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Question écrite concernant les conséquences de la condamnation d’un hôpital de la Ville de Bruxelles dans le cadre d’une opération de variation intersexe.

de
David Weytsman
à
Elke Van den Brandt et Alain Maron, membres du Collège réuni en charge de l'action sociale et de la santé (question n°745)

 
Date de réception: 19/06/2023 Date de publication: 19/01/2024
Législature: 19/24 Session: 22/23 Date de réponse: 20/07/2023
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
19/07/2023 Recevable p.m.
 
Question    La Cour d'appel de Bruxelles a condamné un des hôpitaux de la Ville de Bruxelles, pour avoir pratiqué une opération, qu’elle a jugé inutile, sur une adolescente intersexuée. Effectivement, en 2009, cet hôpital a réalisé une opération chirurgicale visant une « variation intersexe » sur une adolescente de 16 ans sans avoir obtenu au préalable son « consentement éclairé », entraînant ainsi des graves conséquences physiques et psychologiques. Ce sujet est délicat et le débat est social, politique et médical.

Mon objectif n’est pas de condamner quelqu’un ou une institution, il s’agit plutôt d’envisager une manière de faire évoluer le cadre législatif, réglementaire et l’accueil, dans notre Région, des personnes intersexes. Pour cette raison, je me suis également adressé au Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et à la Ville de Bruxelles.

Conscient de ce problème, le Gouvernement fédéral prépare un projet de loi, lequel se fonde d’ailleurs sur une résolution, votée à l’unanimité, visant à : « mettre en place un cadre législatif protégeant l’intégrité physique des mineurs intersexes en garantissant, sauf nécessite? médicale et situation d’urgence rendant impossible le retardement de la décision, l’interdiction de toute décision de modification des caractéristiques sexuelles d’un mineur sans le consentement éclairé de celui-ci, que ce soit pour des raisons sociales, psychosociales, culturelles ou esthétiques , … »

Dès lors, je souhaite vous poser les questions suivantes :

  1. De façon générale, quelles politiques développez-vous en faveur des personnes intersexes et de leur famille ?

  2. Quelles suites la COCOM donne-t-elle à la décision de la Cour d’appel ?

  3. Combien de personnes sont concernées par des opérations similaires à Bruxelles ?

La résolution précise, à cet égard, « en concertation avec les entités fe?de?re?es, les recherches afin de disposer des chiffres relatifs aux cas d’interventions pratiquées pour cause de variations au niveau du sexe phénotypique, chromosomique ou gonadique et cela afin d’appréhender davantage les pratiques actuelles mais aussi de disposer de connaissances sur les enfants intersexes qui n’ont pas connu d’interventions chirurgicales ou de traitements médicamenteux… ».

  1. Quelle collaboration y a-t-il entre les hôpitaux bruxellois et les associations spécialisées, afin d’informer le personnel des hôpitaux publics ?

A cet égard, la résolution rappelle qu’il est important de « permettre, en concertation avec les entités fe?de?re?es, l’information, la sensibilisation et la formation adéquates des professionnels qui jouent un rôle dans la vie des personnes intersexes, y compris, sans toutefois s’y limiter, les (futurs) médecins, chirurgiens, sages- femmes, infirmières, enseignants, agents administratifs, psychologues cliniciens, orthopédagogues cliniciens, sexologues cliniciens, l’Agentschap Opgroeien et l’ONE de l’existence de personnes présentant des variations de caractéristiques sexuelles et des réalités intersexes, et cela dans une perspective ou? les personnes ne sont pas considérées comme étant prétendument atteintes de pathologies et d’une manière respectueuse des droits humains ».

  1. Au sein des hôpitaux bruxellois, de quelle manière le mineur intersexe est informé de son droit au « consentement éclairé » ?

  2. Concernant les parents, dans le cadre de vos compétences, quelles mesures sont prises afin d’aider « ces familles d’enfants et adultes intersexes d’avoir un accès a? une information relative aux aspects médicaux et socio-culturels des variations des caractéristiques sexuelles ainsi qu’un accompagnement psycho-social s’ils en ressentent le besoin, par analogie avec le régime existant pour les personnes en transition, et cela sans considérer les personnes comme étant prétendument atteintes de pathologies et d’une manière respectueuse des droits humains » ?

 
 
Réponse    Merci pour votre question.

Le droit des personnes LGBTQIA+ est une priorité pour le Collège. Parmi celles-ci, les personnes intersexes sont encore trop souvent victimes d’opérations non-consenties. La CoCoM soutient d’ailleurs la Rainbowhouse.

L’association francophone Genre Pluriels et son “Réseau Psycho-Médico-Social Trans*/Inter* Belge” sont également soutenus via la CoCoF.
Ce réseau né en 2018 avec la collaboration du CHU Saint-Pierre permet, d’une part, un échange entre professionnels soucieux de se former et, d’autre part, un accompagnement et redirection des personnes intersexes et leur entourage vers ces professionnels.
J’ai moi aussi pris connaissance de cette condamnation de l’HUDERF au mois de mars dernier après un long calvaire et un long parcours judiciaire pour cette jeune personne qui en restera traumatisée et handicapée probablement à vie.

Ce genre de pratique est désastreuse et je suis en partie étonné du jugement qui n’a pu se prononcer que sur l’aspect civil et pas sur des aspects pénaux tels que les coups et blessures ou le viol comme le plaidait cette victime. Les droits de la patiente n’ont manifestement pas non plus été respectés puisqu’elle n’était pas consentante des traitements appliqués, mais là encore la Loi sur les droits du patient ne contenant pas de disposition pénale le juge n’a pu suffisamment s’y référer.

Vous me demandez si la COCOM allait donner suite à cette condamnation, mais je ne vois pas vraiment quelle suite nous pourrions y donner, en tous cas en ce qui concerne les hôpitaux. Même si c’est l’hôpital qui est condamné au civil, ce qui est logique lorsqu’un de ses employés a causé des dommages à un patient, il s’agit avant tout ici des conséquences d’une mauvaise pratique médicale, de l’un ou l’autre praticien. Or la pratique de l’art de guérir, sa règlementation et régulation est du ressort du fédéral. Et le fédéral lui-même éprouve souvent de grandes difficultés lorsqu’il doit réguler cette discipline.

Vous vous souvenez certainement que le parlement fédéral a adopté à l’unanimité en février 2021 une résolution « demandant notamment au gouvernement de mettre en place un cadre législatif pour protéger l’intégrité physique des mineur·e·s intersexués en garantissant que ses caractéristiques sexuées ne seront pas modifiées sans son consentement éclairé, sauf en situation d’urgence. ».
Depuis, mes collègues au fédéral, Sarah Schlitz puis Marie-Colline Leroy, travaillent à un avant-projet de Loi allant dans ce sens de protection des mineurs présentant des variations au niveau des caractéristiques sexuelles, mais il me revient que le travail n’avance pas très vite car l’unanimité de 2021 ne serait plus aussi large… j’espère en tous cas que votre parti sera un appui.


Vous me demandez combien de patients ou d’opérations sont concernés par an à Bruxelles. C’est une information dont je ne dispose malheureusement pas. Même si on sait qu’en Belgique naissent environ 1500 à 1900 enfants avec des variations sexuelles (c’est à peu près la même fréquence que les naissances de jumeaux), ils ne sont pas recensés, et encore moins tous opérés… sans compter que certaines variations, il en existe une 40aine possibles, ne se découvrent qu’après plusieurs mois ou années. Le ministre fédéral pourrait demander à l’INAMI de repérer quelques codes de la nomenclature chirurgicale typiques des remboursements de ce genre d’intervention, mais là aussi on aurait une vue très partielle du phénomène. D’ailleurs la résolution du parlement fédéral en 2021 demande aussi que la collecte des données soit améliorée, par exemple via le formulaire de naissance.

Normalement les mineurs comme tous les autres patients ont des droits, dont celui au consentement éclairé, en vertu de la Loi sur les droits du patient qui fixe les règles spécifiques en fonction de l’âge du mineur et de sa capacité à raisonner. Il appartient à chaque professionnel de santé de s’y conformer et j’ose espérer qu’il s’agissait ici d’un cas isolé.


Dans chaque hôpital la Loi sur les hôpitaux impose la présence d’un service de médiation qui reçoit les questions et plaintes des patients et de leurs familles sur leurs droits. Vous aurez probablement lu que le mois dernier le Collège Réuni a adopté un arrêté fixant des normes hospitalières complémentaires à celles du fédéral relatives à la qualité des soins et à l’accessibilité des services. Dans cet arrêté nous avons prévu une section particulière visant à améliorer la visibilité et l’accessibilité du service de médiation ainsi que l’information du patient dès qu’il passe par l’accueil d’un hôpital. Cet arrêté entrera en vigueur en 2024.