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Question écrite concernant les mesures prises ou envisagées en vue de prévenir et de lutter contre la résurgence du racisme anti-asiatique lié à l'épidémie de coronavirus.

de
Kalvin Soiresse Njall
à
Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement et de l'Égalité des Chances (question n°145)

 
Date de réception: 02/02/2020 Date de publication: 06/04/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 06/04/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
13/03/2020 Recevable Bureau élargi du Parlement
 
Question    L'épidémie de coronavirus a entraîné des craintes, des peurs et parfois de la panique au sein de la population. Ces peurs peuvent être légitimes car une épidémie est un phénomène qui entraîne des réflexes de protection et de méfiance. Quand on parle du coronavirus aujourd'hui, les populations pensent automatiquement à la Chine, à l'Asie et par extension aux Chinois.e.s, aux Asiatiques mais aussi aux personnes de racine chinoise et asiatique. Des citoyennes et des citoyens belges ou étrangers d'origine asiatique qui vivent paisiblement en Europe, en Belgique et à Bruxelles sont victimes de comportements profondément racistes et de stigmatisations inacceptables. L'association "Asia 2.0" rapporte les centaines de plaintes reçues à ce sujet depuis quelques semaines1.

Madame la Secrétaire d'État,

Le racisme anti-asiatique fait partie de ces haines dont on parle peu mais qui est bien ancré. Comme l'antisémitisme, la négrophobie, l'islamophobie, le racisme anti-arabe, la romaphobie, le racisme contre les gens du voyage, etc., il est profondément ancré dans la conscience historique de notre société. L'actualité liée au coronavirus ne fait que révéler ce qu'on ne voyait pas assez et qu'on ne mettait pas assez en exergue. Contrairement au passé, les victimes de racisme anti-asiatique s'expriment beaucoup plus. Comme dans d'autres populations bruxelloises, on observe aussi chez nos concitoyennes et concitoyens de racine asiatique des nouvelles générations une envie de s'ancrer dans leur citoyenneté en Belgique et à Bruxelles. Avons-nous assez conscience aux niveaux politique et sociétal de la diversification de notre société du point de vue du cosmopolitisme et du métissage ? Avons-nous assez conscience aux niveaux politique, social, institutionnel et médiatique de cette réalité palpable ? Avons-nous assez conscience de la fin d'une société ethniquement homogène ? Avons-nous assez conscience des représentations négatives ancrées dans nos mentalités par notre passé historique ? Ce sont des questions que je me pose et que nous devons nous poser collectivement en permanence pour avancer. La Belgique et Bruxelles ont toujours été des terres d'accueil. Des terres sur lesquelles des personnes admirables ont à travers l'histoire tendue la main aux étrangers. Mais comme d'autres terres d'Europe, la Belgique a aussi été sous la coupe de propagandes historiques déshumanisantes. Rappelons-nous de la fameuse propagande du "Péril Jaune" qui a traversé toute l'Europe à la fin du 19e siècle et qui a ancré jusqu’à aujourd'hui dans notre imaginaire collectif les représentations négatives sur les personnes d'origine asiatique ? La sensibilisation, la lutte contre les discriminations, l'antiracisme judiciaire sont des outils indispensables. Néanmoins, elles montrent parfois qu'elles ne sont pas assez efficaces. Elles doivent être complétées par un travail structurel sur notre conscience historique collective. Un travail structurel de déconstruction mentale des représentations. Il ne suffit pas d'enseigner ou vulgariser l'histoire à l'école secondaire. Un citoyen ou une citoyenne doit être accompagné.e dans ses activités et dans ses loisirs (écoles, universités, espace public, associations, théâtres, cinémas musées, sports, médias, etc.) par des contre-modèles positifs. Une plus grande visibilité des contre-modèles positifs par rapport aux différentes propagandes racistes du passé est un remède qui produira des effets à long terme et pourra régler le problème à la racine.

Madame la Secrétaire d'État,

1. Suite aux différents faits qui se sont multipliés ces dernières semaines, quels dispositifs avez-vous mis en place ou comptez-vous mettre en place pour lutter contre ces faits de racisme antiasiatique ?

2. Quelles mesures envisagez-vous de manière structurelle pour déconstruire les propagandes ou rumeurs historiques qui renforcent le racisme anti-asiatique ?

3. On voit émerger des associations qui luttent contre le racisme anti-asiatique. Ces associations sollicitent-elles des moyens publics financiers ou de visibilité dans la sphère publique ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour leur apporter beaucoup de soutien ?


1 Coronavirus : "Nous sommes des Jaunes, des Chinetocs ou des Jacky Chan
https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-nous-sommes-des-jaunes-des-chinetocs-ou-des-jacky-chan?id=10421990&fbclid=IwAR0oBj9_phe2SP4G82yekbLf09BV2gqRN_1Paj6moStBRh8bHBPl_pK58x8
 
 
Réponse    Si l’épidémie de coronavirus a exacerbé l’occurrence d’actes et de propos anti-asiatique, le racisme anti-asiatique existe bel et bien à Bruxelles et des citoyens en sont victimes au quotidien. Car le racisme peut prendre plusieurs visages et il est de notre devoir de lutter contre le racisme sous toutes ces formes, qu’il s’agisse d’antisémitisme, d’islamophobie, de négrophobie, de racisme anti-roms, de racisme anti-asiatique et la liste n’est pas exhaustive.

Le nouveau plan régional de lutte contre le racisme qui verra le jour en 2021 et sera effectif jusqu’en 2024, sera élaboré en concertation avec la société civile. Nous sommes d’ores et déjà attentifs à ce que chaque groupe ciblé par les racismes soit entendu et prenne part à l’élaboration du plan.

Comme vous le mentionnez, les symboles, l’histoire, la culture, font beaucoup dans la propagation de l’idéologie raciste. Et pourtant, ce sont aussi des leviers essentiels pour la contrer.

J’ai la chance de combiner les compétences de l’Egalité des chances à la Région avec celles de la cohésion sociale à la COCOF. Ceci permettra d’assurer que ce secteur soit mis à contribution également dans le cadre de l’élaboration du plan régional de lutte contre le racisme.

Par rapport à votre question concernant les associations luttant contre le racisme anti asiatique, sachez bien sûr, que toutes les associations peuvent demander un soutien financier pour des projets en lien avec l’égalité des chances et la lutte contre le racisme.

En décembre dernier, nous avons attribué plus de 233.000 euros dans un appel à projet spécifique à la thématique du racisme.

Nous savons malheureusement que des subventions disponibles ne signifient pas toujours des subventions accessibles pour des associations plus petites ou moins visibles.

Cela peut être dû à un manque d’information, manque de moyens en termes de temps, de ressources humaines, etc. pour répondre aux appels à projets, assurer le suivi des dossiers, répondre aux exigences administratives alors que le travail de terrain est toujours plus pressant.

Nous en avons conscience et cherchons à mettre en place, avec l’administration equal.brussels, de nouvelles manières de travailler en collaboration avec la société civile pour toucher aussi les associations plus petites, nouvelles ou travaillant sur des thématiques spécifiques, comme celles luttant contre le racisme anti-asiatique.