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Question écrite concernant le plan d'investissement pour les infrastructures cyclistes.

de
Christophe De Beukelaer
à
Elke Van den Brandt, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargée de la Mobilité, des Travaux publics et de la Sécurité routière (question n°305)

 
Date de réception: 10/02/2020 Date de publication: 24/03/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 19/05/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
13/03/2020 Renvoi commission mobilité p.m.
13/03/2020 Recevable Bureau élargi du Parlement
 
Question    Le vélo continue de s’imposer comme un mode de transport urbain. Ainsi, d’après l’ASBL Pro Velo, 2019 a vu le nombre de deux roues augmenter de 9%. Si cette progression est un peu en dessous de la hausse moyenne annuelle depuis 2010 (13%) cette tendance positive vient tirer un trait sur la stagnation que nous avons connu en 2016 et 2017.

Si les investissements consentis visant à rendre ce mode de transport plus sûr sont visibles, 41 km de nouvelles infrastructures cyclables ont garni les voiries régionales depuis 2014, ils restent néanmoins encore trop discontinuent. En effet, il suffit de regarder les interruptions de pistes à l’approche d’un carrefour ou de se rendre sur le site de MOBIGIS pour s’apercevoir de l’absence de continuité dans les infrastructures.

Conscient de la situation, la DPR et le plan GoodMove ambitionnent de combler ce manquement :

- DPR : « L’objectif du Gouvernement est de doubler la part modale du vélo en 5 ans, notamment en visant la réalisation de pistes cyclables supplémentaires et le bouclage du réseau ICR ».

- Le plan GoodMove fait également la part belle au vélo pour les déplacements inférieurs à 5km et pour les trajets allant de 5 à 25km. Ce double objectif vise à tripler son utilisation pour les déplacements interrégionaux et à quadrupler son usage pour les déplacements intra bruxellois.

L’absence de continuité dans les infrastructures n’est pas sans conséquences. En effet, les coupures dans les pistes provoquent une confusion chez les cyclistes, piétons et automobilistes. Ce n’est donc pas un hasard si la carte des zones à concentration d’accident (ZACA) coïncide avec les coupures ou avec l’absence d’aménagements. Rien que sur la petite ceinture on peut dénombrer une série de ces zones marquées par des lacunes pour les deux roues  : Louise, gare du Midi, porte de Flandre, Sainctelette, Yser... 


Madame la Ministre, voici mes questions sur le sujet :

- Plus de 6 mois après votre entrée en fonction, quelle est votre feuille de route pour la réalisation du plan d’investissement spécifique aux infrastructures cyclables prévu dans la DPR ? Dans quel timing comptez-vous le proposer au gouvernement et au Parlement? En quoi consistera-t-il concrètement? Combien de km de pistes cyclables est-il prévu de réaliser dans ce plan ? Combien seront séparés de la voirie ? Non explicité dans le budget 2020, quel montant sera alloué à ce projet et sur combien d’années ?

- Il semblerait que vous avez déjà consulté la société civile sur le sujet. Quels acteurs sont impliquées dans ce projet? Quel rapport pouvez-vous nous faire de cette consultation ? Un plan leur a-t-il déjà été soumis ou partez-vous d’une page blanche?

- Disposez-vous d’un recensement des zones où des faibles aménagements permettraient d’obtenir des quick-wins?

- Lors des budgets vous affirmez qu’une feuille de route, un calendrier de travaux ainsi qu’une proposition de budget sera réalisée pour chaque ZACA, qu’en est-il ? L’aspect continuité des pistes cyclables est-il intégré dans cette réflexion et comment allez-vous lier cela au plan d’investissement spécifique aux infrastructures cyclables?
 
 
Réponse    Le nombre des cyclistes ne cesse d’augmenter à Bruxelles, ça c’est clair.
Le frein principal au développement du vélo reste en effet la sécurité routière, et le sentiment de sécurité. Si des aménagements larges séparés constituent en effet une solution évidente sur les grands axes, d'autres solutions existent pour offrir des itinéraires attractifs aux cyclistes.

Pro Velo et Mobiel 21 ont récemment fait une étude pour Bruxelles-Mobilité sur « Comment est-ce que l’insécurité routière forme une barrière pour les cyclistes débutants ? ». Celui n’a jamais été présenté ici et je propose qu’on invite Pro Velo pour une présentation et discussion sur leur étude qui s’appelle « Way too much for ?! – Bruxelles à vélo”

Le nombre de femmes cyclistes ne cesse aussi pas d'augmenter à Bruxelles, même si elles restent minoritaires. Les nouveaux chiffres montrent encore une légère progression, les femmes représentant aujourd'hui 36% des cyclistes bruxellois.

Dans le cadre de l'Observatoire du vélo 2019, Pro Velo a réalisé une enquête spécifique à propos des « femmes et le vélo ». Ce rapport sera présenté plus tard dans le courant du printemps. Il examine plus en détail la raison des différences entre les hommes et les femmes au sujet l'utilisation du vélo. J’ai déjà parcouru les premiers chiffres émis par l'Observatoire du vélo. L'enquête spécifique sur les femmes et le vélo a été réalisée sur base de ces chiffres mais celle-ci doit encore être présentée.
 
La différence entre les hommes et les femmes sur le port du casque ne semble pas très significative (55 % pour les hommes et 56 % pour les femmes). Traditionnellement, les hommes ont commencé à porter un casque plus tôt que les femmes ; ce n'est que maintenant que la proportion de femmes augmente puisqu'elles sont plus nombreuses à porter le casque que les hommes. Cependant, c'est l'augmentation générale du port du casque qui est frappante. Celle-ci est clairement liée à l’adoption de davantage de vélos à assistance électrique (75 % de ces « cyclistes électrisés » portent un casque), mais aussi au fait que les nouveaux cyclistes ont commencé à porter un casque plus tôt que ceux qui font du vélo depuis bien plus longtemps.
 
Nous constatons une différence plus nette dans la mesure où les femmes veulent être mieux vues : davantage de femmes (82 %) roulent sur des vélos dont l'éclairage est en ordre comme elles portent plus souvent une veste fluo. Les raisons de cette différence de comportement sont étudiées plus avant dans l'enquête « les femmes et le vélo ».

Il y a une grande différence dans le comportement entre les hommes et les femmes entre les points de comptage. On compte ainsi 41,5 % de femmes cyclistes place Stéphanie et à peine 29% pour la lanterne rouge de cette liste, le rond-point du Martin-pêcheur à Watermael.
Cette différence n’est pas une spécificité bruxelloise. Elle se retrouve dans différentes villes occidentales qui ont connu une augmentation du nombre de cyclistes. Il existe une corrélation directe entre le niveau de cyclabilité d’une ville et la proportion d’homme-femme cyclistes de cette même ville. plus la cyclabilité augmente (confort, infrastructure, sécurité, nombre de cyclistes...), plus cette différence s’amenuise.
Mais il ressort également de l'Observatoire du vélo une vue plus nuancée qui montre qu'il faut considérer la situation à une échelle globale et non rue par rue : on retrouve une majorité de femmes avenue Louise (pas d'infrastructure vélo), avenue de la Couronne (les cyclistes partagent la voie des bus) et avenue de Fré (piste cyclable balisée). Pour les points de comptage où l'on croise le moins de femmes, il y a la belle piste cyclable de l'avenue Vandervelde à Woluwe ou encore, le long du canal à Paepsem (à côté d'endroits moins adaptés aux cyclistes comme la gare de l'Ouest). Les différences semblent également résider dans la distance par rapport au centre (les points de comptage de la seconde couronne affichent de moins bons résultats) et dans le nombre de cyclistes. Là où il y a davantage de cyclistes, la proportion de femmes est également plus élevée.
Ainsi nous avons pu constater lors d'un comptage "cordon", en 2015, que la part des femmes était plus importante sur des rues de quartier (les comptages habituels se font sur les carrefours principaux) : les femmes semblent donc privilégier ces rues plus calmes où la circulation est moins dense et moins rapide. D'autre part, nous constatons que certains aménagements sans marquage attirent également un public féminin : les bandes bus sur l'avenue de la Couronne comptent un des pourcentages les plus élevés de femmes de la capitale. La largeur de cet aménagement, et donc l'éloignement de la circulation y est pour quelque chose.
Tout ceci est bien entendu lié à l'infrastructure cycliste : aux endroits où il existe des infrastructures cyclables sûres et confortables (et elles peuvent prendre des formes variées), le nombre de cyclistes augmente également de manière significative. À mesure que le nombre total de cyclistes augmente, la représentation des femmes augmente également. Cela montre l'importance du principe STOP pour les infrastructures et comment l'espace public peut réellement guider la politique en matière de mobilité : construisez votre infrastructure pour les piétons et les cyclistes, les piétons et cyclistes pédaleront et se promèneront plus. Construisez votre infrastructure pour les voitures, elles continueront à être dominantes.
C’est un code du trafic qui est généralement accepté et qui doit de toute urgence être intégré par tous les partis politiques : une infrastructure plus développée pour les voitures attire davantage de voitures. Plus d'infrastructures pour les cyclistes et ceux-ci arriveront, etc.

Oui, l'utilisateur a parfois besoin de temps pour s'adapter mais pratiquement tous les experts en mobilité confirmeront l'existence de l'effet de cette demande latente. Cette loi du trafic est également valable dans l'autre sens. Il est donc essentiel que les décideurs politiques en tiennent compte lors de la (re)construction de l'espace public. Créer de l'espace pour les habitants et ils l'investiront !

Un autre exemple clair d'une action qui semble attirer plus de personnes et en particulier les femmes à vélo sont les cours de cyclisme et les initiatives vélo.
Quand on regarde l’ensemble des projets de mise en selle de Pro Velo, ils accueillent une surreprésentation des femmes par rapport aux hommes. Il semble montrer que de la formation pour les cyclistes (débutants) afin d’améliorer le sentiment d’insécurité aide aussi beaucoup les femmes à prendre l’étape vers le vélo.

Quelques chiffres :
· Formation Bike Experience : 400 personnes formées, dont 71% de femmes
· Projet Via Velo : 200 femmes formées sur 210 participants (95% de femmes)
· Cours débutants adultes : 250 participants, dont 88.6% de femmes

Pro Velo forment également des personnes en entreprises (+- 1.000 personnes / an). On n’a pas les chiffres exacts sous la main mais ils sont du même ordre que pour Bike Experience (+- 70% de femmes).

C’est pourquoi les missions de base de Pro Velo nécessitent la poursuite de leurs actions de mise en selle ouvertes à tous.tes, mais qui permettent un rattrapage relatif au niveau de cette différence de genre constatée. 

Elles impactent directement le nombre de femmes qui se lancent malgré une cyclabilité dans Bruxelles qui encore loin des standards que l’on retrouve dans les villes des pays nordiques où cette différence est quasi inexistante. 
Ces questions seront également examinées plus en détail dans le rapport « les femmes et le vélo » de Pro Velo qui doit sortir aux environs de l'été. Le rapport contiendra également des recommandations politiques visant à inciter davantage les femmes à faire du vélo.

Afin de répondre à la demande croissante d'espace pour les cyclistes, par exemple, une voie a été dégagée dans la Rue de la Loi pour une nouvelle piste cyclable. L'intention est donc de faire, tout comme pour la rue Belliard, un premier test de type quick win. Les rues avoisinantes deviendront également des voies à circulation limitée lorsque ces quartiers sont traités dans la plan Good Move.

Un autre endroit qui a clairement atteint un point de saturation est la piste cyclable le long du canal à hauteur du quai du Hainaut et du quai des Charbonnages. On étudie ici comment déplacer à court terme les obstacles (poteaux d'éclairage, parcmètres et signalisation) vers la bande de stationnement. À plus long terme, le quai pourrait être réaménagé en zone résidentielle, lorsque le plan de circulation sera également adapté dans le cadre du plan Good Move ; il faudra alors prévoir une coupure pour mettre fin au trafic de transit.

La zone plus dense en matière de trafic vélo est Mérode, en particulier, la section de trottoir partagé entre la rue Père De Deken et le rond-point. Il n'y a pas de solution simple et les entretiens se poursuivent ; j'en ai déjà discuté lors de la dernière Commission Mobilité en réponse aux questions de Monsieur De Beukelaer.
Nous essayons dans notre communication d'être plus inclusifs et de parler à un public féminin par le choix des thèmes et du style de message. La carte vélo, diffusée en permanence dans les points vélo (1000 exemplaires par mois), montre les ICRs ainsi que tous les aménagements cyclables physiques de la Région. Il existe un routeplanner qui permet de chercher son itinéraire; il est basé sur le réseau ICR (routeplanner.bike.brussels). D'autres supports sont en préparation.

Les utilisateurs de vélos partagés représentent 3% des cyclistes observés à l'heure de pointe. Les besoins de leurs usagers correspondent en grande partie à ceux des cyclistes qui utilisent leur propre vélo. Nous sommes évidemment en contact régulier avec les opérateurs.

Bruxelles Mobilité fait partie d'un réseau européen de villes cyclables et participe de façon active à des colloques internationaux en la matière (notamment à la conférence Vélo-City). Pour cadrer sa politique cyclable, la Région fait, à intervalles réguliers, un audit, appelé le BYPAD. Cet audit de la politique cyclable qui a été faites en 2018 et qui est réalisé avec les usagers a été une contribution importante à la politique du vélo dans Good Move. C'est une méthode qui permet de mesurer l'évolution de la ville en matière de politique cyclable. Le rapport BYPAD contient un plan d'actions avec des recommandations, basées sur les expériences d'autres villes qui sont plus avancées que nous.

Même s'il est logique qu'on regarde Copenhague ou Amsterdam comme exemples à suivre, il est parfois plus judicieux de regarder d'autres villes, qui ne sont pas encore au sommet, mais qui sont plus avancées que nous. Bien sûr que le but est d’atteindre le niveau d’Amsterdam ou Copenhague mais ils ont fait cette évolution depuis les années septante, là où nous voulons que ça avance beaucoup plus vite, l'urgence est trop grande. Donc des villes comme Cologne, Münich, Vienne, Göteborg ou même Paris nous montrent parfois des « best practices » plus utiles pour le contexte bruxellois que les "villes championnes". Le plan Good Move aussi, a fait une comparaison d'une série de grandes villes européennes, pour inspirer la politique de mobilité. Une des actions retenues est l'apaisement des quartiers, mesure relativement simple avec un effet énorme sur la cyclabilité. Une autre action consiste en la création de "cyclostrades", voies vélos autonomes qu'on peut aménager, par exemple, le long des lignes de chemin de fer qui sont maintenant part de notre réseau Vélo PLUS.

Pour la mise en œuvre d'aménagements cyclables, Bruxelles Mobilité dispose d'un budget de 15 millions d'euro pour 2020. En outre, la construction d'infrastructures cyclables est également incluse dans de nombreux autres projets plus grands, mais parmi ceux-ci, il est difficile de calculer le budget exact qui sera alloué aux différents types d'infrastructures.
Une programmation « infrastructures vélo » pour les années prochaines est en cours.
Mis à part la continuité des travaux déjà programmés (avenue du Port, rue des Palais, chaussée de Ruisbroek, la petite ceinture…), l’Administration se base dorénavant sur les réseaux Vélo PLUS et CONFORT du projet de PRM-Good Move pour proposer une programmation allant de 2020 jusque 2030. Comme Good Move vient d’être valider par le gouvernement, cette programmation n’est donc pas encore finie.
Quelques éléments à la base de cette programmation :
· Créer des axes continus et donc également résoudre les grands « nœuds » pour les cyclistes que sont par exemple Sainctelette, Montgomery ou encore Meiser.
Ainsi, de la première analyse du réseau Vélo PLUS. Le but est de créer des infrastructures cyclables de haute qualité avec des pistes cyclables séparées d’une largeur suffisante pour le futur.
Voici les normes du vademécum:



· Il apparaît que sur 248 km de réseau Vélo PLUS:
· Environ 30% est à considérer comme OK pour l’instant (au moins jusque 2030 - il y a des infrastructures cyclables, mais pas nécessairement déjà aux normes en termes de largeur)
· Environ 20% est encore à améliorer et donc 50% est à créer.
· Il s’agit de pistes cyclables, mais également de cyclostrades le long des voies ferrées, à réaliser par Beliris. Nous devons donc encore construire plus de 170 km d’infrastructures. Il va de soi que ceci nécessite un énorme saut dans le rythme de réalisations.
· Sur le réseau Vélo PLUS, il s’agit en priorité d’aménagements de pistes cyclables ou de voies cyclables sans circulation, à l’exception éventuellement de voies latérales de grands axes apaisées par endroits ou des tronçons de rues de quartier transformés en rues cyclables.
· Dans un premier temps, il est proposé de doubler les investissements actuels, soit +-15 millions d’euro par an, pour atteindre 30 millions d’euros par an (hors budget Beliris).

· Sur la consultation des associations de cyclistes. L’audit BYPAD a formulé une série de recommandations très claires pour les infrastructures vélo : créer des réseaux complets et trouver des solutions pour traverser les grandes barrières. Entre temps, ont a déjà eu plusieurs rencontres avec les associations cyclistes. Ceci dans des rencontres bilatérales ou par exemple dans les Commissions Régionale de la Mobilité. Par exemple, le GRACQ et Fietserbond nous ont déjà donné quelques de leur priorités et remarques sur la préparation de la planification. Cette nouvelle programmation sera aussi présentée aux, et discutées avec, les associations de cyclistes dans un stade ultérieur.



L’analyse du réseau vélo PLUS a explicitement conduit à isoler des projets qui pourraient être réalisés sans permis ou avec des moyens légers.
Pour l’instant les ZACA prioritaires non encore résolues et sur voiries régionales ont été planifiées en termes d'étude, de mise en œuvre et de budget. Il s’agit d’interventions rapides de sécurisation, pour répondre le plus vite possible aux situations dangereuses bien connues des autorités régionales. La résolution des ZACA améliorera la sécurité de l’ensemble des usagers, vulnérables et moins vulnérables, et donc aussi des cyclistes. Cette sécurisation est jugée prioritaire, et se fera donc sans nécessairement intégrer les continuités cyclables. Le développement d’un projet plus global prend du temps et la résolution des ZACA a déjà suffisamment pris de retard. Cependant, il est évident que la solution d’urgence mise en œuvre pour les ZACA ne doit pas hypothéquer une intervention ultérieure, et ce pour l’ensemble des modes et fonctions de l’espace. La résolution des ZACA n’est donc pas liée au plan d’investissement spécifique aux infrastructures cyclables.