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Question écrite concernant le plan d’aménagement directeur pour le quartier européen (PAD Loi)

de
Bianca Debaets
à
Rudi Vervoort, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé du Développement territorial et de la Rénovation urbaine, du Tourisme, de la Promotion de l'Image de Bruxelles et du Biculturel d'intérêt régional (question n°210)

 
Date de réception: 27/03/2020 Date de publication: 09/06/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 03/06/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
01/04/2020 Recevable p.m.
 
Question    Le plan d’aménagement directeur pour le quartier européen (le fameux PAD Loi) déchaîne les passions depuis plusieurs mois déjà. Par l’intermédiaire des différents comités de quartier, les riverains hurlent que leur voix n’a pas été entendue lors du processus de consultation. Outre les comités de quartier, la Ville de Bruxelles et la Commission royale des monuments et sites ont également rendu un avis négatif. La démolition au profit de tours est en outre à des lieues de la stratégie durable et d’économies d’énergie que le gouvernement a annoncée au préalable. Ce projet, alors qu’il aurait pu en comporter, tient en outre très peu compte des possibilités de logement (social).

Le PAD Loi constitue toutefois un catalyseur important dans les grands dossiers de réaménagement du gouvernement bruxellois, car le quartier européen vieillit et s’appauvrit rapidement, sur le plan de la qualité urbanistique. Avec le PAD, la Région souhaite améliorer le confort du quartier, aujourd’hui livré à la voiture, pour tous les usagers en y créant davantage de logements, d’espaces publics et verts. Le mardi 3 mars dernier, les membres du gouvernement bruxellois ont rencontré pour la première fois sous cette législature les plus hauts représentants des institutions européennes à ce sujet.

Une autre étape importante de la revalorisation du quartier européen consistera dans le réaménagement du rond-point Schuman. Il sera soumis à enquête publique entre avril et juin. Le permis est prévu pour la fin de l’année. Le cabinet du secrétaire d’État Pascal Smet a fait savoir à l’époque qu’il y aura également une liaison piétonne et cycliste architecturalement ambitieuse entre le rond-point Schuman et la place du Luxembourg.

Je voudrais dès lors vous poser les questions suivantes :

- Comment avez-vous chargé l’administration de remédier, dans les futurs PAD, au manque de concertation citoyenne invoqué ? Comment tiendrez-vous compte dans votre politique, et en particulier dans ce PAD, du souci justifié des comités de quartier de ne pas uniquement contribuer au développement des projets et stratégies d’amélioration de la qualité de notre cadre de vie durant l’enquête publique, mais sur une période nettement plus longue ?

- Comment avez-vous pu rassurer les riverains concernés, et quels ajustements concrets cela entraîne-t-il éventuellement pour le PAD Loi ?

- Le Conseil de l’environnement, la commission de la mobilité et le Conseil consultatif du logement se sont-ils déjà prononcés sur le plan ? Quelles ont été leurs conclusions ou quand pouvons-nous les attendre ? Pour quand prévoyez-vous de traiter toutes les observations et d’en tenir compte dans un PAD retravaillé ?

- Pourquoi opte-t-on ici pour la démolition au profit de nouvelles tours, alors qu’on aurait pu s’enorgueillir de meilleures solutions que ces méthodes, tant en termes de durabilité que d’efficacité énergétique ? Confirmez-vous que les perspectives connues et monumentales seront conservées ?

- Comment le plan est-il censé garantir une saine mixité fonctionnelle et sociale, tant en journée qu’en soirée ? Prendra-t-on de nouvelles mesures afin d’endiguer la circulation automobile et de permettre aux riverains de mieux respirer?

- Quelles constatations ou inquiétudes ont-elles été formulées au sujet du PAD Loi lors de la rencontre avec les représentants des institutions européennes ? Comment tiendra-t-on compte de leurs observations dans le développement ultérieur du PAD ? De nouvelles réunions et un suivi ultérieur ont-ils déjà été fixés à cette fin ? Comment sont-ils concrètement associés à la suite du déploiement du PAD Loi ?

- Confirmez-vous que l’enquête publique sur le réaménagement du rond-point Schuman se tiendra entre avril et juin ? Ou sera-t-elle retardée en raison de l’actuelle crise du coronavirus ? Dans l’affirmative, quel nouveau calendrier prévoyez-vous dans ce cas pour l’enquête publique ?

- Quel calendrier prévoyez-vous pour l’enquête publique sur la liaison piétonne et cycliste qui doit être créée entre le rond-point Schuman et la place du Luxembourg ? Pouvez-vous dire si cette phase d’enquête publique sera également retardée en raison de l’actuelle crise du coronavirus ? Quel calendrier prévoyez-vous pour toutes les démarches et quel budget dégagez-vous à cette fin ?
 
 
Réponse    Contrairement à d’autres projets de PAD, le PAD Loi s’inscrit dans un long historique qui a offert plusieurs moments d’échanges et de consultation avec le public depuis 2008. En effet, l’élaboration du schéma directeur Quartier européen (SD QE) en 2008 a fait l’objet de plusieurs rencontres avec les associations de quartier, notamment IEB, le BRAL et le GAQ. Le Projet urbain Loi (PuL), que le projet de PAD Loi a l’ambition de traduire en cadre règlementaire, est explicitement repris dans le schéma directeur « Quartier Européen » comme l’un des 12 programmes urbanistiques à mettre en œuvre pour le Quartier européen.

Les résultats du concours international d’urbanisme lancé pour la définition du PuL ont fait l’objet d’une exposition au Brussels Information Point (BIP) du 15 juin au 19 juillet 2009.

Le gouvernement ayant décidé de traduire cette vision urbaine en Règlement Régional d’Urbanisme Zoné (RRUZ), deux enquêtes publiques ont été organisées du 19 mars au 18 avril 2012 et du 18 mars au 16 avril 2013 ainsi que deux Commissions de concertation le 28 juin 2012 et le 22 mai 2013. Deux réunions publiques ont été organisées au BIP le 6 juillet 2012 et le 26 mars 2013 pour expliquer le projet et ses évolutions. Il est également important de signaler que plusieurs réunions de travail ont été organisées spécifiquement à l’intention des associations de quartier pendant l’élaboration du RRUZ et de son étude d’impact. Etaient présents à ces réunions des représentants du BRAL, de IEB, ou encore de l’ARAU.

Enfin, le 8 mai 2018 le GRBC a mandaté perspective.brussels pour réaliser un PAD sur plusieurs îlots bordant la rue de la Loi. Des réunions publiques ont été organisées les 8 et 11 juin 2018 pour présenter le projet de PAD Loi au grand public et recueillir ses observations. Enfin, une réunion publique supplémentaire a été organisée le 15 octobre 2019 pendant l’enquête publique sur le projet de PAD Loi qui s’étendait du 7 octobre au 15 décembre 2019.

Nous ne partageons dès lors pas le constat d’un manque de consultation du public puisqu’en synthèse, pour ce projet, ce ne sont pas moins de 3 enquêtes publiques, 5 réunions publiques, 2 commissions de concertation, une exposition et de nombreuses réunions informelles qui ont été organisées pour permettre au grand public de se prononcer sur ce projet de PAD. Et cela ne s’arrêtera pas après que le PAD ait été approuvé définitivement puisque chaque projet architectural fera l’objet d’une procédure de consultation à l’occasion de l’instruction des permis d’urbanisme.

Les principales adaptations apportées au PuL depuis son lancement en 2008 ont en réalité modifié le projet, en en réduisant largement la voilure et l’adaptant aux évolutions qu’a connu la région. Elles sont intervenues en deux temps : en 2013 dans le cadre du RRUZ et en 2019 dans le cadre du PAD Loi.

L’évolution la plus significative est la modification substantielle du programme urbain : d’un programme qui prévoyait l’accroissement des superficies bureau de l’ordre de 200.000m², on est passé à un programme qui réduit d’environ 100.000m² les superficies bureau actuelles au bénéfice du logement, du commerce et de l’équipement public. Les évolutions en termes de gabarit et d’implantation sont également notables. C’est ainsi que le nombre d’émergences possibles est passé de 19 à 13, leurs hauteurs oscillant entre 220m et 114m ont été ramenées à des hauteurs variant entre 100m et 120m (avec une exception à 155m), leurs implantations, largeurs et inter-distances ont été calibrées pour réduire au maximum leur impact. Enfin, des mesures particulières ont été prises pour veiller à la bonne intégration du patrimoine architectural.

Les modifications qui seront apportées au projet de PAD Loi en vue de la deuxième lecture n’ont pas encore été arrêtées puisque l’arbitrage de l’enquête publique et des avis d’instance par le Gouvernement doit encore avoir lieu, sur base également de l’avis de la CRD, dont le calendrier des travaux s’est retrouvé quelque peu perturbé en raison de la crise sanitaire. Toutefois, veuillez noter que celle-ci sera prochainement saisie pour avis. Elle disposera alors d’un délai de 60 jours.

Les différentes instances ont effectivement été consultées et la grande majorité d’entre-elles ont rendu un avis. La synthèse des avis est en cours et devrait être disponible d’ici fin avril. Comme précisé plus haut, la CRD devrait prochainement être saisie pour rendre son avis. L’avis de la CRM, lui, se focalise sur deux points : garantir une ‘
meilleure accessibilité pour les personnes à mobilité réduite en ce compris des logements accessibles pour personnes en fauteuil roulant et adaptables à l’évolution de la vie’ et traduire ‘dans le volet réglementaire des mesures et des principes du volet stratégique qui diminuent les densités de trafic automobile, favorisent les modes actifs (piétons et cyclistes) et organisent le stationnement’. Le Conseil Consultatif du Logement et de la Rénovation Urbaine n’a pas remis d’avis.

Le projet de PAD Loi permet la construction potentielle d’émergences en contrepartie de la création d’espace public nécessaire pour améliorer la convivialité de la rue de la Loi et pour briser l’effet barrière (canyon) qu’elle constitue entre les quartiers situés de part et d’autre. Ceci implique effectivement des opérations de démolition-reconstruction. Pour ce qui est du bilan énergétique et de l’impact environnemental de telles opérations, il est important de prendre l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment. Si la démolition-reconstruction pèse défavorablement sur le bilan, l’amélioration des performances du bâtiment, elle, a un impact positif indéniable. De plus, le projet de PAD Loi, et son RIE ayant accompagné tout le processus, prévoit différents cas de figure dont la conservation du bâti existant. Plusieurs projets qui s’inscrivent dans cette logique sont en cours.

Pour ce qui est des vues, comme mentionné plus haut, les tours potentielles ont fait l’objet de nombreux amendements tout au long de l’élaboration du PuL pour réduire leur impact au maximum et permettre leur meilleure intégration. Ceci étant dit, il  va de soi que la silhouette urbaine de la rue de la Loi va changer tout en s’inscrivant dans l’axe historique de la rue existante. En particulier sur les perspectives historiques, bien que celle de la rue de la Loi ait toujours été conçue dans le sens Ouest-Est, du pentagone vers le Cinquantenaire, l’implantation des émergences projetées respecte l’alignement existant de l’avenue de Tervuren.

Le projet de PAD Loi impose la mixité fonctionnelle à l’échelle de la demande de PU à moins d’être dans le cas d’une rénovation légère sans augmentation de superficies. Pour ce qui est de la mixité sociale, un PAD n’a pas vocation à définir au stade du plan les typologies de logement et l’actuel projet de PAD ne contient pas de mesures relatives à la mixité sociale. Nous vous renvoyons pour ce faire à la DPR qui mentionne que l’arrêté « charge d’urbanisme » sera retravaillé pour imposer du logement social dans les zones qui n’en sont pas suffisamment dotées. C’est donc à l’échelle du permis d’urbanisme que la mixité sociale sera imposée.

Pour ce qui est de la mobilité, le RIE insiste sur la nécessité d’élargir les espaces dévolus aux modes actifs. Le PAD n’ayant pas vocation à constituer un plan de mobilité, la question de l’intégration de la réduction de la rue de la Loi à 3 bandes n’a pas été traitée à ce stade, considérant les enjeux qui dépassent largement l’échelle du PAD. Avec ou sans PAD, Bruxelles-Mobilité peut, dès demain, si elle le souhaite, introduire une demande de permis d’urbanisme pour réduire l’assiette carrossable de la rue de la Loi. Par ailleurs, des mesures à l’échelle de la Région existent (LEZ) ou sont en projet (tarification kilométrique) et devraient déjà permettre de diminuer l’importance de la circulation de transit sur cette pénétrante.

Les institutions européennes sont en effet des acteurs de poids du Quartier européen. La Commission européenne (CE) a été impliquée dès le lancement du concours international d’urbanisme de 2008 relatif au PuL (membre du jury). Les services de Perspective ont des contacts réguliers avec elle. Le cas du concours international d’architecture ‘Loi 130’ organisé en 2019 par la CE est un bon exemple de cette collaboration. La Région s’est assuré que l’énoncé du concours était conforme au projet de PAD dans sa phase de préparation et comptait d’ailleurs 2 membres au sein du jury du concours.

Le sommet RBC –UE du 3 mars dernier a été l’occasion pour la RBC de demander une collaboration plus proche sur l’ensemble du stock immobilier de la CE en vue d’assumer un rôle plus pro-actif dans la gestion de celui-ci, son impact sur la ville et les opportunités de réaffectation.

D’après nos informations, le dossier n’a pas encore reçu son accusé de réception complet, l’enquête publique n’a donc pas encore été fixée. Pour plus d’informations, nous vous renvoyons au Secrétaire d’Etat Pascal Smet compétent en la matière.

Une étude de conception et de faisabilité architecturale menée par le Parlement européen est en cours d’élaboration. Un deuxième comité de pilotage devait se tenir le 17 mars dernier, mais a dû être reporté en raison de la crise sanitaire. Il est donc trop tôt, à ce stade, pour établir un timing et un budget. Pour ces questions, nous vous renvoyons à la Ministre Van den Brandt.