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Question écrite concernant les impacts de la loi fédérale relative à la taxe sur les jeux, paris et appareils automatiques de divertissement pour les acteurs économiques de notre Région.

de
Clémentine Barzin
à
Sven Gatz, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Finances, du Budget, de la Fonction publique, de la Promotion du Multilinguisme et de l'Image de Bruxelles (question n°702)

 
Date de réception: 29/01/2024 Date de publication: 17/04/2024
Législature: 19/24 Session: 23/24 Date de réponse: 17/04/2024
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
22/02/2024 Recevable p.m.
 
Question    Plusieurs casinos de notre pays s’inquiètent des implications qu’engendrent la nouvelle loi fédérale relative à la taxe sur les jeux, paris et appareils automatiques de divertissement. En effet, à dater du 1er janvier, cette loi prévoit que les taxes régionales sur les jeux de hasard ne seront plus déductibles de l’impôt sur le revenu des sociétés.

Les casinos physiques qui contribuent à hauteur de plusieurs millions aux villes et régions de leur implantation connaissent une situation économique déjà particulièrement délicate. Les casinos eux non plus n'ont pas échappé aux vicissitudes des différentes crises économiques et sanitaires. A Bruxelles, le casino VIAGE se pose déjà la question de savoir s’il va renouveler sa licence qui expire en 2026 ou envisager tout simplement de quitter Bruxelles.

Comme d’autres secteurs, il faut pouvoir maintenir de tels acteurs économiques sur le territoire de notre Région. En effet, les casinos créent un vaste éventail d'emplois aux Bruxellois(es), englobant des postes variés tels que croupiers, serveurs, agents de sécurité, et personnels de soutien. Cette diversité d'emplois offre des opportunités à des travailleurs de différents niveaux de qualification, contribuant ainsi à réduire le chômage et à renforcer la stabilité économique locale.

Dès lors, monsieur le ministre, j’en viens à mes questions :

  • Avez-vous des contacts avec votre homologue du fédéral à ce sujet ? Le cas échéant, quels sont les principaux éléments qui ressortent de vos discussions ?

  • Quels sont les retours provenant des acteurs économiques impactés par cette nouvelle réforme ?

  • Quel est, à votre estime, l’impact de cette réforme sur la vie économique de notre Région ? Avez-vous réalisé une estimation des conséquences potentielles ?

  • Avez-vous réalisé une analyse des pertes potentielles d’emploi directs et indirects en Région bruxelloise qu’engendrerait l’application de cette réforme ?

  • Quels sont les leviers régionaux que pourrait activer le gouvernement pour essayer de minimiser les impacts de cette réforme et de pouvoir maintenir les acteurs économiques concernés sur le territoire bruxellois ?

 
 
Réponse    En réponse à ses questions, je peux communiquer à l’Honorable Députée, les éléments suivants.
La loi en question, votée juste avant le début de l'année, est le résultat de négociations dans le cadre de la vaste réforme fiscale prévue dans l’accord du gouvernement fédéral devant mener à un régime de taxation plus moderne et plus simple. Les régions n'y ont pas été associées.
Dès l'été dernier, de ma propre initiative, j'ai fait part à mes collègues fédéraux de mon inquiétude quant aux conséquences néfastes pour les finances régionales si les impôts régionaux concernés n'étaient plus déductibles au niveau de l'impôt sur le revenu.
J'ai également souligné à l'époque que cette mesure créerait un dangereux précédent et pourrait ouvrir la voie à une non-déductibilité générale des impôts régionaux qui étaient à l'origine des impôts fédéraux, tels que le précompte immobilier, les taxes de circulation ou encore les droits d'enregistrement. On m'a finalement répondu que les négociations fédérales étaient terminées et que le retrait de ces mesures n'était pas possible sans grever gravement le budget fédéral.
Les acteurs économiques concernés, en particulier le Grand Casino de Bruxelles, l'un des plus gros contribuables de notre région, ont en effet signalé que la non-déductibilité des taxes sur le jeu aura un impact financier très préjudiciable. Rappelons que les casinos, au seul niveau régional, sont déjà soumis à une taxe moyenne sur les jeux de 40% sur leur chiffre d'affaires brut. En terme de nos recettes fiscales, cela représente en moyenne la moitié du produit annuel de la taxe sur les jeux et paris. A cela s’ajoutent les concessions payées à la Ville de Bruxelles et les différentes taxes foncières.
Le Grand Casino de Bruxelles est un employeur et acteur économique important pour la Région qui risque de voir sa viabilité économique mise en péril par cette mesure fédérale. Cette entreprise, dont les activités sont légales et contrôlées, emploi pas moins de 257,5 équivalents temps plein, dont 87% sont des Bruxellois, ce qui signifie un retour non négligeable dans l’économie bruxelloise. On y compte en moyenne 823 personnes visiteurs chaque jour, ce qui en fait également un lieu touristique important et apprécié, et il assure une certaine activité dans un quartier quelque peu déserté la nuit tombée. Une grande partie des dépenses d'exploitation (estimées à 8,2 millions d’euros) est réinjectée dans l'économie locale par le biais des paiements des fournisseurs de biens et de services pour soutenir les opérations quotidiennes du casino.
En résumé, il est donc indéniable que la fermeture d’un tel acteur économique aurait un impact considérable pour la Région de Bruxelles-Capitale au regard du poids économique et social que cet acteur représente en terme d’emplois (nombreux Bruxellois non-diplômés formés dans l’entreprise) et de retombées économiques (attrait pour les touristes, taxes).
L'impôt des sociétés est un impôt fédéral. Il appartient au législateur fédéral d'en déterminer les modalités, mais dans l'exercice de ce pouvoir fiscal, il faut veiller à ce que les principes de loyauté fédérale et de proportionnalité soient respectés et qu'il ne soit pas porté atteinte aux compétences des régions. Hors, le législateur fédéral agit aujourd’hui dans un domaine où il s'était engagé à ne plus agir. En augmentant le taux global d'imposition sur l'activité économique en question, il interfère dans les choix de politique fiscale et économique des régions à l'égard de cette activité économique.
Par ailleurs, une telle mesure fédérale est de nature de porter préjudice aux recettes fiscales des régions liées à une diminution (ou une non-augmentation) des volumes. Dans le système fédéral belge, il ne peut être question d’éroder les impôts régionaux au profit des impôts fédéraux.

Le respect de la loyauté fédérale suppose aussi que, dans l'exercice de leurs compétences, le gouvernement fédéral et les entités fédérées ne perturbent pas l'équilibre de l'ensemble de la structure fédérale.
La loi fédérale du 28 décembre 2023 portant des dispositions fiscales diverses, et plus particulièrement ses articles 50 et 52 supprimant la déductibilité fiscale des impôts transférés, constituent à la fois une violation du système de financement institutionnel convenu et un précédent dangereux pour les autorités régionales. C’est pourquoi le Gouvernement bruxellois, dans son ensemble, a décidé de saisir la Cour Constitutionnelle en vue de faire annuler les articles 50 et 52 de la loi précitée.