Logo Parlement Buxellois

Question écrite concernant l'application de suivi de contacts dans le cadre de l'épidémie de Coronavirus.

de
Françoise De Smedt
à
Elke Van den Brandt et Alain Maron, membres du Collège réuni en charge de l'action sociale et de la santé (question n°231)

 
Date de réception: 24/06/2020 Date de publication: 07/01/2021
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 03/12/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
21/10/2020 Recevable p.m.
 
Question    Le débat autour d’une application permettant le suivi des contacts dans le cadre de la pandémie de Coronavirus fait rage actuellement.

On a pu lire dans la presse récemment qu’un accord de coopération a été conclu entre le fédéral et les différentes régions, même si selon vos propres dires, le cadre fixé par le fédéral - et qui suit l’avis du Conseil d’Etat, n’est pas celui souhaité par les Régions. On le comprend, un cadre fédéral global aurait été souhaitable. Une preuve de plus que la question de la refédéralisation des matières telles que la santé doit être posée sans attendre.

Quoiqu’il en soit, il revient aujourd’hui aux Régions de prendre les choses en main et l’accord de coopération fixe également un cadre légal pour une application numérique de suivi de contacts. Outre le fait que l’efficacité d’une telle application soit remise en cause (en France, seules 14 personnes sur les 1,5 million ayant téléchargé l’application ont reçu un message d’alerte), elle suscite pas mal de questions à différents niveaux, questions que nous nous posons également.

Nous aurions, dès lors - et sans voulu nier l’importance d’un système de suivi de contact performant- voulu connaître le point de vue de la Région sur ces différents éléments :

- Au vu du renvoi vers les Régions de la mise en oeuvre de l’application de suivi de contacts, peut-on craindre que des applications différentes soient utilisées dans les différentes Régions?

- D’un point de vue technique, le Bluetooth est source de nombreux bugs technologiques. Quel autre système pourrait, selon vous, être utilisé?

- L’utilisation d’une application sur smartphone est excluante pour toute une série de publics, particulièrement pour les personnes âgées, pourtant les plus fragiles face au virus. Que pouvons-nous prévoir pour éviter cette exclusion de certains publics-cibles?

- Le suivi des contacts, et l’application en particulier, pose la question de la protection des données. La Ligue des Droits humains, mais aussi l’Association de Protection des données, ont émis de sérieuses réserves sur, entre autres, la base de données auprès de Sciensano, sur l’utilisation du numéro de registre national et sur l’utilisation des données à d’autres fins. Quelle est la position de la Région sur ces différentes critiques? L’accord de coopération tel qu’il est conclu est-il satisfaisant à l’égard des critiques formulées et permet-il d’assurer la protection de la vie privée?

- La personnalité de l' administrateur général de la Banque carrefour de la sécurité sociale, a été largement décriée dans les médias ces derniers jours. Cet homme est pourtant au coeur de la politique de suivi de contact du gouvernement. Une audition est prévue le 7 juillet. Les Régions seront-elles associées au processus? Avez-vous l’occasion de transmettre des questions spécifiques à cette occasion? La Région dispose-t'elle d’une marge de manoeuvre pour lever les conflits d’intérêts au coeur desquels se trouvent l'intéressé?
 
 
Réponse    Les quatre Communautés et Régions compétentes pour le contrôle des épidémies ont approuvé le lancement d’une application nationale de suivi des contacts. Il n’y aura donc qu’une seule application approuvée en Belgique. Le cadre juridique a été défini dans l’accord de coopération du 25 août 2020 qui a fait l’objet d’un avis du Conseil d’Etat et de l’Autorité de protection des données. Un accord de coopération d’exécution a également été conclu en date du 13 octobre permettant d’affiner le cadre de fonctionnement de l’application.

La norme DP3T, reposant sur le Bluetooth Low Energy, est celle qui a été retenue pour l’application belge. Le Bluetooth a ses limites et ses faiblesses techniques comme tout système informatique, il ne faut pas le perdre de vue.

La technologie Bluetooth souffre effectivement de plusieurs problèmes lorsqu’elle est utilisée dans certaines App de tracing, tel que par exemple l’obligation de garder l’App ouverte en avant-plan et une décharge accélérée de la batterie du téléphone. Ces problèmes ont néanmoins été résolus par Apple et Google qui ont développé une interface de programmation permettant d’utiliser le Bluetooth en arrière-plan sans consommation excessive de batterie. D’autres critiques ont été émises par rapport à la précision de la mesure de distance via Bluetooth mais entretemps les algorithmes ont été affinés par des experts et cette mesure a été fortement fiabilisée. Au cours des dernières années, différentes faiblesses ont été rapportées sur le bluetooth notamment des bugs de sécurité qui ont été corrigés. Un autre avantage de l’utilisation du bluetooth est que son rayon d’action est très court. Un éventuel hacker doit donc être à côté de vous pour vous causer du tort ce qui limite les risques à grande échelle.

Les systèmes de suivi des contacts numériques basé sur le bluetooth n’utilisent pas la localisation de la personne comme un paramètre contrairement aux applications basées sur le GPS par exemple. En cas de vol de données, l’utilité des informations collectées est donc fortement limitée.

Le suivi des contacts via une application ne peut se faire que pour une personne qui dispose d’un appareil disposant du bluetooth et de l’application, excluant de facto toutes les personnes qui ne disposent pas de cette technologie. Pour les personnes qui disposent d’un smartphone, lors du développement de l’application il sera porté une attention à la facilité d’usage en en simplifiant l’interface utilisateur au maximum et en le testant avant sa distribution.

Par ailleurs, dans l’hypothèse où l’utilisation d’une App est pertinente dans la gestion de la pandémie, elle le serait surtout pour les populations actives, en contact régulier avec différentes personnes. Une partie des personnes plus fragiles est moins investie dans des contacts très diversifiés et se situe dès lors en dehors de la cible principale de ce projet. Dans son ensemble, le tracing « manuel » restera toujours un des outils de suivi, et couvrira donc bien les autres publics.

La question de la protection des données et du respect de la vie privée, sont deux points sur lesquels j’ai veillé depuis le début des discussions autour du développement de l’application. Le choix de la technologie bluetooth plutôt que GPS est notamment la suite logique de ce positionnement et ce dans pratiquement toute l’Europe – à l’exception de la France.

Le suivi des contacts et l’identification rapide de nouveaux foyers émergents nécessite de collecter un certain nombre de données à caractère individuel. Il s’agit donc de trouver la bonne proportionnalité.

Le n° NISS est la clé de base utilisée actuellement dans les soins de santé notamment pour l’identification des tests de dépistage, pour les prescriptions de médicaments, pour les remboursements par les organismes assureurs. Dans le contexte législatif belge, il est nécessaire pour pouvoir identifier la personne avec certitude. Il y a en effet de nombreux homonymes en Belgique et plus encore lorsque le nom de la personne est dicté au téléphone. Il permet d’identifier la personne à travers le dispositif depuis le test prescrit par le médecin généraliste, le laboratoire, et l’appel par le call center.

Le dispositif déployé aussi bien manuel que digital est en conformité avec la réglementation RGPD et la protection des données personnelles bénéficie d’une attention permanente à travers tout le dispositif.

Toutes les personnes amenées à traiter ces données dans le dispositif de suivi des contacts ont signé un accord de confidentialité stricte.

Un nombre limité de personnes ont accès aux fichiers comprenant les données personnelles des personnes à contacter. Les fichiers sont anonymisés lorsque les informations personnelles ne sont pas indispensables.

Les questions que vous posez sur les conflits d’intérêts méritent d’être approfondies. Les outils mis en place pour la gestion des données de santé et de sécurité sociale mériteraient d’être audités et les corrections nécessaires apportées par les autorités concernées.

En attendant, et en temps de crise, on travaille avec les outils à notre disposition. A ce jour, Sciensano, eHealth et la SMALS sont les meilleurs outils à notre disposition pour gérer ces données de la manière la plus efficiente ET la plus sécurisée possible.


Les données collectées pour le suivi de l’épidémie au niveau de sciensano sont d’une utilité très limitée pour un hacker : nom, âge, adresse postale, téléphone, adresse email, NISS, état de santé : symptômes ou pas, labo ou CT scan (COVID uniquement), date infection ou date du contact, Nom des collectivités, NISS des contacts.

Les bases de données mises en place : 5 bases de données : 4 bases pour le traçage manuel et une pour l’application numérique :
­ Base de données I : la base de données centrale de Sciensano ;
­ Base de données II : la base de données existante à Sciensano, utilisée pour la recherche scientifique- données pseudonymisées ;
­ Base de données III : la base de données des demandes d'appel et des demandes pour le personnel du centre de contact (niveau fédéré) ;
­ Base de données IV : la base de données contenant les coordonnées des collectivités (niveau fédéré) ;
­ Base de données V : le journal central des enregistrements qui permet de contrôler le fonctionnement de l'application numérique de traçage de contacts- à Sciensano.