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Question écrite concernant le service d’accueil, d’écoute et d’accompagnement des Ukrainiennes victimes de violences sexuelles.

de
Véronique Lefrancq
à
Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement et de l'Égalité des Chances (question n°949)

 
Date de réception: 16/06/2022 Date de publication: 05/08/2022
Législature: 19/24 Session: 21/22 Date de réponse: 26/07/2022
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
14/07/2022 Recevable p.m.
 
Question    Nous le savons toutes et tous : la situation en Ukraine est loin de s’améliorer. Aujourd’hui, 7000 réfugiés ukrainiens sont en Région bruxelloise. Parmi ces personnes, il y a une majorité de femmes et enfants. Et ne soyons pas naïfs, ces femmes et enfants représentent une proie idéale pour les trafiquants, agresseurs et opportunistes malveillants. Je ne vous cache pas ma profonde inquiétude face au nombre grandissant de cas de traite d'êtres humains, de violences sexuelles, d'exploitation, de viols et de mauvais traitements enregistrés auprès des femmes et des enfants fuyant la guerre en Ukraine et ce, partout dans le monde d’ailleurs. C’est pour cela que nous devons tout faire aujourd’hui pour s’assurer que ces femmes reçoivent tout le soutien et la protection dont elles ont besoin.

Le jeudi 9 juin 2022, vous teniez une conférence de presse présentant les mesures d’aides apportées par la Région pour l’accueil des réfugiés ukrainiens. Parmi celles-ci, vous avez annoncé la mise en place d’un service d’accueil, d’accompagnement et d’écoute des Ukrainiennes victimes de violences sexuelles.

Sur la base de ces éléments, j’aimerais dès lors, vous poser les questions suivantes :

  • Dans quel délai et de quelle manière sera mis en place ce service d’accueil, d’écoute et d’accompagnement ?

  • Est-ce que l’offre de ce service en ukrainien vient compléter un programme déjà existant ou est-ce que cela mène à la création d’une nouvelle unité ?

  • Quels sont les montants alloués pour ce service ?

  • Avez-vous impliqué le secteur associatif ? Si oui, quelles associations ?

  • Nous avons vu une grande générosité de la part des citoyens bruxellois pour accueillir et héberger les réfugiés ukrainiens. Y a-t-il un suivi pour s’assurer que les réfugiées sont bien en sécurité chez les hébergeurs privés bruxellois ? Avez-vous un retour sur des cas de violences sexuelles chez des hébergeurs privés ?

 
 
Réponse    Je partage votre inquiétude concernant les témoignages et constats qui nous parviennent au sujet des faits de violence sexuelle dont sont victimes des femmes et des enfants dans parmis les personnes fuyant la guerre en Ukraine.

À la suite d’une concertation avec le Premier ministre et le Centre de crise National (NCCN), l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a sollicité une concertation bilatérale avec mon cabinet en avril dernier.

L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a formulé une proposition de procédure et de plan d’action en vue de protéger les réfugiés et réfugiées venant d’Ukraine vulnérables contre les violences sexuelles et basées sur le genre. Ce plan d’action et la procédure ont été soumis au centre de crise et au COFECO.

L’étude UN-MENAMAIS (Understanding the Mechanisms, Nature, Magnitude and Impact of Sexual Violence in Belgium), réalisée à la demande de Belspo, montre que 84% des répondant-e-s ayant introduit une demande de protection internationale ont déjà subi des violences sexuelles. Ces faits se produisent non seulement durant leur fuite, mais aussi lorsque les réfugié-e-s sont déjà en Belgique.

Il est très inquiétant de constater que les victimes ne signalent pas ces violences et ne cherchent que très rarement de l’aide. Il est donc très important de développer des initiatives spécifiques qui suscitent une demande potentielle d’aide et rendent visibles les situations de violence au sein de ce groupe-cible. Après avoir consulté diverses organisations d’aide et des expert-e-s de la communauté ukrainienne, l’IEFH a conclu que, malgré certaines actions mises en place, des initiatives supplémentaires étaient nécessaires, dont une procédure facilement accessible, confidentielle et tenant compte de la culture ukrainienne. Cette procédure doit encourager les réfugié-e-s à parler de leurs préoccupations et situations problématiques dans leur propre langue et à leur propre rythme. De cette manière, il sera également possible ensuite d’identifier une éventuelle problématique de violence sous-jacente et les victimes et victimes potentielles pourront - si elles le souhaitent - partager leur histoire ou être orientées vers des instances qui pourront leur apporter une assistance supplémentaire.

Compte tenu des compétences régionales, la contribution demandée à la Région bruxelloise consiste en un soutien financier à deux ASBL via equal.brussels.

1. Une subvention de 90.000€ à l’association
Elles sans frontières pour son projets « Elles pour Elles. Femmes pour les femmes. Brise le silence  .Ce projet vise à apporter une réponse au problème complexe de la violence sexuelles qui touche malheureusement de nombreuses femmes migrantes en Belgique, notamment venant d’Ukraine. En raison de leur statut de migrantes/réfugiées, elles n'ont pas accès ou ne pensent pas avoir accès aux mécanismes de soutien existants ou ne les connaissent pas. À cela s'ajoutent les expériences traumatisantes liées à la guerre, au fait de quitter son pays de manière inattendue et de s'installer dans un nouveau pays complètement. Le projet vise à offrir aux femmes venant d’Ukraine victimes de violences sexuelles une écoute et un premier soutien émotionnel, les aider à apprendre à nommer la violence, à en parler librement, puis les orienter vers d'autres prestataires d'assistance.
Les prestataires d'assistance de première ligne et les institutions qui répondent aux appels des migrantes (CPAS,, Caritas, Ciré, les écoles, les médecins, etc.) renverront à Elles Pour Elles si le prestataire qui reçoit la personne, présuppose de l'existence d’une violence.

En fournissant des informations et une sensibilisation dans la langue qu'elles parlent, en offrant les ressources et les réseaux les plus accessibles, le projet vise à aider les femmes venant d’Ukraine à se doter des moyens de lutter contre la violence au sens large.

L’association a recours à deux groupes de soutien: les expertes et les volontaires.

Le groupe d'expertes comprend des psychologues, notamment des psychologues cliniciennes ayant une expérience du traitement des troubles post-traumatiques et des psychologues spécialisées dans le travail avec les enfants. Dans ce groupe, il y a également des avocates, dont un victimologue spécialisée qui forme et supervise les volontaires.

Le second groupe est composé de bénévoles ayant des capacités d'écoute et de soutien pour les femmes. Ils/elles ont reçu la formation psychologique et juridique nécessaire (environ 30 heures). L’aide est disponible dans les langues suivantes : ukrainien, avec l'aide d'un interprète qualifié de la communauté, et éventuellement en polonais, anglais, français, néerlandais, italien, espagnol, allemand et russe.

Les services qui seront spécifiquement mis en place avec ce subside sont les suivants :
· Des possibilités d’échanges individuels avec des femmes ukrainiennes
· des webinaires éducatifs et informatifs sur des questions liées aux situations de conflit et aux différences culturelles, tant pour les femmes ukrainiennes que pour les travailleurs humanitaires belges
· la création de matériel d'information (dépliants, informations sur le site web, articles pour la presse) en ukrainien sur la façon de vivre en exil.

· la prévention et le soutien juridique et psychologique par des spécialistes.
· La formation au code d'éthique et au secret professionnel pour les interprètes de la communauté ukrainienne
· La production de brochures informatives et éducatives, de dépliants et de webinaires sur ce que la violence signifie pour la communauté ukrainienne.

· L'assistance listée qui peut être offerte aux femmes ciblées par téléphone, en ligne, mais aussi en face à face en Région bruxelloise.
2.
Le deuxième projet sera mis en place via une subvention de 52.000 euros à l’asbl La Voix Des Femmes. Cette ASBL, forte de son expérience avec des femmes migrantes et notamment avec des femmes ayant dû fuir leur pays propose de développer à destination des femmes ukrainiennes installées à Bruxelles des activités et des espaces de rencontres et de dialogue sécurisés et bienveillants dans lesquels les femmes pourront puiser de nouvelles ressources, souffler un peu, établir un lien de confiance entre elles et avec les animatrices.
Ces moments de rencontre où les femmes peuvent s’exprimer et échanger, où elles se sentent écoutées et reconnues dans leurs vécus est favorable à la détection de signaux de violences vécues, ce qui permettra de les réorienter vers les services pertinents.
Si la détection et la réorientation des femmes victimes de violence est primordiale, il semble également important d’effectuer un travail de prévention en sensibilisant, informant et outillant les femmes sur différents thèmes liés aux droits des femmes. La Voix des Femmes a développé différents outils pédagogiques destinés aux femmes primo-arrivantes dans lesquels différentes animations seront effectuées avec les femmes ukrainiennes.
Afin de soutenir au mieux les réfugiées ukrainiennes, il est indispensable de tenir compte de leur situation familiale et de leurs responsabilités de cheffes de famille et de trouver des solutions qui permettent aux femmes de libérer du temps pour participer aux activités. Il faut donc également proposer des activités pour les enfants.

Cette association offre une série d’activités qui seront utiles aux femmes ukrainiennes et à leurs enfants : cours de FLE pour adultes, activités d’éducation permanente, groupes de parole, animations et sorties informatives et culturelles, cours de renforcement en français, de soutien scolaire et activités socioéducatives pour adolescent.e.s , service sociojuridique.
Le subside permettra de mettre en place les activités suivantes :

· Animations et discussion de groupes autour de thèmes tels que l’accueil, le choc culturel, les droits humains, les droits sexuels et reproductifs, etc.
· Rencontres avec des personnes ressources
· Sorties et visites à visée informative et culturelle
· Soutien à la parentalité
· Activités bien -être et récréatives mères-enfants
Les activités proposées sont destinées principalement aux femmes ukrainiennes mais sont ouvertes à toute femme désireuse d’y participer.

Pour mener à bien ce projet, il convient de renforcer l’équipe d’animation en engageant une personne à temps partiel. Une partie du temps travail d’une des animatrices actuelles sera consacrée également au projet.

L'objectif de ces projets n'est donc clairement pas de remplacer les services existants. Au contraire, ils souhaitent les renforcer, les rendre plus accessibles à ce groupe cible qui s'est développé très rapidement, et en faciliter l'accès.

J’ai fait le nécessaire afin que ces montants parviennent au plus vite auprès des ASBL concernées, via le budget dédié spécifiquement à la gestion de la crise ukrainienne, le gouvernement a donc approuvé ces deux subventions en date du 7 juillet dernier.

Concernant votre dernière question, relative à l'accueil des réfugiés chez l'habitant, la Région ne prévoit pas de vérification in situ des hébergements. Toutefois, il est demandé aux autorités de police chargées de la vérification de la domiciliation de relayer tout cas de suspicion négative relative à l’accueil dans des conditions dignes, saines et sûres.

De même, les autorités communales sont chargées de récolter les plaintes d’hébergés relatives à l’accueil qui ne répondrait pas à ces conditions. Les hébergements faisant l’objet de contentieux sont écartés de l’attribution tant que les doutes ne sont pas levés.

En vue de traiter les contentieux signalés par les autorités de police ou par les hébergés, les autorités communales pourront relayer les informations en leur possession à la FEBUL. Cette association a été chargée de cette mission dans le cadre de l’octroi des subsides permettant l’organisation d’une équipe technique mobile chargée de faire des vérifications in situ.