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Question écrite concernant la politique de lutte contre les perturbateurs endocriniens au sein de l'environnement.

de
Jonathan de Patoul
à
Alain Maron, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de la Transition climatique, de l'Environnement, de l'Énergie et de la Démocratie participative (question n°923)

 
Date de réception: 08/09/2021 Date de publication: 16/11/2021
Législature: 19/24 Session: 20/21 Date de réponse: 03/11/2021
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
24/09/2021 Recevable p.m.
 
Question   

En avril 2019, le Parlement bruxellois a adopté à l’unanimité une proposition de résolution relative à la prévention contre les impacts des perturbateurs endocriniens sur la santé humaine et l’environnement.

Cette proposition de résolution émanait de l’inquiétude grandissante quant aux risques sévères pour la santé et l'environnement, liés à l’exposition quotidienne aux divers produits contenant des perturbateurs endocriniens. Pour rappel, les perturbateurs endocriniens se définissent comme étant une substance ou un mélange exogène altérant les fonctions du système endocrinien et induisant donc des effets nocifs sur la santé d’un organisme intact, de ses descendants ou (sous-) population.

Ces substances constituent un défi mondial pour l'environnement et la santé humaine. Nous y sommes constamment confrontés; par le biais de consommation de médicaments, la désinfection des mains au gel hydroalcoolique (bombe de perturbateurs endocriniens), les produits de beauté et d'hygiène en général, les produits ménagers, mais aussi de nombreux aliments contenant des colorants ou encore des aliments issus de l’agriculture intensive et exposés à des pesticides concentrés en perturbateurs endocriniens. L’ensemble des produits contenant des perturbateurs endocriniens consommés puis digérés vont également polluer les eaux usées et donc l’environnement par leur présence.

Cette exposition chronique aux perturbateurs endocriniens de source multiples peut avoir un effet cocktail et provoquer de sérieux troubles de la santé. De fait, les perturbateurs endocriniens, comme leur nom l’indique, ont des effets directs sur le système hormonal des êtres vivants. A terme, ces altérations de notre système endocrinien peuvent provoquer des dysfonctionnements de la fonction de reproduction, certaines malformations et troubles du développement, des troubles du comportement et dans certains cas plus graves, être la source de cancers et de certaines pathologies intra-utérines.

Les conséquences néfastes de ces substances sont bien connues et touchent tout le monde et encore plus les groupes vulnérables des enfants de moins de trois ans et des femmes enceintes. Malgré cela, la présence quotidienne de perturbateurs endocriniens dans notre environnement est presque banalisée, alors qu’elle demeure un risque majeur de santé publique.

Par le biais de ladite résolution adoptée en 2018, le gouvernement était donc exhorté à agir en la matière en engageant un dialogue régulier et ferme avec vos homologues du fédéral afin de les enjoindre à apporter des modifications législatives permettant de limiter l’exposition de notre environnement à ces substances, mais aussi en renforçant sérieusement la sensibilisation auprès du grand public. A ce propos, en juillet 2020, vous expliquiez qu’aucune avancée n'avait été faite en la matière, ni par votre cabinet, ni par Bruxelles Environnement (BE). Vous nous assuriez que des efforts seraient fournis afin de rencontrer les demandes des parlementaires en la matière.

Néanmoins, trois ans plus tard, il semblerait qu’aucune action spécifique en la matière n’ait été menée. Effectivement, sur le site de BE par exemple, on ne retrouve aucun article spécifiquement dédié à la question des perturbateurs endocriniens et des divers moyens de les prévenir.

  • Un calendrier d’action concernant la question de la prévention des perturbateurs endocriniens a-t-il été mis en place par votre cabinet ? Dans l’affirmative, quel est-il ?

  • Des discussions avec vos homologues des différents niveaux de pouvoirs ont-elles été entamées afin d’aborder la question des perturbateurs endocriniens ? Plus précisément, vous sembliez attendre en 2020 l’arrivée d’un nouveau gouvernement fédéral pour aborder cela avec votre homologue fédéral. Dès lors que c’est désormais le cas, avez-vous pu aborder cette thématique avec votre collègue du fédéral ?

  • Des actions de sensibilisation concernant ces perturbateurs endocriniens ont-elles été mises en place ou sont-elles prévues ? Dans l’affirmative, lesquelles ?

 
 
Réponse    1)
Les perturbateurs endocriniens sont une catégorie de polluants chimiques causant des désordres hormonaux. Comme souvent, la lutte contre ce type de pollution chimique à l’échelle nationale relève des compétences de toutes les entités fédérées. C’est pour cette raison qu’une coordination interfédérale est essentielle en la matière, comme vous l’indiquez.

Le 23 mars 2018, le Sénat a adopté en séance plénière un rapport d’information incluant 72 recommandations concernant les perturbateurs endocriniens. En décembre 2019, les Ministres de la Santé et de l’Environnement ont lancé le coup d’envoi pour l’élaboration d’un plan d’action national sur les Perturbateurs Endocriniens (NAPED) impliquant les différentes entités fédérées compétentes. Bruxelles Environnement a d’abord été consulté en tant que partie prenante en avril 2020, avant de remettre un avis sur le projet de plan en septembre 2020. La prévision la plus récente était de valider le NAPED pour l’automne 2021.
Le projet de plan comprend 44 actions prioritaires. Le 1
er pilier d’actions est entièrement dédié à la prévention vis-à-vis des perturbateurs endocriniens. Parmi celles-ci, Bruxelles Environnement est impliqué dans certaines actions de sensibilisation, notamment pour l’usage de produits phytopharmaceutiques (dont certains ont un effet perturbateur endocrinien) dans le cadre de la phytolicence.

Sont détaillées ci-après les actions préventives développées par Bruxelles Environnement à l’égard des perturbateurs endocriniens en fonction des différentes thématiques touchées.


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Sols
Les substances poly- et perfluoroalkylées (PFAS, parmi lesquelles le PFOS) ont récemment été au centre d’intenses discussions en raison de leur persistance dans l’environnement et de leur toxicité. Les PFAS présentent des effets perturbateurs endocriniens.

BE travaille sur les PFAS depuis 2019 et plusieurs actions ont été mises en place dont voici les principales :
· 2019 : création d’un groupe technique interne qui effectue des recherches au sujet des PFAS et qui participe aux séminaires internationaux et aux discussions avec les régions wallonne et flamande ;
· 2020 : collecte d’informations par le groupe technique en matière de normes et de toxicité des PFAS et autres polluants émergents ;
· 2021 : évaluation de l’ordonnance « sols » pour la période 2017-2020 et l’intégration des PFAS et autres polluants émergents à la nouvelle ordonnance s’est imposée parmi les recommandations les plus évidentes.

Avec la crise des PFAS en Flandre, les actions suivantes ont également été planifiées pour les prochains mois :
1. Exécution d’une 1
ère campagne d’analyses de PFOS sur 16 sites (18 entreprises ayant potentiellement utilisé des PFAS et connues de BE). Ces analyses devraient permettre de confirmer ou d’infirmer la présence de PFAS dans le sol et les eaux souterraines à Bruxelles et, le cas échéant, d’évaluer le risque de ces PFAS sur la santé humaine.
Durée d’exécution : août-décembre 2021.


2. Mise à jour de l’étude de 2013 relative aux procédés industriels des activités à risque (= activités classées susceptibles de polluer le sol et l’eau souterraine arrêtées par le Gouvernement) et analyse des autres activités non considérées comme à risque, telles que les mousses d’extinction d’incendie, afin d’être le plus complet possible. Cette étude aura donc pour but de répertorier l’ensemble des activités, qu’elles soient à risque ou non pour le sol, qui auraient pu utiliser des PFAS et autres polluants émergents. En outre, l’étude permettra également de proposer une norme d’assainissement (=norme en dessous de laquelle, le risque est négligeable pour la santé et l’environnement) et une norme d’intervention (=norme au-dessus de laquelle, le risque est non négligeable pour la santé et l’environnement et une intervention est requise) pour les PFAS et autres polluants émergents.
Durée d’exécution : juillet 2021 - avril 2022

3. Mise à jour de l’inventaire de l’état du sol existant par les services internes sur base des résultats de l’étude reprise au point 2.
Durée d’exécution : avril-mai 2022

4. Rédaction d’un code de bonnes pratiques par le groupe technique interne à BE pour mieux encadrer l’intégration des PFAS dans l’exécution des études de pollution du sol par les experts agréés.
Durée d’exécution : juillet 2021-avril 2022

5. Adaptation des arrêtés fixant la liste des activités à risque et les normes d’assainissement et d’intervention sur base des résultats de la mise à jour de l’étude de 2013 (point 2).
Durée d’exécution : avril-mai 2022

6. Exécution d’une seconde campagne d’analyses des PFOS sur un certain nombre de sites à déterminer sur base des résultats de la mise à jour de l’étude de 2013 (point 2). Ces nouvelles analyses devraient permettre d’avoir une idée globale et définitive sur la présence ou non des PFAS dans le sol et les eaux souterraines à Bruxelles et en cas de présence de ces substances, d’estimer les risques encourus par la santé publique et l’environnement.
Durée d’exécution : avril-octobre 2022

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Pesticides
La mise en œuvre des programmes régionaux de réduction des pesticides successifs, depuis 2013, contribue à la limitation des perturbateurs endocriniens. Le programme actuel pour la période 2018-2022 reprend aussi bien des actions de communication, de formation, d’accompagnement, que des projets exemplaires et des études. Le prochain programme 2023-2027 mettra un accent particulier sur les biocides, dont l’utilisation est actuellement peu cadrée.
Par ailleurs, le cadre légal régional applicable à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques va également dans le sens d’une diminution du risque lié aux perturbateurs endocriniens, en protégeant les groupes vulnérables, les zones à risque pour le milieu aquatique, les zones à risque pour la nature et en interdisant les pesticides les plus nocifs (glyphosate, néonicotinoïdes et substances similaires). L’administration évalue actuellement les modalités d’une interdiction de l’ensemble des pesticides de synthèse sur le territoire régional.
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Eau
Au travers du NAPED, Bruxelles Environnement est particulièrement concernée par la question de la contamination des eaux de surface et souterraines de la Région.
La présence de polluants chimiques, dont des perturbateurs endocriniens, fait l’objet d’une surveillance importante dans les eaux souterraines ainsi que dans les eaux de surface, tant au niveau de l’eau que dans les sédiments et les tissus d’organismes aquatiques.
Des études ponctuelles peuvent également être organisées pour mieux comprendre les sources et leviers d’action face à ces polluants. A ce titre, l’étude du rendement épuratoire des deux stations d’épuration bruxelloises, prévue dans les prochains mois, mettra en évidence comment l’épuration des micropolluants (substances chimiques présentes en faibles doses pouvant toutefois être toxiques, parmi lesquelles de nombreux perturbateurs endocriniens comme les PFAS/PFOS) pourra être améliorée dans les prochaines années afin de réduire la dispersion de ces polluants dans l’environnement.
D’autres actions opérationnelles sont prises afin de réduire la présence de ce type de polluants chimiques dans l’environnement, telles que la gestion intégrée des eaux pluviales, le curage de la pollution historique des sédiments, l’amélioration du réseau d’assainissement, et le renforcement de législations visant à protéger les eaux de surface.

2)

Depuis la mise en place du gouvernement fédéral, la Conférence Interministérielle Environnement Santé a effectivement repris ses travaux.

Le 2 décembre 2019, les Ministres de la Santé et de l’Environnement ont approuvé l’élaboration d’un plan d’action national sur les perturbateurs endocriniens (NAPED), lors d’une Conférence Interministérielle Mixte de l’Environnement et de la Santé (CIMES).


Le 21 décembre 2020, les Ministres de la Santé et de l’Environnement ont approuvé lors d’une CIMES la création d’un groupe de travail « Perturbateurs endocriniens », placé sous l’égide du NEHAP et constitué d’experts des différentes autorités compétentes concernées par le NAPED, aux niveaux fédéral, régional et communautaire. Ce groupe de travail est piloté par le SPF Santé Publique, Sécurité de la Chaine Alimentaire et Environnement et co-piloté par la Région Flamande.



Un plan spécifique sur les perturbateurs endocriniens est en cours de discussion. Il devrait débuter en 2022 et prendra fin en décembre 2026. Il a pour objectifs :

- d’établir un cadre global et cohérent permettant le développement d’actions concrètes et concertées, ayant pour objectif de diminuer l’exposition aux perturbateurs endocriniens et de réduire leurs conséquences au niveau de la Santé et de l’Environnement, en Belgique ;

- d’augmenter la visibilité des actions entreprises de la part des autorités compétentes auprès de la population et des parties prenantes, afin de conserver leur soutien et leur confiance.

Entre administrations des contacts ont lieu dans le cadre de l’élaboration de ce NAPED (cf. réponse à la 1ère question), ainsi que sur la question des sols pollués.

3)

Voir réponse à la question 1 quant aux actions de sensibilisation du NAPED.

Sur la thématique « sols », une campagne de sensibilisation est planifiée en avril 2022 pour sensibiliser les experts en pollution du sol et les entrepreneurs en assainissement du sol afin qu’ils tiennent compte des PFAS chaque fois que nécessaire.