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Question écrite concernant le changement de nom du tunnel Léopold II.

de
Kalvin Soiresse Njall
à
Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement et de l'Égalité des Chances (question n°169)

 
Date de réception: 16/03/2020 Date de publication: 05/05/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 05/05/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
18/03/2020 Recevable Bureau élargi du Parlement
 
Question    Le samedi 7 mars 2020, nous apprenions par l'intermédiaire de la presse l'initiative que vous avez prise de renommer le tunnel Léopold II en lui attribuant le nom d'une femme. Cette excellente initiative est à saluer. En effet, on sait maintenant de manière chiffrée que seulement 6,43 % des rues bruxelloises portent le nom d'une femme.

Néanmoins, en choisissant le tunnel Léopold II pour lancer ce projet de changement de noms d'infrastructures, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à un autre aspect d'égalité et d'inclusivité poursuivi par l'accord de gouvernement, la question de l'interculturalité et de l'intersectionnalité. En effet, le nom "Léopold II" est un symbole lié à notre histoire coloniale. Un symbole lié à un travail de mémoire coloniale que le gouvernement s'est engagé à réaliser.

Madame la Ministre,
Madame la Secrétaire d'État,

1. Pouvez-vous nous édifier un peu plus sur les annonces politiques que vous avez faites à partir de ce projet pilote ? Ces initiatives se limiteront-elles au genre ou sont-elles prévues pour s'étendre à l'interculturalité, à l'intersectionnalité et notamment au travail de décolonisation ?

2. Quelles initiatives avez-vous prises ou avez-vous mises en réflexion en lien avec vos collègues compétents en matière d'espace public pour avancer sur cet engagement du gouvernement ?

3. Dans le même article de presse, on apprend qu'une liste de profils représentatifs de la région bruxelloise sera constituée par l'association Open Knowledge Belgium avec l'association Noms Peut-Être, à travers des événements d'écriture de biographies, l'objectif étant de valoriser aussi des personnalités LGBTQIA+, en situation de handicap ou issues de l'immigration. La dimension décoloniale fera-t-elle partie du travail d'édification de cette liste représentative ? Quels acteurs seront consultés pour l'établissement de cette liste ?
 
 
Réponse    La Région bruxelloise compte 1.208.542 habitants au 1er janvier 2019, dont 616.113 femmes (51%) et 592.429 hommes (49%). Les noms des espaces publics (rues, avenues, places et autres) participent à la définition de l’identité des communes et de notre Région.

La ville est un lieu où il y a de grandes inégalités, notamment entre les femmes et les hommes. Ces inégalités sont nombreuses, salariales, sociales, dans l’accès aux loisirs, à l’emploi ou encore au logement, mais les inégalités concernent également l’accès à l’espace public et l’aménagement du territoire.

L’aménagement du territoire et des espaces publics est l’un des enjeux cruciaux pour établir une égalité effective. `

L’équilibre entre hommes et femmes passe également par une reconnaissance accrue de la place de la femme dans l’espace public au sens large.

Cette valorisation peut se faire au niveau de l’attribution des noms de femmes aux rues, aux places, aux bâtiments publics, aux monuments, aux arrêts de tram, de métro, de bus, etc.

Dans de nombreuses villes européennes, on observe une tendance à un plus grande reconnaissance de la valeur des femmes, notamment via l’attribution de noms de femmes à certaines rues, places ou monuments de leur espace public. C’est une façon de visibiliser les femmes et leurs réalisations. Cela témoigne de leurs présences dans notre histoire et nos cultures, au même titre que les hommes.

Dans une étude relative « aux déplacements des femmes et au sentiment d’insécurité à Bruxelles: perception et stratégies », Marie Gilow de Brussels Studies relève que la féminisation des noms de rue participe à une reconnaissance et une amélioration de la place des femmes dans l’espace public qui reste majoritairement le territoire masculin.

La conception et l’aménagement d’un espace peuvent soit accentuer les inégalités entre les sexes, soit faire avancer l’égalité entre les sexes.


« Prendre en considération la toponymie,
c’est tout simplement (re)lire notre environnement quotidien. »

À cet égard, les résultats de l’atelier de cartographie genrée réalisée par equalstreetnames.brussels sont éloquents. Sur l’ensemble du territoire bruxellois 6,43 % de noms de femmes pour quasiment 93,52 % de noms d’hommes. À noter que ces chiffres visent exclusivement une répartition genrée des noms de personnes.

Cette réflexion autour de l’importance de féminiser l’espace public n’est pas neuve. Toutefois, force est de constater qu’avec mes collègues du Gouvernement bruxellois, dont la Ministre Elke Van den Brandt, chargée de la Mobilité, des Travaux publics et de la Sécurité routière et avec le concours de Bruxelles Mobilité, nous souhaitons faire avancer les choses, en féminisant les noms des stations de métro ou encore en donnant plus de place à l’expression artistique des femmes dans l’espace public.

Pour votre complète information, ces réflexions et pistes d’actions ont pris corps autour des groupes de travail consacrés à l’établissement du plan régional de lutte contre les violences faites aux femmes. Cela explique le focus particulier sur la nécessité de visibiliser les femmes dans l’espace public.

Pour l’ensemble des travaux menés en Égalité des Chances, nous veillons à les inscrire, d’une part, dans une approche intersectionnelle, et d’autre part, à prendre en considération l’interculturalité des représentations.

Concernant le nécessaire travail de décolonisation, il s’agit d’un des chantiers important de cette législature.

Comme vous le savez, le Gouvernement bruxellois, dans sa déclaration de politique régionale a pris l’engagement, d’une part, de plaider pour l’inclusion d’éléments liés à l’histoire des discriminations, de la colonisation, de la décolonisation, des migrations, des mouvements féministes et LGBTQI+ sensiblement à Bruxelles dans les cursus scolaires, et d’autre part, d’initier une réflexion, en concertation avec le monde académique et les acteurs associatifs concernés, relative aux symboles dans l’espace public liés à la colonisation. C’est l’un des chantiers important de cette législature.

À ce titre, l’attribution de noms de femmes ou de personnes issues de la diversité à l’espace public est un acte politique fort. Il dépasse la seule reconnaissance symbolique. Il participe également à (re)définir les contours de nos vies en commun.

En complément des informations reprises ci-avant, l’un des premiers appels à projets lancé avec Equal.brussels concernait tout projet « d’appropriation de l’espace public ».

Cet appel à projets invitait les associations à déposer tout type de projets, qui contribuerait aux questionnements des usages et/ou de l’aménagement de l’espace public, à son appropriation ou encore à la formulation de pistes pour le rendre plus inclusif en terme de diversité, de genre, d’orientation sexuelle, d’interculturalité, d’antiracisme, d’identité de genre, d’accessibilité ou encore de handicaps.

Cet appel à projets invitait également les associations à proposer des projets en liens avec les symboles coloniaux qui se trouvent dans l’espace public bruxellois. L’un des critères d’analyse était de veiller à ce que les projets s’inscrivent dans une approche intersectionnelle, c’est-à-dire qui touchaient au croisement de différents critères de discrimination.

C’est dans ce cadre que nous avons, notamment, soutenu la cartographie participative de l’espace public réalisée par « equalstreetnames.brussels », en collaboration avec
Open Knowledge Belgium avec l'association Noms Peut-Être, à hauteur de 14 951,75 EUR.

À la même période, Equal.brussels lançait également un appel à projets dédié à la lutte contre le racisme, la déconstruction des préjugés et l’interculturalité. Dans ce cadre, nous avons financé, notamment, l’asbl BePax :

- pour qu’elle développe une formation innovante à destination des enseignants et animateurs afin de « comprendre le racisme à travers le passé colonial », à hauteur de 8 913,26 EUR ;
- pour qu’elle organise un cycle de conférence sur l’idéologie raciste, à hauteur de 10.000 EUR.

Enfin, concernant vos questions relatives à la liste de suggestions de noms représentatifs de la Région bruxelloise, Open Knowledge Belgium et la Collective Féministe Noms Peut-Être se sont effectivement associés autour du projet « equalstreetnames.brussels ».

Celui-ci comprend également 8 ateliers participatifs, ouverts à tout le monde.

La première étape portait sur la réalisation de la cartographie de l’espace public, les autres porteront sur la constitution de listes de suggestions de noms, la documentation et l’encodage de fiches Wikipédia liées à ces profils trop souvent invisibilisés. Ces ateliers sont organisés dans une commune différente à chaque fois. C’est un travail de co-construction important soutenu par la Région bruxelloise et auquel nous encourageons chacun.e à participer.