Présidence : M. Rachid Madrane, président.

Demande d'explications de M. Christophe De Beukelaer

à M. Sven Gatz, ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé des finances, du budget, de la fonction publique, de la promotion du multilinguisme et de l'image de Bruxelles,

concernant "les frais de consultance en Région de Bruxelles-Capitale".

M. Christophe De Beukelaer (Les Engagés).- L’actualité française nous alerte sur une évolution de l’action publique à double tranchant : les frais de consultance. Notre Région, comme la France et la plupart des pays européens, a recours à des consultants externes pour des études et analyses.

Ces études permettent d’avoir un avis extérieur à la Région, mais une utilisation généralisée et importante de cette possibilité nous amène à nous interroger. L’administration a sa propre expertise, une connaissance de terrain utile et des capacités importantes. Il faut les utiliser à bon escient et en priorité. Le site openbudgets.brussels permet de calculer que près de 16 millions d'euros ont été dépensés rien qu’auprès du cabinet de consultance Deloitte. Les missions sont assez variées : frais de fonctionnement, acquisition de matériel, études, etc.

Afin de mieux comprendre l’ampleur du phénomène en Région bruxelloise, je voudrais vous poser les questions suivantes. Quel processus décisionnel amène à passer par un consultant externe plutôt que par l’administration ? Est-ce à chaque fois par marché public ? Comment sont libellées les missions de la consultance externe ? Comment sont attribués les contrats ? Quel suivi est-il fait de leur exécution ?

Pour les missions attribuées à des consultants externes, quelles sont les grandes tendances ? Quels sont les sujets et les thématiques principaux ?

Quel est le montant total dépensé en consultance externe pour l’ensemble de la Région ? Quels sont les principaux partenaires et comment se répartissent-ils ce montant ?

Mme Alexia Bertrand (MR).- Nous abordons régulièrement la question de la gestion et de l'accompagnement des politiques publiques, et donc celle des coûts cachés. Ces derniers peuvent être générés par des frais de consultance pour des études diverses et variées, voire par l'externalisation totale de certains services comme le nettoyage et la sécurité.

Selon une étude de Brussels Studies parue en 2020, notre Région s'inscrit à contre-courant de la tendance générale qui privilégie la "réinternalisation", et non plus l'externalisation. Mais est-ce le cas pour toutes les activités des administrations ?

Ce qui doit nous interpeller, c'est le nombre relativement élevé d'agents régionaux en regard de dépenses importantes en marchés de consultance, d'assistance et d'accompagnement. Après tout, il s'agit de l'argent du contribuable. Connaissant votre volonté, en tant que ministre chargé des finances, de mener une gestion rigoureuse des dépenses, je suis sûre que vous y êtes attentif.

Le gouvernement a externalisé la rédaction du contrat de gestion 2019-2023 de la STIB pour la confier à une société de consultance, alors que Bruxelles Mobilité, censée être l'autorité organisatrice des transports publics, devrait être capable d'élaborer cette stratégie. Il en va de même pour le futur contrat de gestion de parking.brussels qui a fait l'objet d'un accompagnement important par un bureau d'études.

Des administrations ou organismes d'intérêt public engagent-ils davantage de frais de consultance externe que d'autres ? Dans l'affirmative, est-ce dû à un manque de personnel ?

Quelle est l'évolution du poids relatif des dépenses en personnel régional, d'une part, et en missions externalisées, d'autre part ?

Pour terminer, j'aimerais rester sur la ligne que j'avais adoptée lors de la crise du coronavirus. Nous n'avions pas de problème avec le fait que des consultants se soient joints pour des missions ponctuelles. En effet, il est préférable d'avoir un accordéon, avec des gens qui apportent une aide temporaire sur des missions, quand il y a un véritable besoin, et qui repartent ensuite, plutôt que de gonfler structurellement l'administration.

Pouvoir fonctionner en temps de crise est légitime, mais si on développe une expertise structurelle au sein de l'administration en recourant systématiquement à des consultants externes pour les mêmes types de dossiers et d'expertise, il y a de quoi se décourager : soit on n'a pas recruté les bonnes personnes, soit on n'a pas la bonne expertise au sein de l'administration et il n'y a pas de transmission de savoir.

M. Christophe Magdalijns (DéFI).- Une immersion au sein des administrations et de leur fonctionnement, dont le parlement n'est pas coutumier, est intéressante.

Il est question du choix entre internalisation et externalisation des prestations, de la gestion de l'expertise et de la maîtrise technique des métiers que l'administration doit prendre en charge. Il est important de savoir si les marchés publics de services sont liés à des surcroîts temporaires de travail, et s'ils concernent des aspects techniques que nous ne maîtrisons pas, mais qui ne nécessitent pas une maîtrise permanente ou pérenne.

Ces marchés de services comprennent-ils systématiquement un volet de capitalisation de la maîtrise technique à laquelle nous avons recours ? En effet, nous voudrions créer une porosité entre ces prestataires de services, qui se protègent souvent derrière la propriété qu'ils peuvent avoir d'une série de maîtrises et de techniques. Dans l'absolu, il faudrait instaurer une porosité entre ces prestataires de services et les administrations, afin qu'elles puissent s'enrichir de l'arrivée de ces prestataires externes.

M. John Pitseys (Ecolo).- La question soulevée nous oblige à faire une distinction entre les phénomènes d'externalisation d'un certain nombre de fonctions et d'emplois, d'une part, et le recours plus ou moins fréquent à des ressources extérieures pour compléter l'expertise de l'administration, d'autre part.

Il y a plus de vingt ans, Alain Eraly montrait dans son livre "Le pouvoir enchaîné - Être ministre en Belgique", que nous sommes nombreux à avoir lu, qu'en Belgique, si l'État est partout, c'est avant tout un État faible, surtout au niveau du fonctionnement de son administration. D'après lui, l'administration est en effet souvent privée de pilotage stratégique, tandis que les cabinets politiques sont attachés à la mise en œuvre ponctuelle d'un programme de majorité. Cela a tendance à nuire au développement d'une haute administration et d'une expertise pérenne capables de diriger un certain nombre de projets. Son analyse portait davantage, il est vrai, sur les administrations fédérales et de la Communauté française.

L'État est faible, mais il est aussi en perpétuelle reconstruction. Je pense bien sûr aux conséquences de la sixième réforme de l'État et à la mise en place de l'administration de la Cocom, qui a dû faire face à des tâches considérables alors qu'elle était encore en cours de réaménagement.

Dans ce contexte, les bureaux de consultance apparaissent donc comme une solution commode et comme un tiers terme, susceptible de dégager plus facilement des compromis politiques.

Si vous ne disposez pas de ces informations, je vous réinterrogerai par écrit.

Pouvez-vous faire la part entre les trois types d'expertise externe suivants :

- l'expertise sectorielle, soit l'appel à des centres de recherche académique ou des organismes où des gens disposent d'une expertise de fond qui manque à l'administration ;

- l'expertise juridique, donc le recours à des cabinets d'avocats afin de conduire des études juridiques portant sur la faisabilité et la praticabilité de processus politiques ;

- la consultance, soit charger des bureaux de consultance de piloter les processus ?

M. Sven Gatz, ministre.- Vos questions me permettent de lancer un débat sur le sujet. Je dis bien "lancer un débat" car, comme vous le savez sans doute, vos questions sont à la fois vastes et précises. Elles portent en effet sur l'ensemble de l'entité régionale et sur tous les types de consultance et se réfèrent à une perspective temporelle pluriannuelle. Une réponse exhaustive ne peut donc être donnée qu'après une analyse approfondie.

Nous pouvons nous attendre à une telle analyse dans le cadre du plan Optiris, et ce au cours du processus, comme le gouvernement l'a demandé aux entités. Sauf erreur de ma part, vous avez également interrogé plusieurs de mes collègues du gouvernement sur les montants dépensés, pour des missions de consultance, par les administrations relevant de leurs tutelles respectives. Je vous renvoie donc à ces réponses pour cette partie de votre question.

Permettez-moi, à ce stade, de vous communiquer les résultats d'une analyse préliminaire. Vous remarquerez que je m'efforce d'être nuancé et de formuler les réserves nécessaires dans ma réponse.

La décision d'externaliser une mission plutôt que de l'exécuter en interne avec notre propre personnel est généralement fondée sur une combinaison de considérations en matière d'efficacité et d'efficience, d'évaluation des risques et de calendrier.

Ainsi, une étude réalisée en collaboration avec le Brussels Studies Institute en 2018 a montré que, par le passé, les institutions bruxelloises externalisaient principalement des activités en raison du besoin de connaissances spécialisées et du manque interne de ressources ou de personnel. Cela vaut globalement pour le recours à tous les prestataires de services externes, et a fortiori pour les missions de consultance. La mise à disposition des connaissances spécialisées requises - du moins pour les prestataires de services bien définis - relève de la responsabilité du prestataire de services externe et non de l'administration.

Cela signifie qu'un consultant peut fournir l'expertise nécessaire dans un délai très court lorsque cette dernière n'est pas présente en interne. En outre, pour des raisons d'économies d'échelle, un prestataire de services externe peut, dans certains cas, opérer à un moindre coût que si la mission était réalisée en interne. Tous ces aspects doivent être pris en considération. On peut penser aux coûts d'opportunité - le temps qu'un fonctionnaire consacre à ce projet ne peut être utilisé à autre chose, par exemple un service direct au citoyen -, de formation, d'apprentissage - commettre des erreurs coûte de l'argent -, au non-amortissement de l'investissement dans la formation parce que la tâche est trop peu répétitive, etc.

Je voudrais cependant ajouter à ces considérations essentiellement pécuniaires que la marge bénéficiaire du consultant et la TVA due sont des éléments de prix qui disparaissent lorsque la mission est réalisée en interne. Selon moi, ils devraient être pris en considération lors du choix d'un prestataire de services externe. Je ne suis pas sûr que cela soit suffisamment le cas à l'heure actuelle.

(poursuivant en français)

En ce qui concerne le mode d'attribution des marchés de consultance, ceux-ci sont attribués conformément à la réglementation sur les marchés publics, conformément à la législation belge et européenne en vigueur. En substance, différentes valeurs seuils déterminent la procédure à suivre, qui régit également les marchés de faible montant.

Je suis convaincu que notre Région dispose de l'expertise nécessaire, tant pour la rédaction des cahiers des charges que pour l'attribution de marchés. En outre, ces procédures sont très transparentes et la moindre subjectivité peut être sanctionnée par un recours introduit par une partie qui s'estime lésée. Ceci renforce considérablement la fiabilité de la procédure.

Plusieurs administrations appliquent aussi la bonne pratique de travailler avec des accords-cadres. Ceux-ci permettent à plusieurs de nos institutions d'utiliser le travail des autres. Dans la plupart des cas, les accords-cadres permettent également de négocier de meilleurs prix et d'augmenter la qualité du travail effectué. Mais ce n'est pas toujours le cas, car il se peut aussi que, sans consultation du marché, la concurrence ne puisse pas jouer pleinement son rôle.

En conclusion, il ressort de tout ce qui précède que la décision d'externaliser ou d'internaliser des missions de consultance est complexe et multidimensionnelle, et ne devrait pas être basée uniquement sur des considérations budgétaires. Il n'existe donc pas de réponses simples et univoques à vos questions. Comme je l'ai dit, je me ferai un plaisir de revenir vers vous dès que l'exercice en cours pourra fournir les informations que vous avez demandées.

Pour les données quantitatives, je me réfère aux plateformes budget.brussels et openbudgets.brussels.

M. Christophe De Beukelaer (Les Engagés).- Nous saurons si le recours à l'expertise externe est problématique lorsque nous verrons dans quelles proportions et à combien de reprises il se produit. Nous sommes tous d'accord dans cette assemblée pour considérer qu'il peut être positif dans certains cas et abusif dans d'autres.

Vous me renvoyez aux questions écrites que j'ai posées et auxquelles je n'ai pas encore reçu toutes les réponses. Nous devrons y revenir, parce que même si j'ai bien entendu votre réponse, il ressort des éléments dont je dispose que l'on recourt parfois à l'expertise externe par facilité ou pour légitimer certaines décisions, alors que des tâches pourraient être accomplies par l'administration.

Ce sont des mauvaises habitudes qui s'installent et qu'il faut contrer. Je ne dispose cependant pas d'éléments suffisamment probants pour en parler aujourd'hui, puisque je n'ai pas encore reçu les chiffres demandés à vos collègues.

Le plan Optiris est-il prévu pour cette année ou pour cette législature ?

M. Sven Gatz, ministre.- Le plan Optiris est certainement prévu dans le courant de cette législature. Quant aux données dont nous parlons aujourd'hui, je devrais en disposer après l'été. Nous pourrons alors poursuivre le débat.

Mme Alexia Bertrand (MR).- Vous ne disposez pas des données pour tout le monde. C'est pourtant ce que j'attends du gouvernement, des débats parlementaires et de la Cour des comptes.

Les vrais sujets sur lesquels nous devons nous pencher avec l'ensemble des départements et des administrations sont des tableaux qui nous permettraient de voir quand il a été fait appel à de la consultance, d'estimer si c'était justifié et s'il est possible de faire mieux, et d'analyser quels sont les départements qui ont fait plus ou moins.

Vous nous dites qu'il faut aller chercher l'information nous-mêmes, département par département. C'est problématique. Les parlementaires devraient pouvoir se pencher et mener un débat sur ces questions, parce que nous avons tous avantage à diminuer les dépenses et à examiner la légitimité de ces économies. Le travail parlementaire s'avère frustrant quand les vrais débats sont esquivés et les éléments doivent être cherchés auprès de chaque ministre, qui ne nous les donnera de toute façon pas.

Demande d'explications de M. Emmanuel De Bock

à M. Sven Gatz, ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé des finances, du budget, de la fonction publique, de la promotion du multilinguisme et de l'image de Bruxelles,

concernant "l'impact de la hausse des intérêts sur la charge de la dette de la Région bruxelloise".

M. Emmanuel De Bock (DéFI).- L'édition du 26 avril dernier du quotidien La Libre Belgique rapporte que le taux d’intérêt pratiqué sur les emprunts fédéraux, les obligations d’État à dix ans dites obligations linéaires, avait fortement augmenté, au point d’atteindre le niveau de 2014. La semaine passée, il s'établissait à 1,56 %.

Cette remontée des taux sur les emprunts hypothécaires et obligations d’État fait suite à la décision de certaines banques centrales de relever leurs taux d’intérêt dans le but de maîtriser l’inflation, laquelle a atteint des niveaux inégalés depuis 1980.

Si la Banque centrale européenne n’a pas encore manifesté ouvertement son intention de relever ses principaux taux directeurs, la plupart des économistes et analystes financiers s’accordent à considérer que la hausse des taux directeurs se produirait au plus tard à la fin 2022.

Cette remontée des taux sur les marchés financiers pourrait compliquer le refinancement de la dette des autorités publiques, tous niveaux de pouvoir confondus.

Lors des débats budgétaires de novembre 2021, le directeur de l’Agence régionale de la dette avait expliqué que nous étions relativement immunisés contre une éventuelle remontée des taux d’intérêt ; bien plus, visiblement, que l’État fédéral.

L’Agence régionale de la dette a-t-elle constaté une éventuelle hausse des taux d’intérêt pratiqués sur les emprunts contractés par la Région depuis le début de l’année 2022 ? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous fournir les explications quant à l’ampleur de cette incidence ?

Pouvez-vous nous confirmer que la stratégie de l’Agence régionale de la dette immunise toujours la Région ? Jusqu’à quel point cette éventuelle hausse peut-elle affecter notre retour à l’équilibre ?

Étant donné que, dans une précédente réponse, vous m’aviez expliqué que l’effet de l’inflation sur notre Région était chiffré à 60 millions d’euros en 2022, mais qu'il avait été anticipé, une remontée éventuelle des coûts de ces emprunts devrait aussi s’analyser par rapport au moindre coût que générerait le recul de l’inflation.

Quel est le point d’équilibre au niveau régional ? Par exemple, si l'on fait reculer l’impact de l’inflation de 10 millions d'euros, mais que l’on paie en même temps notre charge d'emprunt 10 millions d'euros par an, l'impact est nul. Un taux d’emprunt faible est-il dès lors préférable à un taux d’inflation peu élevé ?

Mme Alexia Bertrand (MR).- La stratégie anticipative et défensive adoptée par l'Agence régionale de la dette a permis jusqu'ici de maintenir une dette flottante relativement basse. Nous en avons d'ailleurs longuement parlé avec elle au moment des discussions budgétaires.

Compte tenu du rehaussement probable du taux directeur de la Banque centrale européenne, pourrons-nous garder une fenêtre de dix à quinze points de base au-dessus de l'obligation linéaire ? Peut-être est-ce une question à poser à l'agence elle-même, en l'invitant à nouveau ? J'aimerais en effet aussi savoir quelles stratégies elle étudie sur un possible rehaussement du taux directeur d'ici à la fin de l'année, compte tenu des récentes déclarations de la Réserve fédérale américaine en la matière.

Je vous rappelle que la Cour des comptes a mis notre parlement en garde face à une nouvelle dégradation de la note, qui pourrait nous conduire à quitter la famille AA pour rejoindre celle des A. Nous pouvons dès lors nous interroger sur l'influence d'une augmentation du taux directeur, couplée à une spirale inflationniste, sur la trajectoire de la dette de notre Région.

À cet égard, alors que la dette directe de la Région bruxelloise a augmenté de 73,2 % entre 2018 et 2020, et compte tenu de l'accroissement de l'endettement estimé à 1,8 milliard d'euros en 2021 et 1 milliard en 2022, selon la trajectoire pluriannuelle de la Région, comment le gouvernement bruxellois s'assure-t-il que les politiques monétaires à venir ne grèvent pas davantage les finances de notre Région ?

M. Sven Gatz, ministre.- Le marché des taux et des obligations a intégré, dès fin 2021, la fin probable des mesures de politique monétaire accommodantes. Ce n’est que plus tardivement, le 10 mars 2022, que la Banque centrale européenne a adapté son discours et mis en évidence un réajustement graduel et très prudent de sa politique.

Depuis début 2022, les obligations linéaires (OLO) ont suivi une progression comparable à celle des taux d’intérêt. Les OLO servent en général de base à la conclusion des opérations, auxquelles est ajoutée une marge de crédit spécifique à la Région.

Analysons ces deux composantes : les opérations financières ont été, pour l’essentiel, conclues avec une maturité moyenne de l’ordre de 25 à 30 ans. Si l’on prend, à titre d’exemple, l’OLO 2050, qui a une maturité proche de 30 ans, elle naviguait en moyenne entre 0,50 % et 1 % en 2020 et 2021. Elle a progressé quasiment sans discontinuer au cours du premier quadrimestre 2022, pour dépasser actuellement les 2 %. Cette progression est globalement identique pour les OLO, toutes maturités confondues.

Le niveau des marges de crédit a, lui aussi, progressé, alors que le profil de risque de la Région est resté identique : la notation AA avec perspective stable a été confirmée lors de l'examen de la publication de fin mars. Cet écartement est un phénomène généralisé, principalement expliqué par l’écartement de marge accepté par d’autres émetteurs publics de même qualité - mouvement lancé par l'agence française de la dette - et par la retenue dont font preuve les investisseurs qui parient sur une hausse durable des taux. Par conséquent, la direction du front office de notre Agence régionale de la dette a dû faire évoluer la marge négociée d’un environnement habituel d'OLO + 10 à 15 points de base à OLO + 15 à 20 points de base.

Concernant l'ampleur de l'impact, si l’on ne considère que les opérations en format obligataire et que l’on laisse de côté les opérations spécifiques, dont les opérations à "démarrage forward" conclues durant les années antérieures avec un démarrage en 2022, on peut observer que le coût moyen des nouvelles opérations conclues cette année a quasiment doublé. En effet, il était d’environ 0,66 % en 2020 et 0,91 % en 2021 ; actuellement, il est passé à 1,44 %, toujours avec une maturité de 25 à 30 ans.

Cependant, grâce au mode de financement en "reverse inquiry" - l'Agence de la dette vous a expliqué son fonctionnement sur le marché - et à l’ouverture de différentes enveloppes dès début février 2022 pour lisser le risque d’entrée sur le marché, ce coût a pu être maîtrisé, à la différence des autres émetteurs qui ont démarré plus tard leur appel au financement, en pleine pentification de la courbe des taux.

Aussi, les opérations à "démarrage forward" conclues les années antérieures, démarrant cette année pour un total de 211 millions d'euros, ont anticipativement sécurisé ce volume et garanti les niveaux de taux bas fixés lors de leur conclusion.

Toutefois, au regard des niveaux des derniers financements, et surtout vu les perspectives liées à la fin attendue des politiques accommodantes de la Banque centrale européenne, les taux de financement devraient rester élevés, voire continuer leur progression, ce qui signifie que le niveau moyen des financements de l’année devrait encore augmenter.

Les stratégies défensives mises en œuvre ces dernières années sur le portefeuille de la dette directe se sont avérées très pertinentes. L'une d’entre elles a consisté à recourir pour l’essentiel au financement à long terme et de conserver une dette à court terme très réduite. Une autre consistait à respecter un plan de lissage défini des amortissements.

Dans le cadre de ces stratégies, la durée moyenne du portefeuille a été portée à un peu plus de vingt ans et les amortissements annuels se situent aux environs de 225 millions d'euros pour les prochaines années. Ceci a notamment pour effet d’assurer un risque de refinancement annuel particulièrement limité. En effet, pour les prochaines années, il s’agira de près de 3 % maximum, soit 225 millions d'euros par an sur un portefeuille actuel de près de 7 milliards d'euros.

S'agissant des intérêts, ils sont fixés sur le long terme du fait du recours privilégié aux financements à long terme. Par conséquent, les incertitudes au niveau des intérêts ne portent que sur les déficits futurs.

L'effet en 2022 sera donc faible. Les besoins de financement identifiés sur la base du budget initial 2022 sont déjà couverts à près de 50 % à ce stade de l’année.

Les projections sous-jacentes à l’élaboration des estimations pluriannuelles intègrent non seulement les "taux forward", mais aussi la volatilité de ces taux, observée sur les treize dernières années, comme l’a exposé devant le parlement M. Outers, directeur chef de service de l’Agence régionale de la dette, en novembre dernier. Ainsi, bien que nous soyons déjà assez bien couverts, une incidence est à attendre à partir de 2023. Toutefois, elle est difficile à déterminer avec précision à l'heure actuelle.

Quant à l'équilibre entre inflation et charge de l'emprunt, globalement, il vaut mieux un taux bas d’emprunt et, vu notre exposition globale payeur net d’inflation, un niveau bas d’inflation est aussi souhaitable pour la Région. Par ailleurs, si théoriquement la courbe des taux d’intérêt doit en principe refléter au minimum le niveau d’inflation et ainsi la combattre, ce n’est absolument pas le cas actuellement : les taux longs (+/- 2 %) sont bien en deçà d’une inflation, à plus de 5 % actuellement. Le marché n’est donc pas cohérent.

M. Emmanuel De Bock (DéFI).- Je vous remercie, de même que l'Agence régionale de la dette, pour vos explications. Je note que toutes les prévisions - ou prophéties - budgétaires que nous avions pu faire se réalisent et que le risque que nous avions identifié est bien présent, même si nous restons immunisés. Ce risque doit rester contenu. Il est au maximum de 3 % actuellement, soit 225 millions d'euros sur 7 milliards de dettes.

Je note aussi votre observation sur l'inflation, remarque que j'avais soulevée lors des débats budgétaires. Nous traversons en effet une période très troublée, ce qui se traduit par la distorsion entre les taux américains et les taux européens, ainsi que par la baisse de l'euro sur les marchés financiers, où les autorités européennes s'efforcent de maintenir le moteur économique à son régime actuel.

Tant que nous connaissons cette inflation élevée, avec des taux d'intérêt qui sont moins élevés proportionnellement, cela peut encore fonctionner. Le risque sera plus élevé lorsque les taux augmenteront plus vite que l'inflation. Nous aurons à ce moment-là un fossé plus important.

A contrario, si vous placez votre argent en banque aujourd'hui, vous ne bénéficiez pas des taux de l'inflation, alors que, par le passé, c'était plus ou moins ce qui se produisait. Cette incohérence constitue le pendant des taux d'intérêt relativement bas par rapport au coût de l'argent. Actuellement, notre argent subit une perte financière de 7,5 points d'une année à l'autre. Toutes proportions gardées, emprunter reste donc bon marché.

- L'incident est clos.

Ce texte sera complété sous peu.

Question orale de Mme Aurélie Czekalski

à M. Sven Gatz, ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé des finances, du budget, de la fonction publique, de la promotion du multilinguisme et de l'image de Bruxelles,

et à M. Bernard Clerfayt, ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de l'emploi et de la formation professionnelle, de la transition numérique, des pouvoirs locaux et du bien-être animal,

concernant "une formation à destination du personnel administratif pour gérer les personnes en détresse".

Mme Aurélie Czekalski (MR).- À l’heure actuelle, de plus en plus de personnes souffrent de pathologies psychiatriques ou de fragilité psychique. La pandémie de Covid-19 a malheureusement encore accentué la détresse mentale de certaines personnes. Les crises et rechutes dues au manque d’entourage et de soutien de la personne accompagnée sont légion.

Une crise peut survenir à tout moment et en tout lieu. Les premières personnes à en faire les frais sont souvent les proches, mais aussi les policiers, les pompiers, les gardiens de la paix, les médecins, les infirmiers, le personnel des CPAS, les agents des administrations bruxelloises, etc. Il est essentiel que toutes ces personnes qui effectuent du travail de première ligne soient sensibilisées, coachées, qu’elles bénéficient d'un soutien et d'un accompagnement spécifique.

Cependant, beaucoup de personnes ne sont pas formées à la santé mentale et à la gestion d’une personne en détresse. Il y a de plus en plus de problèmes de violence et d’agressions envers les policiers, pompiers, gardiens de la paix, médecins, infirmiers, le personnel des CPAS ou encore les agents des administrations bruxelloises. S’ils étaient formés à réagir face à une personne en détresse psychologique, cela les aiderait dans leur travail au quotidien et cela améliorait leur bien-être au travail.

Les services de soins psychiatriques pour personnes séjournant à domicile (SPAD) proposent ce type de formation, de sensibilisation, de coaching ou la supervision des services de première ligne. Ce type de formation est en adéquation avec les besoins des acteurs de terrain. Si l’on diminue le nombre d’agressions et de violence sur le lieu de travail et si l’on augmente le bien-être au travail, le taux d’absentéisme diminuera.

Le personnel précité a-t-il la possibilité de suivre ce type de formation, de sensibilisation, de coaching et/ou de supervision en matière de SPAD ? Si non, pourquoi ? Quelles pistes sont-elles à l’étude au sein du gouvernement bruxellois pour mettre ce type de formation à la disposition de son personnel de première ligne ?

Quelles formations sont-elles mises en place au sein des administrations bruxelloises pour la gestion de la violence et des agressions ? Quels y sont les chiffres d’absentéisme au travail et de maladie dus à une agression ?

Quelles formations sont-elles mises en place au sein des administrations bruxelloises en matière de bien-être au travail ?

M. Sven Gatz, ministre.- En ce qui concerne le type de formations à la disposition du personnel de première ligne, je vous renvoie à mon collègue, le ministre Bernard Clerfayt. En revanche, je peux vous dire qu'il existe plusieurs formations accessibles aux agents du service public régional de Bruxelles (SPRB ), comme :

- gestion de l’agressivité pour le personnel d’accueil et les membres du personnel en contact avec le public ;

- gestion de l’agressivité pour le personnel de contrôle ;

- sexisme et harcèlement de rue.

La plateforme régionale de formations "MyTalent Learning" a, par ailleurs, été développée en 2021. Destinée à talent.brussels et ses douze partenaires, elle permet à tous les collaborateurs de la Région d’accéder aux formations transversales proposées par talent.brussels, ainsi qu’aux formations spécifiques offertes par leur propre organisation. Cette plateforme facilite également l’innovation des formes d’apprentissage en offrant, entre autres, des possibilités d’apprentissage numérique, d’apprentissage social et des microformations.

Fin 2021, talent.brussels a commencé à déployer la plateforme chez ses douze partenaires, le but étant qu'ils soient intégrés dans la plateforme centralisée d’ici fin 2022.

En ce qui concerne l’absentéisme au travail, les chiffres de l'absentéisme et des maladies ne distinguent pas le motif de l’absence.

Enfin, s'agissant du bien-être au travail, il existe, en 2022, plusieurs formations accessibles aux agents du SPRB, dont :

- une formation générale au bien-être au travail ;

- un atelier sur la responsabilité légale en matière de bien-être au travail à destination des mandataires ;

- différentes formations de gestion du stress et de pleine conscience ;

- des formations en ligne à la disposition de l’ensemble des agents sur les différentes thématiques du bien-être, telles que la gestion du stress, la pleine conscience, la prévention du burn-out, etc.

D’autres formations sont organisées afin de former des acteurs du bien-être au travail, telles que les formations pour devenir personne de confiance, secouriste ou accompagnateur bien-être.

Talent.brussels accorde aussi beaucoup d’importance au bien-être de ses collaborateurs. Ainsi, toutes les formations proposées s'adressent aux collaborateurs de ses partenaires comme à ses propres collaborateurs.

Les formations que talent.brussels propose sont destinées aux managers ("Élaborer un cadre pour le bien-être en équipe", "Diriger pour stimuler le bien-être", "Comment faire face au burn-out de collaborateurs") et aux collaborateurs eux-mêmes ("Compréhension de la santé mentale et du bien-être au travail", "Veiller à votre équilibre travail/vie privée", "Comprendre la pleine conscience", etc.).

Enfin, talent.brussels propose également des formations portant sur l’approche à adopter face à un public difficile, par exemple "Gérer les émotions des autres", "Gérer des clients mécontents", "Comprendre le processus du conflit", "Mener un entretien difficile", etc.

Mme Aurélie Czekalski (MR).- Il s'agit d'une question de bien-être au travail. L'impact sur le personnel au quotidien n'est pas à négliger.

Je reviendrai sur le sujet pour connaître les retours de terrain et analyser les avantages, inconvénients et points à améliorer de ces formations.

- L'incident est clos.

Question orale de Mme Aurélie Czekalski

à M. Sven Gatz, ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé des finances, du budget, de la fonction publique, de la promotion du multilinguisme et de l'image de Bruxelles,

et à M. Bernard Clerfayt, ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de l'emploi et de la formation professionnelle, de la transition numérique, des pouvoirs locaux et du bien-être animal,

concernant "l'impact sur les communes et les administrations bruxelloises de l'augmentation des prix de l'énergie et du manque de matières premières suite à la guerre en Ukraine".

Mme Aurélie Czekalski (MR).- L’augmentation des prix de l’énergie et la guerre en Ukraine ont des conséquences non seulement sur le portefeuille des Bruxellois, mais aussi sur les entreprises, les communes et les administrations bruxelloises.

Prenons quelques exemples. Tout d’abord, la production de ciment a ralenti sous la pression de l'augmentation des prix de l'énergie. Du fait de ces augmentations combinées, le prix de la tonne de ciment a grimpé de près de 50 % en un an. L’impact provient de l’augmentation des prix de l’électricité et de l’imposition sur les émissions de CO2. C'est du jamais vu dans ce secteur, dont les prix sont généralement assez stables et suivent une courbe d'augmentation régulière.

Ensuite, tout comme les citoyens, les communes souffrent de l'augmentation des prix, notamment celui du tarmac. Ce matériau a récemment grimpé de 30 %. Résultat : pour certaines communes, de nombreux chantiers de rénovation de voiries vont devoir attendre.

Enfin, les câbles pour chantiers subissent les conséquences d'une pénurie de matières premières.

La situation est tout aussi compliquée, que l'on soit particulier ou professionnel. Un peu partout sur le territoire, les retards s'accumulent, conséquence d'une pénurie de matières premières. Et lorsque ce n'est pas le cas, c'est leur prix qui flambe.

Pour les prix de l’énergie, selon les tableaux de bord mensuels du régulateur fédéral de l’énergie, la Commission de régulation de l'électricité et du gaz, on constate pour les particuliers une augmentation de 861,40 euros sur la facture annuelle d’électricité entre 2021 et 2022, et une augmentation de 2.648,11 euros pour le gaz naturel.

Je voudrais connaître les mesures prises par le gouvernement bruxellois et l'ampleur de l’impact de l’augmentation des prix de l’énergie et du manque de matières premières à la suite de la guerre en Ukraine sur les finances, chantiers et projets :

- des communes,

- des administrations bruxelloises,

- de la STIB (quels seront les retards et les coûts à déplorer, et sur quels chantiers ?),

- de Bruxelles Mobilité.

Mes questions étaient initialement adressées à plusieurs ministres, mais elles ont toutes été redirigées vers vous.

M. Sven Gatz, ministre.- La situation est très volatile. Nous y reviendrons certainement dans le cadre des discussions sur l'ajustement budgétaire. En attendant, voici quelques éléments de réponse.

L'invasion et la guerre en Ukraine ont de graves conséquences sur le marché des matières premières et de l'énergie. En février, il a été question de plafonner le prix de l'essence. Entre-temps, le consensus entre les États membres de l'Union européenne pour interdire l'approvisionnement en pétrole en provenance de la Russie se renforce. Je fais référence au sixième paquet de mesures de la Commission européenne.

La Russie a cessé de fournir du gaz à la Bulgarie et à la Pologne parce que ces pays ne paient pas en rouble. La Russie imposera-t-elle également des restrictions à d'autres pays ? La diminution du nombre de fournisseurs d'énergie entraînera-t-elle une hausse des prix ?

Si les États membres deviennent plus indépendants des approvisionnements énergétiques en provenance de la Russie, quel effet cela aura-t-il sur le marché de l'énergie ? Les prix vont-ils augmenter parce qu'il y aura un choc d'offre ? Dans quelle mesure les pays européens pourront-ils suivre dans la transition vers une énergie durable ?

La semaine dernière, la Réserve fédérale américaine a relevé ses taux d'intérêt pour la deuxième fois cette année afin de freiner l'inflation galopante aux États-Unis. Quelles seront les conséquences pour l'euro et donc pour les prix du pétrole ?

La situation change de jour en jour et il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de vous donner l'impact budgétaire aujourd'hui.

Il ne faut pas en conclure que la situation n'est pas suivie. Au contraire, elle est contrôlée par mes services et les institutions directement concernées, comme la STIB, la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale, le Siamu et Bruxelles Propreté.

Lors de la révision du budget 2022, il a été convenu que l'impact serait absorbé autant que possible dans les marges des budgets actuels. Cela semble possible pour le moment.

Pour les treize communes ayant déjà transmis leur budget 2022, l’analyse de l’évolution des postes budgétaires liés à la consommation d’énergie ne permet pas d’observer une hausse significative des dépenses d’énergie. Il est probable que ces budgets, pour la plupart confectionnés entre fin 2021 et mars 2022, n’intègrent pas encore la hausse des prix de l’énergie due en partie à la guerre en Ukraine. Une hausse du coût de l’énergie devrait être observée à l’occasion de l’analyse des budgets confectionnés plus tardivement ou encore lors des prochaines modifications budgétaires.

En général, nous connaissons l'ordre de grandeur de certains montants.

Certaines marges budgétaires peuvent encore être utilisées, ce qui est une bonne nouvelle.

Nous pourrons faire le point lors du débat sur l'ajustement budgétaire, dans quelques semaines, lors duquel le gouvernement pourra apporter les réponses nécessaires.

Mme Aurélie Czekalski (MR).- J'en conclus que vous gérez la situation, mais il faudra suivre son évolution. Il ne faudrait pas que ces éléments aient un impact non négligeable sur l'espace public bruxellois et sur la vie des Bruxellois, déjà confrontés à de nombreuses difficultés.

- L'incident est clos.

Ce texte sera complété sous peu.