Logo Parlement Buxellois

Question écrite concernant les déchets dans les hôpitaux.

de
Jonathan de Patoul
à
Alain Maron, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de la Transition climatique, de l'Environnement, de l'Énergie et de la Démocratie participative (question n°199)

 
Date de réception: 07/02/2020 Date de publication: 04/05/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 30/04/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
13/03/2020 Recevable Bureau élargi du Parlement
 
Question    Avez-vous une idée de la quantité de déchets produits dans un hôpital de l’envergure du CHU Brugmann chaque année?

En additionnant les chiffres des sites Horta et Brien, on avoisinerait les 500 tonnes de déchets ménagers par an. En ce qui concerne les déchets spécifiquement médicaux, à savoir tout ce qui a été en contact avec le patient, on arriverait à 162 tonnes. Le papier/carton représente quant à lui une centaine de tonnes.

Force est de constater que la gestion des déchets constitue un enjeu de taille pour les établissements hospitaliers et pour notre Région bruxelloise. Malheureusement, si l’on peut se réjouir du fait que le développement durable soit de plus en plus évoqué dans nos institutions médicales, il faut constater qu’en Belgique et à Bruxelles nous ne sommes pas encore très avancés dans le domaine.

Prenons le cas plus spécifique des salles d’opérations.

En anesthésie, 2 sortes de gaz sont généralement utilisés : le protoxyde d’azote et les halogénés (sévoflurane, desflurane…). Ces gaz participent à 0.01% des émissions mondiales ce qui peut
nous paraître bien peu. Mais à y regarder de plus près cela correspond tout de même à près de 3.1 millions de tonnes de CO2/an soit près de 3.1 millions d’aller/retour Bruxelles-New York en avion.

Plus de 95 % du gaz utilisé lors des opérations s’échappe en l’état et participe à l’effet de serre. Cependant tous ces gaz n’y contribuent pas de la même manière. Le desflurane est par exemple 10 fois plus polluant que le sévorane. Ce qui a d’ailleurs poussé, il y a quelques années, l’hôpital Montefiore à New York à privilégier largement le second au détriment du premier, réalisant au passage près de 100.000 Dollars d’économie. Et oui, ils n’ont pas non plus le même coût !

Au Canada, une entreprise réfléchi à une méthode de recyclage des gaz halogénés pour à la fois réduire l’empreinte carbone et faire des économies. Un dispositif a été créé, le Deltasorb, pour capturer les gaz dans la salle d’opération, les purifier et les réutiliser.

Madame et Monsieur les Ministres, dans l’intérêt de la planète et du portefeuille des bruxellois. Pouvez-vous me dire quel type de gaz d’anesthésie est utilisé par nos hôpitaux ? Y a-t-il des réflexions en cours pour privilégier l’usage de ceux moins coûteux et moins polluant et en diminuer l’usage ? Nos hôpitaux ont-ils accès au dispositif Deltasorb ou à défaut des réflexions sont-elles en cours pour en acquérir ou du moins pour recycler les gaz utilisés
?

D’autre part, si panser le malade est implicite à l'hôpital, penser au respect de la nature doit aussi plus s'imposer en salle d'opération. Il y a, en effet, urgence : en France, par exemple, sur les 700 000 tonnes de déchets produits par les établissements de santé, 30 % proviennent du bloc. On ne compte plus pour une intervention le nombre exponentiel d'emballages, de poches, de vêtements, d'outils chirurgicaux, de médicaments, surtout du fait de la législation sanitaire de l'usage unique. Les déchets sont nombreux et ne sont pas toujours bien triés et recyclés. Et s’il est certain que le milieu médical nécessite de prendre certaines précautions, il est également certains que tout cela peut être amélioré.

Deux sortes de poubelles se trouvent en salle d’opération, une poubelle avec sac noir DAOM (déchets assimilables aux ordures ménagères) et une poubelle jaune DASRI (déchets d’activité de soins à risques infectieux). Un tri conforme donne environ 80% de DAOM pour 20% de DASRI. D’après les chiffres que j’ai pu obtenir, les poubelles DASRI coûtent 3.68 euro HTVA (101.910 euros HTVA rien que pour l’hôpital Delta en 2019). Leur évacuation coûte 650 euros la tonne et l’impact en terme de pollution est 960 kg d’équivalent CO2 alors que pour les poubelles normales cela se chiffre à 195 euros la tonne pour 360 kg d’équivalent CO2. On comprend vite qu’ici encore, pour la planète et pour le portefeuille du contribuable il vaut mieux être
rigoureux.

Si l’on comprend bien que parfois l’urgence et le stress d’une opération nécessite toute la concentration de l’équipe médicale, on peut toutefois se demander pourquoi il n’y a pas systématiquement la possibilité de trier les déchets en salle de chirurgie (papier, verre et PMC) ? Concernant les poubelles DAOM et DASRI, est-il possible d’avoir le taux de tri de ces 2 types de déchets dans nos hôpitaux bruxellois ? Existe-t-il des sensibilisations du personnel hospitalier par rapport à ces enjeux liés au tri ? Enfin pouvez-vous me donner la facture totale du traitement des déchets par nos hôpitaux bruxellois ?

En admettant que le tri entre DAOM et DASRI soit correctement réalisé au niveau des hôpitaux, d’autres questions peuvent encore se poser. En effet, les DASRI produits à Bruxelles sont envoyés en nombre jusqu’à Anvers pour être incinérés. Pourtant l’AMB, société belge établie à Mons a mis au point un procédé technologique innovant permettant de traiter et recycler les déchets hospitaliers. Paradoxalement, cette entreprise n’a pas encore convaincu les hôpitaux belges, alors qu’elle exporte déjà dans plus de 50 pays. Dans un premier temps, les déchets sont broyés finement comme des confettis afin de réduire leur volume de 80%. Ce qui en soi permet déjà de réduire drastiquement le transport des DASRI. Mieux encore, ils utilisent ensuite le principe des micro-ondes qui, grâce à une température de 100 degrés permet une décontamination, les DASRI se transforment donc en DAOM. Cerise
sur le gâteau, c’est une première mondiale, ils sont parvenus à trier et valoriser ces déchet décontaminés qui peuvent ensuite être revendus. Cela concerne principalement les plastiques à haute valeur ajoutée (ex : le polyéthylène, le polypropylène, …). C’est donc à la fois intéressant au niveau écologique mais aussi économique, ils estiment en effet pouvoir réduire de moitié la facture de traitement de déchets des hôpitaux.

Avez-vous déjà eu un contact avec cette société pour envisager l’utilisation par nos hôpitaux bruxellois d’une telle technologie belge reconnue mondialement (ONU, OMS, France, USA, …) ? De manière plus générale, la législation en la matière, différentes pour chaque région du pays, ne facilite pas les choses. Avez-vous des contacts avec vos homologues flamands et wallons sur le sujet ?
 
 
Réponse    Q1 : Pouvez-vous me dire quel type de gaz d’anesthésie sont utilisés par nos hôpitaux ? Y a-t-il des réflexions en cours pour privilégier l’usage de ceux moins couteux et moins polluants et en diminuer l’usage ? Nos hôpitaux ont-ils accès au dispositif Deltasorb ou à défaut des réflexions sont-elles en cours pour en acquérir ou du moins pour recycler les gaz utilisés ?

La Région Bruxelles-Capitale n’est pas compétente pour déterminer quels types de gaz anesthésiant il est préférable d’utiliser sur les patients, ceci relevant de compétences fédérales. La Région peut ici difficilement intervenir sur des solutions qui pourraient mettre en péril le principe de proportionnalité entre compétences et la santé des patients.

Toutefois, certains gaz tels que le sevoflurane et le desflurane ont un impact environnemental étant donné qu’il s’agit de gaz à effet de serre. Le PRG (Potentiel de Réchauffement Global) peut aller jusqu’à 2540 pour le desflurane, le sevoflorane est lui 20 x moins polluant. Il s’agit ici d’aérosols techniques visés par le Règlement européen 517/2014, qui exclut les applications médicales de son champ d’application. Il n’y a, a priori, pas de restriction légale quant à leur utilisation. Pour autant, l’aspect médical est prioritaire par rapport à l’aspect environnemental.

Bruxelles Environnement ne peut cependant pas se prononcer sur ce dernier aspect, et n’intervient que sur les conditions de gestion des dépôts de ces gaz, via les permis d’environnement. Nous ne disposons pas d’informations sur le dispositif Deltasorb, et il n’y a pas de réflexion en cours à ce sujet.


Q2 : Pourquoi n’y a-t-il pas systématiquement la possibilité de trier les déchets en salle de chirurgie ?

Aucun tri ne s’effectue actuellement dans les zones d’activités de soins (y compris en salle d’opération) étant donné que l’Arrêté de 1994 relatif à la gestion des déchets d’activités de soins ne l’autorise pas. Les déchets produits sont des « déchets de soins à risque » ou des « déchets de soins non à risque ». Ces deux types de déchets sont actuellement destinés, de par cet Arrêté, à l’incinération.


Q3 : Est-il possible d’avoir le taux de tri des « déchets de soins non à risque » et des « déchets de soins à risque » dans nos hôpitaux bruxellois ? Existe-t-il une sensibilisation du personnel par rapport aux enjeux liés au tri ?

Nous n’avons pas de chiffres de tri des déchets de soins à risque et non à risque, mais une enquête de terrain effectuée par Bruxelles Environnement en 2017 a démontré que le tri a tendance à s’orienter en faveur des déchets de soins à risque : en cas de doute, le principe de précaution oriente le personnel à placer les déchets dans la catégorie « à risque » bien que dans de nombreux cas, ils pourraient ne pas l’être.


Q4 : Pouvez-vous me donner la facture totale du traitement des déchets par nos hôpitaux bruxellois ?

Nous ne disposons pas à ce jour d’informations comparables et exploitables sur ce point.


Q5 : Avez-vous déjà eu un contact avec la société AMB pour envisager l’utilisation par nos hôpitaux bruxellois d’une telle technologie belge reconnue mondialement ? Avez – vous eut des contacts avec vos homologues wallons et flamands à ce sujet ?

Actuellement, la plupart des déchets de soins à risque ne peuvent légalement pas faire l’objet d’un traitement. Bruxelles Environnement a rencontré la société AMB ainsi que d’autres sociétés spécialisées dans le traitement de ce type de déchets. Il en ressort qu’à l’heure actuelle, les installations de traitement arrivent en effet à traiter ce type de déchets avec efficacité.