Logo Parlement Buxellois

Question écrite concernant les résultats de l'étude réalisée par l'Agence Fédérale de la Dette portant sur le scénario d'une refédéralisation de la gestion des dettes des entités fédérées et des dettes communales.

de
Emmanuel De Bock
à
Sven Gatz, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Finances, du Budget, de la Fonction publique, de la Promotion du Multilinguisme et de l'Image de Bruxelles (question n°141)

 
Date de réception: 13/07/2020 Date de publication: 02/10/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 03/08/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
16/07/2020 Recevable p.m.
 
Question    Ce mercredi 17 juin, en marge de la présentation de leur rapport annuel 2019, les dirigeants de l’Agence Fédérale de la Dette ont communiqué les résultats d’une étude qu’ils ont récemment effectuée et qui avait pour but d’analyser les conséquences d’une hypothétique refédéralisation de la gestion des dettes des régions et des communautés. Les résultats de cette étude montrent que, si les entités fédérées se finançaient sur les marchés par l’intermédiaire de l’Agence Fédérale de la Dette, elles pourraient réaliser d’importantes économies d’échelle en charges d’intérêts, car elles pourraient emprunter à des taux plus faibles. La dette cumulée des régions et des communautés s’élevant actuellement à 63,2 milliards d’euros, les entités fédérées pourraient économiser, à terme, environ 200 millions d’euros par an en charges d’intérêts. Les dirigeants de l’Agence Fédérale de la Dette ont toutefois précisé qu’il s’agissait d’un simple avis technique et qu’ils ne plaidaient pas pour une refédéralisation de la gestion des dettes régionales et communautaires.

Interrogé par le journal
L’Echo à propos de cette étude, le Ministre wallon en charge des Finances et du Budget, Jean-Luc Crucke, a admis que le fait de contracter des emprunts via l’Agence Fédérale de la Dette permettrait probablement à la Région wallonne de profiter de taux d’intérêts plus attractifs. Il a cependant relevé qu’une refédéralisation de la gestion des dettes des entités fédérées pourrait entrainer une hausse des taux d’intérêts pratiqués sur la dette de l’autorité fédérale, ce qui susciterait évidemment le mécontentement du gouvernement fédéral. De surcroît, le Ministre wallon des Finances et du Budget a tenu à rappeler que les régions et les communautés parvenaient déjà actuellement à se financer sur les marchés à des taux d’intérêts particulièrement bas. Et le Ministre Crucke d’ajouter que le procédé qui consisterait à confier la gestion des dettes régionales et communautaires à l’agence fédérale irait clairement à l’encontre du principe de responsabilisation budgétaire des entités fédérées, principe qui a sous-tendu les deux dernières réformes de l’Etat. Pour sa part, le Ministre du Budget du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Frédéric Daerden, a indiqué qu’il était ouvert à d’autres mécanismes et qu’il invitait le Ministre fédéral des Finances à coordonner les efforts afin d’éviter une concurrence néfaste entre les différentes entités du pays sur les marchés financiers.

Je souhaiterais vous poser les questions suivantes :

- Avez-vous pris connaissance des résultats de l’étude réalisée par l’Agence Fédérale de la Dette, consacrée au scénario d’une refédéralisation de la gestion des dettes des régions et des communautés ? Dans l’affirmative, quels enseignements en avez-vous tirés ? D’après les résultats de cette étude, quel montant la Région de Bruxelles-Capitale pourrait-elle économiser en charge d’intérêts si elle décidait d’emprunter sur les marchés par l’intermédiaire de l’Agence Fédérale de la Dette ?

- Pourriez-vous nous fournir une estimation des besoins de financement de la Région de Bruxelles-Capitale pour l’année 2020 ? Quel montant notre Agence Régionale de la Dette a-t-elle déjà réussi à lever sur les marchés depuis le 1
er janvier 2020 ? Pourriez-vous nous indiquer le taux d’intérêts moyen payé par notre région pour les emprunts qu’elle a contractés au cours du premier semestre de l’année 2020 ? Ce taux est-il largement supérieur au taux d’intérêts moyen pratiqué sur les emprunts qui ont été contractés par l’Agence Fédérale de la Dette durant ce même semestre ?

- Le gouvernement bruxellois a-t-il déjà examiné, ou envisage-t-il d’examiner, la possibilité de faire appel aux services de l’Agence Fédérale de la Dette pour couvrir les besoins de financement de la Région ? D’après l’analyse effectuée par votre administration, quels seraient les avantages et les inconvénients d’un tel mécanisme ? Avez-vous rencontré le Ministre fédéral des Finances, Alexander De Croo, afin d’évoquer la possibilité de confier la gestion de la dette régionale à l’Agence Fédérale de la Dette ? Cette question a-t-elle déjà été abordée lors d’une réunion du Comité de concertation ou de la Conférence Interministérielle
ad hoc ?

- Enfin, vous vous souviendrez que j’avais déjà envisagé le même mécanisme pour la globalisation des dettes communales avec celle de la Région bruxelloise. Cette option peut être réalisée à bref délai le cas échéant entre les 19 communes et la Région bruxelloise. J’avais évalué à l’époque le gain à plusieurs dizaines de millions d’euros d’intérêts pour les communes qui pourraient profiter de la facilité d’emprunt sur les marchés financiers de la Région et de ses taux très bas. Avant d’éventuellement refédéraliser la gestion de la dette régionale, ne faudrait-il pas fédérer la gestion de nos dettes communales avec celle de la Région ?
 
 
Réponse    Nous avons pris note de la slide telle que présentée par l'Agence Fédérale de la Dette lors de la présentation de son rapport annuel 2019. Cependant, il a été très concis et a simplement déclaré que ‘Le taux d’intérêt de l’Agence est plus bas de 0,30% (voir parfois 0,40 à 0,50%) par rapport à celui des Régions et Communautés’ et ‘à terme 200 millions d’euros d’économies de charges d’intérêts par an possible’. On ne connait pas les hypothèses utilisées par l’Agence Fédérale de la Dette pour avancer les montants mentionnés. On suppose que l’agence propose de financer directement les entités fédérées à son propre coût de financement sans ajustement par entités d’où les économies citées.

L’information actuellement partagée est donc trop limitée pour en tirer des enseignements, ni pour calculer le montant que la RBC pourrait économiser.

Les besoins de financement 2020 de la RBC en termes de dette directe se sont montés à 1.5Miards dont une partie (414Mios) avait été préfinancée durant le dernier trimestre 2019. L’ensemble de ces besoins est totalement couvert depuis début juin. Le taux de financement des opérations levées durant le premier semestre se monte à 0.86% - et à 0.74% si l’on ne tient compte que du format obligataire pour une maturité moyenne de 30 ans.

Si l’on considère le rendement d’un OLO à 30 ans on peut observer qu’il a navigué en moyenne à 0.72% durant tout le premier semestre 2020 et à 0.77% depuis la crise sanitaire de mars. Si l’on analyse les marges de financement des entités fédérées (en obligataire et sur base des données disponibles) par rapport au fédéral durant ces dernières années, il apparait très clairement que la RBC est capable d’obtenir les marges les plus serrées (aux environs de 0.10% en moyenne). A la différence des autres entités fédérées qui se financent avec des marges au moins 2 à 3 fois plus élevées.

Si nous recevons plus d'informations sur les hypothèses sous-jacentes utilisées par l'Agence Fédérale de la Dette, nous analyserons certainement l'étude plus en profondeur et comparerons les avantages et les inconvénients. Cependant, nous pouvons déjà indiquer qu'une re-fédéralisation de la gestion de la dette n'est pas évidente en soi, tant du point de vue financier que juridique.


- Quelques éléments distinctifs en termes financiers :

L’Agence Fédérale se finance essentiellement au moyen de ses lignes d’OLO (obligations linéaires) pour plusieurs milliards en général. Ses émissions ponctuelles nécessitent l’appel à de nombreux investisseurs et dealers afin de pouvoir couvrir des besoins conséquents, ce travail étant réalisé par un panel de banques dealers assurant la syndication.

Le Front Office de notre Agence de la dette se finance d’une autre manière (reverse inquiry) consistant à répondre à chaque proposition émise d’initiative par un investisseur, on parle de quelques dizaines de millions en moyenne. Seules les propositions cadrant avec les marges serrées communiquées auparavant sont retenues. Ce mécanisme assure une meilleure écoute du marché et une présence quasiment continue. Plus loin, ceci permet de mieux réduire le risque de financement et de lisser les points d’entrée durant toute l’année.

On notera que les offres doivent aussi répondre à toute une série d’exigences spécifiques au portefeuille régional tant d’un point de vue stratégique qu’opérationnel : ratio de liquidités, pondération des formats, lissage du plan d’amortissement, correspondance éventuelle à un produit dérivé etc.

Comme l’a déjà mentionné le ministre wallon du budget dans l’article de l’écho une re-fédéralisation de la gestion de la dette entrainerait aussi une augmentation du coût de financement du fédéral. En effet si le fédéral emprunte pour les entités fédérées, les marchés financiers vont naturellement adapter leur prix. Le gain pour l’ensemble des entités fédérées et pour le fédéral pris ensemble serait en réalité limité.

De plus la mutualisation des coûts de financements profiterait principalement aux entités avec le profil de risque le plus élevé, ce qui est contraire au principe de responsabilisation budgétaire (comme l’a déjà aussi cité le ministre wallon du budget). Le fait pour les entités de se financer elles-mêmes sur les marchés les responsabilise sur leur gestion budgétaire et financière car elles doivent convaincre les marchés financiers.


- En terme juridique:

Article 49 de loi spéciale de financement prévoit que les Communautés et les Régions sont autonomes dans le financement. Elles ont donc toute liberté pour organiser leur financement selon leurs besoins.

La structure fédérale belge n’impose donc rien aux entités fédérées que ce soit en termes de financement propres ou via le fédéral.

Compte tenu des éléments ci-dessus et du fait que nous n'avions pas connaissance d'une étude, la question n'a pas été abordée lors d'une récente réunion du comité de concertation ou de la conférence interministérielle ad hoc. 

Au niveau de la Région de Bruxelles-Capitale nous avons le FRBRTC (Fonds Régional Bruxellois de Refinancement des Trésoreries Communales) qui est un outil dédié à l’aide aux financements des entités locales en RBC. Cet outil bénéficie de la garantie régionale et permet aux entités locales - qui en font la demande - de se financer à de meilleures conditions que par elles-mêmes.

Tout comme pour la question précédente (financement des entités fédérées par le Fédéral), la proposition du financement direct des communes bruxelloises par la RBC porte atteinte à l’autonomie communale. Cette autonomie allant de pair avec la responsabilisation budgétaire déjà évoquée.

Aussi, comme précédemment exposé, le financement des communes posera la question de l’ampleur de la mutualisation des risques individuels, ce qui impactera directement le profil de risque régional, donc le rating de la région et le niveau de ses marges de financement.
À l'heure actuelle, compte tenu des éléments ci-dessus, nous ne prendrons aucune mesure pour gérer les dettes municipales au niveau régional, ni pour transférer la gestion des dettes régionales au niveau fédéral.