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Question écrite concernant les ASBL exclues des banques

de
Françoise Schepmans
à
Barbara Trachte, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale, en charge de la Transition économique et de la Recherche scientifique (question n°623)

 
Date de réception: 17/10/2022 Date de publication: 20/12/2022
Législature: 19/24 Session: 22/23 Date de réponse: 09/12/2022
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
19/10/2022 Recevable
 
Question    La presse nous rapportait une série de témoignages d’associations sans but lucratif ( ASBL) qui se disent victimes d’exclusion bancaire. Certains ont été collectés par l’Associatif financier, une agence de conseil en économie sociale, qui rapporte – je cite - « plusieurs banques qui ont clairement dit ne plus travailler avec les ASBL ». 1

Pourtant, la Belgique est riche de son statut associatif. Le baromètre des associations 2020 estimaient à 110.000 associations actives au quotidien. En 2017, elles faisaient travailler plus de 300.000 personnes.2 Qu’il s’agisse d’associations de jeunes, de comité de quartiers, un collectif d’artistes ou de clubs sportifs, tous jouent un rôle extrêmement important dans notre société. Ces asbl permettent le lien entre les citoyens, soutiennent des gens en détresse, assurent une cohésion sociale et organisent la solidarité. Elles sont vraisemblablement des acteurs essentiels et remplissent des missions d’intérêts publics touchant tous les secteurs.

Si la Fédération belge du secteur financier (Febelfin) « dit ne pas avoir eu vent de plaintes provenant d'ASBL »3, l’inquiétude demeure. Ces ASBL font face à des difficultés majeures quant au maintien ou à la création de leur compte auprès d’une banque. C’est la gestion même de ces ASBL qui est mis à mal. Comment en assurer une bonne administration ou payer ses employés si elles ne détiennent pas de compte ?

Dès lors, madame la Secrétaire d’État, dans le cadre de vos compétences :

  • Avez-vous pris connaissance de cette situation ? Quelle analyse en faites-vous ?

  • Avez-vous le même retour de terrain ?

  • Des contacts ont-ils été pris avec le Fédéral ?

1 https://www.lalibre.be/economie/entreprises-startup/2022/10/12/de-plus-en-plus-dasbl-sont-exclues-des-banques-ing-nous-plonge-dans-linsecurite-XVIPWQ67ZVFENBYDKPIQPKUKMQ/

2 https://media.kbs-frb.be/nl/media/8328/FR_barometre_associations_zoom_2021

3 https://www.lavenir.net/actu/2022/10/07/les-asbl-victimes-dexclusion-bancaire-FJUTNJLWEVF3JIXONH56RCPCTY/

 
 
Réponse    La situation des ASBL sur notre territoire est une préoccupation constante pour la Région. A cet égard, de nombreuses mesures de Shifting Economy visent à soutenir ces structures indispensables à notre tissu économique. Depuis le début de la législature, différentes initiatives ont été prises dans le cadre de mes compétences afin de faciliter leur accès au financement. Permettez-moi d’en évoquer quelques-unes.

Premièrement, la réforme des aides au développement économique destinées aux entreprises bruxelloises, adoptée en 1
ère lecture par le Gouvernement le 10 novembre 2022 prévoit un accès facilité aux entreprises du secteur non-marchand, vu leur impact social et le nombre d’emplois qu’elles génèrent. Une fois cette réforme adoptée, celles-ci pourront désormais obtenir une aide économique régionale à condition de ne pas être financées à plus de 75% (50% auparavant) par des fonds d’origine publique et pour autant que ces structures rencontrent les autres conditions de l’ordonnance.

Deuxièmement, la réforme récente des produits octroyés par le Fonds Bruxellois de Garantie doit permettre aux entreprises disposant de peu de fonds propres (c’est typiquement le cas des ASBL) de se financer plus facilement auprès des banques. Les garanties octroyées par le FBG sont, pour rappel, par ailleurs majorées pour les entreprises sociales.

Troisièmement, la recapitalisation en décembre 2021 de Brusoc vise également à faciliter le financement de l‘économie sociale et des ASBL à vocation économique.

Enfin, le projet d’ordonnance mobilisant l’épargne citoyenne au bénéfice de la relance et de la transition facilitera également le financement des associations. En effet, ce projet d’ordonnance prévoit, entre autres, la mise en place d’un dispositif visant à mobiliser l’épargne citoyenne auprès de coopératives de crédit. Les coopératives de crédit sont des coopératives spécialisées dans l’octroi de crédits professionnels à des entreprises à plus-value sociétale, dont font bien évidemment partie les ASBL. Ce projet a été adopté en seconde lecture par le Gouvernement.

Dans ce contexte, et pour revenir à votre question, nous partageons bien sûr vos préoccupations vis-à-vis des ASBL qui se voient refuser l’ouverture d’un compte ou clôturer leurs comptes existants.

Pour expliquer ce phénomène, les banques invoquent le dispositif « Know Your Customer » (KYC) découlant de la Directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015. La décision d’entrer en relation d’affaires ou d’exécuter l’opération envisagée, ainsi que la nature et l’intensité des mesures de vigilance appliquées par une entité assujettie, doit être fonction d’une évaluation des risques de BC/FT [Blanchiment d’Argent et Financement du Terrorisme] associés à chaque relation d’affaires ou à chaque opération occasionnelle. Dès lors, les banques doivent mettre en place des mesures qui permettent de détecter de telles activités pour in fine les dénoncer à la Cellule de traitement des informations financières. Dans le cas contraire, la Loi relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l'utilisation des espèces du 18 septembre 2017 prévoit des sanctions allant jusqu’à plusieurs millions d’euros pour ceux qui ne respectent pas leurs obligations. Or, les banques considèrent ne pouvoir respecter toutes ces conditions pour une série de clients. En outre, ces mesures ont augmenté le coût que représente le suivi de chaque compte. C’est dans ce cadre que certaines banques décident malheureusement de se séparer de certains clients.

C’est dans ce contexte général que différentes ASBL ont vu leur compte se fermer ou se voient refuser l’ouverture d’un compte dans ces institutions bancaires. Cette situation est évidemment déplorable. Au niveau fédéral, la loi du 8 novembre 2020 portant insertion des dispositions en matière de service bancaire de base pour les entreprises prévoit certes que chaque entreprise s’étant vu refuser les services bancaires par trois banques différentes puisse bénéficier d’un service de base. Cependant, cette loi nécessite encore la publication d'arrêtés d'exécution pour assurer sa mise en œuvre. En attendant, la BNB a publié une circulaire (référence : NBB_2022_03) le 1
er février 2022 dans laquelle elle insiste qu’il n’est pas approprié, ni conforme avec les exigences légales et réglementaires en matière de LBC/FT, que la politique d’acceptation des clients d’un établissement financier érige en règle l’exclusion de toute relation d’affaires avec des clients potentiels ou existants sur la base de critères généraux tels que, entres autres, leur appartenance à un secteur économique déterminé.

Au vu de la situation hautement problématique pour de nombreuses ASBL, j’ai pris contact avec mon collègue fédéral, le Ministre Dermagne pour lui demander de hâter la publication de ces arrêtés nécessaires. Il nous rapporte que ces derniers devraient être publiés dans le courant de la mi-janvier 2023 et effectifs début février.