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Question écrite concernant le rapport entre les loyers réels et les loyers indicatifs.

de
Pepijn Kennis
à
Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement et de l'Égalité des Chances (question n°383)

 
Date de réception: 15/10/2020 Date de publication: 02/12/2020
Législature: 19/24 Session: 20/21 Date de réponse: 01/12/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
26/10/2020 Recevable p.m.
 
Question    Comme vous le savez sans doute, en novembre 2019, Agora a créé une Assemblée citoyenne bruxelloise, dont la première mission a été d’identifier les thèmes sur lesquels les Bruxellois tirés au sort travailleraient. Le thème du logement a été retenu.

Cette Assemblée citoyenne bruxelloise travaille depuis des mois à des propositions concrètes visant à améliorer la situation actuelle. Au cours de ses délibérations, certaines questions se sont posées au sujet des loyers en Région de Bruxelles-Capitale, et plus précisément sur la hausse des loyers et les mesures prises par le gouvernement pour y mettre un frein.

Malgré l’introduction de loyers indicatifs, le RBDH a révélé que 70 % des loyers étaient supérieurs aux plafonds qui figurent dans la grille indicative des loyers. Afin de combler l’écart entre la hausse des loyers et la stagnation des revenus des Bruxellois, il est parfois question d’instaurer des loyers conventionnés ou une grille de loyers contraignante. D’autres Régions ont un système de permis de location, qui semble à même de contribuer à la régulation des loyers.

- Pouvez-vous expliquer ce qu’on fait pour ramener dans les limites des loyers indicatifs les loyers qui dépassent ceux de la grille indicative ?

- Étudiez-vous la piste de loyers conventionnés ou d’une grille de loyers contraignante ? Quels sont les résultats jusqu’ici ?

- Comment expliquez-vous cette augmentation continue des loyers ?

- Pouvez-vous expliquer pourquoi la Région a décidé d’abroger le système des permis de location au lieu de l’étendre à l’ensemble du marché locatif privé ?
 
 
Réponse    La lutte contre les loyers abusifs est un des objectifs du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. C’est dans ce cadre qu’une commission paritaire locative consultative sera constituée. Elle pourrait être chargée d’évaluer la justesse des loyers à la demande de toute personne intéressée ou du juge de Paix saisi d’une demande de révision du montant du loyer abusif.

La mise en œuvre de cette commission est en cours de discussion dans le cadre du Plan d’urgence Logement. Pour que cette commission puisse fonctionner, elle doit disposer de données actuelles et fiables. C’est pourquoi, la grille des loyers de référence doit être mise à jour, tant sur le plan méthodologique que pratique. Les projets nécessaires sont actuellement en cours afin de mettre à jour les données (observatoire des loyers), d'une part, et d'adapter la méthodologie utilisée (mise à jour de la grille indicative des loyers), d'autre part. L'identification de tous les protocoles d'accord nécessaires avec les organismes concernés (administrations régionales et fédérales, secteur bancaire, etc.) a également commencé.

Malheureusement la crise sanitaire a eu un impact sur le calendrier de ces deux projets (observatoire des loyers et mise à jour de la grille de référence). Initialement prévue pour la fin de l’année, la clôture de ces projets a dû être reportée à 2021.

Il est nécessaire de mettre en place une stratégie régionale de conventionnement mettant en lien les locataires et les propriétaires et englobant l'ensemble des instruments et lignes politiques qui visent à améliorer la qualité et l'accessibilité des logements.

Les objectifs de cette politique de conventionnement sont les suivants :
1. À court terme : encourager les propriétaires à :
­ appliquer un loyer raisonnable;
­ augmenter le nombre de logements abordables (loyer inférieur au loyer de référence, location aux ménages à revenu modeste) ;
­ améliorer la qualité du parc locatif (par des primes à la rénovation et à l'énergie).
2. A moyen terme : contrer la hausse des loyers : Cette piste sera explorée plus en profondeur en 2021 car toutes sortes d'actions et de projets sont prévus, à savoir:
- Une étude de faisabilité pour l'élaboration d'une assurance "revenu locatif garanti" ;
- La composition et démarrage des groupes de travail avec les acteurs concernés ;
- Le travail légistique sur les mesures à inclure dans la politique de conventionnement ;
- La mise à jour de la grille des loyers.

Concernant l’augmention continue des loyers, Bruxelles Logement n’a pas d’éléments fiables pour répondre à cette question, mais on peut supposer qu’il y a un lien entre la carence de l’offre et le nombre élevé de demandes et, ce particulièrement pour le segment des logements abordables.


En 2013, le Parlement bruxellois a décidé d’abroger l’attestation de conformité obligatoire depuis l’entrée en vigueur du Code bruxellois du Logement pour les logements de moins de 28m² et les logements meublés.

Les raisons de cette abrogation étaient multiples :
- D’une part, malgré l’obligation, force est de constater que le nombre de demandes d’attestations introduites était loin de couvrir l’ensemble de ce segment du marché locatif, compromettant l’effectivité et l’utilité réelle du dispositif. Le taux de renouvellement des attestations à l’issue de la période de validité était également très faible, ce qui démontre que même les bailleurs diligents et respectueux de la législation au moment de son entrée en vigueur n’ont pas forcément poursuivi leurs efforts sur le long terme ;
- D’autre part, les moyens à la disposition de la DIRL ne permettaient pas d’assurer le contrôle sur place des logements faisant l’objet d’une demande d’attestation. Seule une petite partie de ces logements a été contrôlée, les autres attestations étant délivrées sur base de la déclaration sur l’honneur du bailleur. Même sans visite, le traitement administratif de ces demandes d’attestations restait chronophage pour l’administration et ce, sans plus-value quant à l’amélioration des logements. Certains bailleurs ont aussi rapidement compris que le risque de contrôle et de sanction était faible ;
- En conclusion, bien que générant une charge administrative importante pour les bailleurs comme pour l’administration, le système des attestations de conformité d’application de 2004 à 2013 a été jugé trop peu efficace par rapport à l’objectif initial d’amélioration de la qualité des logements loués.

Pour les mêmes raisons, l’instauration d’un système de permis de location applicable à l’ensemble du parc locatif privé se heurte à plusieurs objections:
- Pour être réellement efficace, les demandes doivent être suivies de contrôles systématiques sur place ou en tout cas, un pourcentage important de logements doivent pouvoir être contrôlés, ce qui nécessite des moyens humains très importants. A la question de savoir si cette mission de contrôle peut être déléguée à des certificateurs privés, il faudrait là encore que ces certificateurs soient suffisamment qualifiés et en nombre suffisant. L’agrément, la formation, le contrôle voire la sanction de ces certificateurs générerait également des coûts très importants pour l’administration et la rémunération des certificateurs serait une nouvelle charge pesant sur les bailleurs.
- Un permis de location généralisé n’empêcherait pas le maintien ou l’arrivée sur le marché de logements non conformes voire indignes. Quand bien même les bailleurs diligents et attentifs qui mettent en location des logements conformes ou presque conformes, se soumettraient à cette nouvelle obligation, il est plus que probable que les bailleurs peu scrupuleux passent « sous les radars » et ne fassent aucune démarche pour mettre leur logement en conformité tant administrativement que techniquement, ce qui priverait le dispositif de toute efficacité au regard de l’objectif de lutte contre l’insalubrité.
- Le permis de location peut également entraîner un effet pervers en donnant l’impression au bailleur qu’il est exonéré de toute obligation d’entretien et de mise en conformité de son bien pendant la durée de validité du permis. Or, un logement conforme à un moment précis, peut rapidement se dégrader et le bailleur doit en permanence rester attentif à l’état du logement et aux défauts qui pourraient apparaître.

Il conviendrait de se pencher également sur les conséquences pour le locataire d’un refus, d’un retrait ou d’un non-renouvellement du permis de location et des obligations respectives des pouvoirs publics et des bailleurs si un relogement est nécessaire.

En conclusion, la question n’est pas tant de savoir si un permis de location est utile. Il l’est dans l’absolu.

La question est de savoir:
- Si l’outil du permis de location est efficient pour poursuivre les objectifs d’amélioration de la qualité des logements loués, de lutte contre l’insalubrité voire de lutte contre les marchands de sommeil, compte tenu des moyens qu’un tel dispositif nécessite et des coûts qu’il entraîne pour la collectivité et pour les bailleurs ;
- ou si un tel dispositif ne serait rien d’autre qu’une « usine à gaz ».

Des solutions intermédiaires peuvent être envisagées comme le ciblage du permis de location sur les logements les plus « à risque d’insalubrité » mais l’expérience menée avec les attestations de conformité démontre qu’un tel ciblage ne suffit pas à démontrer l’efficience du dispositif. C’est donc en termes de rapport coûts-bénéfices qu’il faut juger s’il est nécessaire de créer un nouveau système ou, au contraire, si les moyens financiers et humains doivent être consacrés au renforcement des contrôles et des sanctions plutôt qu’au traitement de demandes administratives.