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Question écrite concernant les incendies de véhicules électriques

de
Jonathan de Patoul
à
Pascal Smet, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale, chargé de l'Urbanisme et du Patrimoine, des Relations européennes et internationales, du Commerce extérieur et de la Lutte contre l'Incendie et l'Aide médicale urgente (question n°632)

 
Date de réception: 27/04/2022 Date de publication: 16/06/2022
Législature: 19/24 Session: 21/22 Date de réponse: 13/06/2022
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
16/05/2022 Recevable Bureau élargi du Parlement
 
Question   

Ces dernières semaines, plusieurs incendies de véhicules électriques ont été recensés sur le territoire bruxellois. Ces derniers concernent autant les e-voitures que les scooters électriques. Ces incendies semblent être provoqués soit par un emballement thermique lors des opérations de chargement soit par un court-circuit. L’usage de l’électrique étant appelé à prendre de l’ampleur en Région bruxelloise, il est important d’être attentif aux mesures de sécurité et de prévention.

Monsieur le Ministre, voici mes questions :

  1. Pouvez-vous nous communiquer le nombre d’incendies de véhicules (voitures, scooters) électriques sur les années 2020 et 2021 ? Une augmentation, est-elle constatée sur les années précédentes ? Si oui, des moyens sont-ils mis en œuvre pour anticiper ce phénomène ?

  2. Lors d’un incendie, il semblerait que le véhicule électrique doive être plongé dans une cuve d’eau pendant 24 à 48 heures afin d’y être refroidi. Le SIAMU, dispose-t-il de l’équipement adéquat ? Arrive-t-il au SIAMU de faire appel à des sociétés externes ?

  3. Après l’intervention, qu’advient-il de l’eau usée pour refroidir le véhicule ? Est-elle stockée, traitée ou recyclée ?

  4. Existe-t-il une corrélation entre le type de bornes de chargement (rapide et ultra-rapide) lors d’un emballement thermique ? Ces bornes sont-elles équipées d’un système de sécurité visant à interrompre le chargement ?

  5. Il semble que les carrossiers bruxellois devront s’équiper de telle cuve d’eau pour pouvoir y plonger un véhicule si nécessaire, me confirmez-vous cette information ?


 

 

 

 
 
Réponse    En 2020, le SIAMU est intervenu à quatre reprises pour des feux de véhicules électriques.
En 2021, le SIAMU est intervenu à dix-neuf reprises pour des feux de véhicules électriques, de type : hoverboard, trottinette, vélo, scooter, voiture…
Ces interventions sont en augmentation et, compte tenu de l’évolution attendue du parc des véhicules en région bruxelloise, cette augmentation devrait s’intensifier dans les années à venir.
Dans son analyse des risques publiée en décembre 2019, le SIAMU a établi que le risque lié au feu de batterie lithium-ion des véhicules électriques doit faire l’objet de mesures de prévention, d’intervention et d’équipement spécifiques, étant donné les conséquences désastreuses qu’il pourrait causer, notamment dans des infrastructures comme les tunnels ou les parkings souterrains et compte-tenu que le nombre de véhicules de type électrique devraient croître dans les prochaines années.

Plusieurs études ont été menées à l’étranger (IFV, Dekra, NFPA...) sur la sécurité incendie des véhicules électriques. Les conclusions de ces études ne sont pas univoques. Il est possible qu'il y ait un risque d'incendie légèrement accru, mais cela n’a pas encore été démontré. Le problème se pose surtout pour les interventions en cas d’incendie et, plus précisément, pour leur suivi. Le véhicule doit être immergé. Cela représente un défi supplémentaire pour notre service, d’autant plus si la voiture est stationnée dans un parking souterrain.
Le SIAMU a rédigé des prescriptions en matière de sécurité incendie pour les parkings souterrains équipés de bornes de recharge en collaboration avec Bruxelles Environnement. Ces prescriptions seront bientôt reprises dans un arrêté bruxellois (AGRBC).
La région bruxelloise compte de nombreux parkings souterrains dont le niveau de sécurité incendie est plutôt faible. C’est pourquoi une étude va également être réalisée pour examiner la sécurité incendie des parkings souterrains existants. Cette étude aura un caractère général et ne se limitera pas aux véhicules électriques. Bruxelles Environnement sera à la manœuvre, et le SIAMU y apportera sa contribution. L’objectif est d'imposer des exigences supplémentaires en matière de sécurité incendie pour les parkings souterrains à haut risque, p.ex. les parkings profonds et les parkings de grande superficie.
Notre service plaide pour qu’une réglementation soit élaborée au niveau fédéral. Un groupe de travail a récemment été mis en place pour examiner cette question. Les Pompiers de Bruxelles y travaillent de manière constructive. Les conclusions sont attendues pour la fin de l’année.
Au niveau opérationnel, le SIAMU a aménagé un container permettant l’immersion de batteries électriques et de véhicules si celles-ci n’ont pu en être désolidarisées (au max. un véhicule automobile) et est sur le point d’acquérir un élévateur télescopique de type Merlo P26.7 pour remonter en surface les carcasses de véhicules électriques qui auraient brûlé dans un parking souterrain. Depuis juillet 2019, le SIAMU a également conclu un partenariat avec le service d'incendie privé de l’usine Audi implantée à Forest, qui met à sa disposition, sur demande, un container semblable au sien.
Le SIAMU est déjà intervenu, depuis le début de l’année 2022, à huit reprises pour des feux de véhicules électriques. Trois de ces interventions ont particulièrement mis en lumière la nécessité d’établir des procédures claires de prise en charge des véhicules et de leurs batteries, des caissons d’immersion et de l’eau de refroidissement
après intervention [une intervention pour feu de voiture électrique dans un parking souterrain, le 11 février 2022, rue Ravenstein (Bxl), une intervention pour feu d’une dizaine de scooters et de trottinettes électriques le 27 mars 2022, rue Lacaille (Bxl), une intervention pour feu de plus d’une vingtaine de scooters électriques, le 17 avril 2022, dans un parking à l’air libre, rue de Stalle (Uccle)].

Ces interventions ont mis en lumière des manquements et des pistes de solutions.
En termes de manquements, l’on constate l’absence actuelle de :
- procédure réglant la façon dont les batteries endommagées sont prises en charge après extinction, à savoir leur immersion (batteries et véhicules lorsqu’il n’a pas été possible de les désolidariser) et leur transport ;
- procédures réglant le recyclage des batteries endommagées ;
- guidelines et procédures établissant si les eaux d’extinction et d’immersion de ces batteries doivent être à considérer comme polluantes et le cas échéant, la récupération, le transport et le traitement de ces eaux.
Ces manquements dépassent le champ de compétence du SIAMU, en tout cas pour ce qui concerne les questions du transport, recyclage et traitement des batteries endommagées et des eaux d’extinction et d’immersion.
Les pistes de solutions qui ont été explorées sont les suivantes :
- la capacité de Bebat à retraiter ces batteries et à fournir, en dépôt, au SIAMU, des containers de récupération spécifiquement conçus dans lesquels les placer en attendant leur prise en charge. Attention toutefois que ces containers sont conçus pour accueillir des batteries de petite taille et non endommagées. Attention également que la mission de Bebat concerne le recyclage de batteries soumises à un usage normal ;
- l’utilisation de containers pour immerger les batteries et les véhicules quand ils ne peuvent être désolidarisés. Attention toutefois qu’il convient de maintenir cette immersion au moins 5 à 6 jours, ce qui implique soit que le container est immobilisé durant cette période sur les lieux de l’intervention, soit qu’une prise en charge doit être prévue rapidement pour le libérer et que cette prise en charge implique de trouver un/des opérateurs habilité(s) pour le transport de ce matériel (transport de matière dangereuse), son recyclage et le traitement des eaux d’immersion (si toutefois celles-ci ne peuvent être rejetées à l’égout). En tout état de cause, l’utilisation de containers du SIAMU est à éviter dans ce cas, notamment en raison du risque d’immobilisation de trop longue durée ; la durée d’immobilisation en intervention de ces containers peut se compter en heures, si pas en jours ;

- l’utilisation de vermiculite au lieu d’eau pour contenir la réaction des batteries de petite dimension endommagées, dans des containers appropriés.
A ce stade, des questions restent pendantes :
- où s’arrête l’intervention du SIAMU ?
- les eaux d’extinctions et d’immersion doivent-elles être considérées comme des eaux pollués et être retraitées comme telles et si oui, qui doit se charger de leur récupération et de leur retraitement et suivant quelles modalités ?
- qui se charge de la prise en charge et du recyclage des batteries et des véhicules endommagés, sachant qu’il n’est pas toujours possible de désolidariser les unes des autres, à partir de quand et suivant quelles modalités;
- dans l’attente de cette prise en charge, par quel moyen s’assure-t-on que les batteries sont mises hors d’état de se réenflammer, qui met en œuvre ce moyen et suivant quelles modalités ?
- que prévoit-on pour des véhicules de très grande taille comme les bus ?
Deux réunions ont été initiées par le SIAMU avec Bruxelles-Environnement, Bebat et Bruxelles Propreté mais n’ont pas permis, à ce stade, l’émergence de réponses claires. La Haut-fonctionnaire a été saisie de la problématique pour suite voulue.
Le SIAMU a également pris contact avec Febelauto, qui procède à l’agrément des centres de récupération (centre agréé +), pour disposer d’une liste de ces centres.
Le SIAMU a demandé à participer à la réunion du groupe de travail relatif à la transition énergétique du véhicule mis en place par le Centre de connaissances pour la Sécurité civile (KCCE) du SPF Intérieur, et dont le but est de favoriser l’échange d’information, de connaissance et d’idées entre les pompiers et les professionnels du secteur. Ce groupe de travail s’est réuni à deux reprise, en janvier et en avril 2022. Sa prochaine réunion est prévue à l’automne. Lors de sa première réunion, le KCCE a toutefois reconnu que cette problématique et les questions qu’elle soulève dépassent ses compétences et celles du fédéral.

Les recommandations actuelles fixent à min 60h et à la disparition des effets (p.ex. ébullition) l’immersion du véhicule (ou de sa batterie, si les deux ont pu être désolidarisés). Comme indiqué Supra (Cf. réponse à la question 1), le SIAMU a aménagé un container permettant l’immersion de batteries électriques et de véhicules si celles-ci n’ont pu en être désolidarisées (au max. un véhicule automobile) et a conclu un partenariat avec Audi Forest pour disposer du sien, le cas échéant, avec toutes les questions que posent l’immobilisation de ces containers pendant plusieurs jours. Pour remonter en surface les carcasses de véhicules électriques qui auraient brûlés dans un parking souterrain, le SIAMU est sur le point d’acquérir un élévateur télescopique de type Merlo P26.7.

Ce container ne convient pas, en outre, pour les véhicules de gros gabarit (bus, camions). Là encore, le SIAMU est en phase d’exploration (recherches de solutions opérationnelles d’intervention) et des discussions sont engagées avec des partenaires tels que la STIB ou De Lijn.
Comme indiqué en réponse à la première question, il n’existe pas, à ce stade, de guidelines et procédures établissant si les eaux d’extinction et d’immersion de ces batteries doivent être à considérer comme polluantes et comment se fait la récupération, le transport et le traitement de ces eaux. Lors des dernières interventions, le SIAMU a fait appel à des firmes privées disposant des autorisations pour prendre en charge les matières dangereuses . La problématique de la facturation de ces services et la désignation des prestataires est aussi actuellement au cœur du débat.
L’expérience actuelle (2-3 tests) montrerait que l’eau est à PH neutre mais que l’on y décèle la présence de métaux lourds. Les critères de rejet/traitement doivent être définis avec Bruxelles environnement, sur base d’analyses plus fines.



Il n’y a pas grand-chose à dire sur la corrélation entre le risque d'incendie et la puissance de charge. Jusqu’à présent, il y a très peu d'incidents liés aux chargeurs rapides (disponibles à la fois en mode 3 et en mode 4). Il n’y a pas encore d’études ou de statistiques qui donnent un sens à tout cela. En théorie, on pourrait s’attendre à ce que le risque d'incident soit plus élevé avec les chargeurs rapides, car les cellules sont fortement chargées, mais dans la pratique, les systèmes de surveillance semblent bien fonctionner.
 
Les véhicules ainsi que les chargeurs rapides intègrent de nombreux systèmes de sécurité. Chaque véhicule est équipé d'un BMS (Battery Management System) qui mesure, entre autres, la tension dans chaque cellule, la température en différents points de la batterie, le courant de charge... Le véhicule détermine toujours le niveau de puissance auquel il peut être chargé en toute sécurité et « demande » cette puissance à la borne de recharge. Si le BMS remarque que quelque chose ne va pas (déséquilibre des cellules, température trop élevée...), la charge sera automatiquement interrompue. Cela se passe toujours de cette manière. La « surcharge » d'un véhicule est donc techniquement impossible (quelle que soit la méthode de recharge).
 
De nombreux systèmes de sécurité sont également intégrés dans le chargeur rapide. Comme mesures de sécurité importantes, citons par exemple un capteur de température intégré dans la fiche et un système qui met le câble hors tension si le connecteur n’est pas correctement branché ou si le véhicule ne demande pas de courant de charge.
Concernant les carrossiers bruxellois, c’est une solution qui est envisagée. Comme indiqué en réponse à la première question, le SIAMU a pris contact avec Febelauto, qui procède à l’agrément des centres de récupération (centre agréé +), pour disposer d’une liste de ces centres. Il reste toutefois à prévoir le transport entre le lieu du sinistre et le lieu de stockage, la surveillance et la prise en charge des eaux usées.