Présidence : Mme Clémentine Barzin, présidente.

Demande d'explications de Mme Farida Tahar

à M. Bernard Clerfayt, ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé de l'Emploi et de la Formation professionnelle, de la Transition numérique, des Pouvoirs locaux et du Bien-être animal,

concernant les alternatives concrètes à la suppression des emplois d'insertion ACS.

Mme Farida Tahar (Ecolo).- Je vous ai interrogé, en décembre dernier, sur la décision de supprimer des emplois d’agent contractuel subventionné (ACS) d'Insertion. Cette annonce de suppression, accompagnée vraisemblablement de courriers adressés, dès 2023, aux ASBL employeuses de postes ACS d’insertion a suscité de nombreuses inquiétudes, légitimes, au sein du secteur non marchand, principal utilisateur de ces contrats.

Vous avez justifié la suppression de ces contrats par une évaluation pointant leur inefficacité, tout en mentionnant une réforme globale des aides à l’emploi. Cette décision, selon vous, visait à moderniser et à rendre plus efficace le soutien à l’insertion professionnelle des jeunes bruxellois faiblement qualifiés.

Depuis lors, Brupartners et le Conseil consultatif de l’entrepreneuriat social (CCES), ont publié leurs avis respectifs. Tous deux soulignent des préoccupations majeures concernant cette décision de suppression des contrats ACS. Brupartners exprime ainsi son opposition à cette suppression en l’absence de concertation préalable, de réflexion sur l’amélioration du dispositif actuel ou, à défaut, de solutions alternatives ou de dispositif de substitution dans le texte proposé.

Le CCES partage ces constats mais s’étonne aussi du fait que les courriers annonçant l’abrogation du dispositif aient été envoyés sur la base des articles 37 et 48 de l'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 28 novembre 2002 relatif au régime des contractuels subventionnés, dès décembre 2023, lorsque le projet d’arrêté était encore au stade des lectures en gouvernement. Il relève par ailleurs la décision d’arrêter la mise en œuvre de contrats d’insertion dès le 15 décembre 2023, soit près de trois mois avant l’approbation, le 7 mars 2024, en deuxième lecture, de l’arrêté portant diverses modifications en matière d'aide à l'emploi.

Dans ce contexte et à la lumière des contributions de Brupartners et du CCES, comment garantissez-vous que les besoins des jeunes très éloignés du marché du travail restent au cœur des futurs dispositifs d'insertion professionnelle, en évitant les effets d'enfermement et en favorisant une véritable insertion sociale et professionnelle durable ?

Vous nous précisiez, en décembre dernier, que les recommandations issues de l’étude commandée dans le cadre de la stratégie Go4Brussels 2030 avaient été présentées en 2023 à Brupartners, qui aurait soumis sa contribution au mois de juillet de cette année-là. Le CCES, dans son courrier, rappelle que vous auriez, à cette occasion, évoqué le souhait de fusionner les dispositifs de contrat d’insertion et de contrat premier emploi dans un nouveau dispositif « Emploi formatif jeune  ». Cette fusion est-elle toujours d’actualité ? En quoi la fusion de ces deux dispositifs induirait-elle une suppression du contrat d’Insertion ?

Le CCES rappelle que l’évaluation réalisée par l’Institut bruxellois de statistique et d'analyse et le Bureau fédéral du Plan ne recommande nullement la suppression du contrat d’insertion. Vous la justifiez par une inefficacité du dispositif et vous annonciez vouloir réorienter les moyens vers des mécanismes favorisant l’accès des jeunes à l’emploi.

À présent, nous avons besoin de précisions sur ces dispositifs de remplacement, s'ils existent. Quels sont-ils ? Dans quelle mesure sont-ils effectivement proposés ? Quels sont le calendrier et les modalités envisagés pour la mise en œuvre des solutions de substitution qui seront définies ?

Comment les recommandations et les préoccupations de Brupartners et du Conseil consultatif de l'entrepreneuriat social seront-elles prises en considération dans l'élaboration de solutions ? Vous savez que ces deux partenaires se sont montrés très constructifs dans les propositions alternatives.

Le Conseil consultatif de l'entrepreneuriat social a relevé un « certain flou dans les informations transmises aux employeurs ». D'une part, l’avant-projet d’arrêté indique en effet que les postes octroyés à partir du 1er janvier 2024 ne le seront que jusqu’à la date d’entrée en vigueur dudit arrêté. D’autre part, le courrier reçu par les ASBL précise que les derniers contrats d’insertion ont débuté le 15 décembre 2023 – ce qui ne veut évidemment pas dire la même chose.

Pourriez-vous clarifier la situation ? Ces informations, qui peuvent paraître contradictoires, sont particulièrement problématiques pour les ASBL, lesquelles ne savent pas du tout à quoi s’en tenir. Tout cela renforce les inquiétudes déjà exprimées.

Enfin, qu’en est-il de la demande du Conseil consultatif de l'entrepreneuriat social de bénéficier d’un cadastre du dispositif reprenant le nombre de postes occupés et octroyés par ASBL et par secteurs d’activité ? Quelles suites ont été réservées à cette requête ?

Vu la vive inquiétude du secteur, il me semblait important de faire le point sur le sujet à l’occasion de la dernière commission de cette législature.

(Remarques de Mme Tahar)

M. Bernard Clerfayt, ministre.- En cette période proche de la campagne électorale, nous avons tous coutume de prendre de la hauteur.

Mme Farida Tahar (Ecolo).- Je ne fais que mon travail, Monsieur le Ministre. Je vous ai déjà interrogé sur le sujet en décembre dernier, donc absolument pas en période électorale. Je ne peux pas vous laisser émettre ces insinuations. Ma question a été déposée in tempore non suspecto.

M. Bernard Clerfayt, ministre.- Quand l'échéance de la campagne électorale se rapproche, nous prenons tous de la hauteur pour développer une vision du monde et de l'avenir lors de nos débats. Nous la défendons avec conviction. Mais, ce faisant, nous risquons d'être un peu hors sol.

Je commencerai par vous rappeler que le taux de chômage élevé en Région bruxelloise exige que nous développions les politiques les plus adaptées à sa réduction. Il faut s'attaquer en particulier au taux de chômage des jeunes et développer des programmes d'accompagnement de ce public vers l'emploi qui soient efficaces.

La situation budgétaire de la Région est une deuxième réalité à garder en mémoire : Bruxelles dépense plus d'un milliard d'euros de plus que ses recettes, tout en ayant une exigence sur l'utilité des dépenses publiques. Cela nous impose de réfléchir intelligemment à l'usage de l'argent public qui n'est même pas prélevé en impôts, mais emprunté à l'avenir.

Ma priorité, partagée par tout le gouvernement, est d'insérer durablement les jeunes sur le marché de l'emploi, tout en s'inscrivant dans un cadre d'usage pertinent des deniers publics. Et c'est dans ce cadre que le gouvernement bruxellois s'est engagé à évaluer les aides régionales pour s'assurer de leur efficience en matière d'insertion sur le marché du travail. Cette priorité est reprise dans la stratégie Go4Brussels 2030, notamment dans son objectif 2.2 « Garantie de l'accès à un emploi stable et durable pour tous », comme vous l'avez mentionné.

Vous demandez comment garantir l'insertion professionnelle durable des jeunes. Ce n'est en tout cas pas possible avec le contrat d'insertion. Les évaluations que nous avons effectuées le confirment clairement.

En revanche, l'analyse menée par Idea Consult a identifié les deux dispositifs de la prime Activa et du stage First comme les plus performants en matière d'insertion socioprofessionnelle des jeunes. Parmi les outils bruxellois d'insertion des jeunes, certains sont donc pertinents et efficaces et d'autres non.

En réaction à ces constats, nous avons renforcé les dispositifs sur le plan budgétaire, en augmentant les incitations financières pour les employeurs qui ont recours à la prime Activa, ainsi que sur le plan qualitatif, en renforçant le volet formatif du stage First.

Notre objectif est, par là, de permettre aux jeunes infraqualifiés d'acquérir une expérience professionnelle significative et des compétences valorisables, afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle de manière durable.

L'étude menée par le Bureau fédéral du Plan et l'Institut bruxellois de statistique et d'analyse sur le contrat d'insertion - rendue publique il y a environ deux ans - est très claire : le contrat d'insertion a des effets négatifs sur l'entrée sur le marché du travail de la majorité des jeunes qui sont engagés via ce dispositif. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la conclusion de l'étude.

Cette étude a été validée par différentes instances, notamment celles au sein desquelles sont représentées les fédérations d'employeurs du secteur non marchand. L'étude ne conclut pas à l'abrogation du contrat d'insertion, puisqu'elle ne contient pas de recommandations politiques, mais elle inclut une analyse scientifique de l'efficacité du dispositif et conclut donc à son inefficacité. Le gouvernement s'empare de ces conclusions et porte donc avec courage la suppression de ce dispositif.

Je continue de travailler avec Actiris afin de recenser tous les dispositifs efficients dédiés à l'insertion et à la formation des jeunes les plus éloignés du marché de l'emploi. Toutefois, à ce stade, aucun dispositif mature n'a été modélisé pour répondre non seulement aux besoins des jeunes, mais aussi aux employeurs, qui peuvent offrir une expérience professionnelle et formatrice qui constitue un véritable tremplin à l'emploi durable.

J'ai également mandaté le comité de gestion d'Actiris dans le cadre de ce dossier. Le comité m'a répondu qu'il réservait ses recommandations au futur ministre de l'Emploi, puisque nous ne sommes à présent plus en mesure de présenter de nouvelles modalités étant donné que nous approchons de la fin de la législature. Actiris prépare et mûrit sans doute un projet qui sera soumis aux négociateurs. J'ai pris acte de la décision d'Actiris et ne la commenterai pas.

Je ne souhaite pas proposer une mesure en urgence qui serait dictée par une stratégie électoraliste, mais plutôt offrir à la Région et aux jeunes Bruxellois, sous l'égide de la bonne gouvernance, une mesure efficace et porteuse d'avenir, dont l'incidence coût-bénéfice représente une réelle plus-value.

Pour ce qui est de la fin des contrats en cours, nous voulions précisément clarifier les informations dont disposent les employeurs. C'est pourquoi nous avons adapté les dispositions de l'avant-projet d'arrêté afin de préciser que la subvention des contrats d'insertion est accordée pour les services fournis ou les prestations effectuées jusqu'au 15 décembre 2024. Quand j'ai diffusé l'information à la fin du mois de novembre 2023, les contrats juste initiés pouvaient encore durer un an.

Cette clarification vise à garantir la sécurité des jeunes engagés via ces contrats jusqu'à leur terme. Ma préoccupation, ce sont les jeunes.

La demande du secteur de bénéficier d'un cadastre du dispositif du contrat d'insertion a été entendue : le cadastre a été transmis aux membres du comité de gestion d'Actiris le 23 février 2024. Ce document fait état du nombre de postes « occupables » et occupés par types d'employeurs. En décembre 2023, avant même que l'on mette fin au dispositif, on dénombrait 515 postes occupables. Les associations pouvaient donc engager jusqu'à 515 jeunes sous contrat d'insertion. Or, seuls 132 postes étaient occupés. Tout ce secteur n'avait utilisé ce mécanisme que pour 132 jeunes.

De surcroît, un cadastre plus global réalisé par Bruxelles Économie et Emploi a été transmis au Conseil consultatif de l'entrepreneuriat social lors de sa réunion du 9 avril dernier. Il avait vocation à estimer l'impact de l'abrogation des contrats d'insertion sur les entreprises sociales mandatées en insertion. Cet impact s'avère limité : seules 8 entreprises sur les quelque 130 que compte le secteur pourraient être affectées par cette suppression.

Mme Farida Tahar (Ecolo).- Je vous prie de m'excuser de vous avoir interrompu, mais je ne pouvais vous laisser dire que je vous aurais adressé cette demande d'explications dans le cadre de la campagne électorale.

(Remarques de M. Clerfayt, ministre)

Cette remarque n'était pas du tout nécessaire ! Vous connaissez ma rigueur, et je vous interpelle souvent en commission sur toute une série de sujets.

Vous nous expliquez que le gouvernement a pris cette décision en raison de la situation budgétaire. Il me semblait que d'autres solutions avaient été envisagées sur le principe, même si l'on n'en connaissait pas encore les contours. Quoi qu'il en soit, vous vous étiez engagé à ne pas laisser le secteur sans solution. Or, aujourd'hui, vous dites ne pas vouloir imposer de mesures dans l'urgence car nous arrivons à la fin de la législature. Vous renvoyez en somme la patate chaude à votre successeur. Je vous ai connu beaucoup plus courageux sur d'autres dossiers !

Vous vous fiez uniquement à l'évaluation de l'Institut bruxellois de statistique et d'analyse (IBSA) qui, vous l'admettez vous-même, ne recommande pas du tout la suppression des contrats d'insertion. Je trouve cela regrettable, mais j'en prends acte, tout comme le secteur, qui reste totalement désemparé.

Enfin, vous dites que, pour les contrats en cours, vous maintiendrez les subventions jusqu'à la fin de 2024. C'est encore heureux ! Il ne faudrait pas rajouter une difficulté. En tant que ministre, il vous appartient de veiller à ce que les subventions soient allouées correctement et qu'aucun secteur ne soit en difficulté. Vous semblez considérer que vous leur faites une faveur en maintenant ces subventions, ce qui, à mes yeux, frise l'indécence.

Je suis donc fortement déçue par votre réponse, car j'aurais souhaité que des pistes concrètes soient envisagées, d'autant que je vous interroge à ce sujet depuis un certain temps. Je comprends que le cadre budgétaire est serré, mais tout est question de volonté politique.

Serait-il possible de disposer du cadastre dont vous dites qu'il a été transmis au comité de gestion d'Actiris ? Sans doute est-ce trop tard pour encore poser une question écrite.

Mme la présidente.- Le Bureau élargi se réunit ce midi.

Mme Farida Tahar (Ecolo).- Pour conclure, je voudrais évoquer un groupe dont on ne parle pas beaucoup, à savoir les femmes d'origine européenne vivant dans les quartiers du croissant pauvre. Elles ont pu, quant à elles, bénéficier de l'efficacité de ces contrats - et ce n'est pas moi qui le dis, mais l'évaluation de l'IBSA. Je regrette que l'on sous-estime l'impact positif que peut avoir ce type de contrat pour ces femmes, qui doivent aussi pouvoir s'insérer sur le marché de l'emploi. Je prends toutefois note de votre décision de le supprimer, le secteur sera ravi de l'apprendre !

M. Bernard Clerfayt, ministre.- J'ai clairement indiqué dans ma réponse que nous avons renforcé d'autres dispositifs existants qui s'adressent aux jeunes : nous avons augmenté les montants des primes Activa, nous avons amélioré les conditions des stages First et les obligations de formation. Il existe donc des solutions alternatives aux dispositifs en question. Vous n'avez pas entendu ma réponse à vos questions si vous affirmez qu'ils ont été supprimés sans autres solutions.

Deuxièmement, la décision de supprimer la ligne budgétaire de 12 millions affectés aux contrats d'insertion a été prise par le gouvernement - que vous soutenez toujours jusqu'à présent - et est inscrite dans le budget, qu'à mon souvenir, vous avez voté.

Mme Farida Tahar (Ecolo).- Je n'ai pas dit que vous n'aviez pas renforcé d'autres dispositifs d'insertion tels que la prime Activa, mais qu'en est-il des agents contractuels subventionné s en particulier ? Le secteur ne partage pas votre évaluation. Si le système fonctionne pour une partie de son public cible, peut-être faudrait-il pousser l'évaluation plus loin pour déterminer quels éléments peuvent en être conservés. En l'occurrence, il s'agissait plutôt d'ajuster la mesure que de la supprimer.

Ensuite, vous dites avoir renforcé les dispositifs d'insertion, mais avouez, par ailleurs, qu'en fin de législature, vous n'allez pas prendre des mesures urgentes. C'est totalement contradictoire. Avez-vous, oui ou non, pris des mesures alternatives ? Le secteur n'y voit plus très clair. Je regrette ce manque de volonté politique et de courage. La suppression de ce dispositif n'a été accordée au gouvernement qu'à la seule condition que des mesures alternatives soient prévues, ce qui n'a, semble-t-il, pas été le cas. Sur ce plan, je ne pense pas que les écologistes vous soutiennent, que ce soit au niveau du gouvernement ou du Parlement.

M. Bernard Clerfayt, ministre.- Le Bureau fédéral du Plan et l'IBSA concluent que, pour une toute petite partie du public, les impacts ne sont pas aussi négatifs qu'on le prétend. Lisez la conclusion de l'étude. Sur 132 personnes, une dizaine de personnes sont concernées en fait. Je ne compte pas maintenir un dispositif inscrit pour 12 millions d'euros au budget pour une dizaine de personnes. Nous devons être rationnels dans notre Région !

Par ailleurs, les lignes budgétaires que vous me confiez concernent la mise à l'emploi des jeunes dans le cas présent. Je n'ai pas pour mission de subventionner structurellement les entreprises du secteur non marchand, d'autant que, durant cinq ans, nous leur avons donné la possibilité d'être des opérateurs de l’insertion des jeunes, en leur octroyant des subsides à 100 %, de manière récurrente, et qu'il est apparu que l'expérience professionnelle qu'elles ont donné à ces jeunes ne leur a pas permis de s'insérer durablement dans l'emploi. Elles n'ont pas démontré leur capacité à être des opérateurs pertinents de l'insertion socioprofessionnelle des jeunes.

J'ai beaucoup d'intérêt pour le secteur non marchand, mais je souhaite qu'avec l'argent public, les opérateurs produisent des résultats effectifs dont nous pouvons nous réjouir.

Mme Farida Tahar (Ecolo).- J'ai bien lu l'étude, contrairement à ce que vous prétendez. Ensuite, vous avez déclaré que vous ne prendriez pas des mesures en urgence, que vous laisseriez la responsabilité à votre successeur et en même temps, vous affirmez avoir renforcé des dispositifs. Vous adoptez un double langage ! Enfin, je ne souhaite pas non plus évidemment que les deniers publics soient dilapidés et je suis tout à fait favorable aux évaluations qualitatives. Toutefois, je regrette, en l'occurrence, que votre choix ne soit pas celui préconisé par l'étude et qu'il ne tienne pas compte du public cible.

Soit ! Nous prenons note de votre décision. Vous vous étiez engagé à trouver d'autres solutions et vous ne l'avez pas fait !

- L'incident est clos.

DÉBAT D'ACTUALITÉ

La mauvaise gestion et les soupçons de fraude au sein de Paradigm

M. Christophe De Beukelaer (Les Engagés).- Vos réponses à nos questions d'actualité sur la situation catastrophique de Paradigm, posées en séance plénière de vendredi dernier, ne nous ont pas convaincus. Vous avez affirmé avoir réagi dès que vous avez été informé des problèmes de gestion et de budget.

Je rappelle que des réunions hebdomadaires sont organisées entre votre cabinet et la direction, et qu’un membre de votre cabinet est aussi président du conseil d’administration d’Iristeam. En outre, Paradigm est soumis à votre contrôle hiérarchique en tant qu’organisme d'intérêt public de type A ; vous exercez également le pouvoir de gestion. Nous avons donc peine à croire que vous ayez découvert les problèmes budgétaires de 2022 chez Paradigm à la publication des comptes en juillet 2023. Soit cela ne correspond pas à la réalité, soit votre cabinet était informé mais ne vous a rien dit, soit personne n’était au courant - ce qui implique que vous avez failli à votre responsabilité d’exercer votre pouvoir de gestion sur cette structure. Chacune de ces hypothèse est grave.

Pire encore : votre réaction a non seulement été bien trop tardive, mais aussi totalement insuffisante depuis un an, vu l’ampleur de la situation.

Vous dites avoir demandé par écrit à Paradigm de mettre de l’ordre dans les comptes. Pour une structure sur laquelle vous avez un pouvoir de gestion et dans laquelle un déficit structurel s’est installé, c’est extrêmement léger ! Même pour les faits graves liés au golf, il a fallu quatre mois et des révélations dans la presse pour que vous finissiez par demander un rapport disciplinaire, qui sera prêt cet été. Avouez qu’il y a de quoi rester pantois.

Vous auriez dû remettre en question toute la stratégie avec la direction et demander un audit externe il y a plus d’un an. En lieu et place, votre passivité a laissé pourrir la situation et nous nous retrouvons à présent dans une situation inextricable.

Nous souhaitons que vous fassiez toute la clarté sur les échanges entre votre cabinet et Paradigm sur toute l’année 2023, et notamment que vous produisiez les procès-verbaux de réunions de ces fameux « one-to-one cabinet ». Nous aimerions également savoir ce que vous avez mis en place depuis un an et demi pour répondre aux problèmes soulevés - et ainsi nous rassurer sur l’avenir des fonctions informatiques cruciales dans notre Région, qui semble mis en péril par la situation chez Paradigm.

M. Jamal Ikazban (PS).- Beaucoup de choses ont été dites en ce qui concerne le sujet du présent débat. Je vous ai déjà interrogé au sujet du bien-être budgétaire ; en l'occurrence, nous sommes confrontés à un problème inquiétant.

J'ai l'impression que les révélations sur dépenses de golf suspectes sont une bonne chose, puisqu'il s'agit de la partie visible de l'iceberg. Ce qui m'inquiète, ce sont tous les dysfonctionnements cachés, les manquements en matière de gestion, d'information, de prise de conscience des problèmes par votre cabinet et vous-même, Monsieur le Ministre, de prise de décision, de réactivité, etc.

Les questions que nous posons sont légitimes. J'apprends également l'existence de grandes tensions entre les syndicats et Paradigm, ce qui est également très inquiétant.

Les dysfonctionnements sont donc nombreux et mes questions rejoignent celles de mes collègues. Qu'avez-vous mis en place concrètement ? Vous avez livré un certain nombre d'explications lors de la séance plénière de vendredi dernier, mais le cadre des questions d'actualité limite le débat, tant pour les parlementaires que pour le gouvernement.

Qu'avez-vous dit aux membres d'Iristeam et à quel moment ? Cette situation ne peut pas durer. J'ai appris que Paradigm a consacré 70 millions - ce n'est pas un petit montant - à l'informatisation des communes et que l'essentiel de ce montant a été dépensé dans des études. Cela me préoccupe fortement. Vous connaissez mieux que moi les besoins des communes.

Heureusement que ces dépenses de golf ont attiré votre attention, mais j'espère que la partie immergée de l'iceberg dont elles constituent la pointe n'est pas beaucoup plus alarmante.

S'agissant de la réactivité, il faut maintenant réaliser des audits pour clarifier ce qui s'est passé, et veiller à ce qu'une telle affaire ne puisse plus se reproduire.

Mme Farida Tahar (Ecolo).- Je me joins aux questions de mes collègues parce qu'il est nécessaire de faire toute la lumière sur les nombreux dysfonctionnements concernant Paradigm.

Monsieur le Ministre, vous savez à quel point nous sommes soucieux de garantir une bonne gouvernance et de faire toute la transparence sur ce genre de situation, dont nous ne sommes malheureusement pas à l'abri, d'autant plus que nous sommes en fin de législature et que nous ne disposerons pas d'une autre séance pour vous interroger à ce sujet.

Comme beaucoup, nous sommes particulièrement inquiets de la situation et souhaiterions, dans un premier temps, connaître le bilan budgétaire de la réforme menée par Paradigm. Il me semblait en effet que le bureau de consultance Gartner avait promis des économies à hauteur de 30 millions d'euros, alors que nous lisons que le budget de Paradigm ne cesse d'augmenter, voire de déraper.

Pouvez-vous nous communiquer aujourd'hui le montant des économies réalisées à la suite des promesses faites par le bureau de consultance ?

Quelles actions concrètes avez-vous entreprises depuis que la situation vous a été communiquée il y a déjà plusieurs mois ? Vous devriez avoir eu le temps d'analyser les tenants et aboutissants de ce dossier et de prendre des mesures visant à atténuer ces dysfonctionnements interpellants.

(M. Sevket Temiz, doyen d'âge, prend place au fauteuil présidentiel)

Mme Clémentine Barzin (MR).- Je tiens à remercier le ministre, car un débat a déjà eu lieu vendredi en séance plénière à ce sujet, et il n'était pas évident de pouvoir en tenir un aujourd'hui. Il n'y a en effet pas d'éléments d'actualité stricto sensu. C'est néanmoins la dernière séance de la législature, et nous voulions obtenir des réponses complémentaires.

Nous manquions en effet de détails sur les 9,2 millions euros de dépassement de dépenses en 2022. Quels étaient le budget initial et le montant du dépassement pour les frais de consultance ? De même, quels étaient le budget initial et le montant de dépassement pour les frais de personnel, les frais de marketing, les frais de parrainage ? Les 70.000 euros sont-ils des frais engagés chaque année ?

Sur quels éléments à charge repose précisément la demande de procédure disciplinaire ? Quels sont les délais et les suites réglementaires possibles de celle-ci ?

Combien d'équivalents temps plein composaient-ils le cadre du personnel avant l'arrivée de la nouvelle direction ? Combien celui-ci en compte-t-il aujourd'hui ? Quels sont les profils des nouveaux postes, ainsi que leur rémunération ?

Enfin, quel est le budget des dépenses pour 2023 ? Y a-t-il un dépassement ? Qu'en est-il déjà pour 2024 ? Avez-vous une idée des perspectives ? Comment, en cette fin de législature, pouvons-nous envisager l'avenir de Paradigm, notamment à l'égard de sa bonne gestion financière ?

M. Bernard Clerfayt, ministre.- Que ce soit bien clair : je ne souhaite pas profiter du fait que le Parlement interrompe ses travaux, étant donné la période, pour échapper à des questions sur le sujet. C'est un enjeu de gestion publique et la qualité et la transparence de celle-ci sont des valeurs importantes à mes yeux. Si les journalistes continuent à m'interroger, je leur donnerai l'information dont je dispose. Les citoyens ont bien le droit, à travers vos questions et à travers la presse, de savoir ce qui se passe.

J'entends de votre part les mots « catastrophique », « mogelijke corruptie » et le fait que 70 millions d'euros n'ont pas servi aux communes. Il est légitime que vous m'interrogiez, mais essayons d'aborder les faits de manière précise et de les replacer dans une ligne du temps. Comme souligné vendredi dernier en séance plénière, distinguons bien ce dont il s'agit.

D'une part, je relève un enjeu de dépassement budgétaire et, d'autre part, un enjeu relatif aux plans ou propositions de réorganisation administrative du fonctionnement de Paradigm et Iristeam. Par ailleurs, diverses accusations sont portées contre la direction générale, notamment à propos de dépenses liées au golf, et des questions concernent la relation entre mon cabinet, Iristeam et Paradigm.

J'évoquerai tout d'abord le dépassement budgétaire de Paradigm. Paradigm élabore ses comptes de 2022, comme il se doit, au printemps 2023. Ces comptes remontent à la fin du mois d'avril, car, au mois de mai, ayant reçu les informations de Paradigm, mon cabinet dépose une note au gouvernement afin d'approuver les comptes de cet organisme d'intérêt public (OIP). Lors de la préparation de la note, mon cabinet constate un report budgétaire, vers 2023, de dépenses qui ont été décidées et engagées en 2022. Un report d'environ 9,3 millions d'euros, c'est un montant important !

C'est donc à ce moment-là que mon cabinet a été informé que, dans le cadre de dossiers engagés par Paradigm ayant dépassé les crédits budgétaires accordés en 2022, une série de factures allaient être portées au compte de 2023.

Dans le cadre de réunions régulières avec Paradigm, mon cabinet a fait part de ses inquiétudes quant à cette situation. Nous avons demandé à Paradigm de réduire la voilure afin de rentrer dans le cadre budgétaire. Or, la suite donnée à ces discussions par Paradigm ne nous a pas satisfaits. Nous avons alors confirmé cette instruction par une note verte, soit une instruction écrite, les demandes orales ne semblant pas donner assez de résultats. Le 13 juillet 2023, cette note verte donnait instruction de prendre les mesures nécessaires pour ne plus reproduire ces anomalies, à savoir les dépassements budgétaires.

Pour information, la Cour des comptes examine chaque année les comptes de la Région et des différents organismes d'intérêt public. Le rapport vous en est adressé pour vous aider à effectuer votre travail de vérification. Il comportait des remarques sur les budgets de Paradigm en 2020, 2021 et 2022. S'agissant des comptes 2022, dans son rapport, la Cour des comptes les approuvait avec réserve, en indiquant « une sous-évaluation des dépenses à hauteur de 9,2 millions d'euros consécutive à des problèmes de césure », la césure étant le terme technique pour indiquer le report d'une facture d'une année à la suivante.

Le même genre de problème s'était produit les années précédentes. La lecture des rapports de la Cour des comptes des années précédentes révèle déjà une approbation avec réserve, avec la mention de problèmes de césure, mais qui portaient sur des montants moindres, de l'ordre de 1 million. Soudain, en 2022, se produit un emballement du report des dépenses à l'année suivante.

S'agissant de la note verte du 13 juillet, elle a été envoyée en période de vacances. Mon cabinet a reçu une réponse de la direction générale le 5 septembre indiquant ceci : « À cette date, nous n'avons engagé que 76 % du budget et n'avons liquidé que 52 % du budget. » Informés à cette date de ces éléments sur la consommation du budget, mon cabinet et moi-même étions plutôt satisfaits, et pensions que des mesures correctives avaient été prises.

Nous pensions que les choses allaient rentrer dans l'ordre dans le courant du dernier trimestre. Toutefois, le 12 octobre - soit à peine un mois plus tard -, nous recevons une nouvelle information de la direction générale, qui nous annonce qu'un montant de 12,9 millions d'euros pour l'année 2023 sera reporté sur 2024.

Nous sommes donc interloqués face à ces informations totalement divergentes. En effet, alors qu'en septembre, nous pensions être rassurés, nous apprenons en octobre qu'en réalité, il existe un dysfonctionnement dans le contrôle des dépenses budgétaires de cet organisme. La Cour des comptes estime alors que le compte général du Centre d'informatique pour la Région bruxelloise (CIRB) donne « dans tous ses aspects significatifs, une image fidèle du patrimoine et de la situation financière du CIRB ».

La Cour des comptes relève néanmoins deux anomalies, dont une surévaluation budgétaire pour l'année précédente, à savoir les 9,3 millions d'euros dont je vous ai parlé. Une fois de plus, nous nous étonnons de cette situation et établissons une nouvelle note verte en date du 22 décembre 2023, en exprimant notre regret de voir que le cadre budgétaire n'a pas été respecté. Nous demandons en outre un plan détaillé des propositions d'affectation budgétaire pour 2024.

Fin janvier 2024, nous recevons une réponse de la direction, qui assume clairement le dépassement problématique. Au lieu de nous dire qu'elle va prendre des mesures, elle nous pose des questions sur la façon dont nous allons l'aider à financer ledit dépassement.

À la mi-février a lieu une réunion avec la direction générale. Nous demandons alors que soit réalisé un audit externe, ce à quoi la direction générale répond qu'elle a elle-même lancé un marché. Le marché a entre-temps avorté car personne n'y a répondu.

Le 22 février, nous exigeons par note verte un plan pluriannuel et nous annonçons que, nous saisissant de notre pouvoir de gestion, nous allons mettre en place une task force réunissant des représentants du cabinet, des syndicats, de la direction générale ainsi que les coresponsables des différents pôles au sein de Paradigm, afin de remettre de l'ordre dans le budget.

Chacune des réunions de la task force, les 8, 19 et 29 mars ainsi que le 8 avril, a permis de définir des pistes pour diminuer les dépenses. Elles ont été suivies d'une note verte le 12 avril, pour garder une trace des pistes envisagées et des décisions prises. À cette même date, nous avons saisi le comité d'audit régional, qui compte des auditeurs extérieurs à l'administration régionale. Nous finalisons avec ces derniers le périmètre exact de leur mission.

M. De Beukelaer a raison de rappeler qu'en vertu de la loi, un ministre exerce la tutelle sur les organismes d'intérêt public. Des arrêtés royaux prévoient cependant des actes de délégation générale aux directeurs, qui ont toute liberté pour prendre une série de mesures de gestion quotidienne. Mon cabinet ne passe pas son temps à décider, par exemple, des recrutements, du salaire, du matériel mis à la disposition du personnel, etc. Cela ne l'empêche, bien sûr, pas de poser des questions en cas de problème. Iristeam représentant plus de 500 personnes, vous pensez bien qu'il n'est pas possible de tout contrôler.

La sous-évaluation des dépenses n'a rien d'exceptionnel. La Cour des comptes la relève d'ailleurs dans d'autres organismes d'intérêt public, tels qu'Innoviris, perspective.brussels ou encore parking.brussels. Pour mémoire, elle s'élève à 4 millions d'euros, d'une année à l'autre, chez Bruxelles Propreté, à 1,7 million chez Bruxelles Environnement et à 1,2 million au Port de Bruxelles. C'est même le cas dans des petites structures comme Bruxelles Gaz électricité ou Brupartners. Tant que les montants restent faibles, la Cour des comptes se contente de le signaler. En revanche, cela devient dramatique lorsque les montants prennent de telles proportions, car ils démontrent un non-respect du budget par la ligne hiérarchique et la direction générale. Ce n'est pas une pratique saine, je le reconnais, mais il est fréquent d'avoir un léger décalage dans les comptes, par exemple lorsque des travaux sont réalisés en novembre ou décembre et que les factures arrivent après la clôture des comptes.

L'on observe très clairement un non-respect d'injonctions orales et écrites données par mon cabinet. Le dépassement budgétaire est même assumé par la direction. Nous avons mis en place des task forces relatives aux finances pour limiter les projets qui ont un impact budgétaire ; ce travail est en cours.

Enfin, nous avons saisi le comité d'audit régional au sujet de Paradigm, en demandant une analyse du processus d'engagement et de liquidation, de la concordance entre la comptabilité générale et l'exécution budgétaire et de la gouvernance interne, c'est-à-dire les rôles et responsabilités de la direction générale et des directeurs et chefs de projet. Un autre audit sera lancé sur les marchés publics de Paradigm. Tel est le périmètre convenu avec le comité d'audit régional.

Mme Barzin demandait quels éléments étaient concernés par des dépassements budgétaires. Il n'y a pas de réponse précise à cette question puisque les dépassements ont trait aux derniers projets de l'année. Toutefois, ce n'est pas parce qu'ils arrivent plus tard qu'ils sont moins nécessaires ou ont fait l'objet de moins bonnes décisions. Peut-être a-t-on accepté en cours d'année des projets supplémentaires n'ayant pas lieu d'être, ce qui donne l'impression que les derniers projets sont à l'origine du dépassement ; il ne faut pas forcément pointer du doigt la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

Ainsi, le report budgétaire de 9 millions d'euros n'est pas dû à un élément en particulier. Il concerne quelque 2 millions d'euros supplémentaires pour les salaires, dont l'indexation a été mal prévue pour 2022, 4 millions d'euros en frais divers de consultance et d'appel à des tiers pour l'optimisation des processus, et 1,8 million d'euros de dépassement pour divers projets de développement, comme la gestion de la relation client ou l'intégration dans la solution SAP.

J'en viens au plan de réorganisation et au recrutement de nouveaux directeurs. À la fin du mois de novembre dernier, mon cabinet a découvert sur LinkedIn que Paradigm publiait des offres d'emploi. Dans le cadre du contrôle régulier, nous posons des questions. En décembre, mon cabinet a reçu une note dans laquelle la direction générale exposait son projet de restructuration interne portant le nom de code RestoreHome. À noter que ce projet s'inscrit dans un contexte de tension entre la direction générale et les autres directions.

Par le biais d'une note verte envoyée le 22 décembre 2023, mon cabinet a donné pour instruction à la direction générale de lui soumettre pour validation le projet de transformation interne ainsi que tout recrutement de personnel envisagé. En effet, nous avions déjà rappelé oralement que le gouvernement avait imposé un moratoire sur l'engagement de personnel dans le cadre du débat budgétaire.

Le 16 janvier 2024, à la suite de plusieurs demandes, nous avons rencontré les syndicats et des coresponsables de pôles, qui nous ont signalé toute une série de problèmes, notamment la réorganisation interne et sa perception négative par le personnel. Ce plan n'est pas soutenu en interne et essuie beaucoup de critiques.

Dans le courant du mois de février, nous avons plusieurs échanges avec les syndicats pour obtenir des informations et comprendre quels étaient les enjeux et les problèmes. Le 15 mars, après avoir posé plusieurs questions concernant la réorganisation RestoreHome, la gouvernance interne ainsi que la description des rôles et des responsabilités, nous avons reçu une réponse de la direction générale. Après avoir examiné tous ces documents, le 5 avril, le cabinet a mis en place une deuxième task force, outre celle sur les finances, portant sur la réorganisation administrative interne.

La première réunion a eu lieu le 17 avril et la seconde est prévue le 24 avril. Dès que nous en avons eu connaissance de ce plan, nous avons demandé des explications et dès que nous avons compris l'ampleur du problème, nous avons repris en main le contrôle de la gestion, en partenariat avec les syndicats.

La troisième difficulté porte sur diverses accusations à l'égard de la direction générale, qualifiée d'autocrate, et qui pointent des dépenses inutiles, notamment le golf. À la fin du mois de décembre, nous sommes sollicités par les syndicats et après quelques brèves explications par téléphone, une réunion est fixée au 16 janvier 2024. Les syndicats nous dénoncent alors oralement une série de problèmes et formulent diverses accusations à l'encontre de la direction générale. Nous leur demandons de nous donner des éléments probants, pour ne pas interroger la direction générale de Paradigm sur la base de rumeurs. Avec les éléments qu'ils portent à notre connaissance, nous écrivons à la direction générale et demandons des explications, des documents et des preuves et ce, à plusieurs reprises, en février et en mars. Nous recevons des réponses incomplètes, nous reformulons les questions, nous demandons la pièce comptable que nous ne recevons pas, etc.

Dès que nous avons été informés de cette activité de sponsoring du golf, nous avons donné l'instruction de cesser toute activité de sponsoring et de marketing quelle qu'elle soit ! Peu importe qu'il s'agisse de golf ou d'un événement culturel, le sponsoring ne relève pas des tâches de Paradigm et ne fait pas partie de son budget !

Sur la base des explications fournies par Paradigm, nous avons estimé qu'il y avait lieu de prendre des mesures disciplinaires. Or, en vertu du statut administratif des organismes d'intérêt public, la compétence relative à la discipline ne m'appartient pas.

Je devais donc informer le ministre de la Fonction publique, dont c'est la tâche dans le statut. J'ai dès lors rédigé à son intention un rapport reprenant une série de faits susceptibles d'enclencher l'ouverture d'une action disciplinaire à l'encontre de la direction générale de Paradigm. Cette décision revient au ministre. Le cas échéant, les personnes concernées sont libres de s'expliquer et de se défendre. Elles ne sont pas condamnées par avance.

En parallèle, comme je l'ai indiqué, nous avons lancé l'audit régional sur les pratiques, les méthodes, la comptabilité, etc.

La dernière question porte sur le lien entre Iristeam, Paradigm et mon cabinet. M. De Beukelaer aime répéter que le président de l'ASBL Iristeam est membre de mon cabinet. Or, il aura noté qu'aucune question posée aujourd'hui, y compris parmi les siennes, ne mentionne une difficulté concernant les comptes ou les pratiques d'Iristeam.

M. Christophe De Beukelaer (Les Engagés).- Des informations doivent bien circuler dans ces conseils d'administration !

M. Bernard Clerfayt, ministre.- Iristeam se charge du recrutement du personnel informatique pour le compte de Paradigm, du service public régional de Bruxelles, d’i-City, des organismes d'intérêt public et des communes. Il engage du personnel puis le met à la disposition de ces différents organismes et leur facture les coûts salariaux.

Il n’y a pas de compte en dépassement chez Iristeam, ni de dépenses spéciales constatées. Son conseil d’administration se réunit plusieurs fois par an pour discuter de grandes stratégies et de l'équilibre des comptes, mais n’assure pas sa gestion courante, qui est déléguée à la direction générale de Paradigm.

De même, les réunions régulières entre mon cabinet et la direction de Paradigm ne traitent pas de la gestion quotidienne. Nous y assurons le suivi des grands projets stratégiques, tels que le développement du SAP régional, le programme WePulse ou la facilité européenne pour la reprise et la résilience. Nous vérifions que les projets ont bien été déployés, comme l’installation du wifi dans toutes les écoles secondaires, etc. Nous pouvons ainsi vous rendre compte des avancées et répondre à vos questions.

(Remarques de M. De Beukelaer)

Je vous ai répondu dans la première partie de ma réponse. Dès que nous avons été informés des dépassements, à la mi-2023, nous avons donné des instructions, d'abord orales, puis par une note verte. En septembre, nous avons été informés que tout allait bien et, en octobre, soudain, tout allait mal. Nous avons donc constitué une task force pour gérer cette question.

(Remarques de M. De Beukelaer)

Je pense avoir répondu sur les aspects du calendrier, mais je peux les répéter si vous me réinterrogez à ce sujet.

Le premier article de presse date du 12 avril. Le journaliste a été informé par les syndicats d'éléments et d'allégations portés à ma connaissance à la mi-janvier. Le journaliste était vraisemblablement au courant depuis début mars, et a interrogé mon cabinet pendant environ quinze jours, avant la publication de l'article. Nous lui avons fourni toutes les réponses aux questions dont nous avions connaissance.

M. Christophe De Beukelaer (Les Engagés).- Vous nous donnez beaucoup d'informations. Mais à examiner la situation de manière objective, vous déclarez tout d'abord n'avoir été mis au courant des problèmes budgétaires qu'en mai 2023. Cela signifie-t-il qu'il n'y a pas de rapportage régulier dans cette entreprise pour vous informer, ni de suivi régulier des budgets ? C'est seulement en mai 2023, à la clôture des comptes, que l'on se rend compte qu'il y a 10 %, soit 9 millions d'euros, de dépassement budgétaire !

Soit la gestion est très mauvaise, vous n’estimez pas devoir être informé régulièrement de l'état des finances de cette entreprise, et vous faillissez à votre devoir ! Soit des informations ont été communiquées dont nous n'avons pas connaissance. Êtes-vous disposé à nous donner accès à tous les procès-verbaux des réunions de ces rencontres individuelles de votre cabinet du mardi matin, et à tous les échanges entre votre cabinet et Paradigm au cours de l'année 2023 ? À défaut, il y a un grave problème d'organisation interne que vous n'avez pas pris en charge en tant que ministre de tutelle.

En mai 2023, vous êtes informé des problèmes de gestion, mais ce n'est qu'en mars 2024, neuf mois plus tard, qu'enfin, une task force est mise sur pied. Entre-temps, vous avez reçu une note en septembre qui vous a rassuré, puis, vous avez réalisé qu'il y avait de sérieux problèmes. Pendant toute cette période, il y aurait eu des échanges de notes vertes. Or, on ne gère pas une telle situation à coup d'écrits, mais bien en mettant sur pied une task force impliquant le cabinet et Paradigm ! Cet acte vient beaucoup trop tard. Vous avez laissé la situation s'emballer et vous êtes responsable !

S'agissant d'Iristeam, cette ASBL est totalement imbriquée dans Paradigm. Votre responsable de cellule, qui est responsable de ce dossier, et qui président du conseil d'administration d'Iristeam, semble avoir fermé les yeux, la bouche et s'est bouché les oreilles, comme les trois singes ! Alors que des témoignages émanent des protagonistes du dossier, des employés internes, des anciens, des fournisseurs attestant que tout le monde connaissait ces problèmes, votre cabinet attendait la clôture des comptes pour s'en préoccuper. C'est extrêmement préoccupant.

Concernant le plan de restructuration interne, vous assurez qu'aucun membre de votre cabinet n'a été informé, avant le mois de décembre, de l'existence du plan de transformation RestoreHome qui prévoyait la création d'un comité de direction. Pouvez-vous le reconfirmer ? C'est étonnant et préoccupant, car dans les divers échanges avec la direction, ce sujet n’aurait jamais été évoqué. Ce n'est pas crédible !

Je pense que vous avez commis une faute : vous n’avez pas pris les rênes de la gestion de cette institution à temps, malgré tous les signaux d’alarme qui vous ont été transmis, et vous avez laissé déraper une situation qui est aujourd’hui très difficilement rattrapable. Lorsque vous vous êtes réveillé à la fin de l'année 2023, vous avez géré cette situation par des échanges de notes, ce qui est totalement insuffisant vu les responsabilités qui sont les vôtres à l’égard de cette institution. Nous ne pouvons donc pas en rester là.

Pouvez-vous dès lors nous transmettre tous ces échanges ainsi que les procès-verbaux des réunions du mardi matin entre votre cabinet et Paradigm ? Il s’agit selon moi des seuls éléments qui nous permettront de prendre conscience de l’ampleur du fiasco.

M. Jamal Ikazban (PS).- J'entends des avis, chers collègues, que je ne partage pas. Premièrement, il ne s'agit pas ici d'une commission d'enquête, donc calmons-nous un peu.

Deuxièmement, ne généralisons pas et ne tirons pas de conclusions. Nous posons des questions au ministre, auxquelles il répond. Nous ne sommes pas là pour salir la fonction publique ou toutes les administrations, qui fonctionnent relativement bien dans l'ensemble. C'est le jeu habituel de la N-VA, qui en profite pour casser le personnel, etc.

(Remarques de M. Gilles Verstraeten)

Je n'ai jamais dit que tout allait bien, puisque j'ai interpellé le ministre vendredi en séance plénière, contrairement à vous ! Quand les choses vont mal, en cas de dérapage, c'est parce que ma formation défend le service public qu'elle estime qu'il faut agir rapidement. C'est la différence entre nos groupes politiques, M. Verstraeten. Vous en profitez pour salir tout le monde et jeter l'opprobre sur notre Région. Vous n'aimez pas notre Région en réalité.

Je vous remercie, M. le Ministre, d'avoir essayé de répondre à nos questions. La période qui arrive est un peu compliquée puisque nous arrivons en fin de législature.

(Remarques de M. Gilles Verstraeten)

Je dis simplement que je ne pouvais pas laisser quelqu'un salir l'administration et les fonctionnaires.

J'ai dit précédemment que j'espérais que l'affaire du golf n'était pas la partie visible de l'iceberg, mais qu'elle serait peut-être l'occasion de remettre un peu d'ordre chez Paradigm. S'agissant de l'audit, la chose à faire était de le mettre en place immédiatement. Or, le fait que le service ait voulu effecteur lui-même son propre audit témoigne en soi de l'existence d'un problème. Cette direction vit en dehors des réalités en proposant de réaliser son propre audit ! C'est incompréhensible et aberrant. Il faut un audit, mais un audit indépendant, comme vous l'avez souligné.

Je ne suis, en revanche, pas du tout d'accord avec vous sur la question de la responsabilité. Vous êtes, en l'occurrence, le ministre de tutelle. Vous ne pouvez pas communiquer sur les actions des organismes d'intérêt public (OIP) dont vous avez la tutelle quand elles sont positives, tout en vous défaussant de votre responsabilité quand les choses dysfonctionnent, et renvoyer la balle ailleurs. Certains membres du Parlement issus de votre groupe politique n'hésitent pas à pointer du doigt les ministres ayant la tutelle d'autres OIP. Il faut être de bon compte.

Un autre aspect intrigant est le fait qu'il y a apparemment plus de monde chez Iristeam que chez Paradigm. Cette privatisation d'une partie de nos services publics me rend perplexe.

Pour conclure, il faut faire toute la clarté sur ce qui s'est passé et veiller à ce que cette situation ne se reproduise plus. Je rappelle aux collègues qui ont tendance à s'énerver un peu trop rapidement que vous restez ministre. Élections ou non, fin des travaux parlementaires ou non, il n'y a pas de dissolution des chambres à la Région, de sorte que vous restez à la disposition du Parlement et des parlementaires, qui peuvent vous poser des questions à tout moment.

Je pense que vous avez exprimé votre volonté d'être aussi transparent que possible et de répondre à nos questions. Nous reviendrons certainement sur ce dossier au début de la prochaine législature et nous serons présents pour défendre cette administration à laquelle certains s'en prennent au moindre problème ou dérapage.

Mme Farida Tahar (Ecolo).- Au début de mon intervention, j'ai dit que l'objectif - partagé par tous les collègues de la majorité comme de l'opposition - était de faire toute la lumière sur ce dossier.

Vos éléments de réponse nous apportent quelques informations et précisions, mais toute la lumière n'a pas été faite, car nous aurions besoin de davantage de temps.

Certains éléments de votre réponse continuent de m'interpeller. Je suis très étonnée du délai qui s'est écoulé entre la prise de connaissance d'une série de dysfonctionnements et de problèmes de bonne gouvernance et vos réactions ou celles de votre cabinet. J'entends que c'est compliqué, et comme le dit mon collègue, nous ne sommes pas dans une commission d'enquête. Mon propos n'est pas donc pas d'interroger vos intentions, mais cette situation pose tout de même une série de questions. Je ne compte toutefois pas, contrairement à d'autres, instrumentaliser ce dossier pour des raisons purement institutionnelles. Je pense que l'on doit revenir à un débat sérieux.

Il n'en reste pas moins que je m'interroge sur le délai de réaction, car gouverner, c'est prévoir. Il semblerait qu'il y ait eu un défaut de vigilance, voire d'anticipation dans votre chef, car vous assurez la tutelle et la responsabilité de Paradigm. Je suis interloquée de voir que ce dernier est juge et partie, étant donné qu'il propose lui-même un audit.

La fin de la législature approchant à grands pas, nous pourrons difficilement revenir vers vous mais, avec tout le respect que je vous dois, peut-être y a-t-il un travail d'introspection à faire au sein de vos propres équipes.

Pour conclure, je pense qu'il sera nécessaire de prendre connaissance d'autres dossiers et pièces. L'un de mes collègues, M. De Beukelaer, a demandé l'accès aux procès-verbaux. Si nous devons aller jusque-là pour comprendre les tenants et les aboutissants, nous le ferons.

Mme Clémentine Barzin (MR).- Je remercie le ministre pour ses réponses détaillées, car nous avons appris des choses supplémentaires particulièrement effarantes aujourd'hui, notamment eu égard aux montants impliqués.

Vous répétez toujours le même argument. Or, pour que ce soit clair : le groupe MR n'a voté ni les comptes ni le budget. Par ailleurs, j'ai insisté, lors de la séance plénière de vendredi dernier, sur l'importance du déficit, notamment en 2024, qui approche le milliard, alors que tant la Cour des comptes que le ministre des Finances avaient préconisé des réductions importantes pour tendre à l'équilibre au plus vite. La solution du gouvernement avait été d'effectuer des coupes budgétaires de 5 % dans toutes les administrations. Or, ici, nous constatons l'inverse : vous nous annoncez un dépassement de 12 millions d'euros reportés sur 2024. Il est très préoccupant que cette administration n'ait pas tenu compte des prescriptions très claires que lui a adressées le gouvernement.

Deuxièmement - et sans verser dans le dénigrement de Bruxelles, M. Ikazban, car nous avons le droit, en tant que membres de l'opposition, de mettre en cause certains fonctionnements -, les organismes d'intérêt public semblent aujourd'hui échapper à des procédures rapides, à une tutelle efficace du gouvernement.

(Remarques de M. Ikazban)

Nous n'avons eu de cesse de dire qu'une opacité nous empêchait d'en effectuer un contrôle budgétaire correct. Le fait qu'il vous ait fallu plus d'un an pour pouvoir envisager aujourd'hui une procédure disciplinaire est bien la preuve que, dans la structure actuelle, la gestion de tutelle de ces organismes est problématique.

Dans le cadre de ma question d'actualité, je vous ai interrogé sur le dépassement de 9,2 millions d'euros en 2022. Vous évoquez 2 millions de frais de personnel et 4 millions de frais de consultance. Or, il m'a été donné à entendre que la consultance a pris le pas sur une part importante des capacités des membres du personnel en interne, dont certains sont d'ailleurs partis. Vous évoquez quelque 4 millions de frais de consultance, alors que les signaux d'alarme à ce sujet étaient également clairs et ont été maintes fois évoqués dans l'actualité. Cela doit faire réagir rapidement. Un glissement s'est opéré du travail en interne, qui plus est à la faveur d'un prestataire actif depuis l'étranger. Ces questions doivent faire réagir rapidement.

Vous affirmez qu'il y a des dépassements qu'on ne peut pas voir, que la Cour des comptes les tolère jusqu'à 1 million d'euros. Mais, les dépassements de cet ordre-ci requièrent que l'on exige, de cet organisme, des explications sur l'ensemble des postes, afin d'obtenir au plus vite toute clarté. Or, vous admettez que ce n'est qu'un an plus tard que vous avez pris le taureau par les cornes. Ce laps de temps est assez sidérant.

Entre-temps, les syndicats s'adressent à la presse, ce qui prouve qu'ils ont également pris conscience d'un problème de rapidité dans la réponse. Est-ce un manque imputable aux procédures régionales ? Est-ce un manque de vigilance ou de fermeté ? Nous avons le droit de nous poser ces questions.

Monsieur le Ministre, la réponse que vous nous adressez aujourd'hui - et je l'ai déjà entendue pour Actiris - vaut un carton rouge. Vous nous donnez un niveau de détail qui équivaut à ce que nous avons entendu pour la direction d'Actiris à l'époque. Nous entendons que vous avez lancé la procédure disciplinaire tardivement. Ce carton rouge arrive à la fin de la législature, sans que l'on sache ce qui va se passer demain. Faute d'éléments dans l'intervalle, nous ne sommes pas rassurés pour la suite. Nous ignorons quelles suites seront données à la procédure. Quelles seront les modalités disciplinaires ? Alors que le contrôle parlementaire va malheureusement s'atténuer, quoi qu'en dise M. Ikazban, tous les signaux sont au rouge.

M. Bernard Clerfayt, ministre.- Je tiens à préciser à M. Ikazban qu'Iristeam est une ASBL créée en 2006.

(Remarques de M. Jamal Ikazban)

L'organisme d'intérêt public Paradigm - dont les missions lui sont confiées conformément à une ordonnance que vous avez modifiée récemment - n'emploie que deux personnes, à savoir le directeur général et le directeur général adjoint. Iristeam, quant à elle, est l'ASBL, la structure sous-jacente, qui engage tout le personnel de Paradigm - en grande majorité des informaticiens parce qu'à la Région bruxelloise comme au niveau fédéral, en Communauté française ou à la Région wallonne, il n'est pas possible d'inclure le salaire des informaticiens dans les rémunérations de la fonction publique.

La direction générale d'Iristeam est confiée à la direction générale de Paradigm par les statuts d'Iristeam. Son conseil d'administration ne se réunit que trois ou quatre fois par an pour approuver les comptes, les stratégies, autrement dit les grands enjeux de l'ASBL. Il ne s'agit pas d'une direction générale ni d'une direction quotidienne.

Une bonne moitié des agents sous contrat d'Iristeam sont détachés auprès de plusieurs autres administrations telles que des communes, des ministères, etc., à qui le salaire est facturé. L'autre moitié est le personnel de Paradigm, qui est facturé à Paradigm. La structure d'Iristeam est donc assez simple. À côté de cela, la comptabilité de Paradigm comprend les remboursements de personnel, mais aussi de nombreux autres éléments.

Par ailleurs, jusqu'il y a peu, la comptabilité de Paradigm n'était pas effectuée par le biais de SAP mais, grâce à l'insistance de mon cabinet, c'est désormais le cas. Cela nous permet d'obtenir des informations plus claires sur les éléments comptables et d'assurer un meilleur suivi de la comptabilité.

En réponse à la question de Mme Barzin, le mot « consultance » soulève directement de grands débats. Il y a eu le débat sur les audits externes demandés à de multiples opérateurs. Dans le cas précis du développement informatique, très peu d'administrations développent l'informatique avec leur propre personnel. Même avec les quelque 500 personnes actives chez Iristeam, il est coutumier de faire appel à des prestataires tiers pour développer des projets informatiques. Nous avons déjà débattu au Parlement du développement du logiciel d'attribution des allocations loyer, qui a été confié à une entreprise privée externe, bien connue, dans le cadre d'un contrat de consultance classique.

Pour ce qui est des missions de Paradigm confiées à Iristeam, soit l'organisme dispose des ressources en interne et détache des informaticiens sur un projet, soit les équipes ne sont pas complètes et il faut recourir à des prestataires de services informatiques sous la forme de consultance. Il y a un jeu permanent entre la faculté d'attirer en interne le personnel dans les effectifs d'Iristeam ou l'appel à des tiers, d'où le recours assez régulier à la consultance. De fait, cela soulève des questions, notamment les glissements possibles dans la gestion quotidienne entre certains consultants et employés. C'est d'ailleurs une des questions clairement posées actuellement à la direction générale.

M. Ikazban a raison. Si le Parlement interrompt ses activités, la gestion de Bruxelles ne s'arrêtera pas. Je reste compétent pour ce qui se produira après les élections, et ce, jusqu'à en être « déchargé ». Je continuerai donc à assurer le contrôle des groupes de travail. Nous avons établi un dossier disciplinaire très complet pour le ministre Sven Gatz, que j'avais prévenu de cette mauvaise nouvelle que je suis prêt à assumer. S'il faut compléter le dossier d'autres éléments qui parviendront à notre connaissance, nous le ferons.

La procédure d'audit régional, négociée avec le comité d'audit, est prévue pour une durée de trois mois. Elle portera sur le fonctionnement : comment mieux suivre les projets au quotidien, leur coût, leur non-réalisation dans les délais, l'imputation des coûts supplémentaires, etc. ? Les instructions relatives à cet audit seront transmises à Paradigm.

Pour ce qui est de la procédure disciplinaire, elle durera six mois maximum. M. Gatz doit d'abord estimer si le dossier que nous lui avons remis contient suffisamment d'éléments. Dans l'affirmative, il devra désigner des personnes pour mener l'enquête. Je lui réserve le soin de communiquer les pièces qu'il jugera utiles.

S'il devait apparaître que la direction générale n'a commis aucune faute et que la situation relèverait d'erreurs politiques, je suppose qu'aucune sanction disciplinaire ne sera infligée à la direction générale et qu'on en conclura que le problème se situe à un autre niveau. Il se peut, au contraire, que certains éléments laissent apparaître que la direction n'a pas correctement informé l'autorité de tutelle, n'a pas organisé les choses afin que l'autorité de tutelle puisse obtenir l'information en temps et en heure ou n'a pas répondu aux sollicitations qui lui ont été faites.

M. De Beukelaer se demande pourquoi les fameuses dépenses de golf n'ont pas été explicitement indiquées dans la comptabilité et ont été reprises à la rubrique « Études et communication », ce qui est profondément flou. À cet égard, il a fallu questionner et requestionner jusqu'à cinq reprises pour obtenir les informations pertinentes.

Ces informations n'ont d'ailleurs pu être obtenues que grâce à des personnes internes, qui étaient au courant. Il y a deux ans et demi, plusieurs directeurs - notamment au sein de la direction financière - ont été licenciés, probablement dans un climat de pression exercée sur les membres du personnel afin de ne pas faire apparaître une série d'éléments.

Je conclus en précisant que j'ai entièrement confiance dans l'enquête disciplinaire qui, je l'espère, sera bientôt ouverte.

M. Christophe De Beukelaer (Les Engagés).- J'avais demandé que vous précisiez à nouveau qu'avant décembre, aucun membre de votre cabinet n'était au courant du plan de transformation.

M. Bernard Clerfayt, ministre.- Je le confirme. C'est le 24 novembre, 2023, juste après avoir pris connaissance sur LinkedIn d'une offre d'emploi pour un poste de direction chez Iristeam/Paradigm, que mon cabinet a organisé une réunion pour demander des explications.

M. Christophe De Beukelaer (Les Engagés).- C'est une situation étonnante et j'espère que votre cabinet vous a bien informé.

Avant mai ou juillet 2023, vous ne vous seriez donc jamais inquiété de l'absence de reporting financier régulier qui vous aurait permis d'y voir clair. Votre explication est que la comptabilité ne se trouvait pas sur le progiciel de gestion intégré SAP. Mais cela fait partie de vos responsabilités depuis que vous avez pris vos fonctions. Pendant des années, vous avez donc exercé votre pouvoir de gestion de façon complètement lacunaire, sans disposer de données.

Quant à l'audit financier demandé en interne, il ne s'agit pas d'une initiative de la direction, mais de la proposition d'agents inquiets des dérapages financiers et du manque de gestion du cabinet. Ils avaient entre autres constaté les problèmes posés par certains marchés suspects, un recours exagéré à des fournisseurs privilégiés comme Atos et des factures payées sans être couvertes par des marchés publics.

Dans votre réponse à nos questions d'actualité à ce sujet, vendredi dernier en séance plénière, vous avez expliqué avoir produit des notes vertes pour fixer certains éléments. Fort bien, mais c'est un audit financier qui est nécessaire ! Que le comité régional d'audit contrôle les processus est une bonne chose, mais vous n'avez, à ce jour, toujours pas exigé l'indispensable audit financier de Paradigm ! Pour notre part, nous le demandons ! Nous voulons obtenir l'analyse de chaque facture, de chaque marché, ainsi que tous les procès-verbaux de ces réunions restreintes.

Je suis d'avis qu'il faut fixer une nouvelle date de réunion de notre commission pour la consacrer à ce sujet, en basant nos débats sur les documents que vous nous transmettrez et l'analyse des réponses reçues aujourd'hui. Il me semble impensable de nous borner à clore le débat.

Enfin, Monsieur le Ministre, vous expliquez qu'il faudra vérifier si la faute incombe à la direction générale. Il y a en tout cas une faute dans le chef de votre cabinet. Il s'agit d'une faillite collective dans laquelle vous avez votre part de responsabilité. Vous êtes, en effet, en tant que ministre de tutelle, l'ultime responsable, après la direction générale. Vous ne pouvez vous dérober.

M. Jamal Ikazban (PS).- Je tiens à préciser que je n'ai exprimé aucun amour à l'égard de la N-VA, jamais.

Mme Clémentine Barzin (MR).- Monsieur le Ministre, vous évoquez effectivement les frais de consultance, mais il s'agit de sous-traitance. Ce point mérite d'être examiné plus avant en raison de redondances manifestes avec des membres du personnel interne de Paradigm, des membres qui, pour certains, se sont interrogés et ont même quitté l'organisme. Vu les coûts engendrés, cette situation soulève réellement des questions.

La tutelle se voit informée du fait que des frais d'étude et de communication ont été engagés, alors qu'il s'agit en réalité de dépenses de golf. Nous sommes, dès lors, en présence d'une direction qui se moque de sa tutelle, du gouvernement bruxellois et, par là même, des contribuables bruxellois. C'est totalement inadmissible.

Vous dites avoir confiance en l'enquête disciplinaire. Dont acte. Nous y resterons attentifs.

(Mme Clémentine Barzin, présidente, reprend place au fauteuil présidentiel)

M. Christophe De Beukelaer (Les Engagés).- Transmettrez-vous les documents et procès-verbaux ?

M. Bernard Clerfayt, ministre.- Nous devons veiller à la validité juridique de la procédure, afin de ne commettre aucune erreur dans le cadre de la procédure disciplinaire. Par conséquent, à ce stade, il me faut vérifier tout ce que je peux déclarer, car des éléments de procédure sont à respecter impérativement.

Mme la présidente.- Étant donné que c'est la dernière réunion de cette commission pour la législature mais que votre fonction ne s'éteint pas maintenant, nous examinerons comment continuer à exercer le contrôle parlementaire. Car vous aurez compris, Monsieur le Ministre, que nous sommes tous particulièrement préoccupés par ce dossier.

- Les incidents sont clos.