Présidence : Mme Isabelle Emmery, présidente.

Demande d'explications de M. Gaëtan Van Goidsenhoven

à M. Rudi Vervoort, ministre-président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé du Développement territorial et de la Rénovation urbaine, du Tourisme, de la Promotion de l'image de Bruxelles et du Biculturel d'intérêt régional,

concernant les suites données au développement du PAD Défense.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je vais quelque peu modifier mon intervention, le PAD Défense ayant finalement été approuvé en première lecture au début du mois de septembre.

Il y a quelques mois, je vous interrogeais sur l’état d’avancement du plan d'aménagement directeur (PAD) Défense. D’une superficie de 90 ha et situé le long du boulevard Léopold III, à cheval entre les Régions bruxelloise et flamande, le site Défense présente un potentiel de réaménagement des plus intéressants. C’est donc tout naturellement qu’une étude de définition afin d’évaluer les possibilités de développement du lieu avait été lancée en 2015 par la Défense, propriétaire des lieux.

Dans la foulée, un PAD quelque peu inédit, dans la mesure où il s’agit d’un partenariat avec la Flandre, a été élaboré par la Région bruxelloise. Une première consultation citoyenne s’était déroulée fin 2019, mais depuis lors rien ne semble avoir bougé.

Vous m’aviez répondu alors que les choses suivaient bien leur cours et qu’un passage en première lecture était prévu pour cet été. En effet, au moment de ma question, les volets stratégiques du PAD et du plan d'exécution spatial de la Région flamande (gewestelijk ruimtelijk uitvoeringsplan, GRUP) étaient en cours de finalisation.

Comme expliqué en préambule, le PAD a été adopté en première lecture le 14 septembre dernier, après de nombreux mois d’attente.

Cependant, à l’instar du PAD Josaphat, les discussions n’ont apparemment pas été simples, ce qui explique peut-être le temps passé à l’examiner en première lecture. En effet, il apparaît que, là aussi, les visions entre votre parti et votre principal partenaire de majorité ne coïncident pas. Là où vous souhaitez créer du logement, votre partenaire craint des nuisances liées au passage des avions au-dessus du site. Votre partenaire préférerait également qu’en lieu et place de logements soient implantés des commerces, moins problématiques en matière environnementale selon lui.

De son côté, la Flandre n'a pas attendu pour avancer sur le dossier. Le GRUP a été approuvé par le gouvernement flamand en juillet dernier, entérinant le projet d’implantation d’une zone d’activités économiques.

Quand devrait débuter l'enquête publique relative au PAD Défense ?

En ce qui concerne le PAD Bordet qui le jouxte, des interrogations subsistent quant aux suites à lui donner, compte tenu de la proximité géographique des deux plans. Qu’en est-il à l’heure actuelle ? Le PAD Bordet est-il toujours en développement ou a-t-il été abandonné ? Dans ce dernier cas, comment s’organise son réaménagement ? Vient-il s’inscrire dans le PAD Défense et, si oui, dans quelle mesure ?

En ce qui concerne les divergences au sein de votre gouvernement concernant ce PAD, l’idée d’abandonner l’implantation de logements pour créer des zones de développement économique est-elle finalement retenue ? Si tel est le cas, ne risque-t-il pas d'y avoir double emploi avec le projet flamand ? Ne risquons-nous pas de manquer une occasion de réaménager le site ?

Enfin, pourriez-vous nous fournir davantage de précisions quant au parc paysager métropolitain de 45 hectares ? Comment sera-t-il agencé par rapport au reste du projet ? Comment sa gestion sera-t-elle assurée, sachant que la majeure partie du parc devrait se situer en territoire flamand ?

Mme Isabelle Pauthier (Ecolo).- Le PAD Défense, qui pourrait d'ailleurs être fusionné avec le PAD Bordet, est le résultat d'un travail très intéressant mené dans le cadre du programme de développement territorial Noordrand. Celui-ci avait été présenté publiquement lors d'un colloque organisé par une petite ASBL que je connais bien.

Un travail considérable a effectivement été réalisé en amont sur le traitement des enjeux de mobilité et d'affectation, incluant la dimension paysagère. On peut se féliciter que cette dimension ait été très fortement prise en considération dans la conception urbanistique et environnementale du projet de PAD. Ce dernier prévoit en effet un grand espace ouvert, qui s'inscrit tout à fait dans la logique de l'étude interrégionale OPEN Brussels. Il s'agit d'organiser la continuité paysagère entre la ceinture verte flamande et le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale dans toutes les zones où c'est encore possible. Ce PAD comporte tout un enjeu de connexions vertes entre la Flandre et la Région bruxelloise.

Par ailleurs, il se trouve que le site est situé tout près de l'aéroport. Le rapport d'incidences et l'administration compétente, à savoir Bruxelles Environnement, ont pointé la question de la compatibilité de l'affectation projetée avec la question du bruit.

Je dirais donc au MR que ce n'est pas un problème d'écologistes, mais plutôt une question qui a été soulevée par les citoyens, entre autres lors de la commission délibérative sur le bruit en milieu urbain ou lors de la manifestation qui a eu lieu hier. La Région doit en tenir compte.

La zone 2 est fort survolée, car elle se trouve dans l'axe de la piste 25 et des pistes 7L et 7R. Les valeurs préconisées par l'Organisation mondiale de la santé sont dépassées et il est écrit en toutes lettres dans le rapport d'incidences que ce site n'est pas adapté à un développement résidentiel.

Vu la conjoncture actuelle, il se trouve en outre qu'il n'y aurait peut-être pas d'urgence, en tout cas moins que ce que l'on croyait au moment du boom démographique, qui avait suscité le développement des projets de plans d'aménagement directeurs à partir de 2017 et de 2019.

Ce problème doit être abordé en termes de type d'affectation. Nous considérons, pour notre part, que ce PAD comporte des aspects très intéressants en matière environnementale et paysagère, avec un accroissement des zones perméables.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Ainsi que l’attestent les récentes communications du gouvernement au Parlement, le projet de plan d'aménagement directeur (PAD) Défense a été approuvé en première lecture le 14 septembre dernier. Conjugué à l’approbation du projet flamand juste avant les congés d’été, il s’agit d’un important jalon qui nous permet de poursuivre effectivement la collaboration coordonnée et fructueuse avec nos partenaires interrégionaux.

À l’occasion de cette approbation en première lecture du PAD Défense, le gouvernement a décidé de mettre fin à l’élaboration du projet de PAD Bordet. Avec leur proximité géographique et le calendrier parallèle de leur élaboration, les deux projets poursuivaient en effet des ambitions très similaires, notamment la création d’une entrée de ville emblématique.

Lors des comités d’accompagnement sur le suivi du projet de PAD Bordet, durant lesquels perspective.brussels a présenté l’état d’avancement de la vision stratégique et du rapport sur les incidences environnementales (RIE), il est apparu que le contexte n’était pas encore mûr pour une progression significative de la réflexion. De nombreux acteurs ne sont pas encore à même de se prononcer clairement sur les principes urbains proposés.

Perspective.brussels a dès lors fait inclure les principaux sujets du PAD Bordet dans le PAD Défense : l’articulation de la stratégie territoriale autour de corridors écologiques et des maillages vert et bleu, la densification urbaine autour des axes et pôles multimodaux, l’alignement de la stratégie de mobilité en matière de hiérarchisation des voiries, réseaux cyclables, axes logistiques et axes de transport en commun, notamment.

Vu cette mutualisation des principes, les hypothèses du RIE ont été mises en concordance.

Le risque de blocage au sein du gouvernement autour de l’approbation de ce projet de PAD est minime : la collaboration a été très constructive et nous avons aisément pu nous accorder sur une stratégie de développement du site.

Celui-ci pourra effectivement accueillir du logement dans une proportion flexible et non prédéfinie, conférant ainsi au plan une bonne capacité de résilience dans ce quartier amené à évoluer fortement et qualitativement au cours des prochaines années.

Le caractère mixte du projet s’inscrit bien dans une logique de complémentarité avec le programme flamand, qui développe une zone d’entreprises et un parc. Ces deux projets sont conçus comme un ensemble et sont donc bien compatibles.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J'entends qu'il existe une forme d'accord gouvernemental a minima concernant la présence de logements. On n'en connaît pas encore le profil et la quantité, mais vous semblez indiquer que le débat de principe est tranché.

Pour le reste, nous sommes face à un développement urbain inédit, à cheval sur les deux Régions. C'est en soi significatif à nos yeux. Des enjeux environnementaux sont naturellement bien présents. Loin de moi la volonté de nier que le bruit dans cette partie de Bruxelles constitue une véritable source de nuisances, à laquelle il convient d'être attentif. Cependant, il faut aussi avancer et se mettre d'accord pour montrer que nos processus décisionnels permettent d'aboutir à des accords.

Nous ne manquerons pas de revenir sur le sujet. Le développement de la zone et ses différents aspects, qu'ils soient urbains, commerciaux, environnementaux ou résidentiels, nécessiteront de nouveaux éclaircissements.

Mme Isabelle Pauthier (Ecolo).- J'ai oublié de le mentionner tout à l'heure, mais une autre question nous occupera également : faut-il pérenniser un lieu d'accueil pour les grands procès, et pour combien de temps ? Ce dossier est encore en pleine évolution et j'ai bon espoir que la Région saura adapter le type d'affectation au contexte, aux besoins et aux demandes.

Je prends bien note de la fusion des PAD Défense et Bordet, qui m'apparaît être une première étape constructive et réaliste à l'égard du développement de ce quartier.

- L'incident est clos.

Demande d'explications de M. Gaëtan Van Goidsenhoven

à M. Rudi Vervoort, ministre-président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé du Développement territorial et de la Rénovation urbaine, du Tourisme, de la Promotion de l'image de Bruxelles et du Biculturel d'intérêt régional,

concernant l'adoption en conseil des ministres du contrat de gestion 2024-2028 de la Fondation Kanal.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Si le dossier du futur musée Kanal-Centre Pompidou ne fait pas la une dans la presse comme ceux de la ligne de métro 3, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’un point qui mérite toute notre attention, tant le manque de transparence autour de ce dossier est prégnant.

Nous avons d’ailleurs appris par voie de presse au début de l’été que l’inspection des finances avait émis un avis défavorable concernant le nouveau contrat de gestion du musée Kanal pour la période 2024-2028. Ce contrat, reporté à plusieurs reprises au sein du conseil des ministres, a finalement été approuvé fin juillet par le gouvernement.

Ce contrat de gestion n’a pas manqué d’être sévèrement critiqué par l’administration financière, qui pointe du doigt que le coût annuel moyen de ce musée pour la Région serait de l’ordre de 44,3 millions d’euros, dont 13 millions d'euros rien que pour la gestion du bâtiment. En outre, d'ici 2028, ce montant pourrait atteindre 45,7 millions d'euros.

Un manque de transparence est par ailleurs souligné à divers égards, notamment pour ce qui concerne les barèmes salariaux ; les rémunérations seraient plus élevées que dans d’autres musées. La soutenabilité financière du projet est clairement remise en question.

Monsieur le Ministre-Président, vous avez réagi à ces inquiétudes de manière assez désinvolte en critiquant et en dénigrant l’inspecteur des finances chargé de rédiger l’avis, en le faisant passer pour un jeune loup en manque flagrant d’expérience. Selon vous, cet inspecteur a comparé des pommes et des poires en confondant notamment frais d’investissements et frais de fonctionnement. Vous avez également indiqué que la part du budget régional allouée au projet Kanal ne s'élevait « qu'à » 0,5 % et qu’une discussion approfondie devrait avoir lieu une fois le contrat de gestion signé, ce qui est maintenant chose faite.

Malgré toutes ces réponses qui se voulaient rassurantes, il n'en reste pas moins que, depuis la genèse du projet, le gouvernement ne joue pas du tout le jeu de la transparence. En effet, pour avoir accès au précédent contrat de gestion, il a fallu batailler et insister lourdement. Je rappelle également que, malgré nos demandes répétées, nous n’avons toujours pas pu consulter les documents reprenant l’inventaire détaillé des dépenses et des recettes de la Fondation Kanal. Pour un projet financé entièrement par les deniers publics, c'est problématique.

Quelles raisons expliquent la signature tardive du contrat de gestion 2024-2028 de la Fondation Kanal ? Quels éléments de fond ont bloqué pendant le processus et pourquoi ? Quelles modifications ont été réalisées par rapport à la première version que vous aviez présentée à vos partenaires de majorité ?

Dans quelle mesure les remarques de l’Inspection des finances ont-elles été prises en considération dans les modifications apportées à la version définitive du contrat de gestion ? Votre cabinet ou la Fondation Kanal ont-ils pris contact avec l’Inspection des finances afin de clarifier les points qui posaient un problème, notamment au regard de la viabilité financière du projet ?

L'allocation budgétaire spécifique dans le budget de Paradigm dédiée au développement informatique du bâtiment du pôle muséal Kanal, dont il est fait mention au point 3 de l’ordre du jour du conseil des ministres du 20 juillet 2023, est-elle incluse dans les 44 millions d’euros alloués annuellement ou s’agit-il d’un montant supplémentaire ?

Pourriez-vous également nous détailler les principales modifications par rapport au contrat de gestion précédent et nous présenter les principales échéances auxquelles sera confrontée la Fondation Kanal lors de ces cinq prochaines années ?

Enfin, pouvez-vous nous confirmer que ce nouveau contrat de gestion sera transmis aux parlementaires ?

Mme Fadila Laanan (PS).- La culture est un sujet qui me tient fort à cœur, surtout lorsqu’il s’agit de culture accessible à tous, particulièrement dans le croissant pauvre de la Région. Le musée, qui est un investissement de revitalisation de la Région, aura un impact sur le quartier, puisque son ambition est également de redynamiser cette zone. Comme le rappelle très justement la déclaration de politique générale, la culture est « un vecteur d’émancipation individuelle et collective susceptible de démocratiser l’espace social et de réduire les inégalités socio-économiques. »

La culture, c’est une force collective. Un musée n’est pas qu’un lieu où l’on expose, où l’on réalise des performances artistiques, où l’on crée. C’est aussi un lieu de partage - et c’est ainsi que le projet est conçu. C’est un lieu de rencontres entre différents publics, un lieu pour réfléchir et penser ensemble. C’est pour répondre à cet objectif que le projet Kanal-Centre Pompidou a été élaboré. La crise que nous avons vécue a démontré la nécessité et l’importance de la culture et nous renforce encore dans les convictions qui sont à la base d’un projet de cette ampleur, implanté dans un quartier oublié, voire défavorisé. Ce sera un musée citoyen, un musée pour tous, ouvert sur le monde et non uniquement sur celui, restreint, de ceux qui disposent du bagage culturel permettant d’en maîtriser les codes.

Ma formation politique soutient bien évidemment ce projet ainsi que la politique culturelle mise en place par votre gouvernement et par la Fondation Kanal.

L'achèvement de ce projet magnifique permettra de transformer celui-ci en haut lieu touristique et de donner une image forte et attractive à ce quartier de la capitale.

Le gouvernement a eu une ambition culturelle forte pour Bruxelles. À en croire les critiques de ce projet, il ne faudrait en avoir aucune. Ce sont les mêmes qui viendront ensuite critiquer la Région précisément pour son manque d'ambition.

Monsieur le Ministre-Président, je ne partage évidemment pas l'analyse de M. Van Goidsenhoven ni celle de M. Lux, qui se sont exprimés dans les colonnes de La Libre la semaine dernière, arguant tous deux d'un manque de transparence concernant ce projet qui aura le coût d'un porte-avions.

Je voudrais rappeler que notre commission a effectué, le temps d'une demi-journée, une visite sur place. Les responsables de Kanal ont répondu à toutes les questions des députés et présenté le projet de manière détaillée.

De plus, le ministre-président répond régulièrement à toutes les questions qui lui sont posées par les membres de notre commission. Je tiens à souligner qu'à son conseil d'administration siègent des personnes très proches des partis qui critiquent le projet aujourd'hui - je pense à Yaron Pesztat et à la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib.

Je suis vraiment interpelée par le procès que l'on fait à ce projet. Vu que mon collègue M. Van Goidsenhoven dit qu'il va nous coûter un porte-avions, j'aurais voulu avoir une idée plus précise de son coût, pour pouvoir comparer avec d'autres institutions comme Bozar ou la Monnaie, si vous disposez des chiffres.

Quelles en seront les retombées économiques et sociales ? Si on n'implantait pas un grand musée à Kanal, que deviendrait le site de Citroën ?

Quelle part ce projet représente-t-il dans les finances publiques ? Quelles sont les obligations de financement propre de la Fondation Kanal ?

Enfin, le financement de la Région à la Fondation Kanal comprend le fonctionnement du musée, mais aussi la gestion et la maintenance du bâtiment. Comment cela se passe-t-il pour d'autres institutions du même type ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Commençons par remettre - devant témoins - le contrat de gestion au secrétariat de la commission. Le contrat précédent avait lui aussi été transmis, mais il s'était apparemment perdu.

Mme la présidente.- Il sera communiqué à l'ensemble des parlementaires.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- C'est un mauvais procès que l'on me fait ici aujourd'hui, car il n'y a aucune raison que nous ne transmettions pas ces documents aux parlementaires.

J'aimerais revenir sur le chemin sinueux emprunté par ce contrat de gestion. Nous avons été parfois surpris des remarques qui ont été émises lors de la signature du premier contrat de gestion. Il n'y a en effet aucun changement fondamental entre le contrat et l'avenant, nous sommes ici dans la continuité d'un plan qui a été approuvé, y compris par l'Inspection des finances et autres instances.

Ma réponse comprendra trois points. Tout d'abord, je détaillerai les principaux éléments du contenu du nouveau contrat de gestion. J'exposerai ensuite la structure du financement du projet Kanal et, pour terminer, je reviendrai sur certaines fausses informations qui ont circulé sur le sujet.

Mme Laanan a bien résumé les enjeux pour ce quartier de Bruxelles : tout cela amène aussi des perspectives économiques et de l'emploi, des activités culturelles et de la valorisation sociétale.

D'aucuns imaginaient acheter le garage Citroën pour en faire un magasin de meubles en kit. Tel était le premier projet pour ce bâtiment quand nous avons eu l'attention attirée par le fait que Citroën allait le mettre en vente. C'est ce qui nous a alors amenés à lancer les négociations avec le vendeur, en 2013. C'est à cette époque qu'a germé l'idée de conclure une convention avec le Centre Pompidou.

Dire que cela manque de transparence, c'est assez curieux, parce que de nombreuses familles politiques sont représentées au conseil d'administration de la Fondation Kanal, où tout est mis sur la table et discuté. L'agenda de Mme Lahbib ne lui permet sans doute plus d'y être présente. Je peux le comprendre et je ne peux dès lors qu'inviter le MR à changer de représentant. Je suis certain que des personnes seraient intéressées au sein du MR bruxellois.

J'ai demandé à la Fondation Kanal que son rapport annuel comporte davantage d'éléments financiers. Les commissaires ont insisté sur ce point et je pense que cela a été fait. Des rencontres ont eu lieu avec les représentants de la Fondation, peut-être y étiez-vous d'ailleurs.

Mme la présidente.- Il y a eu une visite et une rencontre.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Je suis convaincu que la direction de la Fondation Kanal sera disposée à venir vous présenter l'état d'avancement du dossier, si vous en avez encore l'occasion avant la fin de l'année parlementaire.

Rien n’empêche votre commission, même s'il reste peu de temps d'ici le mois de juin, d'inviter la direction de la Fondation Kanal à vous présenter l'état d'avancement de ce dossier.

Le nouveau contrat de gestion (qui reprend grosso modo ce qui se trouvait dans le précédent) stipule que la première mission de Kanal est de veiller au développement d'un nouveau pilier de politique artistique et culturelle régionale vivante et ouverte. Elle devra promouvoir toutes les disciplines et tous les modes d'expression de l'art contemporain. Le but est de donner à ce musée une dimension internationale, au-delà des frontières régionales.

Ce point n'a peut-être pas été suffisamment compris, mais il a toujours été énoncé et assumé. Preuve en est la convention avec le Centre Pompidou et l'intégration du Centre international pour la ville, l'architecture et le paysage (CIVA) dans le développement de Kanal, tant pour son aspect architectural que concernant sa programmation.

La deuxième mission consiste à faire de ce musée un lieu d'accueil de qualité pour l'approfondissement progressif de cette identité comme lieu de rencontre, d'émancipation, de formation et de savoir, ouvert sur les quartiers. L’objectif est de nouer des partenariats et d'organiser des activités avec les secteurs socioculturels et associatifs sur l'ensemble du territoire, mais en accordant une priorité au quartier environnant, avec obligation de développer une politique d'accueil pour les artistes bruxellois ou actifs à Bruxelles.

Il ne s'agit donc pas de favoriser uniquement les grands noms, mais également de faire émerger les artistes bruxellois. Kanal devra refléter cette jeunesse et cette diversité bruxelloises que nous apprécions tous.

Cette mission doit encore permettre d’assurer une présence et une disponibilité étendues à l’accueil de tous les publics. Enfin, elle insiste sur l’intégration, aux activités du musée, des projets en lien avec le secteur socioculturel bruxellois. Tout cela n'est pas neuf et figurait déjà dans le premier contrat de gestion. À mes yeux, cette mission est fondamentale, avec des objectifs stratégiques assortis d'indicateurs-clés de performance et d'actions concrètes à mettre en place, elles-mêmes sur la base d'objectifs spécifiques et précis.

La troisième mission de la Fondation Kanal visée dans le contrat de gestion concerne la gestion du site actuel et futur, puisque c’est à la Fondation qu’il incombera de prendre en charge tout l’aspect de gestion du complexe de bâtiments : la conception, la rénovation, la construction et le développement du musée comprenant les investissements relatifs aux aménagements et équipements des lieux et sites d’exploitation extérieurs. La Fondation sera également chargée de gérer tous les aspects liés à la gestion quotidienne, à la maintenance, à la sécurisation, à l’entretien et aux charges des lieux et sites d’exploitation extérieurs. C’est un aspect important.

Pour ce qui est de la dimension du coût, sur laquelle je reviendrai de manière plus approfondie, n’oubliez pas que dans bon nombre de musées en Belgique et de par le monde, l’aspect de la maintenance et de la gestion du bâtiment est souvent pris en charge de manière extérieure au fonctionnement. Ce n'est pas le cas ici.

J’en veux pour exemple la gestion de Bozar, des Musées royaux des beaux-arts de Belgique ou des Musées royaux d’art et d'histoire, dont la gestion immobilière est prise en charge non pas par les institutions elles-mêmes, mais par la Régie fédérale des bâtiments. Or, on peut discuter de la qualité de la gestion de la Régie fédérale pour certains musées. Ce n'est pas un hasard si, bien souvent, le gouvernement fédéral est tenté d'inscrire ces montants dans le cadre de l'accord Beliris, notamment pour le financement des travaux aux Musées royaux, tout simplement parce que la gestion de ce patrimoine se trouve dans une situation que l'on pourrait qualifier de « limite ».

Outre ces trois missions, le contrat de gestion fixe des missions et objectifs communs aux fondations CIVA et Kanal dans la perspective de l’intégration du CIVA dans le bâtiment du pôle culturel Kanal. Ces missions et objectifs figurent également dans le contrat de gestion du CIVA.

Le contrat de gestion définit évidemment les modalités liées aux ressources, au plan opérationnel annuel et au budget prévisionnel de la fondation, afin d’assurer le financement régional pour la mise en œuvre des missions poursuivies. Ce financement comporte une dotation de fonctionnement ainsi que des subsides pour les investissements et la gestion immobilière, point sur lequel je reviendrai un peu plus tard.

Le contrat fixe aussi des objectifs de financement propre de la Fondation Kanal, ce qui est important pour nous : les frais de fonctionnement de ce musée ne peuvent pas être intégralement couverts par les seules finances publiques. Nous attendons de la fondation qu’elle cherche activement, d'une part, à ce que ses restaurants, cafés et boutiques dégagent des bénéfices qu’elle pourra affecter au fonctionnement du musée et, d'autre part, à rendre ce dernier attractif pour les parrainages, mécénats, legs et dons. Enfin, un volet « hospitalité » sera développé pour que le musée puisse tirer profit d’événements et de privatisations partielles, à l’instar de nombreux musées aujourd’hui.

Le contrat de gestion établit également les modalités de contrôle, de suivi, d'évaluation, de modification, de résiliation et de renouvellement qui lui sont propres. Dans ce cadre, le gouvernement a invité la Fondation Kanal à lancer une étude basée sur un étalonnage, afin de comparer les frais de fonctionnement de diverses institutions similaires. Cette étude, qui pourrait permettre d’adapter les moyens aux besoins recensés, sera réalisée durant le premier semestre en 2024.

Permettez-moi maintenant de vous détailler la façon dont se déroulera le financement de ces missions pour les cinq années à venir. Mon cabinet travaille depuis fin 2022 à établir une budgétisation précise et minutieuse de l’ensemble des missions et objectifs que nous souhaitions inclure dans ce contrat de gestion. Nous avons décidé de travailler sur trois axes. Tout d’abord, le fonctionnement de la Fondation Kanal et la mise en œuvre des deux premières missions du contrat de gestion, à savoir les missions de corps d’activité muséale. La fondation a établi un organigramme des fonctions nécessaires dans son personnel pour ce faire. Elle a également évalué ses coûts fixes de fonctionnement et les coûts de mise en œuvre des missions muséales.

Nous sommes partis de ce travail d’objectivation en nous interrogeant sur la pertinence de chaque élément par rapport au projet que nous souhaitions voir se déployer et en effectuant les arbitrages nécessaires pour correspondre à la réalité des besoins et des attentes de la Région. De son côté, la Fondation Kanal a travaillé à des modélisations de ses dépenses à venir de manière extrêmement rigoureuse et précise, en ayant recours à une expertise interne et externe ainsi qu’au savoir-faire apporté par le partenariat avec le Centre Pompidou. Une fois ces frais définis et clarifiés, il s’agissait de s’accorder sur la manière de les couvrir par des financements pérennes.

Pour couvrir en partie ces frais, la Région apportera une dotation de fonctionnement sur les cinq années du contrat de gestion. Cette dotation sera engagée et liquidée annuellement. Son montant sera évolutif entre aujourd’hui et l’ouverture au public du pôle muséal. Elle s’élèvera en 2026 - première année pleine d’ouverture du musée - à 19 millions d’euros. Pour les années qui précèdent, le montant est inférieur. Et, pour les années après 2026, il suivra l’indexation fixée par le gouvernement.

En outre, nous avons convenu avec la Fondation qu’à l’ouverture du musée en 2025, des moyens exceptionnels étaient nécessaires pour prévoir une programmation spécifique liée à l’ouverture et disposer d'une stratégie pour faire connaître l’ouverture auprès de tous les publics ciblés. Un subside spécifique et ponctuel est donc prévu pour les années d’ouverture - 2025 et 2026 -, qui s’élèvera à 2 millions d’euros. Ce subside ne sera évidemment octroyé qu'une seule fois.

La Région ne sera pas la seule source de financement de la Fondation. Celle-ci a modélisé ses objectifs de recettes en billetterie avec l’apport de son partenaire, le Centre Pompidou. Nous avons fixé, dans le contrat de gestion, des objectifs de recettes propres à atteindre en la matière. Nous sommes restés raisonnables sur cet aspect, car nous souhaitons que Kanal-Centre Pompidou soit un musée démocratique accessible à toutes les bourses. Dès lors, il faut prévoir des tarifs adaptés aux différents publics, avec des réductions et des gratuités ciblées.

À côté de cela, les recettes proviendront du parrainage et du mécénat, mais aussi des cafés, restaurants et boutiques implantés dans le bâtiment. Chaque poste de recette est associé à un objectif clair fixé par le gouvernement. Cet objectif de recettes propres est fixé pour l’année 2026 - la première année complète - et pour les années suivantes à 15,5 millions d’euros.

La Région a également prévu un subside spécifique pour le partenariat avec le Centre Pompidou, comme convenu dans la convention signée en 2017. Ce partenariat prenant fin à l'expiration du contrat de gestion, la poursuite de ce subside spécifique après 2028 sera laissée à la discussion du prochain avenant du contrat de gestion.

Comme vous le voyez, le coût de fonctionnement du musée est assez éloigné de tout ce que vous avez pu lire et entendre dans la presse, et ne repose pas uniquement sur les finances publiques. Par ailleurs, si vous voulez des éléments de comparaison, on se situe dans une fourchette pleinement raisonnable, avec une dotation de fonctionnement de 19 millions d’euros par an. À titre de comparaison, voici les dotations publiques de fonctionnement d’autres institutions : le Stedelijk Museum d’Amsterdam a une dotation annuelle de 20,1 millions d’euros, Bozar de 25,9 millions d’euros, la Tate Modern à Londres de 56 millions d’euros et le Centre Pompidou de 84 millions d’euros.

Dès lors, avec 19 millions d'euros annuels, le projet Kanal se situe dans une fourchette raisonnable dans le paysage européen. À côté de cela, comme vous le savez probablement, un montant de 172 millions d'euros a déjà été engagé par le gouvernement pour le chantier, qui se déroule bien et qui ne semble pas accuser de dépassements à ce stade, d'autant que tous les travaux de terrassement sont déjà terminés. Tout ce qui pourrait occasionner de mauvaises surprises est donc derrière nous.

Il reste des tranches de liquidation liées à ce montant, de l'ordre de 15 millions d'euros, qui courent jusqu'en 2026, mais tout cela cadre dans les 172 millions d'euros engagés il y a quelques années déjà. Ce budget a été voté au Parlement en 2017.

Par ailleurs, 13 millions d'euros seront engagés pour couvrir les coûts liés aux investissements opérationnels pour finir d’équiper le bâtiment afin d’en faire un musée. Enfin, à partir de 2026, les coûts de maintenance, de sécurité, de gestion des déchets, d’entretien et les charges du bâtiment ont été estimés, sur la base des prix des prestataires actuellement désignés par marché public pour ce faire, à un montant global annuel de 13 millions d’euros.

La Région prendra en charge le développement et la gestion du système informatique à Kanal par le biais de Paradigm, comme c'est le cas pour tous les organismes régionaux. Bien évidemment, cela reste à financer et il s’agira d’inscrire les crédits au budget de cet organisme. Cet investissement est clairement défini dans le contrat de gestion. Le développement informatique comprendra les études et la mise en œuvre de l’architecture informatique de l’ensemble immobilier de Kanal.

Par conséquent, si j’additionne tous ces montants, le financement régional de Kanal s’élève à un montant annuel moyen de quelque 38 millions d’euros. On n’atteint donc pas les 44 millions par an ni le prix d'un porte-avions évoqué par M. Van Goidsenhoven. Ces chiffres incluent bien la totalité de ce qu’il y a à financer, en ce compris les technologies de l'information qui seront gérées par Paradigm ou encore les dernières tranches de liquidation des 172 millions déjà engagés. Le budget tourne ainsi autour de 0,5 % du budget total de la Région.

Certes, il subsiste une inconnue à ce stade : la TVA. Comme vous le savez, les subsides liés aux chantiers ont tous été calculés hors TVA, nous ne nous en sommes jamais cachés. C'est le cas pour la bonne et simple raison que Kanal sera une institution assujettie à la TVA. Toutefois, vu son activité et son statut, le musée pourra déduire la TVA de toute une série de dépenses par ses recettes.

La Fondation Kanal doit encore définir son taux de déductibilité de la TVA. Cette décision ne dépend pas de nous, mais de l’administration fédérale de la TVA. Les discussions sont en cours et il faudra probablement attendre plusieurs mois avant d'obtenir une réponse définitive de l'administration de la TVA.

Je conclurai par l’avis de l’Inspection des finances. Honnêtement, je suis conscient que l'Inspection des finances est en sous-effectif à Bruxelles. Comme de nombreuses autres institutions, elle est confrontée à bon nombre de difficultés et contraintes. La situation est la même au Conseil d'État, de la part duquel il devient difficile d'obtenir des avis - en raison d'un manque de temps, par exemple -, ce qui complique le bon fonctionnement du contrôle démocratique.

Des avis sont effectivement sollicités. Il s'agit d'avis de légalité, de régularité, d'économie et d'efficacité, mais pas d'opportunité. Je considère personnellement que divers éléments relèvent de l'opportunité. Ainsi, Bruxelles a-t-elle besoin de ce musée ? Il n'appartient pas à l'Inspection des finances de répondre à cette question, car il s'agit d'un choix politique. L'Inspection des finances se contente de répondre aux questions liées aux crédits budgétaires ou autres. Le premier contrat de gestion avait par ailleurs été soumis à l'Inspection des finances et n'avait pas posé de problème particulier.

Le dossier a été transmis en avril à l'Inspection des finances, mais l'inspecteur chargé du dossier a pris ses congés en mai et est parti à la retraite immédiatement après, le premier juin. Conscients que cela risquait de poser quelques problèmes, nous avons, dès l'entame de l'examen du dossier, sollicité à deux reprises une rencontre avec l'Inspection des finances, mais nous n'avons obtenu que des fins de non-recevoir. Or, il est courant qu'une présentation ait lieu, pour ce type de projets inhabituels ou complexes.

L'avis que nous avons reçu a nécessité de longues réponses et clarifications. Nous avons pris le temps de répondre point par point à toutes les questions posées. Malheureusement, le deuxième avis nous est revenu avec les mêmes considérations et il contenait toujours une série d'erreurs matérielles que nous avions déjà relevées. Dont acte.

Il s'agit bien d'une occasion manquée. Rien n'oblige à rendre un avis positif, mais nous nous attendions à davantage de considération, notamment de la part de l'inspecteur des finances nommé, qui s'est contenté d'appliquer son cachet sur l'avis de l'inspecteur stagiaire, sans apporter d'autres considérations. Je peux comprendre que cela crée un débat.

Les barèmes n'ont, quant à eux, rien de secret, il s'agit des barèmes de la fonction publique. Je ne sais plus qui a mentionné la somme de 100.000 euros. Si vous regardez ce que coûte un agent A1, donc universitaire, en début de carrière, avec les charges patronales, etc., vous arrivez à un peu plus de 90.000 euros pour un an. Quand on cite des chiffres pour les salaires, il s'agit rarement de l'agrégation de tout le coût que représente un agent.

Les coûts de gestion du bâtiment ont été calculés sérieusement, sur la base de modélisations faites par des soumissionnaires désignés par marché public. Nous avons toujours fait appel à toute l'expertise nécessaire.

L'équipe de la Fondation Kanal reste en tout cas disponible pour vous apporter tous les éléments que vous souhaiteriez connaître. Il n'y a aucune volonté d'opacité dans le cadre de ce dossier.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Nous avons pris connaissance de quelques éléments nouveaux. Ainsi, depuis 2022, on s'emploie à détailler avec précision les coûts de fonctionnement afin de les objectiver. Par ailleurs, la Région travaillerait à la modélisation de ces dépenses. Il s'agit en quelque sorte de nouveaux engagements. Cela ne satisfait toutefois pas à l'exigence de transparence, qui revient de manière répétitive et qui devrait donner lieu à la communication, aux députés, d'un inventaire détaillé des recettes et des dépenses. Est-on prêt à nous présenter ce document, comme c'est le cas des budgets de tous les organismes d'intérêt public ?

Un document annuel devrait être transmis lors de l'examen du budget. Or, nous ne l'avons jamais obtenu au motif qu'il s'agit ici d'une fondation et non d'un organisme d'intérêt public. Cependant, dans la mesure où cette fondation est financée presque exclusivement par des fonds régionaux, il n'y aucune raison de ne pas se livrer au même exercice de transparence budgétaire. Au risque de me répéter, je demande que l'on nous communique ce document, car c'est un élément important à nos yeux.

Enfin, l'argument selon lequel tous les partis seraient représentés au conseil d'administration de la Fondation ne me semble pas sérieux. Le nom de Mme Lahbib a été cité, alors que chacun sait qu'elle a été nommée bien avant son engagement politique.

Mon groupe se pose donc des questions, et il n'est manifestement pas le seul. Parmi les composantes de la majorité, qui devraient normalement être mieux informées que nous, les mêmes inquiétudes s'expriment quant à l'absence de transparence, à laquelle on pourrait remédier, à mon sens, en nous communiquant le document demandé.

Mme Fadila Laanan (PS).- J'ai obtenu les réponses aux questions que j'avais posées et je m'étonne de la dernière intervention de M. Van Goidsenhoven. Le manque de transparence qu'il dénonce est en effet totalement contredit par le dépôt du contrat de gestion par le ministre-président dans les mains de la présidente aujourd'hui.

Le ministre-président a aussi proposé, puisque nous avons eu l'occasion d'aller visiter le futur Kanal-Centre Pompidou et de rencontrer les responsables de la Fondation Kanal, que nous invitions les responsables dans cette commission pour répondre aux questions plus précises que vous vous posez.

Votre insistance à demander les comptes donne l'impression qu'il y a du traficotage. Vous savez pertinemment que ce bâtiment est en cours de construction et qu'il n'est ni public ni accessible !

Je voudrais aussi rappeler qu'à l'occasion de l'exposition Kanal Brut, organisée dans un bâtiment dont l'ergonomie laissait à désirer, 400.000 personnes ont foulé les pavés de ce bâtiment, dont 250.000 Bruxellois. Je me demande dès lors à quelle fréquentation nous pourrons nous attendre quand le bâtiment sera terminé. Elle sera certainement plus importante, d'où l'intérêt de ce beau projet.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Il ne faut pas nimber tout ce qui est dit d'une sorte de brouillard épais dans lequel on ne s'y retrouve pas.

Soyons clairs : l'inventaire des dépenses annuelles ne figure pas dans le contrat de gestion. D'ailleurs, le ministre-président a déjà déclaré qu'il nous transmettrait ce document. Nous demandons donc simplement qu'un engagement qui a été formulé ici-même soit respecté. Ce serait un pas dans la bonne direction en matière de transparence et je pense qu'il ne s'agit pas d'une demande exagérée.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- La Fondation Kanal est responsable de la gestion, et les comptes ainsi que le budget sont déposés à la Banque nationale de Belgique, en toute transparence. Par conséquent, il serait utile que les députés puissent adresser directement leurs questions aux responsables de la fondation.

Mme la présidente.- Nous contacterons donc la Fondation Kanal pour organiser une audition dès le début de l'année prochaine.

- L'incident est clos.

Demande d'explications jointe de M. Jonathan de Patoul

concernant les divers aspects liés aux préparatifs du bicentenaire de la Belgique au Cinquantenaire.

Demande d'explications jointe de M. Geoffroy Coomans de Brachène

concernant l'avenir du site du Cinquantenaire et du War Heritage Institute (WHI).

Mme la présidente.- En l'absence de Mme Cieltje Van Achter et de M. Jonathan de Patoul, leurs demandes d'explications sont lues respectivement par M. Mathias Vanden Borre et Mme Marie Nagy.

Mme Marie Nagy (DéFI).- Il y a environ deux ans, on apprenait que les secrétaires d'État fédéraux MM. Dermine et Michel souhaitaient faire du Cinquantenaire le théâtre des festivités du bicentenaire de la Belgique en 2030.

Des interrogations ont été soulevées dans cette enceinte parlementaire sur la date de présentation du projet au public, sur la procédure de nomination du directeur du comité d'orientation, sur la participation des comités de quartier et des administrations bruxelloises, sur les études complémentaires à réaliser, sur le calendrier serré, ainsi que sur la couverture des trémies des tunnels.

Nous nous sommes aussi interrogés sur la politique événementielle menée dans le parc du Cinquantenaire et son impact sur l’environnement végétal du parc. Le calendrier est très serré, puisque 2030, c’est demain.

Ce 20 avril 2023, la Commission européenne, les gouvernements fédéral et régional, la Ville de Bruxelles et la commune d’Etterbeek se sont retrouvés pour lancer un programme très ambitieux visant à faire du Cinquantenaire un nouveau phare socioculturel pour la Belgique dès 2030. Le plan directeur témoigne de la complexité du programme qui est annoncé : réhabilitation du parc, rénovation des bâtiments du site, volonté d’installer au Cinquantenaire un lieu de dépôt de collections - nous en manquons effectivement cruellement dans notre Région -, souhait d’améliorer l’attrait du public pour le quartier européen.

Une idée phare guide ce plan : créer l’équivalent de l'Esplanade nationale (National Mall) de Washington en effaçant la trouée créée dans le parc par le tunnel du Cinquantenaire d’ici 2030. Un projet d’architectes sera lancé par la Commission européenne et ses résultats seront connus pour la fin de cette année. Le grand objectif est de relier de manière végétalisée une série de parcs, les deux axes de la rue de la Loi et le parlement fédéral.

Nous sommes face à beaucoup d’ambition, mais aussi à beaucoup d’investissements, à un calendrier serré, et tout cela dans un contexte politique sans doute incertain en 2024, au regard de la montée en puissance de l’extrême droite et de la droite nationaliste en Flandre. On peut se demander si les projets du gouvernement fédéral de 2024 seront les mêmes qu’en 2023. En attendant, il reste des points sur lesquels il semble nécessaire de s’interroger dès aujourd’hui.

Concernant le budget du plan directeur, Beliris s’est engagé à hauteur de 80,6 millions d’euros et la Régie des bâtiments à hauteur de 75,4 millions d’euros (rénovation des immeubles, études préliminaires au plan directeur, financement du plan directeur). L’échelon fédéral couvrira les dépenses de rénovation des musées sur place. Pourtant, nous sommes probablement loin du compte. Le seul coût du recouvrement total ou partiel de la trémie est évalué à plusieurs dizaines de millions d’euros et la question de son financement reste opaque.

La Commission européenne s’est-elle avancée sur une éventuelle participation ? D’autres sources ont-elles été sollicitées ? Des chiffres budgétaires affinés sont-ils connus ? La Région bruxelloise a-t-elle été sollicitée pour participer au financement de ce plan directeur et des montants de participation ont-ils été évoqués ?

Comment le concours d’architectes lancé par la Commission européenne a-t-il été préparé ? Qui représente la Région bruxelloise au sein de son jury ? Une attention particulière sera-t-elle apportée à l’accessibilité des personnes à mobilité réduite ?

Concernant les activités événementielles et culturelles qui auront lieu entre 2023 et 2030, les moyens budgétaires semblent également manquer et un recours massif au mécénat se profile.

« L’énergie la plus verte est celle que l’on ne consomme pas » étant l’un de ses mantras, M. de Patoul souhaiterait connaître les mesures prises pour minimiser l’impact environnemental des activités organisées entre 2023 et 2030 dans le parc du Cinquantenaire. Il ne s’agit pas de gâcher la fête, mais de rester fidèles à certaines orientations fixées en matière de respect de l’environnement et d’émissions diverses.

M. de Patoul insiste, pour conclure, sur la concertation avec l’ensemble des Bruxellois. S’il se réalise, ce plan directeur entraînera des travaux qui auront un impact sur la mobilité, l’environnement, les dépenses publiques, etc. et les Bruxellois doivent avoir voix au chapitre. Où en est la collaboration entre Horizon 50-200, perspective.brussels, le comité local de la task force quartier européen et de nombreux autres comités de quartier et de citoyens ?

M. Geoffroy Coomans de Brachène (MR).- L’accord du gouvernement fédéral d’octobre 2020 mentionne : « le rôle central du War Heritage Institute dans le domaine de l’histoire militaire, de la mémoire et de la citoyenneté sera renforcé ». Par ailleurs, cette ambition est rappelée dans un plan stratégique 2021-2025 qui poursuit sa mise en œuvre, notamment à travers la finalisation du contrat de gestion prévue cette année.

À côté de ces discours ambitieux et structurés à moyen terme, des projets encore flous germent dans la tête de certains hommes politiques, dont votre collègue fédéral Thomas Dermine - ou jusque récemment, Paul Dujardin - dans le cadre du bicentenaire de notre pays. Calqués sur des modèles américains ou européens, ils visent certes à rendre au Cinquantenaire tout son prestige, mais inquiètent le personnel des établissements scientifiques du site. Citons les Musées royaux d’Art et d’Histoire, l'Institut royal du patrimoine artistique ou Autoworld, qui est une entreprise privée bénéficiant d’une concession domaniale sur le site du Cinquantenaire. Les membres du personnel s’interrogent sur le sort réservé aux entités fédérales qui s’y trouvent, sur fond de rumeurs de déménagement.

Assez récemment, dans le cadre d'un mandat privé, j'ai eu l'occasion de visiter le site et d'être informé par l'ASBL Horizon 50-200. J'avoue que ce qui est prévu m'inquiète au plus haut point.

Pourriez-vous me donner plus de précisions au sujet du plan complet de réaménagement de l’esplanade du Cinquantenaire et de ses abords, ainsi qu’un agenda réaliste soutenu par un financement concret ?

Si le Musée royal de l’armée et d'histoire militaire, par sa localisation géographique, doit faire partie de cette rénovation globale d'ici 2030, quels sont les projets de rénovations spécifiques à son égard et quelles seront les sources de financement ? Comment la Région sera-t-elle associée à ce projet - notamment du point de vue budgétaire - d’ici 2030 ? Je rappelle par ailleurs que certaines parties des bâtiments et des collections sont classées.

La Région est-elle associée à la gestion et au calendrier fixé par le War Heritage Institute ? Dans l'affirmative, comment peut-elle l’influencer et rassurer les différentes entités occupant le site du Cinquantenaire ?

Où en sont les options envisagées en vue d’un partenariat avec le secteur privé pour la gestion et/ou le réaménagement du site ? Ma collègue a évoqué la proposition d'un mécénat, qui pourrait rencontrer un certain succès sur des sites emblématiques tels que celui-là.

Le gouvernement bruxellois a-t-il été consulté quant à la proposition de transformer une partie du Musée royal de l’armée et d'histoire militaire en « hub innovation » dédié à la technologie, à la mémoire, ainsi qu'à la promotion de la démocratie et des droits de l’homme ? Dans l'affirmative, quelle est la décision prise à cet égard ?

Enfin, il est question d’un éventuel déménagement de la grande halle dédiée à l’aviation, qui comporte un risque pour l’avenir des nombreux avions conservés sur le site. Il est prévu, ni plus ni moins, de les sortir du site et soit de les transformer en objets de décoration, soit de les éparpiller à travers le pays.

Avez-vous été consulté à ce sujet ? Quelles sont les options pour éviter que ce patrimoine ne soit démantelé ou éparpillé ? N’y a-t-il pas un risque de perdre cet outil pédagogique exceptionnel pour les futures générations ? Je rappelle que 40 % des visiteurs du Musée royal de l'armée et d'histoire militaire le font avant tout pour les collections exposées dans cette halle de l'aviation.

Mme Isabelle Pauthier (Ecolo).- Tout le monde ici s'accorde sur le fait que le site du Cinquantenaire est un site emblématique, et le bicentenaire de la Belgique un enjeu important. De plus, 2030, c'est demain, surtout s'il faut établir un, voire plusieurs dossiers de demandes de permis d'urbanisme.

En juillet 2022 et le 5 juin 2023, j'avais interrogé le secrétaire d'État Pascal Smet sur ce dossier. Il a formulé un certain nombre de réponses et exprimé ses intentions à ces occasions. Entre-temps, le permis pour le réaménagement du rond-point Robert Schuman a été attaqué devant le Conseil d'État ; le directeur de l'ASBL Horizon 50-200 a été limogé ; il semble que beaucoup d'argent ait été dépensé, mais nous ne savons pas très bien à quoi ; et un certain nombre d'actions « pelliculaires » ont été réalisées, comme la présentation d'un logo pour le quartier européen - par d'autres acteurs, je pense.

Sur bien plus de points beaucoup plus importants que ceux-là, cependant, le public reste sans nouvelles : le projet de vitrine de l'Union européenne annoncé l'an dernier par M. Smet ; la question du rôle du site dans la politique de décolonisation de l'espace public, puisque des demandes ont été faites en ce sens ; ou encore le sort du Musée royal de l’armée et d'histoire militaire et en particulier la fermeture de la halle de l'aviation, sur laquelle des rumeurs circulent depuis longtemps. Quand j'ai rencontré le directeur faisant fonction de ce musée, il y a quelques années, il les a formellement démenties, mais je constate qu'elles courent toujours. Je m'interroge donc sur ce que le représentant du MR sous-entend. Visiblement, il sait des choses que la majorité ignore.

Enfin, il y a cette intention, potentiellement très coûteuse et qui aurait de fortes conséquences sur le plan de l'environnement, des perspectives paysagères et de l'urbanité, de couvrir la trémie du tunnel.

À l'époque, M. Smet avait dit que la couverture de la trémie était en effet une solution à étudier et que la Région aurait attiré l'attention sur l'enjeu des perspectives, ainsi que sur les contraintes urbanistiques et techniques importantes - je cite - qui pourraient peser sur la zone du parc et son sous-sol. Il ajoutait que la couverture coûtera dans le futur beaucoup d'argent. Pour ma part, cette hypothèse serait plutôt à mettre au conditionnel.

Il poursuivait : « Certains rêvent de construire par-dessus. La question de l'intégration dans le parc et de la perspective se posera. Un grand débat doit encore être mené à ce sujet. »

Où est passé ce grand débat ? Quand aura-t-il lieu ? Qui va le mener ? Les Bruxellois devraient être informés des enjeux liés à l'aménagement de ce site dans la perspective du bicentenaire du pays.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Comme vous le savez, le pilotage du plan directeur est en grande partie entre les mains de l'autorité fédérale qui, par la voix du secrétaire d'État chargé des Musées royaux, ambitionne de marquer le coup du bicentenaire de la Belgique en rénovant et en réactivant le site du Cinquantenaire.

Sous réserve du respect des spécificités du lieu, mon gouvernement a bien évidemment décidé d'adhérer à cette initiative. Les institutions européennes sont par ailleurs un partenaire important des réflexions menées sur ce lieu.

(poursuivant en français)

Jusqu’en juin 2023, la Région assistait mensuellement au comité de pilotage organisé par l’ASBL autour du projet de rénovation, permettant ainsi d’aligner les propositions sur la vision de la Région, je pense notamment à la vision partagée pour le quartier européen.

Depuis cet été, ces comités ont été suspendus en raison des difficultés rencontrées par l’ASBL. D'après nos informations, l'objectif est de relancer le travail de celle-ci au début de l'année 2024.

Je vous le répète, la Région n'a pas de responsabilité directe dans le projet de rénovation du Cinquantenaire. Financièrement, elle participe à hauteur de 25.000 euros à l’organisation du concours Europan.

(poursuivant en français)

Le plan directeur présenté se concentre sur les bâtiments des institutions du site et non sur les installations du parc. À ce stade, je ne peux donc pas vous répondre sur l’installation de toilettes publiques, mais cet enjeu a été clairement relayé par Bruxelles Environnement, partenaire privilégié des travaux, lors des réunions de coordination.

Mme Marie Nagy (DéFI).- J'imagine que mon collègue Jonathan de Patoul relira le compte rendu, mais je crains qu'il ne trouve pas vos réponses suffisamment exhaustives.

Ceci étant dit, il serait intéressant de relayer ce qu'il a indiqué sur l'information et la participation des Bruxellois. En effet, qu'on le veuille ou non, même à travers Beliris, il s'agit là de fonds qui sont consacrés à des fins autres que les projets de la Région. Sans oublier que si tous les travaux prévus dans le plan directeur sont effectués, ils auront des répercussions. Il serait donc intéressant de connaître le détail et la programmation pour les années à venir.

Je vous encourage donc à aller davantage en profondeur lorsque vous communiquez des informations aux Bruxellois par l'intermédiaire de ce Parlement.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- L'ASBL ne s'étant plus réunie depuis plusieurs mois, il n'y a plus eu d'avancées dans ce dossier. Une reprise des activités est annoncée pour le début du mois de janvier, mais il ne m'appartient pas de commenter les éléments dont je ne dispose pas.

Je ne peux pas vous dire quel tour prendra ce projet, sachant que le gouvernement fédéral approche de la fin de sa législature. Les prochains gouvernements devront prendre les décisions en la matière, car je doute que nous puissions régler ces questions entre janvier et juin.

Le gouvernement fédéral entrera en affaires courantes 40 jours avant les élections, donc à partir de la fin du mois d'avril. Rien ne nous empêche d'élaborer des idées, mais nous ne pourrons pas avancer beaucoup sur le plan des décisions ni des trajectoires pour les concrétiser, ne fût-ce que financièrement.

Mme Marie Nagy (DéFI).- Cela voudrait presque dire que le plan directeur devrait être revu.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Je l'ignore, et il est prématuré de le dire aujourd'hui. De nombreux éléments doivent être clarifiés avant de pouvoir mettre le plan directeur en œuvre et de le valider définitivement. Il s'agit d'un travail collectif, même si ces bâtiments appartiennent à la Régie des bâtiments. Il est évident que cela aura un impact sur Bruxelles et qu'il y aura matière à discuter une fois que ce sera plus concret.

L'aspect budgétaire, en particulier, sera un élément important, même si nous rêvons tous d'une rénovation pour ce magnifique patrimoine.

M. Geoffroy Coomans de Brachène (MR).- Tout à l'heure, vous nous avez fascinés parce que vous avez dépassé votre temps de 12 minutes et vous avez réussi l'exercice extraordinaire de donner peu de réponses en autant de temps. Mais ici, alors que vous disposiez de 30 minutes, vous avez traité trois questions très précises en moins de quatre minutes en ne donnant quasiment aucune réponse. Vous n'avez par exemple rien répondu à ma question relative au War Heritage Institute. Je suis consterné.

Vous me fascinez, Monsieur le Ministre-Président. Churchill disait que le meilleur argument contre la démocratie, c'est cinq minutes de discussion avec l'électeur moyen. Pour ma part, je crains que le meilleur argument contre la démocratie parlementaire soit cinq minutes de réponses du ministre-président de la Région bruxelloise. Je suis consterné ! Je n'ai eu aucune réponse aux six questions relativement précises que j'ai posées.

Je suis vraiment inquiet, parce que c'est un projet qui concerne les Bruxellois et qui porte sur de vrais enjeux. Les deux éléments à la base de mon engagement politique sont l'intérêt pour la Belgique -  j'ai commencé par les associations patriotiques, vous comprendrez donc mon intérêt pour le bicentenaire de la Belgique - et le patrimoine, qui est évidemment éminemment concerné sur ce site. L'absence de réponse sur ces deux éléments me consterne.

Je ne vous ai même pas interrogé sur la trémie. Cette question est aussi ancienne que mon engagement politique. On en parlait déjà il y a 23 ans, quand je me suis lancé. À l'époque, tout le monde disait qu'on allait la couvrir.

Ma question a été déposée le 7 septembre. J'espérais qu'en plus de deux mois, l'un de vos collaborateurs aurait pris la peine de les lire pour savoir exactement ce qui y serait fait. Si moi, simple député, j'ai pu glaner autant d'informations à titre personnel sur ce qui va se faire sur le site, j'imagine qu'en tant que ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, vous devez être bien informé sur les collections, les risques, les enjeux et peut-être même la possibilité de classer d'autres collections, notamment celles de l'aviation. À l'époque, vous aviez classé une série de collections extrêmement importantes qui étaient menacées dans le Musée de l’armée. Je vous invite à réitérer cet acte. Nous sommes la seule capitale en Europe, voire au monde, à avoir un musée comportant une collection d'avions de cette importance, puisqu'elle regroupe une centaine d'avions, dont certains exceptionnels.

Je pense qu'on passe vraiment à côté de l'enjeu. Je déplore l'absence de réponse.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- En ce qui concerne la trémie, par exemple, je pense avoir répondu. Une étude de faisabilité est en cours afin de voir s'il est possible de trouver une solution alternative moins coûteuse répondant à une série d'objectifs en matière de liaisons des deux rives autour du parc du Cinquantenaire. Ces aspects-là sont en cours d'étude.

Pour le reste, il va sans dire que la protection du patrimoine est l'un de nos objectifs. La question ne se pose pas en ces termes. Bien sûr qu'il faut dégager des moyens à cet effet ! L'idée initiale était d'aménager une sorte de cheminement entre le parc de Bruxelles et le Cinquantenaire, par une réhabilitation de cette voie sous diverses formes. À cet égard, j'ai entendu beaucoup de choses et j'ai rencontré des gens aussi passionnants que passionnés, mais je préfère poursuivre un objectif crédible, qui tient la route.

Aujourd'hui, je constate simplement que l'ASBL est à l'arrêt, pour les raisons que nous connaissons. Je ne sais pas du tout où en est le processus ni ce que Thomas Dermine entend faire pour réorganiser le fonctionnement. Les contacts que j'ai eus ne me permettent pas, aujourd'hui, de dire autre chose que ce que j'ai dit.

Mme Isabelle Pauthier (Ecolo).- Ces bâtiments et ce site appartiennent certes à la Régie des bâtiments fédérale, mais toutes les compétences sont entre vos mains : urbanisme, patrimoine et développement territorial. Que les Bruxellois soient pleinement associés à la réflexion sur l’avenir de ce site est le minimum minimorum.

Le plan de rénovation des musées est un fait, nous connaissons le contrôle démocratique qui continue à suivre son cours – et encore heureux ! Nous nous inquiétons plutôt de l’impact éventuel des innovations.

Vous évoquez un plan directeur : pouvez-vous le communiquer au Parlement ? Le site de cette ASBL comporte un document de quatre pages présentant la programmation artistique et un document de quinze pages qui se borne à du strict marketing, sans un mot sur les objectifs de l’ASBL elle-même.

Vu l’importance de réunifier le parc du Cinquantenaire et vu l’allure des avancées, la solution la moins coûteuse et la moins pénalisante pour l’environnement serait, à mon sens, de fermer le tunnel. Nous pourrions alors fermer la trémie.

Je me réjouis que nous puissions évoquer cette piste : nous avons là l’occasion de faire montre d’ambition.

- Les incidents sont clos.

Demande d'explications de M. Gaëtan Van Goidsenhoven

à M. Rudi Vervoort, ministre-président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé du Développement territorial et de la Rénovation urbaine, du Tourisme, de la Promotion de l'image de Bruxelles et du Biculturel d'intérêt régional,

concernant l'introduction d'un permis de lotir pour le projet de 509 logements sur la friche Josaphat.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Le plan d'aménagement directeur (PAD) Josaphat n’a de cesse de faire parler de lui depuis sa genèse, que ce soit auprès des citoyens ou au sein de la majorité gouvernementale. Le dossier piétine en effet depuis de très nombreux mois, sans qu’aucune solution ne soit trouvée. La tension est vive entre partenaires de la majorité et pour l’instant, c’est la bétonisation de la friche qui l’emporte, comme bien trop souvent, malheureusement, en matière d’urbanisme.

La crise du logement à laquelle la Région bruxelloise est confrontée ne doit pas venir effacer la crise majeure de la biodiversité que nous vivons et les besoins et envies des Bruxellois en matière d’accès à des espaces verts. La friche Josaphat est un lieu de première importance sur le plan de la biodiversité. La bétoniser serait une véritable catastrophe écologique.

L'actuelle mouture du PAD prévoit en effet une réduction de 40 % de la biodiversité locale. Le Conseil de l'environnement de la Région de Bruxelles-Capitale pense même que ce chiffre sous-estime l'impact réel du projet sur la biodiversité, tant celle-ci est complexe et regorge d'interactions entre différentes espèces.

Malgré la grande valeur biologique de l’endroit, vous poussez, Monsieur le Ministre-Président, contre vents et marées pour que le projet d’urbanisation de la friche soit effectif, et ce, le plus rapidement possible. Durant le mois de mars dernier, le consortium Eiffage-Axa a remporté le dialogue compétitif pour l’aménagement de l’ouest de la friche Josaphat. Le consortium, ainsi que la Société d’aménagement urbain (SAU), propriétaire du terrain, citydev.brussels, le Fonds du logement et la Société du logement de la Région Bruxelles-Capitale seront donc conjointement chargés du projet. D’une surface de 4 hectares, ce dernier prévoit l’implantation de 509 logements sur la partie de la friche la plus riche en biodiversité.

Selon vos propos dans la presse, Monsieur le Ministre-Président, l’introduction d’une demande de permis de lotir a eu lieu fin septembre.

La phase 1 de l’aménagement de la friche Josaphat semble donc bel et bien partie pour se faire en dehors du PAD, avec toute l’insécurité juridique et les nombreux recours que cela entraînera immanquablement. Votre obstination et le manque de dialogue concernant ce dossier posent question quant à la bonne gouvernance et au respect de l’avis du citoyen.

Cette demande de permis de lotir a-t-elle effectivement été déposée comme prévu ?

Quand devrait se tenir, au mieux, l’enquête publique ?

Doit-on en conclure que le projet de PAD Josaphat est totalement mis de côté et que le gouvernement avancera en dehors du cadre juridique qui était envisagé et qui devait apporter à tout le moins de la clarté ?

Comment justifiez-vous que la partie de la friche concernée par cette bétonisation soit justement celle qui présente la plus haute valeur biologique ? Pourquoi avoir choisi cette zone en particulier plutôt qu’une autre ?

Bruxelles Environnement a-t-elle remis un avis concernant ce projet et ses incidences sur la biodiversité locale ? Dans l’affirmative, dans quelle mesure cet avis est-il pris en considération dans la mise en pratique de l’implantation des 509 logements sur cette zone ?

Des garanties quant à la préservation de la biodiversité dans cette partie de la friche ont-elles été apportées ? Si oui, lesquelles ?

Mme Victoria Austraet (indépendante).- En Région bruxelloise, peu de dossiers suscitent autant d'opposition que celui de la friche Josaphat. Cette opposition est celle de la société civile, bien entendu, qui a présenté de longue date tous les arguments pour rejeter le projet d'urbanisation d'un site dont la haute valeur biologique est reconnue par une administration gouvernementale comme Bruxelles Environnement. Mais comme M. Van Goidsenhoven l'a très bien rappelé, cette opposition est aussi manifeste sur les bancs de notre Parlement, que ce soit du côté de l'opposition ou de la majorité.

Monsieur le Ministre-Président, avant ce début d'année, il y avait déjà de nombreuses raisons d'abandonner la deuxième version du projet de PAD Josaphat en général, et sa phase 1 en particulier. Ces raisons sont évidemment les obligations de la Région en matière de préservation des sols naturels et de la biodiversité, les évolutions et projections démographiques qui justifient de moins en moins la mise à profit de terrains soi-disant vides pour la création de nouveaux logements, les nombreuses critiques émises par des organismes tels que la Commission régionale de développement, le gain négligeable du projet au niveau de l'accroissement du nombre de logements sociaux, ou encore les solutions alternatives qui vous ont été présentées et qui permettent de construire la ville sur la ville, plutôt que la ville sur le vert.

Or depuis cette année, il y a aussi les effets de la décision, que vous avez prise sans l'accord de votre gouvernement, d'attribuer le marché public en vue de la réalisation de la phase 1 du projet, qui vise donc - pour rappel - l'urbanisation d'une vaste zone de la partie ouest de la friche, en dehors du cadre réglementaire d'un plan d'aménagement directeur.

En mai dernier, lors d'une réunion de la commission du Développement territorial, nous avons déjà eu l'occasion d'exposer nos doutes et nos craintes à l'égard de cette décision. Celle-ci semble en effet particulièrement inconséquente, puisqu'en plus de menacer les êtres vivants sensibles qui habitent et vivent sur la friche Josaphat, elle menace également d'empêtrer les organismes d'intérêt public dans de nombreux embarras juridiques. En voulant passer en force dans le dossier de la friche Josaphat par un court-circuitage de la procédure juridique habituelle, vous avez en fait engendré une raison supplémentaire de stopper le projet d'urbanisation de la partie ouest du site.

Monsieur le Ministre-Président, il y a six mois, vous n'aviez pas répondu aux questions que je vous avais adressées au sein de cette même commission. En complément aux questions de mon collègue, je me permets de les répéter aujourd'hui.

Premièrement, quel est le calendrier prévu pour les procédures à venir, avant tout en ce qui concerne les enquêtes publiques ? Dans quel délai pensez-vous que le projet sera finalisé et que les logements seront construits si la première phase devait réellement se concrétiser ?

À quelle date les travaux seront-ils terminés, selon vous ?

Enfin, votre cabinet a-t-il analysé les incidences environnementales du projet en lien avec les derniers engagements pris par la Région, notamment pour ce qui concerne les objectifs de protection de la biodiversité adoptés lors de la 15e conférence des parties de Montréal ?

Mme Isabelle Pauthier (Ecolo).- Le groupe Ecolo déplore bien entendu l'attribution de ce marché du dialogue compétitif, sans l'aval du gouvernement, sur la partie la plus sensible de la friche, classée par Bruxelles Environnement en zone à haute valeur biologique et dont la préservation serait pleinement justifiée - comme l'ont dit les experts qui sont intervenus dans le cadre de la commission délibérative - dans l'esprit de l'étude OPEN Brussels. Il s'agit en effet d'un grand espace d'un seul tenant, connecté à d'autres espaces, d'autres corridors de biodiversité.

Malheureusement, le rapport d'incidences a mis en évidence que 40 % de cette biodiversité serait menacée par la mise en œuvre de la première phase du projet. Comme beaucoup d'experts en urbanisme, nous pensons que l'urbanisme circulaire, le recyclage du bâti existant et la construction de la ville sur la ville sont l'avenir, d'autant que les perspectives démographiques se sont calmées par rapport à la période qui justifiait l'élaboration de tous les projets de plans d'aménagement directeurs (PAD).

En l'absence de PAD approuvé, urban.brussels devrait motiver chaque demande de dérogation, ce qui fragiliserait naturellement un éventuel permis d'urbanisme. Mais comme vous l'avez indiqué à propos d'autres dossiers, le temps manque.

Les ministres écologistes ont proposé une approche globale dans le cadre d'un PRAS climatique. J'ai confiance dans ce processus, car il est susceptible de traduire les enjeux contemporains et les tout récents engagements de la Région dans le champ de la préservation de la biodiversité et de la nature.

J'écouterai vos réponses avec beaucoup d'intérêt, comme - assurément - une grande partie de la société civile et des associations mobilisées sur ce dossier.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- La demande de permis de lotir relative à la première phase de développement immobilier du site Josaphat a été introduite le 29 septembre auprès d’urban.brussels.

Dans le cadre de cette procédure qui comprend la réalisation d’une étude d’incidences, le rétroplanning théorique de l’instruction de la demande de permis prévoit que l’enquête publique ne sera pas organisée avant fin 2024.

Comme vous le savez, puisque j’ai déjà eu maintes fois l’occasion de m’exprimer sur ce dossier, cette demande de permis est introduite conformément aux prescriptions du plan régional d'affectation du sol (PRAS), et plus particulièrement du programme prévu pour la zone d'intérêt régional (ZIR) 13, le tout étant précisé d’un point de vue stratégique par le plan régional de développement durable (PRDD) qui a désigné, après un long processus participatif, le site de Josaphat comme un pôle prioritaire de développement.

Dès lors, le cadre juridique actuel permet l’instruction de la demande de permis de lotir, même si j’aurais préféré, à l’instar de la Société d'aménagement urbain (SAU), que cette demande se fasse sur la base d’un plan d'aménagement directeur (PAD) définitivement adopté. En effet, cette adoption définitive aurait offert plus de garanties environnementales puisque le projet de PAD qui est sur la table du gouvernement est beaucoup plus protecteur de la nature que ne l’est le PRAS. Cela n’a malheureusement pas été possible.

J’ai cependant demandé à la SAU de veiller à ce que le projet soit rigoureusement conforme au dernier projet de PAD au sujet duquel le gouvernement s’est accordé en juillet 2021 et qu’il réponde le mieux possible aux remarques formulées dans le cadre de l’enquête publique.

Dans ce contexte, il ne me paraît pas pertinent de parler de bétonisation pour un projet qui se veut exemplaire et qui comportera une emprise des constructions maximale de 28 % de la surface incluse dans le périmètre de la demande.

De même, il est également peu pertinent de qualifier cette zone « de plus haute valeur biologique » du site puisque le périmètre sur lequel est située la demande est composé pour partie d’un sol artificialisé dans la partie occupée par la compagnie théâtrale « Les Nouveaux Disparus » et dans l’ancienne zone de chantier d’Infrabel.

Pour le reste, il s’agit effectivement d’une zone de friche herbeuse que le rapport d’incidences relatif au projet de PAD considère comme relativement homogène quant à la biodiversité importante qu’elle abrite. Le rapport d'incidences environnementales met en avant une surface de milieux humides de 100 m², constituée de mares creusées par les occupants temporaires du site, qui attire une biodiversité additionnelle et spécifique.

À cet égard, veuillez noter que dans le cadre de la gestion de l’eau du permis de lotir, qui vise le zéro rejet d’eau pluviale à l’égout pour des pluies centenaires comme souhaité dans le cadre du projet de PAD, quelque 2.000 m² de nouveaux milieux humides seront aménagés. Nous sommes donc loin de la description peu nuancée qui est effectuée.

Par ailleurs, vous m’interrogez sur le choix de mettre en œuvre la première phase à cet endroit plutôt qu’à un autre. Vous n’ignorez pas que depuis 2013, des équipes d’urbanistes, de paysagistes, mais aussi de spécialistes de la mobilité ont travaillé pour définir la meilleure stratégie d’urbanisation du site. Ces études, qui améliorent la stratégie au fur et à mesure des plans successifs, convergent toutes vers la définition de deux noyaux habités séparés par une vaste zone de nature. Le périmètre de la demande de permis de lotir vise le noyau situé au sud du site.

En 2016, le gouvernement a demandé à la Société d'aménagement urbain (SAU) de lancer une procédure de dialogue compétitif, qui a abouti aujourd'hui à la demande de permis de lotir. Cette partie du site avait alors été choisie pour ses capacités à être urbanisée aisément et immédiatement.

Bruxelles Environnement sera bien sûr associée à l’étude d’incidences à mener dans le cadre de la procédure, conformément à la législation applicable en matière d’urbanisme. Pour votre information, et dans le cadre de la réunion de projet qui a été sollicitée sur une base volontaire par le demandeur de permis, Bruxelles Environnement a d’ailleurs renvoyé à l’avis émis dans le cadre de l’enquête publique menée sur le projet de PAD modifié, ce qui fait sens puisque la demande de permis de lotir est conforme audit projet.

En l’espèce, je rappelle que sur le volet de la biodiversité et des espaces verts, Bruxelles Environnement avait constaté une amélioration substantielle dans cette nouvelle mouture du projet de plan, tout en formulant une série de recommandations. Parmi celles-ci figurait la nécessité de figer les garanties essentielles à apporter en matière de biodiversité dans les prescriptions réglementaires du PAD. Le fait même que le demandeur du permis de lotir ait formulé ces garanties dans les prescriptions littérales du permis et dans le plan de lotissement est donc de nature à répondre favorablement à cette préoccupation.

À cet égard, et à titre d’exemple, relevons la fixation d’une superficie de 23 % de la superficie totale de la demande de permis en espace vert public, la création d’une zone sanctuaire inaccessible, la fixation d’un coefficient d’imperméabilisation maximal de 0,65 et d’un coefficient minimum d’écopotentiel de 0,4 à l’échelle du permis, l’imposition stricte de plantation de 100 % de plantes indigènes, l’imposition d’abris pour chauve-souris et oiseaux, ainsi que d’hôtels à insectes au sein des lots et des espaces verts, et enfin l’imposition de noues et bassins d’infiltration à ciel ouvert, supports de biodiversité dans le cadre de la gestion durable de l’eau de pluie.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J'entends que la demande de permis de lotir a été introduite le 29 septembre et que l'enquête publique ne sera pas organisée avant fin 2024. Ce dossier est donc reporté à plus d'un an.

Vous déplorez le cadre juridique actuel. Tout indique en effet qu'il y aura des recours, d'autant plus que l'intérêt de cette zone fait l'objet d'un déni clair et net. Pourtant, elle est reconnue comme la plus riche dans les documents qui nous ont été transmis. Certes, cette biodiversité a des origines diverses, mais sur le site, elle relève en quelque sorte de la résilience. Il y a quarante ans, elle n'était pas présente. La haute valeur biologique du site a, quoi qu'il en soit, été établie.

En résumé, vous nous expliquez que le processus suivra son cours tel qu'il a été décidé, quelles que soient les protestations et les mises en garde. Dont acte. Je crains que cette demande d'explications ne nous apporte pas les éléments nous permettant d'espérer une évolution de la démarche. Une récente communication entre vous-même et M. Maron laissait cependant entrevoir un changement d'orientation. Aujourd'hui, la ligne est tracée et vous ne semblez pas vouloir en dévier, malgré les protestations exprimées par certains partenaires de la majorité.

Mme Victoria Austraet (indépendante).- Monsieur le Ministre-Président, vous dites regretter, pour des raisons de sécurité juridique, que le projet ne se fasse pas dans le cadre du PAD, qui balisait de façon plus ambitieuse que le PRAS le respect de la biodiversité sur le site.

Vous regrettez d'avoir dû sortir du cadre du PAD pour pousser le projet, mais personne ne vous y contraint. Il y a toujours une troisième option, qui consiste tout simplement à ne pas construire sur la partie ouest de la friche, et à réellement tenir compte des solutions alternatives proposées. Je ne peux donc que vous encourager à revoir votre copie.

Mme Isabelle Pauthier (Ecolo).- Vous l'avez bien dit, Monsieur le Ministre-Président : la procédure du dialogue compétitif a choisi cette partie pour commencer car elle était la plus facile à urbaniser, en raison de son accessibilité. Ce n'était toutefois pas la plus pertinente, eu égard à la biodiversité importante qui s'y trouve. Vous avez dû vous rendre compte - car comme nous, vous êtes de bonne foi - que depuis 2019, cet enjeu de la biodiversité est devenu central dans le débat public et dans le projet de ville. La Région s'est en effet engagée à protéger davantage d'espaces de biodiversité, et les friches ferroviaires en font également partie.

La situation est telle que la destination du reste du site, c'est-à-dire tout le côté est, en particulier la partie qui est bien connectée à la gare, n'est pas discutée. Cette partie présente un potentiel de construction de logements, notamment publics, tout comme la partie ouest présente un potentiel pour le maintien de la biodiversité, au plus grand bénéfice des Bruxellois. J'espère que les événements confirmeront cette vision des choses.

- L'incident est clos.

Demande d'explications de Mme Isabelle Pauthier

à M. Rudi Vervoort, ministre-président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé du Développement territorial et de la Rénovation urbaine, du Tourisme, de la Promotion de l'image de Bruxelles et du Biculturel d'intérêt régional,

concernant l'axe 3 du plan d'action fédéral pour la gare du Midi et le contrat de rénovation urbaine (CRU) 7.

Mme Isabelle Pauthier (Ecolo).- La note du 25 août dernier du Premier ministre, de la ministre de l'Intérieur et de vous-même au sujet de la coordination spéciale relative aux conditions et à la sécurité de vie dans et aux abords de la gare de Bruxelles-Midi comprend trois axes d'action prioritaires.

L’axe 3 se divise lui-même en trois parties : des mesures organisationnelles, des mesures de sécurité visant à influencer le comportement des usagers et des mesures technologiques.

Les mesures organisationnelles concernent l'installation d'un commissariat, de nouveaux éclairages, ainsi que diverses mesures ayant trait à l'amélioration des conditions de vie dans et autour de la gare. Ces dernières relèvent principalement de la SNCB et d'Infrabel, mais aussi des acteurs régionaux. J'en cite un paragraphe : « Éviter les endroits abandonnés ou qui donnent un sentiment d’insécurité (exemples : les espaces trop longtemps vides » - comme le bâtiment du Tri postal, par exemple ? -, « les squats, les chantiers mal éclairés et non protégés, les réparations non exécutées dans un délai raisonnable, les terrains non construits et mal clôturés, etc. ». Plus loin : « Remplacer et/ou rénover les bâtiments vétustes situés dans le périmètre. »

La SNCB présente son projet de siège comme une avancée en matière de sécurité, ne serait-ce que parce qu'il mettrait fin à 25 années d'abandon de l'ancien bâtiment du Tri postal. Est également évoquée dans ce chapitre la mise en œuvre, de manière pleine et entière, du contrat de rénovation urbaine (CRU) 7. L'action n'est pas nouvelle puisque le CRU a été validé le 30 mai 2023 et est d'ores et déjà doté de 22 millions d'euros.

Au sein du plan d'action récemment publié, le réaménagement du futur parc des Deux Gares, du cœur de la gare et de l'esplanade de l'Europe et de ses alentours est présenté comme une action prioritaire du CRU.

Concernant les nouveaux logements envisagés dans le périmètre (dont 25 % à caractère social), vous déclariez, le 6 décembre 2021, qu’en l’absence de plan d'aménagement directeur et au vu des affectations actuelles du plan régional d'affectation du sol, leur construction ne pouvait être assurée. Il en va de même du nouveau parc, des équipements envisagés sur les petits quadrilatères et du respect des gabarits.

Par ailleurs, de nouvelles fonctions ont été évoquées dans la presse, pour le Fuse en particulier. Pascal Smet, quand il était encore secrétaire d'État, avait annoncé vouloir faire de Bruxelles le nouveau Berlin à travers le soutien à la vie nocturne, et notamment au Fuse. Cette discothèque a ainsi pu organiser une fête techno pour ses 29 ans dans les petits quadrilatères pendant deux jours, les 22 et 23 avril. Certains souhaitent que la SNCB relance un appel à manifestation d'intérêt pour des projets de ce type dans les quadrilatères.

Coup de théâtre ce 9 octobre avec la communication de Virix, propriétaire d'une des parcelles qui bordent le futur parc du côté de la rue des Deux Gares, qui annonçait un recours au Conseil d'État, mettant en péril l'intégralité du CRU.

Quelles sont les mesures organisationnelles dont la réalisation a déjà été entamée ? Je pense au tunnel de la rue des Vétérinaires, mais il y en a peut-être d'autres. Comment sont programmées les suivantes ?

Quelles actions du CRU 7 ont-elles déjà été entamées ? Quels biens ont-ils été acquis, quels biens doivent-ils encore l'être et existe-t-il des blocages à leur acquisition ? Si oui, de quelle nature sont-ils ?

Quel est le type d'études nécessaires que vous mentionniez et sur quels aspects du projet porteront-elles ?

Quels sont les projets liés à une implantation éventuelle du Fuse dans les quadrilatères et est-il question de relancer un appel à manifestation d'intérêt pour ces quadrilatères ?

Des pistes se dégagent-elles concernant l'occupation temporaire de l'ancienne pompe à essence ?

Concernant les mesures sécuritaires des axes 2 et 3, quelles sont les balises régionales en matière de mise en place d'une société de la surveillance ?

Avez-vous formulé des demandes visant à donner une façade à la gare ou à améliorer les quais et la signalétique ?

Avez-vous réussi à raisonner Virix quant à l'utilité publique du parc et à la valorisation qu'il apporte à leurs projets ? Un accord préalable n'avait-il pas été acquis sur l'ouverture du parc dans le cadre de la délivrance des permis qui sont en cours d'exécution, puisqu'il y a des travaux sur le site ?

Enfin, confirmez-vous le calendrier annoncé en novembre dernier et assurez-vous que le chantier lié à la ligne de métro 3 ne retardera pas ces actions ? Pourriez-vous détailler davantage ce calendrier ? Comment réaménager l'esplanade de l'Europe malgré le chantier du métro qui se pérennise ?

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Il est indéniable que le quartier Midi a grand besoin d'un vaste et profond réaménagement. En l'absence de plan d'aménagement directeur (PAD) abouti, le gouvernement tente de faire avancer les choses via des contrats de rénovation urbaine (CRU), dont le CRU 7 autour de la gare du Midi.

Ce dernier, approuvé en mars dernier, permet toute une série d'aménagements dans le quartier. Cependant, un recours en annulation a été déposé début octobre par un promoteur immobilier, comme l'a rappelé ma collègue. Pour tenter de résoudre le problème, deux solutions se présentaient à l'administration : le rachat du terrain ou l'expropriation pure et simple.

Monsieur le Ministre-Président, vous aviez alors déclaré qu'une discussion avait été entamée avec Virix, le promoteur concerné, afin de dégager une solution. Entre-temps, la situation n'évolue pas du tout dans le quartier Midi, qui a pourtant un grand besoin de renouveau. Ce quartier est en grande difficulté depuis de trop nombreuses années. Au moment où un coup d'accélérateur devait être donné pour son réaménagement, on peut effectivement redouter un nouveau blocage. Le dossier du PAD Midi est toujours dans les limbes du gouvernement, alors que les enjeux sont énormes et que les citoyens n'attendent que la situation évolue enfin, visiblement et sensiblement, dans ce quartier.

Quelles suites sont-elles données à la demande de recours en annulation concernant le CRU 7 ? Cette demande a-t-elle abouti ? Si oui, quelles en sont les conséquences pour l'actuel projet ?

Quelles solutions ont été proposées pour résoudre ce problème ?

Enfin, pourriez-vous nous apporter quelques mises à jour à propos du PAD Midi ? Est-il toujours au point mort ou des avancées ont-elles vu le jour ? Le cas échéant, lesquelles ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.-  Vos questions concernant les mesures organisationnelles des axes 2 et 3 et leur programmation sont à adresser principalement aux autorités fédérales compétentes, ainsi qu’à Bruxelles Mobilité.

L’amélioration de l’aménagement du tunnel de la rue des Vétérinaires est une opération associée portée par Beliris dans le cadre du contrat de rénovation urbaine (CRU) 7. Elle est toujours à activer.

Le CRU 7 a été lancé le 31 mars 2023 et une série d’opérations et de démarches ont débuté depuis, à savoir :

- l’étude de faisabilité programmatique, technique et financière pour les trois quadrilatères ;

- les échanges avec Bruxelles Mobilité et Beliris pour les projets d’aménagement de l’espace public ;

- le lancement des réunions pour les actions sociétales avec les communes ;

- et le diagnostic économique du quartier de la gare du Midi porté par hub.brussels.

Concernant les acquisitions, les négociations sont en cours. Elles sont même en voie de finalisation pour le projet d'hébergement pour mineurs étrangers non accompagnés, boulevard du Midi, et l’entrée du parc des Deux Gares, rue des Vétérinaires. Le reste du programme, en dehors des accords à formaliser avec la SNCB pour le petit quadrilatère, ne nécessite pas d’acquisitions.

Dans le cadre du CRU 7, plusieurs études sont prévues :

- l’étude de faisabilité programmatique, financière et technique pour les quadrilatères, portée par la direction Facilities de Bruxelles Synergie (opération 1.3, en cours d’attribution) ;

- l’étude de faisabilité sur la traversée vers les sites du charroi, portée par Bruxelles Environnement (opération 3.9, encore à lancer) ;

- le diagnostic économique porté par hub.brussels (opération 4.6, en cours) ;

- l’étude de faisabilité concernant le déplacement du dégrilleur de Vivaqua pour la mise à ciel ouvert de 80 m du tracé de la Senne au niveau de l'entrée du parc des Deux Gares (en lien avec l’opération 3.0, encore à lancer) ;

- l’étude de faisabilité programmatique, technique et financière sur les trois quadrilatères vient d’être lancée et en est à la phase de sélection du futur bureau d’étude. Il n’est donc pas encore possible de fournir de réponse quant à une hypothétique implantation du Fuse.

La programmation du CRU 7 contient une fiche consacrée à l’ancienne pompe à essence, qui est portée par la commune d’Anderlecht (opération 4.1). Via un appel à projets, il est prévu de finaliser la désignation d’un porteur de projet pour 2024, afin d’occuper le bâtiment dès 2025.

Par ailleurs, vos questions sur les mesures sécuritaires des axes 2 et 3 et les balises régionales pour mettre en place une société de surveillance relèvent des autorités fédérales compétentes, tout comme vos questions sur la façade de la gare et l’amélioration des quais et de la signalétique.

Préalablement à l'approbation du CRU 7, fin mars 2023, l’élaboration du programme a fait l'objet d'un processus de publicité et d'information. Des échanges avec le groupe Virix - et non un accord - ont donc eu lieu dans ce cadre-là, sur les objectifs de la programmation du CRU, plus précisément en lien avec le projet du futur parc des Deux Gares.

Comme je l’ai souligné, nous avons ouvert le dialogue avec les requérants et j’espère qu'un modus vivendi sera dégagé, sachant que le CRU n'entraîne pas en soi d'effets juridiques particuliers. C'est conclure trop rapidement que prétendre qu'il y avait un recours en annulation. On ne peut en effet introduire de recours sur un acte qui n'a pas de conséquences juridiques. Lors de la phase de mise en œuvre, en revanche, des recours pourraient intervenir et c'est ce que nous voulons éviter.

Approuvé le 30 mars 2023, le calendrier du CRU 7 est le suivant : la phase d’exécution de 60 mois court du 1er avril 2023 au 30 septembre 2028 et la phase de mise en œuvre de 30 mois (sauf pour les actions socioéconomiques) s'étend du 1er octobre 2028 au 31 mars 2031.

La seule opération du CRU 7 liée au chantier de la ligne de métro 3 est l’opération associée 1.6 portée par Bruxelles Mobilité. Elle concerne le recouvrement de l’espace public excavé pour laisser place aux travaux du boulevard Jamar, sur la Petite ceinture au niveau du boulevard du Midi et l’avenue de Stalingrad. Concernant l’évolution du calendrier de cette opération liée à celui des travaux, je vous renvoie à Bruxelles Mobilité.

Mme Isabelle Pauthier (Ecolo).- Tout va bien, en somme ! Pour plus de la moitié des questions, vous me renvoyez soit au niveau fédéral, soit à Bruxelles Mobilité. Les habitants du quartier Midi apprécieront !

Nous souhaitons, comme tout le monde, que le quartier du Midi sorte enfin de l'ornière. J'espère que les différentes opérations prévues par le CRU seront bien mises en œuvre et que vous parviendrez à trouver un accord avec Virix sur l'enjeu de l'aménagement du parc. Or, celui-ci dépend lui-même du plan d'aménagement directeur, tout comme la réalisation d'un certain nombre de logements sociaux. Devant cette commission, vous vous êtes formellement engagé à atteindre un taux 25 % de logement social dans le cadre des nouveaux développements, ce qui est assurément crucial. Tout cela dépend d'une nouvelle version du PAD Midi dont j'aurais aimé avoir le calendrier. Où en est perspective.brussels à ce sujet ?

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J'espère qu'un dialogue sera possible avec Virix et que l'on pourra trouver un modus vivendi, de manière à écarter tout risque de recours lors de la réalisation des projets, ce qui serait absolument désastreux pour ce quartier qui a tellement besoin de changement. Il ne s'agit pas d'un projet parmi tant d'autres, car il est d'une importance vitale pour rendre confiance aux habitants qui croient à l'évolution de leur lieu de vie. C'est aussi fondamental pour le développement des communes avoisinantes et pour l'image de Bruxelles.

Comme Mme Pauthier, je m'interroge sur la nouvelle version du plan d'aménagement directeur qui reste un outil pertinent pour un développement urbain de cette nature et de cette ampleur. Que peut-on espérer à ce sujet ?

- L'incident est clos.

Question orale de Mme Victoria Austraet

à M. Rudi Vervoort, ministre-président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé du Développement territorial et de la Rénovation urbaine, du Tourisme, de la Promotion de l'image de Bruxelles et du Biculturel d'intérêt régional,

concernant la procédure visant l'urbanisation du site du Donderberg.

Mme Victoria Austraet (indépendante).- En juin dernier, notre parlement débattait du nouveau plan air-climat-énergie, qui avait récemment été adopté par votre gouvernement. Dans son volet climat, ce plan dit notamment qu'il est clair que la poursuite de la tendance à l’urbanisation croissante de ces dernières décennies augmentera à la fois le risque d’inondation, l’effet d’îlot de chaleur urbain, le besoin en eau de la population et le danger sanitaire lié aux fortes chaleurs.

Quelques semaines plus tôt, c’était le premier rapport d’experts sur le climat que notre parlement examinait. Ce rapport n’est pas moins explicite sur l’importance des zones vertes dans le contexte urbain. Il invite explicitement le gouvernement à ralentir, stopper ou, de préférence, inverser les dynamiques d’imperméabilisation des sols bruxellois.

Or, quand on dresse la liste des dernières zones vertes notables de la Région, s’il y a bien un site qui présente une importance majeure pour les fonctions écologiques qu’il remplit, c’est celui du Donderberg, à Laeken. Véritable réserve naturelle, le site du Donderberg est un espace de nature laissé à l’état sauvage depuis un demi-siècle. Grand de 2,6 hectares, le site représente un intérêt majeur en matière de résilience urbaine et constitue un écosystème d’une richesse remarquable. Il est ainsi le lieu de vie d’un très grand nombre d’animaux sauvages, dont la protection est censée être assurée par l’ordonnance sur la conservation de la nature.

Pourtant, ce site, qui appartient à la régie foncière de la Ville de Bruxelles, est toujours menacé par un projet d’urbanisation.

Depuis le début des années 2000, le plan régional d'affectation du sol désigne le Donderberg comme une zone d’équipements d’intérêt collectif ou de service public, et, depuis les années 2010, différentes versions d’urbanisation de la zone se succèdent.

L’ampleur du projet a été quelque peu réduite au fil du temps, mais sa dernière version en date, le projet HOP 5, mis à l’enquête début 2022, prévoit toujours la création d’une école fondamentale de 672 places, ainsi que d’un hall sportif, d’un parking et d’un immeuble de logements. Cela impliquerait l’abattage de pas moins de 171 arbres à haute tige, dont un arbre remarquable, ainsi que l’imperméabilisation de près de 10.000 m² de sols naturels.

L’année dernière, la suppression des chemins vicinaux traversant le site du Donderberg a créé un certain émoi et n’a pas manqué de faire réagir plusieurs juristes, en plus du collectif Save Donderberg et de nombreuses associations environnementales, qui ont dénoncé cette confiscation de voies pourtant communes.

En mars 2023, la délivrance d’un permis d’urbanisme par urban.brussels a renforcé la menace qui plane sur ce site naturel.

Comme je l’ai dit, le principal objectif du projet de bétonisation du Donderberg est la construction d’une école de 672 places nécessitant l’obtention d’un permis d’environnement de classe 2. Les données démographiques permettent toutefois de douter sérieusement des besoins de la Région en nouvelles écoles. Selon les dernières projections de l’Institut bruxellois de statistique et d'analyse, qui datent de mai 2023, on s’attend à ce que le nombre d’élèves dans les enseignements maternel, primaire et secondaire diminue fortement entre 2024 et 2030. Il serait question de 10.000 élèves en moins.

Quelle est la position du gouvernement à l’égard de ces dernières données, en lien avec le projet de construction d’une école au détriment d’un site d’une telle valeur biologique ?

Compte tenu des engagements de la Région en matière de résilience climatique et de biodiversité, comment justifiez-vous l’artificialisation d’une zone de nature sauvage pour bâtir une école de moins de 700 élèves si, dans le même temps, on s'attend à une diminution de 10.000 élèves ?

HOP 1, HOP 2, HOP 3, HOP 4, HOP 5 : vu le nombre de versions par lesquelles le projet est passé, il est clair qu’il fait face à de nombreuses oppositions. Pourriez-vous présenter les obstacles successifs en raison desquels le projet est repassé par une enquête publique au fil du temps ?

Pourriez-vous également présenter le contenu du permis d’urbanisme délivré par urban.brussels ? Selon mes informations, ce permis et la suppression des chemins vicinaux font dernièrement l’objet de recours devant le Conseil d’État. Cette opposition supplémentaire influence-t-elle la position du gouvernement ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Ce projet public est effectivement porté par la Ville de Bruxelles, et non par la Région, sur un site dont elle est l’actuelle propriétaire. Dans ce contexte, vous conviendrez que ce n’est pas mon rôle, en tant que ministre-président, de vous commenter les projets publics portés par un autre pouvoir public. Je sais qu'il s'agit d'un projet d'école voulu par la Ville de Bruxelles.

Comme vous le savez, urban.brussels a délivré le 30 mars 2023, après une longue période d’instruction, un permis d’urbanisme relatif au projet de construction d’une école fondamentale de 672 élèves sur le site du Donderberg, comprenant en outre un logement pour le concierge, une salle de sport, un local de quartier, des abords paysagers, un immeuble de huit logements comprenant une profession libérale au rez-de-chaussée et un parking souterrain.

En l’espèce, cette demande de permis est conforme au plan régional d'affectation du sol et à la réglementation urbanistique en vigueur puisque, comme vous l’indiquez, le site est affecté en zone constructible, et plus précisément en zone d’équipements d’intérêt collectif ou de service public. Comme vous le savez, ce permis fait aujourd’hui l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, qui a été introduit par un collectif de riverains opposés au projet.

En parallèle, le gouvernement a été saisi d’une demande émanant de la Ville de Bruxelles visant à la suppression des chemins vicinaux 14 et 29. Le gouvernement a fait droit à cette demande le 14 septembre 2022 et a confirmé sa décision, à la suite d’un recours introduit par des particuliers en date du 20 juillet 2023, au motif principal que la situation sur le site sera considérablement améliorée.

En effet, la suppression partielle des chemins vicinaux 14 et 29 sera accompagnée de la création de nouveaux cheminements à travers le site. D’une part, le site régional des serres sera rendu accessible au public par un cheminement implanté à droite de la servitude de passage employée par Bruxelles Environnement, conformément au permis d’urbanisme délivré par le fonctionnaire délégué en décembre 2019. D’autre part, la Ville de Bruxelles entend rendre ce site accessible au public. À cette fin, de nouveaux cheminements piétons prévus dans le permis d’urbanisme délivré participeront à rendre le site ouvert et accessible, y compris pour les personnes à mobilité réduite. Ces nouveaux cheminements recevront un statut de passage public sur sol privé sans limitation dans le temps, ce qui garantira leur accessibilité pérenne. Une fois encore, cette décision sur recours du gouvernement a, elle aussi, fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, par les mêmes opposants au projet.

En ce qui concerne les besoins scolaires au niveau du quartier, les informations transmises par le service école de perspective.brussels et par l’Institut bruxellois de statistique et d'analyse contredisent celles que vous énoncez à l’appui de votre question. En effet, ces derniers relèvent que le quartier Houba est actuellement déficitaire en places scolaires dans l'enseignement fondamental. Il s'agirait de 738 places pour l'année scolaire 2020-2021, selon les dernières données disponibles.

Par ailleurs, le quartier compte aujourd’hui un accès moyen aux aménagements et équipements sportifs publics.

Dès lors, la création d’une nouvelle salle de sport dans ce quartier s’avère tant nécessaire pour les besoins scolaires de cette nouvelle école que pour les autres écoles de la Région en déficit d'espaces sportifs, ainsi que pour le quartier, à travers la mutualisation souhaitable des futurs espaces.

Mme Victoria Austraet (indépendante).- Vous l'avez dit, le site appartient à la Ville de Bruxelles, mais c'est bien urban.brussels, et donc la Région, qui délivre le permis. La question est politique, et elle concerne dès lors le Parlement.

Or, il existe aujourd'hui un faisceau de disciplines qui nous indiquent que nous devons préserver impérativement les derniers espaces de nature si nous voulons nous prémunir des effets du réchauffement climatique. Cette seule question devrait vous convaincre qu'il est tout à fait aberrant de maintenir le Donderberg parmi les zones d'équipements d'intérêt collectif, c'est-à-dire parmi les zones pouvant être bétonnées.

Pourtant, la Ville de Bruxelles pousse désormais une cinquième version de son projet d'urbanisation du site remarquable qu'est le Donderberg. Le nombre de versions témoigne de la vive opposition citoyenne que rencontre ce projet, ce qui constitue selon moi une autre raison logique de l'abandonner. Vous ne m'avez pas fait le détail des obstacles rencontrés par le projet, alors que cela aurait pu être intéressant.

Pour ce qui concerne le nombre de places de l'établissement scolaire, je n'ai pas entendu de votre part d'arguments convaincants laissant penser qu'il serait nécessaire de créer une nouvelle école dans ce quartier, a fortiori dans un espace vert. On sait que le premier projet HOP date d'il y a plusieurs années et qu'il se basait déjà sur des statistiques anciennes. Je l'ai dit, les dernières projections de l'Institut bruxellois de statistique et d'analyse montrent bien que le pic démographique est derrière nous. En outre, le quartier compte déjà de nombreux établissements scolaires. On sait aussi que l'argument du manque d'écoles dans le quartier Houba, sur lequel s'appuie la Ville de Bruxelles pour promouvoir le projet, est trompeur puisqu'il ne tient pas compte des établissements dans les communes voisines, notamment du côté du parc Roi Baudouin, ni des écoles néerlandophones ou de l'école européenne que fréquentent de nombreux enfants francophones.

- L'incident est clos.