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Question écrite concernant l'exploitation sexuelle chez les jeunes mineurs.

de
Nicole Nketo Bomele
à
Rudi Vervoort, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé du Développement territorial et de la Rénovation urbaine, du Tourisme, de la Promotion de l'Image de Bruxelles et du Biculturel d'intérêt régional (question n°1062)

 
Date de réception: 28/03/2023 Date de publication: 19/01/2024
Législature: 19/24 Session: 22/23 Date de réponse: 14/06/2023
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
24/05/2023 Recevable p.m.
 
Question    Vous avez certainement pris connaissance de l’article dans le dernier numéro du journal Moustique au sujet de l’exploitation sexuelle parfois décomplexée des jeunes mineurs qui prolifère dans le plus grand des silences. C’est ce que démontre l’enquête menée par Défense des Enfants International Belgique.

En 2022, l’exploitation sexuelle des mineurs a e?te? de?clare?e comme une urgence mondiale par l’ONU. Il a été remarqué que l’exploitation sexuelle de mineurs était sous-documentée dans le secteur acade?mique comme dans le secteur public. En Europe, il n’existe a? ce jour aucune source fiable qui rassemble des signalements par type d’exploitation sexuelle de mineurs. Me?me si des e?volutions ont e?te? constate?es gra?ce a? des recherches en Flandre et à Bruxelles pour e?tudier le phe?nome?ne, celles-ci se sont souvent uniquement focalise?es sur les “loverboys”. Ce phe?nome?ne, me?me s’il est re?pandu, ne reste qu’une forme de proxe?ne?tisme parmi d’autres.

Les statistiques annuelles des parquets de la jeunesse1 nous e?clairent sur le nombre d’affaires dites de “de?bauche et exploitation sexuelle". Ces affaires ont augmente? de 4 %, leur nombre passant de 1.657 en 2020 a? 1.725 en 2021. Ces chiffres sont inte?ressants dans la mesure ou? ils sont indicatifs des infractions sexuelles et d’infractions lie?es a? de l’exploitation sexuelle mais ces chiffres ne tiennent pas compte de ceux et celles qui se taisent par honte, par peur ou par déni.

Bien que cette exploitation sexuelle ait toujours existé, l’accès en est aujourd’hui facilité avec les réseaux sociaux.
La covid n’a pas aidé. Les mineurs sont des victimes faciles à manipuler. Si ce sont plus souvent des filles qui sont exploitées, il n’y a pas de profil type. Les garçons et mineurs LGBTQIA+ sont, quant à eux, encore moins détectés.

A l’occasion de son enquête, Défense des Enfants International Belgique interpelle et rappelle que la Belgique n’est pas du tout dotée d’outils suffisants pour aider ces mineurs. Ils demandent aussi une meilleure collaboration entre les services de terrain, la police, l’aide à la jeunesse et la justice. Ils demandent aussi de créer des procédures spécifiques pour les mineurs belges victimes, parce que l’intérêt d’obtenir un titre de séjour en dénonçant le proxénète n’existe pas pour eux.

Pour conclure, et même si cela ne relève pas des compétences de la Région, l’article du Moustique dévoilait la problématique des viols sordides d’enfants philippins commandités à distance par des Européens. Il n’est pas exclu que des commanditaires de ces viols en ligne soient Belges. Il s’agit d’actes pédocriminels extrêmement graves menés sur de très jeunes enfants et regardés en direct depuis l’Europe. Le phénomène serait apparu en 2012 et est en pleine expansion. Cela doit retenir toute notre attention.

Voici donc mes questions, Madame la Secrétaire d’Etat :

  • Est-il possible de disposer d’un état des lieux des actions bruxelloises spécifiques à la problématique de l'exploitation des mineurs à Bruxelles ? Entretenez-vous des liens avec le Parquet de la jeunesse bruxellois ? Échangez-vous à ce sujet avec les Ministres de la Justice et de l’Aide à la jeunesse ?

  • Les mesures 4.6 à 4.102 du plan global de sécurité et de prévention ont trait à la traite et au trafic des êtres humains ainsi qu’à l’exploitation sexuelle au niveau régional. Où en est-t-on dans leur mise en œuvre ? Est-ce qu’une approche propre aux mineurs a été développée ?

  • Il y a deux ans, vous annonciez que Child Focus finalisait un rapport sur la problématique des proxénètes d’adolescents. Equal.brussels a-t-il pu organiser, comme prévu, une concertation avec le comité de pilotage de cette étude afin d'examiner les mesures pouvant être prises pour lutter contre ce phénomène ?

  • L’ensemble du secteur de l’aide à la jeunesse a la possibilité d’être formé en matière de sensibilisation des jeunes à l’égard des risques de la prostitution et des proxénètes d’adolescents, par le biais de l’outil “Girl Power Squad” de Child Focus. Savez-vous si l’outil est aussi déployé au niveau régional ? Si oui, combien de personnes ont sollicité la formation en 2021 et 2022 ? Comment assurez-vous sa diffusion auprès des organismes et associations dépendant de la Région ?

  • Enfin, est-ce que Safe.brussels (ex-BPS), en coordination avec Brusafe, prévoit des formations ou autres actions spécifiques en lien avec l’exploitation sexuelles des mineurs ?

 

1 Ministère Public, 2022.

2 4.6 : Affiner l’image, de la traite et du trafic des êtres humains au niveau régional, en développant les synergies entre BPS et les acteurs concernés.

4.7 : Harmoniser et développer les approches en matière de prostitution et sur l’espace public et sur Internet.

4.8 : Développer une approche coordonnée en matière de lutte contre la traite à des fins d’exploitation sexuelle.

4.9 : Améliorer la prise en charge des victimes de traite et de trafic des êtres humains.

4.10 : Faciliter l’enregistrement des données et les opérations de contrôle utiles à la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains.

 
 
Réponse    J’ai l’honneur de vous adresser les éléments de réponse suivants :

Le PGSP 2021-2024 comprend la mission transversale suivante : «
Assurer la coordination des acteurs de la prévention, de la sécurité et du secours et développer l’approche administrative de la criminalité organisée ». Dans le cadre de cette mission transversale, comme vous le savez, il est prévu l’élaboration d’un Plan d’action bruxellois relatif au travail du sexe. Ce plan, dont l’élaboration est prévue durant la période d’application du PGSP 2021-2024, est destiné notamment à mettre en œuvre un mécanisme de coordination intercommunal et à contribuer à harmoniser les approches en la matière.

Ce plan d’action nécessite et nécessitera une collaboration étroite des différents partenaires qui traitent le phénomène dont notamment les acteurs régionaux compétents, la COCOM, la COCOF, la VGC, le Parquet, les communes et CPAS, les zones de police ainsi que le secteur associatif spécialisé.


À la suite d’un premier exercice de benchmarking des politiques liées au phénomène, des «options de politique publique» ont été identifiées et ont servi de base à 5 groupes de travail qui se sont tenus avec les partenaires externes de safe.brussels entre octobre et novembre 2022. Ces GT qui rassemblaient un large panel de participants (allant de l’institutionnel jusqu’à l’associatif) ont permis de travailler sur les objectifs, la structure et les activités à inscrire dans le plan. L'exploitation sexuelle de mineurs a été un point d'attention transversal à l'ensemble de ces GT. Le travail se poursuit.



Pour ce qui concerne exclusivement safe.brussels, l’organisme réalise ou a déjà réalisé plusieurs actions ayant un impact sur l’exploitation sexuelle, en ce compris de mineurs. Ainsi, dans le cadre de l’appel à projets destiné aux asbl, 2 projets de l’asbl Pag-ASA sont subventionnés :

1)
Amélioration de l’accueil des victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle par l’amélioration de l’information fournie au public, aux victimes (potentielles) et aux professionnels : ce projet comprenait aussi un volet formation, un volet communication ainsi que la production d’une étude et l’analyse des bonnes pratiques en matière de lutte contre la traite. Dans ce contexte, une « semaine contre la traite » a notamment été organisée entre le 17 et le 21 octobre 2022.

2)
Accompagnement de la police et des services d’inspection lors des actions de contrôle : il s’agissait de renforcer la rapidité de la présence dans la procédure de façon à pouvoir immédiatement assister les victimes de traite des êtres humains et à mieux les orienter.

Dans la mesure où l’exploitation sexuelle des majeurs, mais aussi des mineurs s’inscrit dans un polyphénomène (prostitution, toxicomanie, violences sexuelles, etc), d’autres ASBL subsidiées par safe.brussels méritent également d’être mentionnées : l’asbl Transit accompagnant les usagers de drogues et formant les acteurs de terrain et l’asbl LAMA accompagnant des usagers de drogues en situation irrégulière sur le territoire. Ce soutien est important car beaucoup de publics fragiles cumulent différentes vulnérabilités.


Par ailleurs, le subventionnement octroyé par safe.brussels dans le cadre du précédent Plan bruxellois de Prévention et de Proximité 2016-2021 a mené à des actions concrètes et proactives au sein de l’espace public grâce à l’intervention d’acteurs qui ont une connaissance du terrain comme les gardiens de la paix, agents de prévention polyvalents, éducateurs de rue, travailleurs sociaux, etc. A ce propos, sachez que les nouveaux plans locaux de prévention et de proximité (PLPP) 2022-2024 comprennent aussi des actions liées spécifiquement à l’exploitation sexuelle. Ainsi, c’est notamment le cas avec le projet de « 
Cellule prostitution » figurant dans le PLPP de la Commune de Schaerbeek qui a pour objectif d’analyser le phénomène de la prostitution à Schaerbeek et de contribuer à la définition de réponses pertinentes aux problématiques des quartiers de prostitution. Notons également, dans le cadre de l’appel à projets LISA 2022, que Schaerbeek travaille sur l’implémentation d’une antenne de sécurité intégrée au niveau local (LISA) et ce, dans le Quartier nord.

Concernant l’outil développé par Childfocus, sachez qu’Equal.brussels a participé à son financement à hauteur de 16.000 euros.

Enfin, conformément à la thématique 4 du Plan régional de formation (PRF), intitulée « Traite et trafic des êtres humains (TTEH)», depuis 2020, la formation intitulée: «
Traite des êtres humains : détection et orientation des victimes» est proposée dans le catalogue de l’ERAP. Vous retrouverez une fiche descriptive de cette formation sur le site web de l’ERAP. Cette formation d’une demi-journée s’adresse d’une part aux Inspecteurs en matière d’emploi, de logement, d’urbanisme, de salubrité, d’hygiène, d’environnement, de chantiers, mais aussi aux inspecteurs de police du service intervention ou du service proximité/quartier.

Enfin, elle s’adresse aussi aux travailleurs sociaux des CPAS, des services sociaux communaux, des services de prévention, des services et sociétés de logement, etc.

Cette formation aborde les différents types de TTEH y compris l’exploitation sexuelle, en ce compris celle des mineurs. Cette formation a été élaborée en partenariat avec l’asbl Pag-Asa, service spécialisé pour les victimes de traite des êtres humains, et est dispensée par une de ses formatrices. Sachez que grâce au subside alloué à ladite asbl par safe.brussels, l’inscription est gratuite.


La convention de partenariat établie entre l’asbl et l’ERAP offre la possibilité d’organiser des ateliers thématiques en lien avec la matière TTEH. Une discussion est en cours entre l’ERAP et Pag-Asa concernant l’exploitation sexuelle y compris des mineurs.

Enfin, sachez que la circulaire du 23 décembre 2016 relative à l’approche multidisciplinaire en matière de TTEH est en cours d’évaluation au niveau fédéral pour tout ce qui concerne les mineurs.