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Question écrite concernant la lutte contre l’antisémitisme et le projet « Jeunes contre l’antisémitisme »

de
Margaux De Ré
à
Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'État à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement et de l'Égalité des Chances (question n°1316)

 
Date de réception: 15/12/2023 Date de publication: 08/02/2024
Législature: 19/24 Session: 23/24 Date de réponse: 08/02/2024
 
Date Intitulé de l'acte de Référence page
21/12/2023 Recevable Bureau élargi du Parlement
 
Question   

Le 7 décembre dernier, le CEJI a présenté les conclusions du projet « Jeunes contre l'antisémitisme », mettant en lumière l'importance cruciale de la lutte contre l'antisémitisme. Cette préoccupation est d'autant plus pertinente à la lumière des constats d'Unia qui relève une augmentation inquiétante d'actes et de discours antisémites en Belgique depuis le 7 octobre, avec 76 signalements enregistrés, dont six crimes de haine.

En ce qui concerne les crimes de haine, les recommandations formulées sont les suivantes :

1. Faciliter la coordination des acteurs impliqués dans l'enregistrement et la réponse aux crimes de haine afin d'identifier les lacunes, renforcer la coopération, améliorer les signalements, appliquer la loi et fournir aux victimes de crimes de haine antisémites la justice et un soutien spécialisé.

2. Améliorer les compétences techniques du système de collecte de données policier pour enregistrer spécifiquement les motivations liées aux préjugés et garantir l'enregistrement des crimes de haine intersectionnels.

3. Incorporer les indicateurs de crimes de haine et de préjugés antisémites dans la formation obligatoire de la police, des procureurs et des magistrats, avec une formation avancée pour les référents locaux. Avec un investissement approprié, ce réseau émergent pourrait devenir un exemple de meilleures pratiques pour l'Europe.

4. Prendre des mesures permettant de veiller à ce que les motivations racistes et xénophobes soient prises en compte par les tribunaux nationaux en tant que circonstances aggravantes, comme l’exige la décision-cadre de 2008, notamment par des mesures juridiques et politiques, ainsi qu’une formation systématique du ministère public et de la justice.

5. Accroître la capacité des organisations juives à proposer des services de soutien aux victimes de crimes de haine antisémites, par le biais de financements, de la formation et d’un cadre de coopération fonctionnant comme un mécanisme d’orientation entre la police et les organismes offrant ces services.

Parmi les diverses recommandations émises par le CEJI, ils appellent à l'implication stratégique de plusieurs organismes clés afin de contribuer activement à la compilation de données précises et exhaustives sur les incidents antisémites. 

  1. Avez vous pris connaissance de ces recommandations concluant le projet « Jeunes contre l’antisémitisme » ? Quelles réponses apportez-vous à ces recommandations ?

  2. Dans le cadre du plan bruxellois de lutte contre le racisme qui prévoit l’amélioration de l’accueil et de l’accompagnement des victimes, la garantie d’une plus grande accessibilité et la simplification des signalements, comment comptez-vous renforcer la coordination et la réponse aux crimes de haine, en prenant en compte les recommandations spécifiques telles que la facilitation de la coordination des acteurs, l'amélioration des compétences techniques de la collecte de données policière, et l'intégration d'indicateurs dans la formation des forces de l'ordre ? Étant entendu que c’est votre collègue Rudi Vervoort qui peut intervenir.

 
 
Réponse    J’ai l’honneur de vous adresser les éléments de réponse suivants :


J’ai bien pris connaissance de ces importantes recommandations concluant le projet « Jeunes contre l’antisémitisme » du CEJI (Centre Communautaire Laïc Juif David Susskind). Il est en effet indispensable de renforcer la coopération et les compétences des différents acteurs dans la lutte contre les crimes de haine et dans l’accompagnement des victimes.


Comme vous le savez, le Plan bruxellois de lutte contre le racisme 2023-2026 a été adopté par le Gouvernement régional en décembre 2022. Il s’agit d’un plan transversal de toutes les compétences bruxelloises et impliquant tous les membres du Gouvernement et de nombreuses administrations.

Plusieurs actions de ce plan régional pilotées directement par equal.brussels visent à lutter contre l’antisémitisme, notamment à travers les axes transversaux de la prévention et la sensibilisation :

· L’action 1 consiste à continuer d’assurer un soutien financier aux projets associatifs, y compris visant la lutte contre l’antisémitisme dans le cadre des appels à projets d’equal.brussels.
· Dans le cadre de l’action 2, le site web de la campagne de sensibilisation #BrusselsYouCanDoIt a été actualisé avec des exemples portant spécifiquement sur l’antisémitisme. #BrusselsYouCanDoIt est tant une boîte à outils pour les victimes, afin de les informer de leurs droits et recours et de les inciter à témoigner, qu’un rappel du caractère délictueux du racisme aux auteurs des faits de racisme, y compris le phénomène de cyberhaine touchant particulièrement les personnes visées par l’antisémitisme.
· À partir de 2024, les institutions régionales bruxelloises commémorent trois journées internationales liées à la lutte contre le racisme dans le cadre de l’action 4 :
1. Le 27 janvier : Journée internationale dédiée aux victimes de la Shoah.
2. e 21 mars : Journée internationale de lutte contre le racisme
3. Le 8 avril : Journée internationale des Roms.
Les objectifs de ces commémorations sont, d’une part, de susciter la réflexion sur les faits historiques liés au racisme au travers du travail de mémoire et visibiliser les symboles utilisés en ce sens par les services publics. D’autre part, le but est d’informer et sensibiliser la population bruxelloise aux enjeux et défis soulignés par les thématiques des Journées internationales. Enfin, il s’agit de faire prendre conscience des stéréotypes et préjugés pouvant conduire au racisme et à la discrimination basée sur la prétendue race, couleur de peau, ascendance, nationalité, origine nationale ou dite ethnique.



Cette action est élaborée en partenariat avec Unia et la société civile : le CCLJ (Centre Communautaire Laïc Juif David Susskind) pour la Journée du 27 janvier, le MRAX (Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie) pour la Journée du 21 mars et le Service des Roms et Gens du voyage de l’asbl Le Foyer pour la Journée du 8 avril.
Un kit de communication sera diffusé par equal.brussels à toutes les administrations bruxelloises.

· L’action 16 rappelle que la Région participe activement aux concertations interfédérales et aux travaux internationaux, et notamment au Mécanisme de coordination national de lutte contre l’antisémitisme (ex-cellule de veille contre l’antisémitisme interfédéralisée dans laquelle la Région était déjà impliquée).
· Enfin, le Conseil consultatif bruxellois pour l’élimination du racisme en Région de Bruxelles-Capitale sera mis en place début 2024 dans le cadre de l’action 19 et traitera, entre autres, des questions d’antisémitisme.

La majorité des mesures de ce plan d’action régional contribuent indirectement à la lutte contre l’antisémitisme dans le cadre plus général de la lutte contre le racisme.


À titre d’exemple, l’action 5 pilotée par visit.brussels qui consiste à valoriser et développer l’offre de visites guidées, de visites de musées et de promenades en Région bruxelloise déconstruisant les stéréotypes racistes, accorde une attention particulière à la transmission de l’histoire de l’antisémitisme afin de mieux comprendre comment sont forgés les stéréotypes actuels et de mieux les déconstruire.


En outre, la question des crimes de haine qui touchent particulièrement les victimes d’antisémitisme est traitée à travers l’action 9 pilotée par safe.brussels et Brusafe visant à sensibiliser et informer les services de police sur les phénomènes de polarisation liée au racisme et la discrimination, et notamment la cyberhaine.

Des séances de la plateforme “Radicalisation - Polarisation” sur la cyberhaine, les discours de haine et la désinformation seront organisées afin de sensibiliser les membres de la plateforme, dont les référents radicalisme de chaque zone de Police, à leur danger et d’échanger les bonnes pratiques. Les actions développées favoriseront les connaissances et les capacités de la police bruxelloise à prendre en charge les faits de racisme et de discrimination, et à améliorer l’accueil des victimes.

De plus, l’action 10 également pilotée par safe.brussels, vise à l’amélioration des relations entre les services de police et les citoyen·nes à travers la promotion et l’échange de bonnes pratiques, la mise en place d’outils techniques et une communication ciblée.


equal.brussels suit le développement de ces actions dans le cadre du Pôle de compétences sur la lutte contre le racisme organisé par Brusafe aux côtés d’Unia et d’autres acteurs concernés. Ce pôle, qui vise à renforcer les compétences des métiers de la sécurité, regroupe des experts des différentes institutions bruxelloises autour du développement d'une approche multidisciplinaire, avec comme missions :

1. alimenter le cadastre des formations existant sur le thème en région bruxelloise ;
2. concevoir des parcours de formation à destination des agents ;
3. faire remonter les besoins en formation des acteurs de terrain ;

4. le cas échéant, assurer le reporting des mesures de formations contenues dans les différents plans régionaux.
Pour des réponses approfondies sur les questions de sécurité et de prévention, je vous invite à adresser vos questions à mes collègues compétents pour ces matières.

Depuis mon entrée en fonction, je n’ai eu de cesse de renforcer le soutien aux associations actives dans l’égalité des chances. Depuis 2019, de nombreux projets d’associations visant à lutter contre les différentes formes de racisme et en particulier l’antisémitisme ont reçu un soutien financier dans le cadre des appels à projets annuels lancés et suivis par equal.brussels. Les appels à projets thématiques qui visent le secteur associatif sont des instruments fondamentaux pour soutenir des projets portés par des experts, qui répondent à des besoins et aux réalités du terrain.

Parmi les associations travaillant sur l’antisémitisme soutenues par ma politique de subvention depuis 2019 se trouvent entre autres :
- European Jewish Community Center (EJCC) : 1 projet en 2022 (Dialogue et Diversité) et 1 projet en 2023 (Dialogue et Diversité).
- Koekelberg Promotion : 1 projet en 2021 (Koekelberg sous l'occupation : Shoah et Résistance).
- L’Institut d’Etudes du Judaïsme : 1 projet en 2022 (La haine des Juifs, c’est quoi ? C’est qui ? Et pourquoi ?) ;
- L’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB) : 2 projets en 2021 (La chanson de Sarah - La Pâque Juive et la fin de l'esclavage) ;
- Le Centre Communautaire Laïc Juif David Susskind (CCLJ) : 1 projet en 2023 (La cyberhaine négationniste : un défi majeur pour nos sociétés démocratiques).
- Le Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Xénophobie (MRAX) : 1 projet en 2019 (Cérémonie Ma Plume Contre le Racisme), 1 projet en 2020 (Campagne de sensibilisation et cycles de formation), 1 projet en 2021 (Connaitre mes origines), 3 projets en 2023 (Campagne : La police et moi, de la blessure à la résilience ! - Sacré bruxellois ! - La cyber-haine ? Non merci !) ;
- Le Musée Juif de Belgique : 1 projet en 2019 (Projet réalisé avec des jeunes du Lycée Guy Cudell de Saint-Josse), 1 projet en 2020 (Conférence : Minorités sexuelles et communautés religieuses aujourd'hui), 1 projet en 2022 (Let’s meet a Jew 1.2.3) ;
- Magma : 2 projets en 2019 (A côté de toi, Documentaire radio : Les jeunes de confession juive à Bruxelles - Magazine interculturel par les jeunes et pour les jeunes).
- Ras El Hanout : 2 projets en 2020 (Enfants d'Abraham - The One (et demi) Man Show), 2 projets en 2021 (La Schoule de Molenbeek - Pourquoi je n'ai pas porté plainte?), 1 projet en 2022 (Parloir), 1 projet en 2023 (BXL Plays for Diversity).

Par ailleurs, bien d’autres projets œuvrant de manière plus générale pour promouvoir la diversité ethnoculturelle ou lutter contre les discriminations et comportements haineux basés sur les critères dits « raciaux » sont soutenus.

En début d’année, equal.brussels a rencontré une centaine d’associations afin de leur présenter les appels à projets de 2023 et multiplie les canaux de communication pour toucher un maximum d’associations. Le calendrier 2023 comprenait deux appels pour les projets innovants, et intègre la nouveauté d’un appel pour les projets récurrents/permanents et un appel pour des subsides structurels. Un appel à projets visant spécifiquement à lutter contre la cyberhaine en lien avec le racisme et la xénophobie a également été lancé conjointement avec la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région Wallonne. Ces nouvelles subventions ont pour but de garantir un financement plus pérenne et solide aux structures qui se coordonnent pour plus d’efficacité et de valoriser leurs contributions aux travaux des pouvoirs publics régionaux.

Outre les appels à projets, la législation est un outil incontournable pour lutter contre le racisme et cela fait des années que la Région parle d’une ordonnance-cadre anti-discrimination qui harmonise la législation d’une matière régionale à l’autre, c’est pourquoi un travail de codification a été lancé.
Dans la continuité du renforcement législatif, le signalement doit être renforcé et le seuil d’accès aux services d’aide et de police, abaissé. Le rapportage doit également être affiné. J’ai déjà organisé une rencontre avec certains responsables de la police, notamment à ce sujet. Ces derniers travaillent activement, et en collaboration avec le monde associatif, à augmenter le rapportage circonstancié auprès des services de police.