'AMA (Fédération des maisons d'accueil & des services d'aide aux sans-abri). Cette composition transversale a pour but de faire remonter en ligne directe les problématiques rencontrées sur le terrain et de mettre en œuvre des solutions concertées dans le contexte de la crise sanitaire.

Au cours de la première réunion, les représentants néerlandophones nous ont indiqué que la ligne 1712 (ligne d’écoute néerlandophone) reçoit également plus d'appels et prend des dispositions spéciales pour traiter ces appels de manière appropriée.

Aucune de ces deux lignes ne peut fournir la ventilation des appels qui émanent de la Région bruxelloise, dans la mesure où tous les appels sont anonymes.

En ce qui concerne les chiffres de la police, il n'est pas encore possible de communiquer les résultat, car ceux-ci ne sont établis que par période.

Par ailleurs, ceux-ci ne seraient pas forcément révélateurs de la situation dans la mesure où la situation actuelle peut faire qu’il est encore plus difficile pour une victime de contacter la police et les services d'urgence ou de déposer une plainte.

En ce qui concerne la publicité autour de cette ligne d’écoute, il s’agit justement de la première mesure prise par la Task Force précitée rassemblant la Fédération Wallonie-Bruxelles, les Régions wallonne et de Bruxelles-Capitale et la COCOF.

Très rapidement, une campagne de communication adaptée a été réalisée.

D’une part, un tableau bilingue reprenant tous les numéros des lignes d'assistance et un large éventail des numéros et d'adresses pour les victimes et les autres personnes concernées, a été très largement diffusé au sein du réseau des acteurs de première ligne, institutionnels et associatif. Cette campagne comprend également l'initiative "Luisterende Oren" des ASBL Ella et FMDO, qui propose une aide en 23 langues et traduit des informations sur la violence entre partenaires.

D’autre part, une campagne de sensibilisation déclinée en radio, télévision et sur les réseaux sociaux a été lancée et sera visible jusqu’au 31 mai (
https://www.youtube.com/watch?v=5_-9eMVexqQ).

La version néerlandophone est diffusée à partir du 27.04.2020 sur Bruzz). Son but: rappeler que des solutions et des aides existent, même pendant cette phase de confinement, tant pour les auteurs que pour les victimes.

Axée sur le slogan « Rien ne justifie la violence conjugale », cette campagne permet de visibiliser les outils existants tels que la ligne d’écoute ou le chat. Elle a également pour objectif de sensibiliser la population afin que chacun·e soit particulièrement attentif·ve à ses proches et à ses voisin·e·s exposé·e·s à des violences intrafamiliales. La campagne est également accessible aux personnes sourdes et/ou malentendantes.

Le 1712 a également réalisé une large campagne de diffusion (
https://1712.be/Portals/1712volw/Files/Documents/1712_Poster_Conflicten_Corona_Print.pdf et
https://photos.google.com/share/AF1QipMlNV2NjGdRUo50Wg0y6EXTiXzIs9BOZXLkQxAy6ESveBPqs3mTbsHpB9P0U-_INQ?key=SmhyR3p1Tk5mbmNfQ0ZOd3p3eDBRRkwtT3hyYzV3).


En ce qui concerne le nombre d’interventions pour violences enregistrées depuis le début du confinement par les 6 zones de polices de la Région, nous ne disposons pas de chiffres sur le nombre d'interventions de police, car ceux-ci ne sont établis et publiés que par période de temps plus longue que celle écoulée.

Dans le cadre de la Conférence interministérielle "Droits des femmes", dont j'assure actuellement la présidence, le ministre de l’Intérieur a rappelé, dans une Directive du 27 mars 2020, que la violence entre partenaires et familiale reste une priorité pour les forces de police, de surcroît dans la situation actuelle.

Au sein des zones de police bruxelloises, le thème a été abordé lors de la réunion 'CORES' du 15 avril dernier. Une sensibilisation spécifique des agents de police par le biais de l'apprentissage en ligne a été proposée pour cette situation, et la campagne précitée a également été diffusée au sein des zones.

Au sujet du dispositif d’alerte mis en place dans les pharmacies en France, des initiatives similaires en collaboration avec les pharmacies, sont nées non seulement en Belgique mais aussi à l‘étranger.

En Flandre, une coopération entre le réseau des pharmaciens flamands et le CAW est prévue, et en Wallonie (Mons, Liège, Namur), des initiatives similaires ont vu le jour au niveau local.

Ces initiatives sont suivies de près et sont à l’étude au niveau bruxellois.

Au niveau du nombre de lits disponibles dans les centres d’accueil, le monitoring des lits en centres d’accueil est une compétence de la COCOF, je vous invite donc à interroger le Ministre Alain Maron, compétent en la matière.

Comme vous le mentionnez, un hôtel a été ouvert à Bruxelles à l'initiative du Collège de la COCOF pour accueillir les victimes dans cette situation d'urgence, avec l'assistance nécessaire de professionnels afin d’assurer l’accompagnement psycho-social.

La situation est suivie de près par les services et maisons d'accueil (par exemple le Centre de prévention des violences conjugales, le CAW, l'Association des Maisons d'accueil) qui font partie des task forces précitées.

Après consultation de la Fédération des agences immobilières sociales (FédAIS), il s’avère que la gestion d’occupations temporaires, qui sort du cadre habituel des agences immobilières sociales (AIS), représente des risques accrus (en termes de dégâts locatifs, reprise des compteurs, non-domiciliation des occupants, recours à des contrats de courte durée hors contrats-types définis par le cadre légal, etc.).

La faisabilité d’un tel dispositif semblerait donc à priori très compliquée. D’autant plus que la plupart des AIS ont suspendu la prise en gestion de nouveaux logements pendant cette période de crise et que les AIS ayant été sollicitées pour l’hébergement en urgence de certaines personnes en difficultés dans le cadre de cette crise sanitaire (des femmes victimes de violences conjugales entre autres), étudient les différentes solutions au cas par cas.


Au niveau du dispositif de la zone de police Bruxelles-Nord, cette initiative de contacter de manière proactive les auteurs et victimes déjà connus des services de police a été étendue à l’ensemble des zones à la demande du Ministre-Président, Monsieur Rudi Vervoort.

Enfin, concernant les premières actions de la task force „violences conjugales et intrafamiliales“, certaines des principales initiatives ont déjà été mentionnées ci-dessus :

- la large diffusion des numéros d’urgence, d’écoute et de soutien en français et néerlandais ;

- l’élaboration d’une campagne radio et télé développée à cet effet, pour laquelle equal.brussels a fourni une traduction en néerlandais qui sera diffusée sur la chaîne de télévision Bruzz, aux frais de la Région;

- les initiatives en matière d'accueil, comme l'hôtel mis à la disposition des victimes;

- l’adaptation des services existants (davantage de personnel, heures d'ouverture plus étendues) aux victimes mais aussi aux auteurs, par exemple, l'association pour l'accompagnement des auteurs, PRAXIS adapte également son fonctionnement et poursuit son action auprès de ces derniers, tout en s'adaptant afin de respecter les mesures sanitaires.