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Question écrite concernant les exportations d’armes à destination de la Turquie.

de
Juan Benjumea Moreno
à
Pascal Smet, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale, chargé de l'Urbanisme et du Patrimoine, des Relations européennes et internationales, du Commerce extérieur et de la Lutte contre l'Incendie et l'Aide médicale urgente (question n°316)

 
Date de réception: 11/12/2020 Date de publication: 22/02/2021
Législature: 19/24 Session: 20/21 Date de réponse: 19/02/2021
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
11/01/2021 Recevable p.m.
 
Question    Suite à l’intervention militaire turque en octobre de l’année dernière, les régions flamande et wallonne ont déclaré qu’elles n’exporteraient plus d’armes vers la Turquie. Par contre, la position de la Région de Bruxelles-Capitale à cet égard n’est pas claire.

Depuis l’intervention militaire en Syrie, la Turquie n’a cessé de renforcer sa présence militaire dans la région. Malgré les embargos internationaux sur les armes, la Turquie fournit des armes aux rebelles syriens ainsi qu’à la Libye et à l’Azerbaïdjan.

L’avion-cargo militaire A400M joue un rôle important dans les guerres par procuration turques. Ainsi, les enquêtes du collectif de journalistes d’investigation #EUarms montrent que depuis le mois de juin de cette année, cet avion a effectué 13 vols vers la Libye. En outre, des images de mercenaires syriens embarquant en Turquie à bord d’un A400M à destination de la Libye ont fait surface. La plupart des A400M ont déjà été livrés, mais la Turquie devrait encore recevoir un dernier appareil en 2022.

La société bruxelloise Sabca fournit une partie des ailes du programme A400M, comme il ressort notamment des rapports annuels de l’entreprise. Cela signifierait que la technologie bruxelloise serait utilisée dans le cadre de violations d’un embargo sur les armes de l’ONU.

­ Pouvez-vous clarifier la position officielle de la Région bruxelloise en ce qui concerne les exportations d’armes vers la Turquie ?

­ Pouvez-vous confirmer que la Sabca produit des pièces pour les A400M turcs ?

­ Dans l’affirmative, avez-vous l’intention de mettre fin à ces exportations ?

­ La Sabca a-t-elle des contrats de maintenance pour les A400M turcs ?
 
 
Réponse    L’A400M est un avion uniquement destiné au transport militaire et développé initialement pour les forces armées des Etats suivants : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Luxembourg, Royaume-Uni et, enfin, la Turquie, au profit de laquelle 10 avions sont prévus.

Le programme de développement de l’A400 M s’inscrit dans le cadre de l’OCCAR (organisation conjointe de coopération en matière d'armement), créée en 1996 (la Belgique a rejoint l’organisation en 2003, sur base d’une décision relevant de la compétence de l’autorité fédérale. De manière succincte, l’objectif de l’OCCAR est de tendre vers une rationalisation de la coopération en matière de conduite de programmes divers d’armement, dont le programme A400M fait partie. Cela signifie que les composants produits par SABCA dans le cadre de ce partenariat pour l'A400M sont donc également fournis au partenaire turc.

Il n'y a actuellement aucun embargo officiel de l'ONU ou de l'UE sur la Turquie. Le 14 octobre 2019, sous la présidence finlandaise du Conseil de l’Union européenne, une proposition d’embargo sur les armes fut soumise aux Etats membres. Après consultation préalable des trois autorités régionales compétentes en matière d’octroi de licences d’armes et de produits liés à la défense, la Belgique a soutenu cette proposition. Toutefois, aucun embargo ne fut adopté par l’Union européenne, faute de consensus. L’un des arguments avancé consistait notamment dans le fait que la Turquie est un partenaire OTAN, ce qui aurait constitué un réel précédent.

Toutefois, compte tenu de ces éléments, j’ai pris la décision dans le contexte actuel de
ne plus accorder de licence pour l’exportation d’armes et de produits liés à la défense à destination de la Turquie.

L’Arrêté du Gouvernement du 3 avril 2014 exécutant l’Ordonnance du 20 juin 2013 relative à l'importation, à l'exportation, au transit et au transfert de produits liés à la défense, d'autre matériel pouvant servir à un usage militaire, de matériel lié au maintien de l'ordre, d'armes à feu à usage civil, de leurs pièces, accessoires et munitions prévoit, en son article 6 que « 
Le Gouvernement délègue au Secrétaire général ou au Secrétaire général adjoint du Ministère la compétence d'attribuer certaines autorisations et les licences d'importation, d'exportation, de transit et de transfert dans la mesure où il s'agit de l'importation en provenance ou de l'exportation vers un pays membre de l'Union européenne, de l'OTAN, de l'EEE ou la Suisse ou dans la mesure où il l'autorise expressément pour un événement spécifique »,

C’est pourquoi j'ai instruit à notre administration, par note verte datée du 21 octobre 2019, de s'abstenir de délivrer des licences pour l'exportation d'armes et de biens liés à la défense vers la Turquie jusqu'à nouvel ordre et de poursuivre la pratique déjà existante, afin de me tenir informé de manière anticipative de tout dossier qui revêtirait une certaine sensibilité, même si la délégation susmentionnée est en vigueur. Cela me permet, si nécessaire, de discuter d’un dossier au niveau du gouvernement.

SABCA nous confirme en effet qu'elle fournit (et a déjà fourni) à AIRBUS des pièces d'ailes d'A400M, qui servent à l'assemblage des avions pour tous les pays partenaires du programme de développement, y compris la Turquie, et ceci conformément au programme précité auquel la Belgique a adhéré en 2003 dans le cadre de l'OCCAR. Il s'agit d'une livraison indirecte, puisque les demandes d'autorisation qui nous sont adressées sont destinées vers Airbus en Espagne. L'expédition ultérieur est en effet effectuée au "niveau OCCAR", qui est réglementé par l'accord susmentionné conclu par le gouvernement fédéral, et dépasse donc les compétences régionales. En d'autres termes, SABCA ne peut pas déterminer pour quel pays partenaire un composant spécifique assemblé sur un avion sera utilisé.

Mon administration et la SABCA ont donc entamé un dialogue à ce sujet. De cet entretien, il ressort qu’il n’a jamais été dans les intentions de SABCA de dissimuler que des exportations de pièces pouvaient être réalisées vers la Turquie conformément au partenariat de l'OCCAR. SABCA nous confirme aussi clairement qu’il n’existe aucun contrat de maintenance au profit des A400M turcs.

La compétence de la Région de Bruxelles-Capitale se heurte aux programmes de coopération européenne approuvés par le gouvernement fédéral dans le domaine des équipements militaires, tels que l'OCCAR. Nous avons donc également pris contact avec les autres régions et le SPF Affaires étrangères pour soulever cette situation et, si nécessaire, de la clarifier.