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Question écrite concernant le potentiel des voies navigables pour le transport de fret en Région de Bruxelles-Capitale.

de
Cieltje Van Achter
à
Alain Maron, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de la Transition climatique, de l'Environnement, de l'Énergie et de la Démocratie participative (question n°200)

 
Date de réception: 10/02/2020 Date de publication: 30/04/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 30/04/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
13/03/2020 Recevable Bureau élargi du Parlement
 
Question    Le transport de marchandises vers et via Bruxelles représente une part importante du nombre de déplacements sur le réseau routier. La première version du nouveau plan de mobilité Good Move parle de 16.000 trajets de camions et 26.000 trajets de camionnettes par jour. Des recherches antérieures ont montré que cette forme de transport représente environ 14 % de l'ensemble des véhicules dans le trafic bruxellois. Outre son impact considérable sur la circulation et la problématique de la mobilité, le transport routier de marchandises entraîne des émissions excessives de particules fines et de CO2.

L'augmentation de la densité de population, l'accroissement concomitant de la consommation et l'évolution des habitudes de consommation (plus que jamais, les livraisons à domicile sont devenues la nouvelle norme) exercent une pression croissante sur toutes les villes internationales. Bruxelles doit également gérer cette pression supplémentaire, qui s'ajoute au transport traditionnel de marchandises.

La recherche d'une solution passe non seulement par une gestion plus efficace du transport routier de marchandises, mais également par l'examen d'alternatives.

L'une de ces alternatives est sans aucun doute la voie navigable. Le potentiel de celle-ci dans la distribution interurbaine a déjà été mis en évidence dans plusieurs études et offre un certain nombre d'avantages évidents. Les voies navigables intérieures ne souffrent pas de congestion et le transport logistique par bateau consomme moins de carburant que le transport routier. De plus, ce n'est pas une nouveauté à Bruxelles : une partie du transport de marchandises se fait déjà aujourd'hui par voie d'eau. Selon les chiffres du Port de Bruxelles, environ 5,2 millions de tonnes ont été transportées en 2019. Ce chiffre correspond à celui de 2018, où le cap des cinq millions de tonnes a été dépassé pour la première fois. Ces quantités importantes ne représentent toutefois qu'une faible part du transport total de marchandises en Région de Bruxelles-Capitale (20 % d'après les chiffres du plan Iris II). En outre, les chiffres montrent que plus de 80% du trafic du Port de Bruxelles est constitué de matériaux de construction et de produits pétroliers. Il est clair qu'il y a encore de la marge pour transformer notre port et la zone du canal de Bruxelles en un véritable pôle de distribution, notamment pour d'autres industries (entre autres les denrées alimentaires, secteur dans lequel le port a enregistré une baisse de 3% en 2019).

L'accord de gouvernement est malheureusement dépourvu d'ambition au niveau du port. De plus, le projet Good Move consacre à peine deux pages à la distribution urbaine et ne fait aucune référence au potentiel de la voie d'eau.

Par exemple, il n'évoque pas d'éventuels partenariats avec le secteur privé, qui constituent pourtant un élément indispensable à la réalisation de projets liés à la distribution par la voie navigable. La phase de démarrage de ces projets est souvent difficile et nécessite donc le soutien des autorités régionales.

Sur le site web du Port de Bruxelles, on peut lire qu'un réseau de plates-formes de transbordement est en train de se mettre en place le long du canal, où les marchandises peuvent être transférées du bateau vers d'autres modes de transport afin d’assurer la logistique du dernier kilomètre vers le client final. Le réseau de plates-formes comprend deux hubs, situés aux bassins Vergote et de Biestebroeck, entre lesquels les marchandises pourront être déchargées au plus près de leur destination finale via des points de transbordement. Toutefois, on ne sait pas exactement où en est ce projet aujourd'hui.

C'est pourquoi j'aimerais vous poser les questions suivantes :

- Quelle est la part du transport de marchandises par voie d'eau dans le volume total de la distribution urbaine en Région bruxelloise ?

- Quel est l'état d'avancement du réseau de plates-formes de transbordement du Port de Bruxelles ? Ce réseau est-il pleinement opérationnel ?

- Avez-vous conclu des partenariats avec le secteur privé pour soutenir des initiatives de distribution par voie d'eau ? Quels sont-ils concrètement ?

- Quelle est votre politique et celle du gouvernement en matière de distribution urbaine et, en particulier, par la voie d’eau comme alternative au transport routier ?
 
 
Réponse    Pouvez-vous indiquer quelle part du transport de fret par voie d'eau représente dans le volume total de la distribution urbaine bruxelloise ?

Si les volumes transportés par la voie d’eau à Bruxelles sont bien connus grâce aux statistiques régulièrement établies par le Port de Bruxelles, le volume exact de marchandises transportées par route reste incertain. Les documents régionaux relatifs à cette question tels que le Plan Stratégique pour le Transport de Marchandises en RBC, le cahier thématique de l’observatoire bruxellois de la mobilité ou plus récemment le Plan « Good Move » ont d’ailleurs choisi de ne pas citer de chiffre absolu mais de se concentrer sur les logiques de fonctionnement de transport de marchandises à Bruxelles.

La seule estimation disponible à ce sujet, calculé par l’IBSA sur base des enquêtes du SPF économie et repris dans les statistiques régionales, suppose un volume total des mouvements routiers de marchandises d’à peine 9,077 millions de tonnes en 2016 (dernière année disponible), alors que le transport fluvial de marchandises représentait au même moment 4,480 millions de tonnes, soit près de la moitié.

Ces chiffres semblent donc irréalistes.

Il n’en demeure pas moins que le port et le canal jouent déjà un rôle important dans la distribution urbaine bruxelloise, par sa fonction de stockage et de distribution urbaine au sens large.


Quelle est la situation du réseau de plateformes de transbordement du Port de Bruxelles ? L'ensemble de ce réseau est-il opérationnel ?

Le réseau est effectivement créé et opérationnel, avec deux Centres de Transbordement Urbains, l’un proche de l’hyper-centre au bassin Vergote, l’autre au bassin de Biestebroeck à Anderlecht, qui assurent actuellement une part importante des transbordements de palettes à Bruxelles. Ces derniers sont amenés à se développer rapidement grâce aux nouveaux partenariats noués par le Port de Bruxelles et les exploitants de ces terminaux avec les entreprises responsables de ces flux.

Ce réseau est complété de points de transbordement urbains (ou PTU) qui, à partir d’un quai public, permettent le déchargement plus ponctuel de marchandises unitisées (palettes, bigs bags, rol-tainers et autres) et leur enlèvement immédiat. Cette activité est plutôt liée aux flux de biens de consommation courante (Fast Moving Consumer Goods) qui sont le « cœur » de la distribution urbaine et pourront demain être livrés depuis la voie d’eau par triporteurs, comme déjà pratiqué à Paris ou Amsterdam.


Avez-vous déjà conclu des partenariats avec le secteur privé pour soutenir des initiatives de distribution via la voie navigable ? Pouvez-vous expliquer cela en termes concrets ?

Comme évoqué au point précédent, le Port travaille avec un nombre sans cesse croissant d’entreprises privées désireuses de promouvoir une logistique plus durable de leurs chantiers. Ce devrait particulièrement être le cas autour du bassin de Biestebroeck, là où un nouveau quartier devrait voir le jour autour des infrastructures portuaires, et où le Port et l’association des promoteurs travaillent d’ores et déjà à la recherche de solutions innovantes pour faire de ce projet un exemple en la matière. L’une des pistes envisagées actuellement est la concrétisation d’un projet de livraison urbaine par triporteurs, eux-mêmes approvisionnés par la voie d’eau.

Au bassin Vergote aussi, les perspectives sont enthousiasmantes : les producteurs de matériaux de construction sont aussi sensibles aux avantages combinés du CTU et du BCCC, et des entreprises telles que Knauf ou plus récemment Xella, les utilisent de plus en plus pour la livraison des chantiers bruxellois.

Pour ce qui est des FMCG, le chemin est plus long, et Bruxelles n’a ni la taille ni la longueur de voies navigables de Paris ou Amsterdam pour développer des livraisons par voie d’eau de biens de consommation courante. L’intérêt des entreprises privées est cependant réel, avec pour exemple le test réalisé avec AB Inbev il y a quelques années pour l’approvisionnement de son centre de distribution d’Anderlecht par la voie d’eau.

Une autre piste serait la distribution de colis (de l’e-commerce ou pas) depuis le centre de tri de bpost à l’avant-port au centre de Bruxelles au moyen de navettes fluviales déposant les triporteurs à Sainctelette, Porte de Ninove ou Biestebroeck.

Le Port travaille actuellement avec son expert en transport à rencontrer ces entreprises, analyser leurs volumes et besoins spécifiques et à leur proposer des solutions « clé sur porte ».


Quelle politique développez-vous, vous et votre gouvernement, en matière de distribution urbaine et plus particulièrement de distribution par eau comme alternative au transport routier ?

Il est très clair que la priorité du Gouvernement bruxellois est de favoriser au maximum l’utilisation du vélo-cargo pour les livraisons en ville, son potentiel étant estimé à 50% des livraisons actuelles. Nous sommes cependant conscients que certaines marchandises (matériaux de construction, pièces indivisibles, mais même palettes de boissons) sont trop lourdes ou volumineuses pour être livrées à vélo, même électrique. Il faudra donc toujours les livrer en camionnette, mais pourquoi pas aussi, jusqu’aux CTU et PTU du moins, par la voie d’eau.

Contrairement à d’autres villes comme Paris ou Gand, Bruxelles préfère ne pas réglementer en matière de transport de marchandises au-delà de la taxe kilométrique mise en place en avril 2014, mais plutôt favoriser l’émergence de nouvelles pratiques volontaires imaginées et mises en œuvre par ses administrations et OIP, et singulièrement par le Port de Bruxelles en ce qui concerne le transport fluvial. Grâce à ses infrastructures, quais, terrains, équipements et équipe d’experts, il propose régulièrement aux acteurs du transport de marchandises à Bruxelles de nouvelles initiatives pour attirer de nouveaux produits, de nouvelles filières vers la voie d’eau ou son centre de distribution urbaine.

Ce rôle du Port dans la mobilité régionale, qui dépasse simplement l’utilisation de la voie d’eau mais permet aussi à des filières entières de l’économie bruxelloise d’évoluer et d’améliorer leur impact environnemental, est notamment reconnu par le tout nouveau plan de mobilité « Good Move ».

Le futur contrat de gestion du Port insistera davantage encore sur l’amélioration de la mobilité. Le Port de Bruxelles aura pour objectif de contribuer à réduire et optimiser les mouvements de véhicules routiers transportant des marchandises dans et vers la ville, notamment en favorisant un report modal vers la voie d’eau, mais également en renforçant et créant de nouveau pôles logistiques régionaux.

Est également évoquée la mise en place d’un système de labellisation pour le secteur de la distribution urbaine.

En ce qui concerne le centre TIR, ce complexe de bâtiments logistiques à proximité du centre-ville sera à l'avenir encore plus orienté vers une distribution urbaine durable.

Enfin, il convient de noter que non seulement la voie navigable est une alternative durable au transport routier de marchandises, mais que le transport ferroviaire connecté à l’avant-port a également un grand potentiel. Le développement d'une plate-forme multimodale à Schaerbeek- Formation (conditionnée au maintien du faisceau ferroviaire sur le site) se présente à cet égard comme une opportunité à ne pas manquer.