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Question écrite concernant les politiques de (re)logement des personnes « sans chez soi » à la lumière de la récente étude de l’ULB-DULBEA

de
Farida Tahar
à
Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement et de l'Égalité des Chances (question n°1003)

 
Date de réception: 09/10/2022 Date de publication: 20/12/2022
Législature: 19/24 Session: 22/23 Date de réponse: 07/12/2022
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
12/10/2022 Recevable
 
Question    Le 28 septembre dernier, l’ULB-DULBEA présentait son rapport intitulé « le sans chez-soirisme : suite ou fin ? » commandité par le « Syndicat des Immenses » et « Droit à un toit ». Cette étude vise à établir le coût réel (direct et indirect) du sans-abrisme en région bruxelloise.

Selon ladite étude, le coût moyen, par année, d’une personne sans logement est de 40 000 euros1 en région bruxelloise ! Celui-ci ne prend pourtant pas en compte tous les coûts difficilement quantifiables tels que ceux liés au bénévolat, à l’aide alimentaire, aux interventions de police, etc.

Il est fort probable que s’ils l’étaient, la somme serait bien plus importante et pourrait atteindre 85 000 euros par année et par personne. Ce chiffre, il faut le multiplier par 5 3133, correspondant au nombre de personnes sans-abris recensées en 2020.

Reloger ces personnes qui ne bénéficient pas de logement coûterait bien moins cher à la région.

Plus important encore ; ce serait le moyen de mettre fin au sans-abrisme et à ses conséquences dramatiques sur les personnes en situation d’extrême précarité.

Pourtant, le sans-abrisme n’est pas une fatalité ! Il s’agit avant tout de volonté politique !

Tout comme le fait d’offrir à chaque personne des conditions de vie décentes. Cela passe notamment par la mise en œuvre de mesures structurelles et pérennes de (re)logement.

En effet, le logement constitue un droit fondamental inscrit à l’article 23 de notre constitution, lequel stipule que  chacun a le droit « de mener une vie conforme à la dignité humaine ».

D’après les chercheurs de l’étude, « si même les personnes sans-abri ayant des besoins d’accompagnement intensifs avec des problématiques lourdes peuvent se maintenir en logement justement grâce à un accompagnement spécifique, alors toutes les personnes sans-abri sont capables de sortir de la rue et de se maintenir en logement »4.

  • Partagez-vous ce constat ? Quelle lecture et analyse faites-vous de l’étude de DULBEA?

  • Quelles politiques publiques mettez-vous en place concrètement pour reloger les personnes « sans chez-soi »? Des moyens supplémentaires sont-ils budgétisés pour répondre aux nombreuses demandes de logement en région bruxelloise?

  • Dans quelle mesure le dispositif Housing First est-il, en l’état, adapté à la situation de sortie de rue des personnes « sans chez-soi »? Permettra-t-il, selon vous, de répondre à l’importante demande de relogement? Si non, quelles améliorations sont envisagées ?

  • Enfin, des concertations sont-elles organisées avec votre homologue Alain Maron, Ministre de la santé et de l’action sociale, pour coordonner au mieux vos politiques publiques? Dans l’affirmative, que ressort-il de vos échanges? Quelles actions conjointes sont-elles mobilisées?

1https://www.dhnet.be/regions/bruxelles/2022/09/28/moins-cher-de-reloger-les-personnes-sans-logement-un-sdf-coute-40-000-par-an-VXFNHUCIHZHXTGNDE7AZLEAFG4/

2https://doucheflux.be/blog/2022/09/28/communique-de-presse-dulbea/

3https://www.levif.be/belgique/la-gestion-des-sans-abris-coute-aussi-cher-que-leur-relogement-a-bruxelles/

4https://syndicatdesimmenses.be/wp-content/uploads/2022/09/Rapport-DULBEA.pdf

 
 
Réponse    J’ai l’honneur de vous adresser les éléments de réponse suivants :

Le constat dépeint dans l’étude du coût réel du « sans-chez-soirisme » n’est, en effet, pas une surprise. Les politiques que nous entendons mettre en place relèvent plutôt du préventif que de l’accueil
strictu sensu.

Plusieurs des projets que nous avons portés vont dans ce sens : la réforme de la procédure d’expulsion et le moratoire hivernal.

Dans le cadre de l’élaboration de ces 2 mesures, nous avons pu prouver que les moyens qu’il convenait de dégager étaient inférieurs à ce qu’aurait couté à la collectivité, la prise en charge du public visé après expulsion. Nous partageons donc bel et bien la ligne défendue par l’étude de rediriger les moyens le plus en amont possible pour soulager les finances du secteur public et lui permettre d’agir de manière préventive.

Concernant les politiques mises en place pour reloger les personnes « sans chez soi », sachez que l’action 27 du Plan d’Urgence Logement vise à augmenter l’offre d’accueil pour les personnes sans abri en Région de Bruxelles-Capitale.

Elle prévoit deux appels à projets, qui ont été lancés en 2021 et 2022.

D’une part, le premier est un appel à projets adressé aux Communes et aux CPAS en vue d’acquérir et/ou de rénover des logements à destination de personnes sans abri.

Son objectif consiste à soutenir les communes et CPAS dans la rénovation et l’aménagement de logements mis durablement à disposition d’un public sans abri. La commune et/ou le CPAS s’engagent à assurer la gestion locative du logement en question.


Les logements ainsi mobilisés font l’objet d’une convention d’une durée minimale de dix ans avec un ou plusieurs opérateurs psychosociaux spécialisés dans l’accompagnement de personnes sans abri, sous la supervision de Bruss’help.

Trois communes ont remis un projet dans le cadre de cet appel : Anderlecht, Bruxelles et Watermael-Boitsfort, ainsi que trois CPAS : Berchem-Sainte-Agathe, Bruxelles et Etterbeek.

Les six projets déposés permettront de reloger environ 25 personnes, et ont reçu une subvention d’un montant global de 1.255.276,97 euros.

D’autre part, le second est un appel à manifestation d’intérêt destiné aux AIS et relatif à la mise à disposition de logements à destination de personnes et de familles sans abri en Région de Bruxelles-Capitale.

L’objectif est, à terme, de mettre durablement à disposition 400 logements à destination d’un public de personnes sans-abri sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale tout en assurant la gestion locative du bien et en veillant à ce que chaque personne relogée bénéficie, au plus tard au moment de l’entrée en logement, d’un accompagnement par un service spécialisé dans l’accompagnement psychosocial de personnes sans abri, sous la supervision de Bruss’help.

En 2022, trois AIS ont décidé de mettre un total de 12 logements à disposition d’un public sans abri, mais il est vraisemblable que d’autres logements s’ajoutent à ceux-ci en 2023.

De manière plus globale, en dehors de cet appel à manifestation d’intérêt, certains logements du parc de logements AIS sont expressément dédiés pour des personnes sans-abri.

Dans les données du relevé au 30/09/2021, dernières données pour lesquelles les chiffres sont complets et validés, 125 logements étaient spécifiquement dédiés à des sans-abris. A noter qu’en ajoutant les logements de transit, on arrive au total à 473 logements. Les données du relevé au 30/09/2022 seront disponibles d’ici la fin de l’année.


En règle générale, toutes les AIPL mises à part les associations plus spécialisées (asbl dédiées aux handicapés, femmes battues, personnes âgées, services juridiques…) offrent leurs services à toutes personnes en situation précaire en ce compris le sans-abrisme.


Voici quelques missions pertinentes :

-
Offre d’hébergement, maisons d’accueil, habitat léger, housing first (Febul, ULAC, CEMO);
- Permanences, accompagnement personnalisé, orientation vers des hébergements et prise en charge (Habitat et rénovation, la Source, UL Marolienne, UL Saint-Gilles, Fami-home, Maison de quartier Saint-Antoine);
- Distribution de repas (Syndicat des locataires, UL Saint-Gilles);
- Récolte de boites cadeaux pour les sans-abris (Maison en plus);
- Participation aux réunions sur le thème de l’avant- projet « allocation d’accompagnement au relogement » (ULAC);
- Réunions sur le thème des sans-abris (ULMK).

Néanmoins, 3 associations concentrent leurs missions sur le sans-abrime. Il s’agit des AIPL « l’Îlot », « Infirmiers de rue » et « Diogènes ».


L’Ilôt
 (situé à Saint-Gilles):

Leur service d’accompagnement à domicile s’adresse aux personnes qui ont quitté la rue ou un service d’aide aux personnes sans abri, ainsi qu’éventuellement à des personnes qui, par un accompagnement préventif, éviteront de recourir à l’un de ces services. Le service est offert à toute personne s’installant/installée en Région bruxelloise, qui en fait la demande et qui bénéficie (ou bénéficiera prochainement) d’un logement.


Infirmiers de rue (situé à Anderlecht):

L’action des infirmiers·ères de terrain est multiple et vise à faire sortir de la rue les personnes prises en charge et les reloger durablement. Les démarches pour y arriver consistent à réaliser des soins, en rue ou en logement, à motiver et conseiller les personnes sans-abri à prendre soin de leur hygiène et de leur santé, et enfin à les accompagner à leurs rendez-vous médicaux. Les patient·es intègrent ainsi progressivement un véritable réseau médical, coordonné au départ par les infirmiers·ères avec l’aide du médecin de l’association. À terme, c’est le réseau médical « normal » (c’est à dire qui s’adresse d’habitude aux personnes qui ont un logement, comme les médecins traitants habituels, les maisons médicales, etc.) qui va prendre le relais et assurer la prise en charge des patient·es.

Diogènes (situé à 1000 Bruxelles):

Leur mission consiste d’une part à accompagner des personnes sans-abri dans leur sortie de la rue, et d’autre part à soutenir des personnes qui disposent d’un logement mais qui vivent comme des habitants de la rue. Pour le premier groupe, il s’agit d’offrir des pistes de relogement et un accompagnement à l’entrée en logement. Pour le second groupe, il s’agit de faire un travail de prévention à la perte de logement et de proposer une aide à la personne pour investir et s’approprier au mieux son logement.

Plus précisément, il s’agit :

- D’un travail de rue et d’un travail de motivation au changement;
- D’un accompagnement personnalisé;
- De développer des dynamiques d’appropriation d’un logement;
- De relais vers les services d’accompagnement à domicile ou de housing first.

Concernant le dispositif Housing Frist, nous vous renvoyons, pour cette sous-question, au Ministre Alain Maron dans le cadre de ses compétences en COCOM (sortie de rue).

Enfin, concernant les concertations organisées avec le Ministre Maron à ce sujet, comme indiqué précédemment, les deux appels à projets et à manifestation d’intérêt lancés par Bruxelles Logement en 2021 et 2022 incluent une collaboration avec Bruss’help, qui dépend de sa compétence.