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Question écrite concernant « la qualité des soins des hôpitaux relevant de vos compétences ou de votre tutelle »

de
Emin Özkara
à
Elke Van den Brandt et Alain Maron, membres du Collège réuni en charge de l'action sociale et de la santé (question n°610)

 
Date de réception: 13/07/2022 Date de publication: 11/10/2022
Législature: 19/24 Session: 21/22 Date de réponse: 22/09/2022
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
18/08/2022 Recevable
 
Question   

Monsieur le Ministre,

Dans la Déclaration de politique générale commune au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et au Collège réuni de la Commission communautaire commune (DPG) il est indiqué que : "(…) le Gouvernement souhaite marquer deux virages dans les politiques sociales et de santé : un virage social visant la réduction des inégalités sociales et un virage organisationnel, visant une meilleure organisation des soins et de l’action sociale et garantissant l’accessibilité, la qualité et la durabilité des soins.".

Le 24 mai 2022, nous apprenions via la presse numérique ( https://www.rtbf.be/article/investigation-dans-nos-hopitaux-des-patients-decedent-par-manque-d-infirmiers-10998467 ) que dans des hôpitaux, des patients décèdent par manque d'infirmiers. Faisant suite à cet article et eu égard aux engagements indiqués dans la DPG et pris par le Collège réuni, je souhaiterais vous poser les questions suivantes :

En ce qui concerne la qualité des soins des hôpitaux relevant de vos compétences ou de votre tutelle,

  1. un manque d'infirmiers est-il à signaler ?

  2. la qualité et la sécurité des soins ont-ils été contrôlés récemment ? Les résultats obtenus sont-ils satisfaisants ?

  3. les normes obsolètes ont-elles été actualisées ?

  4. des propositions ont-elles été faites par la section "hôpitaux" du Conseil consultatif de la santé et de l'aide aux personnes ?

  5. des adaptations susceptibles d'améliorer la qualité des soins délivrés ont-elles été identifiées et/ou demandées ? Votre cabinet a-t-il identifié et/ou proposé des points à améliorer en la matière ?

 

 
 
Réponse    A propos du réel manque d’effectif.
Une visite de contrôle peut être considérée comme une "photo instantanée". Par exemple, la dernière vérification effectuée par la direction Contrôle des Services du Collège réuni concernait l'inspection d'un hôpital général dans son intégralité (lits, fonctions, services médicaux et programmes de soins). Les données reçues par rapport au personnel étaient relatives à l’année 2019 : de manière générale, les chiffres étaient corrects en ce qui concernait le personnel infirmier. Néanmoins, l’hôpital en question a indiqué, oralement pendant la visite de contrôle, qu'actuellement, il y aurait au minimum 10 % de personnel en moins.  
 
De manière générale, la direction Contrôle constate une pénurie d'infirmiers qualifiés : soins intensifs, pédiatrie, oncologie, soins palliatifs,
etc.  
 
On peut avancer que ces pénuries actuelles de personnel infirmier sont principalement dues à l’impact de la COVID-19, à la réforme de la formation infirmière (passage de 3 à 4 ans d'études) et à l'arrêt des primes pour les infirmiers ayant un titre professionnel spécial ou une qualification professionnelle. En effet, pour rappel, les infirmiers qui travaillent dans un hôpital financé par l’autorité fédérale et qui est agréé depuis le 1
er septembre 2018 par l'autorité compétente pour un titre professionnel particulier ou une qualification n'ont plus droit aux primes. A partir du 1er janvier 2022, un nouveau complément de spécialisation est instauré pour les infirmiers porteurs d’un TPP/QPP sous certaines conditions. 
 
Le nouveau régime mis en place par le Ministre Frank Vandenbroucke pourrait néanmoins motiver les infirmiers à se spécialiser de nouveau. En effet, le ministre a demandé une enveloppe supplémentaire pour les infirmiers spécialisés, précisément pour corriger la valorisation des connaissances spécialisées (il s’agit d’un investissement total de 45 millions d'euros à partir de 2023). Concrètement, cela signifie que :  
· les infirmiers spécialisés ayant un titre professionnel spécial verront leur salaire brut augmenter de 2.500 euros par an pour un temps plein dans un service hospitalier reconnu ;  
· les infirmiers spécialisés ayant des qualifications spéciales reconnues verront leur salaire brut augmenter de 833 par an pour un temps plein dans un service hospitalier reconnu. 

Toutefois, au-delà du problème spécifique des infirmiers spécialisés, soit environ 35% des infirmiers de nos hôpitaux, et au-delà de la question des budgets de recrutement et de salaires qui ont fait l’objet d’investissements fédéraux de plusieurs centaines de millions d’euros, il y a toujours des problèmes plus « généraux » ou « transversaux » qui ne font pas encore l’objet de décisions souhaitées par les infirmiers. La plupart de ces demandes sont tournées vers le fédéral et concerne la législation relative à la profession (comme par exemple que l’autonomie acquise sur le terrain soit mieux reconnue dans certaines législations), la reconnaissance de nouveaux titres et fonctions dans l’art infirmier, la présence d’infirmiers dans la gestion des réseaux hospitaliers etc. Les infirmiers n’ont reçu que des fins de non-recevoir par le fédéral durant la dernière législature, espérons que celle-ci y soit plus attentive… car les chiffres actuels dans nos hôpitaux sont alarmants, avec 10 à 15% de lits de soins intensifs et de médecine interne fermés par manque d’infirmiers.




De notre côté, nous voudrions rencontrer une de leurs demandes qui concerne nos compétences dans les hôpitaux, la création de conseils infirmiers locaux, j’y reviendrai plus loin.



 
Vous m’interrogez sur l’évaluation de la qualité des soins et sécurité des soins.

Jusqu’à présent
celle-ci sont déterminées selon la direction Contrôle des Services du Collège réuni par de nombreux facteurs, et notamment : 
- Le personnel : plus il y a d’infirmiers par patient, plus les soins seront sécuritaires et de meilleure qualité. La direction Contrôle vérifiera les listes et les horaires du personnel médical et non médical (demandés selon les normes applicables) ;  

- L'organisation : Comment le service est-il organisé à l’interne? Comment le service communique-t-il et travaille-t-il avec d’autres spécialisations ou unités à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôpital (première ligne de soins,
etc.) pour assurer la continuité des soins au patient ? Par exemple, pour le programme de soins gériatriques, le rapport multidisciplinaire est toujours vérifié sur place. En général, sont examinés les dossiers des patients et les procédures internes mises en place.  
- L’infrastructure : elle a une incidence sur la sécurité et la qualité des soins. Lorsqu’un hôpital a terminé ses rénovations, la direction Contrôle et le service Infrastructures procède à des vérifications sur place afin de contrôler le respect des normes à la fin des travaux. Par exemple, une unité de psychiatrie récemment visitée avait orienté ses travaux sur la sécurité du patient, et notamment sur la prévention du suicide (vis-à-vis, par exemple, des poignées de portes, des protections solaires,
etc.). 

- L'Influence des réseaux hospitaliers locorégionaux et des associations d'hôpitaux : les réseaux et les associations ont évidemment un impact sur les soins (comme association il existe des association MUG, d'imagerie médicale, de laboratoire, de programme de soins pathologie cardiaque
etc

- Autres éléments : par exemple, la direction Contrôle a déjà organisé des réunions avec l'oncologue de l'hôpital inspecté afin que ce dernier explique le parcours de ses patients au sein de l'hôpital. Sont également contrôlées les activités organisées pour le patient (un programme de soutien audiovisuel pour les parents d'un bébé prématuré par exemple). 
 
Dans le dernier hôpital général visité, il y avait une cellule de qualité : plusieurs audits ont été réalisés en interne (préparation préopératoire des patients, vérification de la mise en œuvre de la check-list du bloc opératoire, etc.), une enquête de satisfaction des patients est menée, une check-list a été élaborée pour permettre la sortie des patients,
etc.  
 

Parfois, un hôpital participe à une accréditation (de son laboratoire par exemple), ce qui participe à améliorer la qualité des soins donnés dans le cadre de cette accréditation.  

 
Pour rappel, une inspection est une "photo instantanée" et, bien entendu, les hôpitaux reçoivent des commentaires de la direction Contrôle concernant :  
- l'amélioration de certaines procédures (par exemple, le protocole de soins aux victimes d'accidents vasculaires cérébraux, le protocole d'accueil des enfants,
etc.) ;  
- l'infrastructure (par exemple, un système d'appel manquant dans une toilette,
etc.) ;  
- les normes en matière de personnel (par exemple, dans le service de soins intensifs, il n'y a pas assez d'infirmières ayant un titre professionnel spécial en soins d'urgence et en soins intensifs,
etc.)  

Ils doivent ensuite donner suite aux commentaires, si nécessaire, et se conformer aux normes d'agrément qui leur sont imposées.  

Toutefois, le 20 juillet dernier, nous avons approuvé en première lecture au Collège Réuni un projet d’arrêté fixant des normes hospitalières complémentaires, notamment en matière de qualité et avec une attention particulière aux infirmiers.

Ce projet ambitieux vise à améliorer et à garantir la qualité des soins en réfléchissant l’offre de soin en fonction du territoire et des besoins de la population qui y réside. Le plan se développe autour des plusieurs axes : accès financier, accès géographique, soins de qualité réfléchis sur base des besoins des bruxellois. Le projet vise par exemple à renforcer la continuité des soins avec la première ligne, vérifier que les hôpitaux offrent bien dans chaque bassins de soins des soins minimaux de proximité garantis à toute la population,
etc. Une attention particulière a également été portée à la multidisciplinarité, à l’intégration des services sociaux et santé intégrés, aux aides et soins à domicile, à la préparation de la sortie de l’hôpital, etc.


Ce projet d’arrêté obligera également les hôpitaux bruxellois, à terme, à mettre en place une méthode de management standardisée de la qualité reposant sur des objectifs communs mais avec des priorités locales, le suivi d’indicateurs locaux mais aussi communs en matière de qualité/sécurité, d’accessibilité, et de résilience envers la population et son personnel.



Il est trop tôt pour détailler le texte à ce stade et sur tous ces aspects, mais comme évoqué plus avant, il contient également le projet de rendre obligatoire dans chaque hôpital la création d’un Conseil Infirmier.

Il s’agit d’une revendication récurrente des infirmier, un organe d’avis dans lequel siège des infirmiers de la base élus par leurs pairs, afin d’être systématiquement interrogés pour tout projet d’amélioration des services de l’hôpital et d’évaluation de la qualité des soins. Un organe où ils/elles pourraient débattre du cœur de leur métier et faire remonter vers la direction infirmière de l’hôpital des suggestions d’amélioration.
Ce type d’organe pourrait potentiellement améliorer le sentiment d’appartenance et d’implication des infirmiers dans l’hôpital, qui sont deux facteurs ayant scientifiquement démontré un impact positif sur la rétention de ce personnel au travail.

Les avis du Conseil d'État, du Conseil consultatif et de la Cour des comptes ont été demandés. Une 2
ème lecture par le CR est envisagée début novembre.

A propos des normes d'agrément obsolètes, comme indiqué également dans la DPR elles sont en cours d'actualisation.  
Un premier projet, qui vise à supprimer toute une série de normes obsolètes, a été validé en première lecture par le Collège réuni : les avis du Conseil d'État, du Conseil consultatif et de la Cour des comptes ont été demandés. Le projet devrait passer en seconde lecture dans le courant du mois d'octobre.  
Un second projet, qui vise à actualiser toute une série d'exigences, est en cours de réflexion au sein de l'administration, qui travaille en étroite collaboration avec les sections "hôpitaux" et "santé mentale" du Conseil consultatif.