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Question écrite concernant le CO2 des voitures neuves à nouveau en hausse en 2019.

de
Martin Casier
à
Alain Maron, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de la Transition climatique, de l'Environnement, de l'Énergie et de la Démocratie participative (question n°201)

 
Date de réception: 10/02/2020 Date de publication: 26/05/2020
Législature: 19/24 Session: 19/20 Date de réponse: 26/05/2020
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
13/03/2020 Recevable Bureau élargi du Parlement
 
Question    L’article dans l’Echo1 du 7 janvier 2020 est interpellant : Malgré les objectifs européens de CO2 de plus en plus contraignants pour les constructeurs automobiles, la moyenne CO2 des véhicules neufs immatriculés en 2019 en Belgique est à nouveau en hausse, et ce pour la deuxième année consécutive.

Auparavant, elles n’avaient pratiquement fait que baisser pendant plus de 20 ans. Selon les chiffres que l’Écho a obtenus pour son article, les niveaux d’émissions de CO
2 des voitures neuves immatriculées en 2019 étaient de 121,2 grammes par kilomètre contre 119,2 grammes en moyenne en 2018 et 115,8 grammes en 2017.

L’article dégage principalement trois facteurs pour expliquer la tendance :

1) D’après la FEBIAC, le nouveau test européen d’émissions établi après le scandale du « dieselgate » conduirait à des moyennes de 5 à 10 grammes plus élevées ;

2) La baisse des immatriculations diesel au profit des motorisations essence émettant plus de CO
2. La part de marché du diesel est passée de 35,5% en 2018 aÌ 31,4% en 2019, au profit principalement de l’essence, qui consomme davantage ;

3) Et enfin l’augmentation progressive du poids et du gabarit des véhicules qui consomment davantage. En 2019, les SUV représentent 39,1% des immatriculations belges, contre 30% en 2017. C’est bien simple : le succès des SUV annule l’impact positif des voitures électriques ;

Cette progression est également problématique en matière de sécurité routière alors que l’objectif crucial de notre région est la sécurisation des modes de déplacement doux. Les premières études menées aux États-Unis
2 ont montré qu'avec leur face avant plus haute et verticale, les SUV avaient plus de chance de causer un accident mortel. En cas de collision avec un piéton, un adulte sera touché au niveau du thorax et un enfant à hauteur de la tête.

C’est pourquoi j’aimerais vous poser les questions suivantes :

· Bruxelles Environnement supervise-t-elle les travaux visant à mettre en place la réforme environnementale de la fiscalité automobile ?

· Des études spécifiques on-t-elle été jugées nécessaires ?

· Si oui, lesquelles ?

· Les cahier des charges ont-ils été établis ? Ces études ont-elles été lancées ? Quel est le rétroplanning ?

· Est-ce que des contacts ont eu lieu entre l’administration et les facultés ayant participé à la mise au point de l’indice « Ecoscore » ?

· Sachant que cet indice semble souffrir d’un manque de robustesse juridique pour servir de coefficient dans un calcul de taxe, et même si l’accord de gouvernement prévoit des lignes directrices précises, comme la prise en considération du poids, de la puissance réelle et du type de carburant, une amélioration de l’indice « Ecoscore » a-t-elle été jugée réaliste ?

· Le type de carburant devant faire partie des critères de modulation de la taxe, est-il prévu de prendre en considération l’impact environnemental global des carburants (logistique, raffinage,…) et la qualité du mix énergétique lorsqu’il s’agit de simples vecteurs énergétiques ?

· Enfin, pourrait-on imaginer l’interdiction de l’affichage publicitaire faisant la promotion de véhicules dépassant un certain seuil de performance environnementale en région Bruxelloise?


1 https://www.lecho.be/entreprises/auto/la-mode-des-suv-pousse-le-niveau-co2-des-voitures-vers-le-haut/10196588.html
2 https://www.ghsa.org/sites/default/files/2019-02/FINAL_Pedestrians19.pdf
 
 
Réponse    Vous le savez, le transport représente 26% des émissions régionales de CO2. En termes absolus, les émissions du transport sont restées quasiment stables depuis 2005, contrairement au secteur des bâtiments, où celles-ci ont diminué. Il importe donc d’agir sur les émissions liées à ce secteur, raison pour laquelle la décision de sortir du thermique en RBC (fin du diesel en 2030 au plus tard et de l’essence/LPG en 2035 au plus tard) prévue par le gouvernement est importante à mettre en œuvre pour pouvoir atteindre nos objectifs climatiques.
Votre question sur l’augmentation des émissions de CO2 des nouvelles immatriculations est tout à fait pertinente. On constate en effet depuis 2017 une tendance à l’augmentation des émissions moyennes de CO2. Celle-ci est due à une combinaison de trois facteurs :
- l’orientation du marché vers des véhicules SUV, plus massifs et plus lourds ;
- l’orientation du marché vers l’essence ;
- les nouveaux cycles de test.
Notez par ailleurs que les émissions moyennes des nouvelles immatriculations des véhicules diesel augmentent depuis 2017 et celles de l’essence depuis 2018, ce qui montre que l’augmentation des dimensions des véhicules (qui a un impact sur leur poids et leur aérodynamisme) est principalement responsable de cette augmentation.
Pour répondre à vos quatre premières questions, sur la réforme environnementale de la fiscalité automobile, celle-ci est effectivement une des mesures inscrites dans la Déclaration de politique régionale pour améliorer la mobilité en RBC et ainsi permettre une amélioration de la qualité de vie en ville pour tous. Il s'agit d'une matière relevant des compétences du Ministre des Finances, en collaboration avec le Ministre-Président, la Ministre de la Mobilité, le Ministre de l'Environnement et le Ministre en charge de la Transition numérique.

Dans ce cadre, le Gouvernement a prévu de revoir la taxe de mise en circulation (TMC) afin d’y intégrer une plus grande progressivité en fonction de la performance environnementale des véhicules (poids, puissance réelle et type de carburant utilisé) et donc de dissuader l’achat de véhicules non adaptés aux déplacements dans un environnement urbain.
De même, il est prévu de revoir la taxe de circulation (TC) en lien avec les objectifs de la zone de basses émissions (LEZ) et en s’appuyant sur sa technologie. Le nouveau système mis en place visera l’entièreté des véhicules en circulation à Bruxelles et sera modulé à l'usage afin de limiter la congestion automobile, en particulier aux heures de pointe.
Conformément à la DPR, l’objectif est donc d’utiliser l’outil fiscal pour diminuer l’usage de la voiture et diriger l’acheteur vers des véhicules moins polluants et plus adaptés à la ville.

Cette réforme est un projet ambitieux et à plusieurs niveaux, qui contient notamment un volet juridique complexe. Une première réflexion technique est actuellement en cours au sein d’un groupe de travail regroupant les différentes administrations concernées, dont Bruxelles Environnement, Bruxelles Fiscalité, Bruxelles Mobilité, le CIRB et Bruxelles Prévention et Sécurité. Les compétences de l’ensemble de ces acteurs devront en effet sans doute être mobilisées.
Cette réforme nécessitera clairement plusieurs études, notamment sur le plan juridique et fiscal, afin de pouvoir définir un modèle opératoire plus précis. Des analyses seront également nécessaires pour étudier les paramètres environnementaux à prendre en compte, l’impact sur la mobilité, etc.
A ce stade, vu l’importance de d’abord clarifier le planning et le scope de ce projet, le Gouvernement n’en est encore qu’au stade de pré-projet.
Notez toutefois que l’étude lancée par Bruxelles Environnement, Bruxelles Mobilité et Bruxelles Economie et Emploi concernant la sortie du diesel/essence devrait apporter certains éléments pertinents à ce débat.



Concernant votre
cinquième, sixième et septième question, sur la base de données Ecoscore (www.ecoscore.be), il s’agit d’un projet financé par les administrations de l’environnement des trois régions. Ce marché est exécuté, depuis des années, par le VITO et la VUB. Ce marché est suivi par un comité d’accompagnement, dont Bruxelles Environnement fait donc bien partie.
L’Ecoscore est un très bon outil pour comparer des véhicules entre eux de manière « technologiquement neutre ». La critique par rapport à la robustesse de l’Ecoscore réside dans le fait qu’il s’agit d’une formule de calcul dont certains paramètres peuvent être modifiés, notamment suite à l’évolution des connaissances, ce qui impacte l’Ecoscore des véhicules. Une modification a par exemple déjà été faite en 2016 pour corriger des facteurs d’émissions de NOx des diesels. L’Ecoscore intègre également des émissions liées à la production des carburants, qui pourraient également être revues, sur base de nouvelles études.
Pour pouvoir l’utiliser dans un contexte fiscal, il faudrait toutefois fixer sa méthode de calcul dans la législation, méthode qui devrait rester le plus stable possible. Il y aurait donc un risque que l’Ecoscore « scientifique » ne corresponde plus à l’Ecoscore « fiscal », ou que l’Ecoscore « fiscal » bloque les améliorations possibles de l’outil Ecoscore.
Une autre problématique est celle des données manquantes dans la DIV. En effet, l’Ecoscore se base sur les émissions de CO2, de NOx et de particules du véhicule, or ces informations ne sont pas toujours (bien) remplies dans la DIV. Pour la base de données Ecoscore, par exemple, les données sont complétées pour les véhicules sur base de données disponibles de RDW, la DIV des Pays-Bas. Dans le cadre de la fiscalité, il faudrait toutefois se fier aux données inscrites dans la DIV, ce qui signifie qu’il faudrait souvent se baser sur les valeurs limites de la norme EURO, moins fine que celles utilisées dans le cadre de l’Ecoscore actuel.
Concernant votre dernière question, sur l’affichage publicitaire, Bruxelles Environnement n’a pas fait d’analyse à ce sujet jusqu’à présent. Je suis néanmoins tout à fait d’accord avec vous sur le fait qu’un SUV n’est pas un véhicule adapté à la ville que nous voulons construire pour demain.
Si une telle mesure est envisagée, elle devrait toutefois être basée sur des critères objectifs : aujourd’hui, il est difficile de définir précisément ce qu’est un SUV, par exemple, et ceux-ci ne sont pas les seuls à émettre des taux de CO2 élevés et à causer des décès sur nos routes. Une réflexion plus globale pourrait néanmoins être menée sur l’adéquation de la publicité (automobile ou non) avec nos objectifs de développement durable.